–
Serrons-nousles uns contre les autres, mes amis, reprit-elle; Jeannin, veille sur l'enfant de ton seigneur; fais-en bien viteun hommefort et redoutableaux méchantscommetu
l'estoi-même Jeannine,chère petite, ne soyez plus triste. Parfois,
ce que je crains et ce que je souffre conduisent ma parole au delàde ma pensée. Venez m'embrasser, ma fille.
Jeannine courut à Mme Reine et lui baisa lesmains avec une ardeurpassionnée.Mme Reine
l'attira
surson cœur.<F
Aubry se cachait poursourire et ses yeux étaient humides.
Jeannin ne comprenait point trop ce qu'il y avait au fond de
) cet attendrissementsubit, maisil en
était
bien heureux.j
–
Dom Sidoine, dit Mme Reine, veuillez nous réciter les?'~e: Grâces.
Toutle monde se
Ic\
a T.e chapelain prononçal'oraisonlatine a hautevoix.je
vous prie, domSidoine, reprit la châtelaine, ajoutezun verset à notre prièredu
soir pour le salut de notre seigneur le duc en ce monde et dans l'autre.– Noble
dame, dit maître Bellamy, l'intendant, vous plaît-il recevoir aujourd'huimes comptes?Mme Reine s'appuya sur le bras maigre de maître Bellamy et sortit de la chambre. De même qu'une odeur d'ambroisie
restai
sur le passage de Vénus, de même une douce musique) de clés vibra dans l'air un
instant
après le départ de la jolie châtelaine.Quand la porte fut retombée derrière elle. dom Sidoine
J regagna sa retraite, afin de donner un coup d'oeil à ce certain manuscritdu ix~ siècle.
Marcoude Saint-Laurentprit sa volée, sans songer à tirer les
J cheveux de Fier-à-Bras.
Aubry releva sesyeux sur Jeanninequi baissa les siens.
Fier-à-Bras s'approchadu bon écuyer.
–
Maître
Jeannin,lui dit-il, si vous voulez,votre fille sera la femmed'un chevalier1Jeannin, étonné regarda le nain en face. Il eût mieux fait de regarderdu côtéd0messire Aubry, qui disaità sa fillette
Jeannine, je vous en prie, ne me refusezpas; il
faut
que je vous parle tLe nain riait à la barbedu bon Jeannin.
–
Oui, oui, ajouta-t-il en songeanttout
haut, et cette fois sans railler, oui, certes, et situ
avaisautant
de finessequetu
asde vaillanceetde loyauté,monami Jeannin,ce ne seraitpas une mésalliancepourle chevalier qui épouserait
ta
fille 1Jeannin étendit la main pourle saisir.
M'expliqueras-tu les billevesées que
tu
viens me chanter depuis un mois, méchantlutin?.
commença-t-il.Mais Fier-à-Bras,se retournant soudain, lui glissa entre les
jambes comme une couleuvre, passa sousla table et s'enfuiten riant.
VI
OÙ FIER-A-BRAS CONTINUE D'ÊTRE U~f NAIN D'IMPORTANCE
Dans la cuisine on n'avait pas encorefini de dîner. La cuisine était, sans contredit,beaucoup plus gaie que la salle à manger.
D'abordil y avait le cuivrebrillantdes chaudronsetbassins qui reluisaient allégrementà gauchede l'énorme cheminée.Ensuite
le soleil de midi jetait deux larges rayons par les fenêtres à barreauxde bois, et
mettait
en lumière des myriades d'atomes qui joyeusement tourbillonnaient. Sous la cendre du foyer quelques tisons fumaient. Le soleilse glissait oblique, détachait la grande crémaillèrede sou fond de suie diamantée, et donnaità la spirale de fumée qui montait avec lenteur des tons de perle et d'azur.
Ferragus et Dame-Loyse, placéssymétriquement aux deux coins du foyer et dormant du même sommeil dans une pos-ture semblable, eussent révélé au plus naïf des grammairiens l'étymologie frappante et authentique du mot clienet.
D'autres chiens de races mêlées gagnaientleur vie sous la table, entreles jambes des convives, ou bien se disputaient un fond d'écuelle sur la terre
battue
e" montueuse qui faisaitoffice de plancher.
A la
tête
des serviteursdu Roz se plaçait un vieux couple Mathurin et Goton,le mari etla femme. Mathurinétait
pourlesp
j
bœufs de labour et les chevaux detrait;
Goton tenait lalinge-rie. On les regardait comme deux époux modèles il y
avait
quarante ans qu'ils sebattaient
avec ndélité en s'aimant de même.Venaient ensuite Pelo le bouvier-engraisseur, Mathelin, le pasteur des gorets, et la petite Jouanne qui gardait les oies à
la mare.
Puis Josille le bûcheron, puis Bertrade la grosse trayeuse, puis maître Andoux le reboutoux (Rebouteur, chirurgien
villageois.)
Maître Andoux soignait d'un zèle pareil les chrétiens et les bêtes.
–
Atout
coup (1)! dit Josille, si c'est qu'on l'a vu, bien vu, vraiment vu, v'la qu'est drôle, ma foi jurée Quoiquetout
cequ'on dit ne sont point paroles d'Évangile
1.
6
– Boute-mâ
unp'tit
d'galette, Mathelin, cria Bertrade;et Ë'
quant à c'qu'cst d'ça qu'on l'a vu, qui quil'a
vu?L"
– Qui
qui l'a vu? répétaJosille de cet air qu'on prend pour faire une réponse péremtoirc et foudroyer l'incrédultié;àtout
coup, la Beitrade, ah dame, je ne sais point qui qui
l'a
vu,'i mais sûr et certain,on l'a vu, aussi vrai que
t'as
un petit-z-yeu et ungrand-z-yeu.
que ton petit ergardc à Dol, et queton
grand, ergarde à
Plédihen.
Bédame 1Cette
plaisanterie était du calibre voulu pour faire rire l'as-sistance.Bertrade,qui louchait, répliqua rondement– Oh ià, là, mon Dieu donc, José, mon pauv'gars 1 Quand c'est que j'ergardcds
tout
dretd'vant
mé, j'voyais toujouta
goule.
(2) et doucettement,pourne plusl'voir, ton bec, qu'est d'traviole,j'maihabituéeà ergarder gauchâ 1–
Mon doux Jésus sauveur; s'écria la vieille Goton; v'là comme les filles parlent més'hui hayen hayent'es t'une
défrontée, la Bertrade
7. (1) A ~0!~coupest une redondancebretonne,une sorte de !;cr~men/mMro armoricain. Un vrai bon gars de !a haute Bretagnenedit pas trois paroles sanslâcher: à toutcoup, qui se prononce ai' coup.
(2) Ta gueule,ta figure.
rin:.narid:îa'p~n: °"
rin, mari de la préopinante.
avec~na~ ~"homme?
demanda-t-elle avecTu m'en
m,
empecherais-ti.)a bonne femme?
j
à d'affreux combats entreBaucis-Gotcn et Philémon Mathurin.
Heureusement que te paysan