pour lui !c nuléHce. Personne n'ignore que le comte Otto est initié aux sorts n~p( litains et versé dans les mystères de la magie noire. Les enfants qu'il enlève et qu'on ne revoit plus, servent à ses terribles pratiques. M. de Coëtquen, mon seigneur, m'a conté comme quoi on avait mis à mort jadis le maréchal Gilles de Lavai, baron de Raiz, pour les enfants, jeunesgarçons et jeunes filles qu'il avait poignardes dans son château de Tif-fauges. Le Malin hurla pendant quinze nuits dans les forêts de Pousauges et de Château-Morand, pleurant son fils, décapité
$ par Le
glaive.
Si on coupe la tête du noble comte Otto, vous verrez que le Malin hurlera pendantunmois
I–
Et,
demanda Jeannin qui écoulaittout
cela fort atten-tivement,pourquoi le roi Louis onzième veut-il jeter unmalé-fice à notreseigneurle duc?
– Voilà fit l'Araignoire avec emphase;voi)~ ceque biendes
F clercs et même bien des gentilshommes ne sauraientpas vous
dire.
Mais moi, quandje voyage,celaprofiter
mon instruction.Ne vous impatientezpas, noble dame.
J* Le nain venait de surprendre un vif mouvement d'impa-tience échappé à la digne et grave M me Reine. Mais il se
j
faisait trop d'honneuren se l'attribuan on ne songeaitpointà lui. Madame Reine avait intercepté un regard que messire Aubry lançait à certaineadresse; elle avait vu en outre deux larmes qui roulaient sur la joue de Jeannine. La jeune filleles avait bien vite essuyées, ces deux larmes. Mais l'œil de
M '"c Reineétait agile.
Il n'y eut du reste que M"~ Reine à voir le regard de messire Aubry et les larmes furtives de la fillette. Jeannin
était tout
entierà sa tranchede bœuf presque achevée,et à l'histoiredu nain qui commençait. Marcou cherchait une espièglerie à faire. Dom Sidoineépurait, en idée, un texte obscurde certain manuscritdu ix~ siècle. Maître Bellamy se demandait combien Binic, le fermier du Moulin-Bernier,moudraitde sommes
à
undernier tournois la double, pour parfaire deux écus qu'il rede-vait sur son bail.
Tant il y a, reprit le nain, qu'après avoir mangé deux tourteschez k< mère Lequien,ettes deux tourtesétaientbonnes,
j'ai
pousséjusqu'au Mont-Sahit-Michelpour voir leroi.
Le roi est donc au Mont-Saint-Michel?demanda encore Jeannin.
Eh!
s'écria M~c Reine avec un peu d'aigreur, si vous ne laissez pas parler l'enfnnt il n'achèvera jamais 1–
Maître Jeannin, dit P'ier-à-Bras, vous êtes un soldat vaillant,mais du diablesi vous savez d'où vient le vent aujour-d'hui1.
Le roi est arrivé au Mont-Saint-Michelpour installerson nouvel ordre de chevalerie. Voilà qui sera beau,
la
fête de consécration Tubœuf messire de Coëtquen me donnera sa vieille cape pour me faire un pourpointneuf, et je marcherai derrièreles deux filles d'honneur de Mme Jeanne, sa femme, pour donner ainsi du relief à lamaison.
Donc, quand je suisentré au monastère, la grève était pleine de soudards français qui chantaient vêpres d'enfer, de pèlerins étrangersavec leurs enfants et leurs femmes. Tout cela grouillaitsur le sable; les
soldatspoussaientles pèlerinsqui maudissaient les sold&ts; les femmesfaisaient semblant de frémir et regardaientpar dessous
les casquesluisants; les enfants criaient comme un millier de pies! Moi, je mangeais le reste de ma deuxième tourte sans
rien dire un homme n'a que faire de se mêler à ces piailleries.
Voilà donc qu'on m'ouvrela porte et queje dis au tourier, qui est de mes amis
Bonjour, frère Ëtienne, je viensvoirun peule roi.
Eh bien, Tranche-Montagne,me répondit frère Ëtienne
(il a l'habitudede m'appelerTranche-Montagne),
tu
n'as qu'à attendre au bas de l'escalier de la salle des gardes; le roi va passer.J'avais fini ma secondetourte, qui était bien la meilleure des deux.
J'allai
m'asseoir sur la dernière marche de l'escalier. Les soudards me regardaient. Vous savez quetout
le monde me regarde. Pourquoi? Demandez aux innocents pourquoi ilsmirentla
lune
1J'entendis des pas derrière moi sur le pavé de la salle des gardes.
Je
me retournai.Je
vis un bonhomme àl'air
malade, habillé de drap brun, avec un bonnet à visière comme les co-quetiers montois. Asonbonnetpendaientdesamulettesd'étain.Il portait, attaché à une chaîne d'orfèvrerie,au beau milieu
de
la poitrine, un Saint-Michel en argent, gros comme la moitié de ma tête. II étaittout
seul avec le prieur claustral.Mais à ce moment-là, des trompettes cornèrent au dehors, et il se fit un grand remue-ménage. La porte du couvent
s'ouvrit
à deuxbattants.
Un seigneur doré, empanaché, un beau seigneur,celui-là, entra dans la courtine avec une escorte superbe.– Ah 1 ah me dis-je, voici, bien sûr, le roi 1
Non, non, me réponditfrère Étienne,qui
était
à côté demoi c'est Jean d'Armagnac, comte de Comminges, qui a été envoyéen mission près du duc de Bretagne.
La courtine s'emplissait de gentilshommes et de soldats.
Je
cherchais toujours le roi. Quand le comte de Commingesaperçutle bonhomme habillé de drap brun, il s'approcha et lui baisa la main. Après quoi, il lui parla en l'appelant Sire et Votre Majesté. Le bonhomme était bel et bien le roi Louis
onzième 1
Quelle que soit l'opinion du lecteur sur la façon de conter de Fier-à-Brasl'Araignoire, il est certain qu'il obtenait un énormesuccès d'attention.
Il poursuivit Le roi dit
–
Eh bien monsieur de Comminges, notre beau cousin de j Bretagne est-ilcontentde nous?Il paraîtquece Comminges s'étaitrendu auprès du duc Fran- 1
çois pourlui offrir, de la
part
du roi, le cordon du nouvel ordre 1de Saint-Michei.
– Par
monpatron
s'écria Jeannin,j'ai
entendu parlerdes i`
statuts
de ce nouvel ordre et du serment des chevaliers. Sinotre seigneurle duc a accepté,
autant
valait faire hommage- 1ligepourle duché deBretagne, et se reconnaîtresujet du roi.