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Où dort-il?

Dans le document A la plus belle / Paul Féval (Page 59-64)

Écoutez quand le ciel est clair, avez-vous vu, du rivage, ces points sombres qui tachent la mer embrasée?

Loin, bien loin, si loin que l'œil se fatigue à deviner ce qu'il voit.

Ce sont des iles.

Dans la plus grande de ces îles, le comte Otto a son palais, dont les colonnes sont d'or et de porphyre.

C'est là qu'il verse le sang des enfants et des femmes dans des vases de jaspe et de cristal.

C'est 1

Pour se défendre, il a la grande mer et l'aide du démon.

II a ses hommes d'armes, sa lance et ses maléfices.

Et

ce-pendant, il sera tué..

Allons soleil reviens si tu

veux

I

Fier-à-Bras avait guetté de l'œil le passage de la nuée. Le

soleil, docHe, inonda la vas!e cuisine cL fiL danser de nouveau la poussière dans ses rais larges et dorés.

Fier-a-Bras

n'était

plus un nain, c~etait un géant.

Les bonnes gens du Roz avaient envie de s'agenouiller

autour de lui et de baiser la poussièrede ses sandales usées.

vu

L'ÉGLISE F,T LE CIMETIÈRE }

Fier-à-Bras l'Araignoire était évidemment satisfaitde l'eiTet

!jj

produit par son éloquence. Il avait grand'peine à garder sa r gravité. Des gens moinscomplètement subj uguésquelesbraves -j paysans assis dans la cuisine du Roz auraient découvert, à des

symptômes infaillibles, que la nature espiègle du nain allait bientôt prendrele dessus, et que

tout

ce lyrisme devait finir en comédie.

Par

le fait, Fier-à-Bras était en équilibre entre deux fan-taisies.

La première le poussait à prolonger cette solennelle épou-vante qui serrait le cœur de son auditoire.La seconde

l'exci-tait

à faire

jaillir

brusquementle rire du beau milieu de cette terreur.

La chose était malaisée. Mais le nain

n'était

pointmodeste.

Eût. il-été nain sans ceia?

La première fantaisie cependant l'emporta. Il préféra le drame à la comédie. Seulement il changea encore une fois de ton et abaissa un peu le vol de son Pégase.

Mes amis, poursuivit-ilen prenant

cette voix

de contour sans emphase qui n'exclut point le mystère et appelle

l'inté-rêt, l'Homme de Fer sera tué, devinez

par

qui? V oyons, J

devinez Personne

ne répond? je vous ai fait peur avec ce

soleil? Oh! oh! je sais bien d'autres rubriques! Mais il ne

s'agit ni du soleil ni de moi, ni des relations que nous pouvons avoir ensemble. Parlons du MaudiL

Le comte Otto Béringhcm qui a la barbe bleue sera tué, non point par un tribunal de hauts barons et d'archevêques, commeGilles de Lavai, baron de Raiz;

Non point par les soldats du roi Louis de France;

[

Non point par les hommes d'armes de François de Bretagne;

Non point par la lanced'un chevalier;

Non point par la foudre de Dieu tout-puissant

Le comte Otto Béringhem, l'Homme de Fer qui a la barbe bleue périra par la main d'une femme

D'une femme répéta

tout

d'une voix l'assistance, réveillée à ce coup.

D'unejeune fille, reprit Fier-à-Bras; et ce n'est pas moi qui le dis.

Je

ne suis pas sorcier, quoique vous en ayez, mes braves gens. Je ne suis non pas plus assez saint pourque Jésus ou la Vierge me révèle

l'avenir.

Avez-vous entendu parler d'Enguerrandle Blanc, l'ermite du mont Dol?

Si nous avons entendu parler du bienheureux

Engucr-rand s'écria dame Goton.

Femme, retiens

ta

langue fit Mathurin.

De quoi Tu m'empêcheras peut-être de dire que c'est

le bienheureux Enguerrandqui a béni mon rosaire 1

Je

dis que

tu

ferais mieux d'écouter 1

Et

toi, tu ferais mieux de te

taire

1

Patience des anges! s'écria Mathurin sans dents en

ser-rant

les poings.

J'ai envie.

De quoi? de quoi as-tu envie, l'homme? ripostala bonne femme en prenant sa posturede combat.

La Goton, prononça Fier-à-Bras d'un

ton

sévère, les

chapelets que bénit le saint ermite du mont Dol se changent

en couleuvres dans la poche des méchantes femmes 1

Oh

gronda Mathurin, la femme doit avoir une cou-leuvre sous son tablier, alors, pour sûr 1

La

paix

Le matin de la Noël dernière, le bienheureux

Enguerrand

était

sur le pas de son ermitage avec sa vache blanche qu'il appelle Alba. L'Hommede Fer chassait à courre

dans le marais. L'ermite faisait ses oraisons au pied du mont J

DoJ. Une belle petite chevrette grimpa la bruyère et vint se cacher derrière la vache qui broutait à côté du saint homme.

L'ermite étendit la main. Les chiens courants passèrent au

loin, sans plus flairer la trace de la chevrette. a

Mais un cavalier monta tout droit à l'ermitage, un cavalier

à la barbe bouclée, noire avec des reflets bleus comme la t

mer.

j

Je

suis le comte Otto Béringhem, dit-il, fais retirer

ta

vache, vieillard, afin que je mette l'épieu dans le ventre de mon gibier.

Tant pis pour toi, si

tu

es le comte Otto Béringhem, j réponditl'ermite; tongibier està moi,puisqu'ilest àl'ombrede

ma croix de pierre. Passe ton chemin, et je prierai Dieu qu'il t'envoie des pensées de pénitence.

L'ogre se prit à rire.

Moi, cagot, s'écria-t-il, je prierai le diable qu'il t'envoie Í

de bonnes pensées

d'amusette.

Fais retirer

ta vache

1

Comme l'ermite ne répondait point, Otto leva l'épieu qui s'enfonça jusqu'au manche dans les flancs d'Alba, la vache blanche. L'ermite tendit encore la main. L'épieu sortit de la blessureet tomba à terre. Il n'y avait pas une seulegoutte de sang au fer. La vache blanche continuait de brouter; la

che-vrette

s'était

couchée et soumait. J

Le comte blasphéma et tira son épée. i

Le saint ouvrit son livre d'évangiles.

L'épée du comte se courba au vent et se balança. EHe s'était j

Dans le document A la plus belle / Paul Féval (Page 59-64)