parole t
Pendant que Bruno parlait, l'homme au surcot brun
sou-riait d'un air bien honnête, ce qui .ic l'empêchait point de réfléchir..
–
Vous devezêtrediscret comme un saintde bois, mon bon frère, dit-il, cela se voit dureste
et je n'hésitepas un seul ins-tant à vous confierles destinées de la France.FrèreBruno se redressa et prit
l'attitude
qui convient à un <hommedontles oreilles vontentendre un oracle.
Entre la Bretagne et l'Anglais, reprit Pierre Gillot, Dieu a mis la grande mer, entre la France et la Bretagne, Dieu n'a mis qu'un ruisseau qui oserait prétendre que Dieu fait les choses à l'aveugle ou à la légère? La Bretagneest à la France comme le fleuve est à l'Océan, comme le bras est au corps.
Cela doit être; cela sera
Mon compère,
dit
Bruno, vous m'avezouï parlertout
à l'heurede M. Hue de Maurever, seigneur du Roz, de l'Aumône et de Saint-Jeandes Grèves?Celui qui ajourna le duc François 1er au tribunal
céleste? (
Précisément. Si j'en reviens à lui, c'est que Jeannin, mon ami,
était
son serviteur, et que M. Hue songeait biensou-ventà ce que vous dites. t
– II
était de mon sentiment? demanda Gillot avec vivacité.Comme le patient est de l'avis du bourreauqui lui crie
II faut mourir! Non, non, mon compère! Celui-là
était
un Bretondu vieux sang Mais ce que vous désirez,il
le redoutait et cela me frappe.Vousplaît-il
queje vous récite la manière deprophétiequeM. Hue nous fit à son lit de mort?
Cela me plaît répondit Gillot sans hésiter.
FrèreBruno
n'était
point habitué à pareil empressement.Il se sentait véritablement grandir devant cet homme qui lui confiaitdessecretsd'État
etqui ne demandaitpas mieux quede l'écouter.
C'était au manoir du Roz, reprit-il, là-bas, de
l'autre
côté de la mare Saint Coulman.
Je
me trouvais là pour unevisite d'amitié que
je
faisais à la pauvre Simonnette Le Priol,la défunte femme de Jeannin. M. Hue tremblait son agonie
depuis
le
matin. Quandle
soir tomba,il dit au prêtre–––
« Appelez mon fils Aubry, ma fille Reine et le petit Aubry leur enfant;
~Pei~nsi~ur
mon cousin Monn de Maurever,A
seigneur
d'l
Quesnoy, appelez Berthesa fille;appelezJeannin,le bravehomme.
et tods, et toutes, car je vais rendre mon âme à Dieu, mon créateur. »Ilsvinrenttous.Etils étaient beaucoup qui pleuraient, parce que l\laureveravait vécu en gentilhommeet en chrétien doux aux faibles, dur aux forts. MessireAubry et b~Im« Reine
lui donnèrentla main. Il me semble encoreentendre la voix du vieillardlorsqu'ilse leva sur sonséant pourla dernière fois.
« Mes amis, dit-il, mes serviteurs etmes enfants, voicil'heure
de m~ mort.
Je
vais prier pour vous dans un me.l'eurmonde.fi Ne me
Reine~~e,"conomisetesIarmes:tusounrirascrueUement ~m:e~~
regrettezpas.J'ai
tropvécu.tu
me suivras de près;et longtemps sur cette terre.
« Aubry 11, mon
petit-fils,
tu verrasla
Bretagnemourir.
»Pierre Gillottressaillitcomme onfait à unchoc violent.
1
Si
vousvou!ez, mon compère, fit Bruno, je n'en dirai pasr davantage.
~~itmon frère, si
fait
mes nerfsont
cinquante ansd
bientôt. Ils ne me demandentplus licence pour. tirailler mesmembres.
Vrai Dieu,
compère, moij'ai
vingt années de plus que'`
v.us.~sn~nesetiennentquctropenr~s~
nue, puisque c'est votre bon plaisir. M. Huedit donc ceci
« verras la Bretagnemourir!
)
·~Il fit un silence, pendant quoi on n'entendit que le bruit des
~=.
lit où deux lévdersbrodés
soutenaientl'écusson de Bretagne. Ses yeux éteint5re-Ã.' vivaient et s'inspiraient.
« Honteà nous,
reprit-il
d'une–
malheur àenfants "t.n~«'°"°"'
1enfantsqui subirontle joug étrangeret qui perdrontle nom de leur pays 1
« Ecoutez 1 nospères sont venusde Galleset de Cornouailles.
Mais ce sont des Saxonset des Normands qui sont maintenant aux pays de Cornouailleset de Galles.
« Ne vous faites pas Anglais 1
« Le Français vient.
Bretons
ô vieux fils de Murdoch oùsontvos lances?
« Ne vous faites pas Français t
« Mettez plutôt votre sang dans la rivière du Couesnon qui s'élargira comme une mer pour séparer les Français des
Bretons
1« Éoutez 1 voici les lances de Bretagne: voici les épées de Léon et les épécs de Tréguier Voici les chevaliers de Kerne Voici les hommes d'armes de Quimper! Nantes! Rennes!1 VannesSaint-M:o
Doi
et Pontivy bonnes viHes, soldatsvaillants Fougères, Vitré, Morlaix, Lannion, Guingamp, Re-don, Montfort, Lamballe, Moncontour, Hennehon La France a-t-elle plus de cités que nous et de plus fortes
~ar
j'oublieChâteaulin, Combourg. Loudéac, Saint-Pô!. Paimpol, Brest,
!e grand port de mer; Pontorson, Q'JmperIé, Chateaubriand~
Pbërmc! et Guérande! C'est un ancien royaume que notre
Bretagne Combatte?-et mourez ne vons faites pas Français
« Mes parents, mes enfants, mes vassaux, je suis content de mourir, puisqueceux qui vivront vivront déshonorés.
« Écoutez tes années ont passé. La France a reculé devant
le jeu de l'épée. Louis
XI
est mort, mais son esprit cauteleux luisurvit.
»Eh
bien
mon compère s'écria ici Bruno, qu'avez-vousdonc 1
Les dents de Pierre Gillotavaientclaquéà ce mot « Louis
XI
est mort.» et il était