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Oh quant à cela, sur ma foi, je n'en sais rien répliqua

Dans le document A la plus belle / Paul Féval (Page 124-129)

-lavette; je ne m'occupe pas beaucoup de ce petit monde. Mais quejevous racontedonc quelque chose qui va bien vous

diver-tir une histoire de l'Ogre des Iles

Javottc

(lui

s'était

éloignée pourvoir a distance l'effet de la

coiffure, ne s'aperçut point qu'un tremblement faible agita

tout

à couples paupières de sajeune maîLresse,pendant qu'une nuance de pâleur plus materemontait à son front.S'en fut-elle aperçue, que rien ne lui eût semble plus naturel, car il sunisait

de prononcer le nom terrible du comte Otto Béringhsm, l'Homme de Fer, pour faire pâlir et tremblerles jeunes filles.

C'était le grand épouvantaildes côtes normandes eL bre-tonnes.Le peu de mots que nousen avons dit dans les premiers chapitres de cette histoire, l'ont montré déjà sous ce jour fan-tastique et mystérieux qui grandit héros et coquins au-dessus de la taillehumaine.

Mais nous n'avons pu dire l'innombrable quantité de ver-sions, changeantde lieue en lieue, le long de la côte, qui prê-taient cent figures diverses au même personnage, et le char-geaient d'un fardeau de péchés que n'eussent pu porter cent larges consciences de réprouvés.

Le fond de

tout

cela

était

manifestementune réminiscence des horreurs idiotes et sauvages, révéléesparles récents procès du maréchal de Baiz. L'esprit public

avait

été violemment frappé. On voyait partout des crimes contre nature, des mi-rades que la science des alchimistes promettait toujours pour

ne les produire jamais.

Chaque forêt

était

alors peuplée d'esprits malfaisants. Le plus clair taillis avait son petit diable qui égratignaitles pas-sants, lorsque sa faiblesse ne lui permettait point de leur

Lctdrc le cou.

Les épouvantables fêtes du château de Barbe-bleue, les sépulcresvioles, les autels profanés et tachés de sang humain, les caves de Tiffaugcs, pleines d'ossements qui n'avaient pas voulu se changer en or, le grand chêne creux de Pausauges, mutilé d'en haut par le feu céleste, brûlé d'en bas par l'haleine

de l'enfer,le puits de Craon bouillonnaitl'eau chaude et rouge, enfin ces sombres et magnifiques galeries l'infâme Florentin Prélaii s'entretenaitavec leroi du mal,

tout

celaavait été consacré pas desdébats publics, suivisd'un arrêt solennel.

Et les juges étaient Jean de Malestroit, évoque de Nantes, chancelier de Bretagne, et Pierre de l'Hospital, sénéchal de Rennes, président de Bretagne.

Ces hauts seigneurs, l'un prince de l'Église,

l'autre

à la fois homme

d'état et

chef de la magistrature avaient recueilli l'aveu des coupablesen pleine séance de l'othcialité.

Et chacun se souvenait de l'échafaud tendu de noir où Gilles de Raiz, le fils du grand comte Brémorde Lavai, était monté,

les mains jointes, la tête rase, les larmes aux yeux.

Des années s'étaient écoutées depuis

lors;

mais les choses sombres et terribles ne s'oublientpas en Bretagne.

Les veillées répétèrent le nom maudit de Gilles de Raiz pen-dant bien longtemps, et la poésie, qui est l'âmedeschaumières bretonnes s'empara de !a légende pour la perfectionner, pour l'exagérer, pour la diviser a l'int~ii, et composer avec chacun de ses tronçons un conte à hérisser

ks

cheveux.

Le diable a toujours été grandement à la mode chez les bonnes gens de nos côtes de l'ouest. Il était alors plus à la mode que jamais. Chacr

savait

bien qu'il y avait dans les roclies de Pen-Marchdes hommesà longues cheveluresbleues, nourris de l'écume des mers, qui savaient le mot formidable auquel obéit la tempête.

Auprèsdes grottesdruidiquesde Sen, parmi les troncs sacrés qui abritaient jadis les prétresses (ceux qui ne croyaient pas pouvaient y aller voir), un Gaulois, plus âgé que le monde, écrasait de son souflle les navires en détresse dans la baie des Trépassés.

Carnac.chaque nuit de Noël,voyaitune pierrede plus grossir l'armée de ses mystérieux f? en/ïtrs. Et vingt-quatre vierges de la ville de Carentoir, égarées dans la forêt de Rieux, ali-gnaient, sous les roseaux de l'Oust, leurs pauvres squelettes, disséqués par la Femme Blanche des Marais, ce gigantesque fantôme, habillé de brouillards qu. plane au-dessus du gouffre de Trémculé.

Pourquoi? Hélas jeunes et vieux pouvaient répondre parce que

tout était

confusion et impiété sur la terre; parce que la sainte croix des paroissesn'avait plus le pouvoirde pro-téger les alentours f

Il eût été bien singulier que, dans ce déluge de croyances surnaturelles, les grèves du mont Saint-Miche), si fertiles en malheurs, les côtes brumeuses et ces îles que l'œil devine au loin, par delà Tombelène. restassent sans légende. Aussi en curent-elles plutôt dix qu'une seule, et l'Homme de Fer, l'Ogre des îles, fut comme le

Jupiter

de cette obscure et fan-tasque mythologie.

Le comte Otto Béringhcm

était

dans le pays depuis quatre ans. Le motif apparent de sa venue avait été un pèlerinage à la basilique du mont Saint-Michel; mais il n'y

était

entré qu'une fois, armé, visière baissée, et on

l'avait

emporté a bras hors de la chapelle il était tombé dès

l'introït

de la messe, comme si la foudre de Dieu l'eût atteint.

Une chose étrange parmi tant de bizarreries, c'est que personne n'avait aperçu jamais le visage du comte Otto. La galerie de son casque, couronné de perler,

était

toujours fer-mée.

Les uns prétendaient qu'il était noir comme les sauvages des sources du Nil, les autres disaient que la visière de son casque d'or recouvraitle visage d'un squelette. Les premiers approchaient peut-être davantage de la vérité, car le comte Otto avait toujours à sa suite deux écuyers et quatre servants d'armes qui, tous les six, étaient de race nègre.

Il les habillait de soie blanche brodée d'argent.

Maintenait, comment exprimer cela? le comte Otto

était

triple il y avait en lui l'Homme de Fer, à la barbe bleue, l'ogre et le spectre des légendes allemandes, apportées en Bre-tagne par les pèlerins du Mont. Les gens de la campagne bre-tonne conçoivent et rendent parfaitement ces prodigieuses multiplications de l'être. En thèse générale, leur esprit, saturé de récits merveilleux, n'a besoin d'aucuneffort pour admettre l'impossible. Le comte Otto Béringhem, sous sa

pre-mière espèce, l'Homme de Fer

était

un guerrier armé de toutes

pièces, monté sur un grand cheval noir, et suivi de six Éthio-piens couleur d'ébène qui portaient des tuniques blanches.

1 .'Ogre des Iles, au contraire,

était

un monstrevelu, courantla nuit, à poiLsur un cheval sauvage,

tout

nu, avec une hache dans la main, de la fumée dans les dents, du feu dans le creux de ses yeux.

Et pourtant

l'Ogre et l'Homme de Fer étaient bien la même personne, qui se transformait au besoin et prenait une troisième apparence. Celle-ci

était

le rêve germanique un beau jeune homme, pâle comme le linceul des morts, froid, triste, muet, des cheveux noirs soyeux, sur un front d'ivoire, des mains plus blancheset plus efféminées que les mains d'une

fille noble, un regard doux, une voix grave et

tendre.

Or, choisissez entre les trois

Et

ne vous étonnez plus s'il y eut un peu d'émotion chez la jolie Berthe de Maureverquand

Javotte,

sa chambrière, lui annonça qu'elle allait conter une histoire du comte Otto Bé-ringhem.

XV

A LA PLUS BELLE

Javotte

commcnç ainsi cettehistoire qui devait

tant

diver-tir Berthe de Maurever

Voilà donc qu'hier,à la brune, on a ferméles portesde la

\Hle, à cause des soudards du roi de France qui campent

là-has, de

l'autre

côtéde Couesnon,au bordde la grève. C'est bon.

\Iais il y a des êtres qui passent par les portes fermées, pas vrai?

Et

à propos des soldats du roi de France, j'espère que nous allons en avoir, des fêtes, en veux-tu en voilà

1.

Elle s'arrêta pour comptersur ses doigts.

Tenez1 fit-elle, nous avons d'abord l'assemblée (1) de

Pontorson, d'ici et de là du Couesnon Bretagneet Normandie, avec les milliers de pèlerins des grèves, oh 1 mi Jésus1 ce sera beau, par exemple voilà pour une. Nous avons ensuite la '~ranoe cérémonieoù le roi consacrera ses nouveauxchevaliers

de Saint-Michel tournois, joutes, bagues et le

tra

déri déra

la 1 Ça fait deux. Vous en serez, si vous voulez; pas moi.

Nous avons enfin la réception de notre seigneur le duc qui va venir en sa bonne ville de Dol avec

toute

la cour

nantaise.

– Mais ton

histoire, ma fille 1 dit Berthe.

C'est

vrai,mon

histoire.

Ily a donc des êtres quipassent

(1) On nomme ainsi les fêtes patronales dans la haute Bretagne.Dans

le Morbihan, le Finistère et les Côtes-du-Nord, ce sor.t les pardons.

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