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ne fût pas la fille d'un gentilhomme, Berthe la traitait en tout

Dans le document A la plus belle / Paul Féval (Page 134-141)

comme sonégale et son amie. j

Tu ne m'aimes plus 1 reprit-elle les larmes aux yeux

et

le.rouge au front; et sais-je ce que j'ai fait, moi, pour que

tout

le monde me délaisse? suis-je donc méchante? suis-je

donc.

Oh que vous êtes bonne, demoiselle Berthe!

tout

le

monde vous aime. r

Demoiselle

tu

m'appelais Berthe autrefois, Jeannine.

T'ai-je donc jamaisfait sentir la distance que le hasard a mis entre nous? N'ai-je pas dit bien haut et bien souvent

qu.

je

tenais ton digne père pour noble homme par le cœur et par la vaillance?

Vousavez toujoursété

la

meilleure,la plus douce, la plus

indulgente.

mdulgen~s'écria marchantvers la fenêtreque

Javotte

avait ferméeavant de sortir;

tu

ne sais plus meparler t

Uyaquelquechoseentrctoietmoi.Toutàl'heuresurunconte

de cetteétourdie de Javotte, jet'appelaisma

rivale.

Au nom de

Dieu

s'écria Jeannine effrayée, ne croyez pas cela, demoiselleBerthe.

Berthe,qui avait la mainsur la

targette

de la fenêtre, ner

put

s'empêcherde sourire. Elle pesa sur

le

pommeaudela targette, et la fenêtre s'ouvrit, laissantpasser un clair et vif rayonde

soleil.Berthe regardait Jeannine,qui restait

toute

confuse.

Voilà que je

t'ai

fâchée, dit-elle doucement et comme on demande grâce; il faut donc queje t'explique cettefolie. La rue est entre nous deux, et l'on a trouvé dans la rue un ruban

portant

ces mots A

la

plus belle! Voilà pourquoi

Javotte

disait.

Elle eutla parole coupée.

Une flèche, lancée par une main mystérieuse, passa par-dessus le balcon et vint se ficher dansle plancher, juste entre

les deux jeunesnilles,à égale distance de chacune d'elles.

Ily avait quelquechose

d'attaché

sous les barbes.

Quand la flèche ne trembla plus, Berthe et Jeannine recon-nurent en mêmetempsquel'objet qui pendait au bois

était

un

cœur d'or semé

tout

de saphirs.

Elles s'approchèrent,curieuses, malgré leurfrayeurétonnée.

Les saphirs formaient des lettres entrelacées qui disaient la plus belle

XVI1

RIVALES

Celui qui avait imaginé cette bizarre et dangeureuse galan-teriene devaitpas être très loin, carla flèche, dirigée avec une

merveilleuse adresse,

avait

du raser la joue de Berthe pour se

planter entre elle eL sa compagne. Comme nous l'avons dit, le logis de dame FanchonLe Priol occupait

l'autre

cûté de la rue.

Derrière le logis de dame Fanchon, qui

était

bas et à un seul1 étage, il y avaitdes terrainsvagueset des masures.

C'était de là très certainementque le coup était parti.

L'effroi de Berthe

n'avait

été qu'un mouvement passager.

Celuide Jeannnine durait encore.Berthe montasur lebalconet regarda de tous ses yeux. La rue était déserte. Dans les orties, broussailles et pauvres ruines qui s'étendaient à perte de vue derrière la petite maison Le Priol, personne ne se montrait.

Berthe rentra et ferma la croisée.

Jeannine était toute tremblante.

Je

n'ai plus besoin de te rien expliquer, ma fille,

dit

Berthe;

tu

vois ce que

c'est.

Et, aujourd'hui comme hier, la pomme tombe entre nous deux. Est-ce pour toi, est-ce pour moi?

C'est pour vous, répliqua

Jeanne

puisque c'est pour la plus belle.

Assieds-toi là,

flatteuse

Ce n'est pas parce que ces

présents mystérieuxsont destinés à la plus belle que je me les attribue, c'est parce

que.

Elle hésita et jeta un regard furtif sur Jeannine qui était très pâle.

– Mais tu

as peut-être, toi aussi, des raisons, dit-elle en baissantla voix,pourcroire qu'ils te soiu adressés?

C'est

vrai, dit Jeannine.

Et

cela

fut

prononcé vivement, comme si elle eût été bien aisede faire un aveu à son tour.

Elle songeait. Elle songeaita ce hasard é' ~angequila

mettait

deux fois en facedeBerthe et qui la faisait deux fois sa rivale.

Et

combien de bon cœur elle lui cédait le bénéfice de cette seconderivalité 1

Quant

à

l'autre, pauvre Jeannine! Ne vous suffit-il pas qu'elle

ait

perduson gai sourire?

Aubry Aubry Depuis quinze jours, ce nom

était

sur sa

lèvre et dans sa pensée. Mais elle ne mentait pas quand elle disait à Berthe « Non, mademoiselle,je ne suis pas votre ri-vale. »

Elle ne mentait pas, car on ne pèche que par la volonté. Or, la pauvre Jeannine

s'était

enfuie du manoir du Roz précisé-ment pour n'être pas la rivale de la fille de Maurever.

Elle aimait, c'est vrai; mais elle combattait vaillamment contreson cœur.

Berthe se trompait, Jeannine

était

son amie plus quejamais.

Seulement,Jeanninene pouvaitplus se livrer aux joyeuses ca-resses qui égayent les entretiensdes jeunesfilles. Elle se sentait condamnée depuis le jour où elle avait quitté le Roz. Elle n'espérait plus.

Et

la recherche obstinée d'Aubryluifaisaitpeur.

Ah reprit Berthe intriguée,

tu

as des raisons de penser cela? Quelles raisons?

< Au lieu de répondre, Jeannine

tira

de son sein un petit médaillond'or guillochécesmêmesmots, répétés déjà

tant

de

fois à la plus belle setrouvaientgravés aupoinçon.

Berthelaissa échapperunmouvement de surprise.

A\ anL-hier, dit-cUc. en m'cvciiian~,j'en ai. trouvé un tout pareil à mon chevet.

C'est à mon chevet, avant-hier, en m'éveillant, que

j'ai

trouvécelui-là,murmura Jeannine.

Il y eut un silence.

Les deux jeunesfilles se regardaient;, également étonnées.

Et.

articulaBerthe av~c effort,l'as-tu vu?

Cette question choquait toutes les règles de la grammaire.

Enbonne syntaxe, l'articlele devaitse rapporter au médaillon, et

pourtant il

ne s'agissaitplus du tout du médaillon.

Jeannine

n'eût

pas été femme si elle eût pris le change. Elle répondit sans hésiter

Je l'ai

vu.

Comment est-il? demanda Berthe.

II

est

beau.

plus beau que pas unde nosjeunesgens.

C'est

vrai, murmura Berthe comme en se parlant à elle-même; Aubry lui-même est moins beau que lui.

Oh 1fit Jeanninevivement, ce n'est pas la même chose1

Et

se reprenant aussitôt, elle ajouta

Je

veux dire qu'ils ne sont pas du même âge. Celui dont nous parlons a bien vingt-six ou vingt-septans à peu près.

II

est blanc de teint, n'est-ce pas, comme un enfant ou une femme,et si

pâle.

Oh

si pâle qu'on dirait un mort de marbre sculpté sur uns tombet

Oui.

et pourtant chacun de ses mouvementsdécèle la vigueur.

C'était Jemmine qui disaitcela.

Berthe repli

t

La première fois que je le vis, moi, c'était en la cathé-drale. Il

était

adossécontrele second pilier dela nef, à gauche, et un rayonbleutombait duvitrail quifait la robe de la Vierge, sur son front triste.

Je

ne sais pourquoi mon cœureutle

frisson.

Il vint du froid jusqu'en mes veines1

Moi, répliqua Jeanmne, je l'aperçusà la chapelle Saint-Jean. C'étaitle soir au salut. Il s'appuyait contre la btatuede

Tt~n~fTotioto T a h<t~ \7f~noii ftana Rps

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r~airs et

fr

& l'Ëvangéliste. La lune venait dans ses yeux, clairs et froids

comme du

cristal.

Et

il me regardait, poursuivit Berthe; il me regardait1

Moi de même; j'en perdis presque le fil de mon oraison 1

Et

son nom, demanda Berthe,le sais-tu?

Dans le document A la plus belle / Paul Féval (Page 134-141)