comme sonégale et son amie. j
Tu ne m'aimes plus 1 reprit-elle les larmes aux yeux
et
le.rouge au front; et sais-je ce que j'ai fait, moi, pour quetout
le monde me délaisse? suis-je donc méchante? suis-jedonc.
Oh que vous êtes bonne, demoiselle Berthe!
tout
lemonde vous aime. r
Demoiselle
tu
m'appelais Berthe autrefois, Jeannine.T'ai-je donc jamaisfait sentir la distance que le hasard a mis entre nous? N'ai-je pas dit bien haut et bien souvent
qu.
jetenais ton digne père pour noble homme par le cœur et par la vaillance?
Vousavez toujoursété
la
meilleure,la plus douce, la plusindulgente.
mdulgen~s'écria marchantvers la fenêtreque
Javotte
avait ferméeavant de sortir;tu
ne sais plus meparler tUyaquelquechoseentrctoietmoi.Toutàl'heuresurunconte
de cetteétourdie de Javotte, jet'appelaisma
rivale.
Au nom de
Dieu
s'écria Jeannine effrayée, ne croyez pas cela, demoiselleBerthe.Berthe,qui avait la mainsur la
targette
de la fenêtre, nerput
s'empêcherde sourire. Elle pesa sur
le
pommeaudela targette, et la fenêtre s'ouvrit, laissantpasser un clair et vif rayondesoleil.Berthe regardait Jeannine,qui restait
toute
confuse.Voilà que je
t'ai
fâchée, dit-elle doucement et comme on demande grâce; il faut donc queje t'explique cettefolie. La rue est entre nous deux, et l'on a trouvé dans la rue un rubanportant
ces mots Ala
plus belle! Voilà pourquoiJavotte
disait.
Elle eutla parole coupée.
Une flèche, lancée par une main mystérieuse, passa par-dessus le balcon et vint se ficher dansle plancher, juste entre
les deux jeunesnilles,à égale distance de chacune d'elles.
Ily avait quelquechose
d'attaché
sous les barbes.Quand la flèche ne trembla plus, Berthe et Jeannine recon-nurent en mêmetempsquel'objet qui pendait au bois
était
uncœur d'or semé
tout
de saphirs.Elles s'approchèrent,curieuses, malgré leurfrayeurétonnée.
Les saphirs formaient des lettres entrelacées qui disaient la plus belle
XVI1
RIVALES
Celui qui avait imaginé cette bizarre et dangeureuse galan-teriene devaitpas être très loin, carla flèche, dirigée avec une
merveilleuse adresse,
avait
du raser la joue de Berthe pour seplanter entre elle eL sa compagne. Comme nous l'avons dit, le logis de dame FanchonLe Priol occupait
l'autre
cûté de la rue.Derrière le logis de dame Fanchon, qui
était
bas et à un seul1 étage, il y avaitdes terrainsvagueset des masures.C'était de là très certainementque le coup était parti.
L'effroi de Berthe
n'avait
été qu'un mouvement passager.Celuide Jeannnine durait encore.Berthe montasur lebalconet regarda de tous ses yeux. La rue était déserte. Dans les orties, broussailles et pauvres ruines qui s'étendaient à perte de vue derrière la petite maison Le Priol, personne ne se montrait.
Berthe rentra et ferma la croisée.
Jeannine était toute tremblante.
Je
n'ai plus besoin de te rien expliquer, ma fille,dit
Berthe;tu
vois ce quec'est.
Et, aujourd'hui comme hier, la pomme tombe entre nous deux. Est-ce pour toi, est-ce pour moi?–
C'est pour vous, répliquaJeanne
puisque c'est pour la plus belle.–
Assieds-toi là,flatteuse
Ce n'est pas parce que cesprésents mystérieuxsont destinés à la plus belle que je me les attribue, c'est parce
que.
Elle hésita et jeta un regard furtif sur Jeannine qui était très pâle.
– Mais tu
as peut-être, toi aussi, des raisons, dit-elle en baissantla voix,pourcroire qu'ils te soiu adressés?–
C'est
vrai, dit Jeannine.Et
celafut
prononcé vivement, comme si elle eût été bien aisede faire un aveu à son tour.Elle songeait. Elle songeaita ce hasard é' ~angequila
mettait
deux fois en facedeBerthe et qui la faisait deux fois sa rivale.
Et
combien de bon cœur elle lui cédait le bénéfice de cette seconderivalité 1Quant
à
l'autre, pauvre Jeannine! Ne vous suffit-il pas qu'elleait
perduson gai sourire?Aubry Aubry Depuis quinze jours, ce nom
était
sur salèvre et dans sa pensée. Mais elle ne mentait pas quand elle disait à Berthe « Non, mademoiselle,je ne suis pas votre ri-vale. »
Elle ne mentait pas, car on ne pèche que par la volonté. Or, la pauvre Jeannine
s'était
enfuie du manoir du Roz précisé-ment pour n'être pas la rivale de la fille de Maurever.Elle aimait, c'est vrai; mais elle combattait vaillamment contreson cœur.
Berthe se trompait, Jeannine
était
son amie plus quejamais.Seulement,Jeanninene pouvaitplus se livrer aux joyeuses ca-resses qui égayent les entretiensdes jeunesfilles. Elle se sentait condamnée depuis le jour où elle avait quitté le Roz. Elle n'espérait plus.
Et
la recherche obstinée d'Aubryluifaisaitpeur.– Ah reprit Berthe intriguée,
tu
as des raisons de penser cela? Quelles raisons?< Au lieu de répondre, Jeannine
tira
de son sein un petit médaillond'or guillochéoùcesmêmesmots, répétés déjàtant
defois à la plus belle setrouvaientgravés aupoinçon.
Berthelaissa échapperunmouvement de surprise.
–
A\ anL-hier, dit-cUc. en m'cvciiian~,j'en ai. trouvé un tout pareil à mon chevet.C'est à mon chevet, avant-hier, en m'éveillant, que
j'ai
trouvécelui-là,murmura Jeannine.Il y eut un silence.
Les deux jeunesfilles se regardaient;, également étonnées.
Et.
articulaBerthe av~c effort,l'as-tu vu?Cette question choquait toutes les règles de la grammaire.
Enbonne syntaxe, l'articlele devaitse rapporter au médaillon, et
pourtant il
ne s'agissaitplus du tout du médaillon.Jeannine
n'eût
pas été femme si elle eût pris le change. Elle répondit sans hésiterJe l'ai
vu.Comment est-il? demanda Berthe.
II
estbeau.
plus beau que pas unde nosjeunesgens.–
C'est
vrai, murmura Berthe comme en se parlant à elle-même; Aubry lui-même est moins beau que lui.Oh 1fit Jeanninevivement, ce n'est pas la même chose1
Et
se reprenant aussitôt, elle ajoutaJe
veux dire qu'ils ne sont pas du même âge. Celui dont nous parlons a bien vingt-six ou vingt-septans à peu près.–
II
est blanc de teint, n'est-ce pas, comme un enfant ou une femme,et sipâle.
Oh
si pâle qu'on dirait un mort de marbre sculpté sur uns tombetOui.
et pourtant chacun de ses mouvementsdécèle la vigueur.C'était Jemmine qui disaitcela.
Berthe repli
t
La première fois que je le vis, moi, c'était en la cathé-drale. Il
était
adossécontrele second pilier dela nef, à gauche, et un rayonbleutombait duvitrail quifait la robe de la Vierge, sur son front triste.Je
ne sais pourquoi mon cœureutlefrisson.
Il vint du froid jusqu'en mes veines1
–
Moi, répliqua Jeanmne, je l'aperçusà la chapelle Saint-Jean. C'étaitle soir au salut. Il s'appuyait contre la btatuedeTt~n~fTotioto T a h<t~ \7f~noii ftana Rps
vfn~
r~airs etfr
& l'Ëvangéliste. La lune venait dans ses yeux, clairs et froids
comme du
cristal.
Et
il me regardait, poursuivit Berthe; il me regardait1Moi de même; j'en perdis presque le fil de mon oraison 1