• Aucun résultat trouvé

Les sources utiles à notre travail

Les sources que nous utiliserons seront principalement celles nécessaires à la réalisation de l’interprétation selon la méthode de la Convention de Vienne. Comme il ressort de l’énoncé des étapes interprétatives, un spectre très large d’éléments est concerné. Seront notamment considérés, les traités et les normes coutumières de DCA et de DIP (par exemple, les CG, les PA et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques), la jurisprudence (principalement internationale, par exemple, les arrêts de la CIJ et du TPIY), la doctrine (par exemple, les parties introductives de certains ouvrages clés de DCA comme celui de David, Principes de droit des conflits armés, p. 115-130 et 148-210 et des articles qui se concentrent sur notre sujet comme le texte de Vité, Typology of Armed Conflicts in International Humanitarian Law: Legal Concepts and Actual Situations), la pratique et l’opinio iuris d’Etats (également au travers de décisions nationales, de manuels militaires161 et de législations internes, par exemple, la décision Hamdan contre Rumsfeld de la Cour suprême étatsunienne du 29 juin 2006), les décisions d’organisations internationales et non gouvernementales (par exemple les décisions du Conseil de sécurité ou du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, les projets d’articles élaborés par la Commission du droit international, les documents du CICR, les rapports sur des situations particulières de Commissions d’enquêtes de l’ONU ou d’ONG), les travaux préparatoires aux traités qui nous intéressent (par exemple, les travaux préparatoires aux CG et au PA I) et d’autres documents nous permettant de retracer l’historique du terme CAI (par exemple, les documents ayant mené au texte final des CG). Nous nous référerons aussi à des documents utiles pour situer certains événements particuliers comme des articles de journal ou des rapports d’organisations internationales et d’ONG (par exemple le Rapport de la Commission d’enquête sur le Liban du Conseil des droits de l’homme du 23 novembre 2006). Tous ces éléments nous seront également importants aux fins d’identifier les différentes positions qui se dégagent pour chacune de nos questions autour de l’acte déclencheur et pour élaborer des réponses précises allant parfois au-delà de ce que l’interprétation nous permet d’atteindre.

Comme il ressortira de notre travail, une attention particulière sera accordée au Commentaire du droit international, Projet d’articles sur le droit des traités et commentaires, p. 237-239, disponible à l’adresse suivante: http://legal.un.org/ilc/texts/instruments/francais/commentaires/1_1_1966_francais.pdf (dernière consultation: 9 septembre 2014).

161 Pour ces documents, nous avons parcouru un nombre important de manuels militaires (dans des langues que nous saisissons) disponibles en ligne ou accessibles dans les archives du CICR. Nous sommes parties pour ce faire de la base de données utilisée et mise à jour par le CICR pour son étude sur le droit coutumier. Voir cette liste de manuels militaires à l’adresse suivante: https://www.icrc.org/customary-ihl/eng/docs/src_iimima (dernière consultation: 15 octobre 2014). Seuls les manuels militaires utiles à nos propos seront cités dans ce travail. Nous ne sommes pas en mesure d’assurer que ces ouvrages sont encore tous en vigueur au moment d’écrire ces lignes. Selon nous, ils constituent néanmoins dans tous les cas de la pratique étatique utile à nos propos.

aux CG et au PA I, aux décisions du TPIY et de la CIJ, aux travaux préparatoires aux CG, aux dispositions de ius ad bellum, de DH et de droit des CANI et bien entendu au texte même des CG et du PA I.

Cet aperçu des sources utiles à notre travail permet de constater les similitudes et les différences entre les sources du droit et les sources d’interprétation en DIP. Nous avons vu que de très nombreux éléments peuvent servir de sources d’interprétation, puisque la méthode de la Convention de Vienne recoupe nombre d’étapes et que chacune d’entre elles permet la prise en compte de documents variés. Ainsi, sous le couvert d’une approche assez rigoureuse, délimitant par exemple les moyens principaux et complémentaires d’interprétation, l’approche de la Convention de Vienne nous permet de nous référer à une large palette d’objets. Certains auteurs ont de leur côté décidé, dans leurs travaux sur la définition du CAI162, de se raccrocher non pas à l’interprétation mais à la recherche d’une définition du CAI (ou du conflit armé) dans les sources du DIP. C’est l’approche privilégiée par exemple dans les écrits de l’ILA, nous y reviendrons163. Cette méthode est principalement avancée dans les textes qui cherchent à délimiter de manière générale ce que recoupe la notion de CAI (ou de conflit armé) sans nécessairement se confiner à l’article 2 commun, ce qui permet en partie d’expliquer le contournement d’une approche interprétative. Les auteures ayant choisi de chercher la définition du CAI (ou du conflit armé) dans les sources du droit parcourent alors principalement les sources formelles du DIP qui, selon l’article 38, paragraphe 2 du Statut de la CIJ164, sont les traités, le droit coutumier, les principes généraux de droit et, de manière secondaire, la doctrine et la jurisprudence165. Nous voyons par cette énumération que les sources formelles du DIP forment un ensemble un peu plus restreint que les sources d’interprétation. Cependant, les écrits s’intéressant à notre sujet et n’adoptant pas une démarche interprétative n’hésitent pas à aller au-delà des sources formelles et à trouver des indices sur la notion de CAI (ou de conflit armé) dans les sources matérielles du DIP166, comme par exemple dans les projets d’articles de la Commission du droit international, dans les rapports d’enquête d’organisations internationales et dans d’autres documents encore. Il nous semble ainsi que les sources d’interprétation et les sources du DIP (formelles et matérielles) recoupent quasiment les mêmes réalités et permettent la prise en compte

162 Nous reviendrons plus bas sur les différentes méthodes adoptées dans la doctrine infra, p. 33.

163 Voir infra, p. 285-287.

164 Cet article présente une « énumération universellement acceptée des sources formelles du droit international ». Daillier, Forteau, Pellet, Droit international public, p. 126.

165 L’article 38, paragraphe 2 du Statut de la CIJ prévoit que « [l]a Cour, dont la mission est de régler conformément au droit international les différends qui lui sont soumis, applique: a. les conventions internationales, soit générales, soit spéciales, établissant des règles expressément reconnues par les Etats en litige; b. la coutume internationale comme preuve d'une pratique générale acceptée comme étant le droit; c. les principes généraux de droit reconnus par les nations civilisées; d. sous réserve de la disposition de l'Article 59, les décisions judiciaires et la doctrine des publicistes les plus qualifiés des différentes nations, comme moyen auxiliaire de détermination des règles de droit ».

166 Pour une définition des sources formelles et matérielles du DIP et une discussion sur ce qui les réunit et les sépare, voir Daillier, Forteau, Pellet, Droit international public, p. 124-125; Thirlway, “The sources of international law”, p. 92-93; Shaw, International Law, p. 51. Ce dernier auteur est critique de la distinction entre sources formelles et sources matérielles. Néanmoins, son ouvrage possède une section “Sources” qui contient des sous-sections sur toutes les sources formelles du DIP selon la CIJ suivies d’une sous-section intitulée “Other possible sources of international law” (p. 81-87) qui traitent des sources du DIP dépassant les sources formelles mais qu’il est cependant utile de considérer.

d’éléments très variés. Il reste que, malgré ces similitudes, l’angle de recherche diffère à notre avis sensiblement selon que l’on se place dans une démarche interprétative d’un terme d’un traité ou dans la recherche de la signification d’un concept dans les sources (formelles et/ou matérielles) du DIP. Ainsi, selon nous, c’est plutôt l’axe adopté que les documents concrètement analysés qui sépare la méthode interprétative de l’approche s’accrochant aux sources du DIP.

Précisons encore que nous donnerons certes une place importante au Commentaire aux CG et au PA I et aux décisions des tribunaux internationaux, mais que nous ne considérons pas les propositions de réponses à nos questions avancées dans ces écrits comme des éléments dont on ne pourrait se départir167. Les écrits sur la notion de CAI, comme sur de nombreux autres sujets de DCA, tendent en effet à accorder une très grande attention au Commentaire aux CG et aux PA ainsi qu’aux décisions des tribunaux internationaux. A titre illustratif, pour la définition du CAI, il est systématiquement fait référence au Commentaire à l’article 2 commun et à la décision Tadic du TPIY qui énonce « qu’un conflit armé existe chaque fois qu'il y a recours à la force armée entre Etats »168. Nous n’échappons pas à cette règle puisque nous nous reposerons aussi à plusieurs reprises sur le Commentaire et sur ce fameux paragraphe 70 de l’arrêt Tadic. La primauté généralement accordée au Commentaire et aux décisions des tribunaux internationaux se comprend notamment de par le statut de sources formelles du DIP dont ces écrits jouissent (doctrine pour le Commentaire, jurisprudence pour les décisions des tribunaux)169, de par l’importance et le rôle du CICR en matière de DCA170, de par le statut de juridictions internationales des tribunaux pénaux internationaux et de par les nombreux développements sur des questions cruciales de DCA amenés par ces instances.

Ceci posé, rappelons ici que notre démarche relève de l’interprétation et non de la recherche d’une définition de CAI dans les sources formelles du DIP. A ce titre, le Commentaire aux CG et au PA I et les décisions des tribunaux internationaux seront pris en compte puisqu’ils nous sont utiles pour différentes étapes de l’interprétation et que nous trouvons parfois des exercices d’interprétation dans ces sources. Nous poserons néanmoins à certaines occasions un regard critique sur des propositions faites dans ces textes qui, selon nous, ne correspondent pas à une définition du CAI et de l’acte déclencheur d’un CAI d’après une interprétation Convention de Vienne. Par exemple, le Commentaire aux CG semble avancer que la capture d’un soldat en l’absence d’hostilités ou d’occupation déclenche un CAI alors que notre travail soutient le contraire171.

167 Julia Grignon a consacré quelques pages de la partie méthodologique de son ouvrage à l’importance donnée au Commentaire aux CG et aux PA ainsi qu’aux décisions des tribunaux pénaux internationaux en y apportant un regard critique. Voir Grignon, L'applicabilité temporelle du droit international humanitaire, p. 11-21. Voir aussi Bianchi et Naqvi, International humanitarian law and terrorism, p. 65.

168 TPIY, Chambre d’Appel, Le Procureur contre Dusko Tadic, Arrêt relatif à l’appel de la défense concernant l’exception préjudicielle d’incompétence, 2 octobre 1995, para. 70.

169 Article 38, paragraphe 1, lettre d, Statut de la CIJ.

170 Le CICR, qui est à l’origine des CG et des PA, est également à la base du Commentaire à ces traités et ce malgré la mention au début du Commentaire qu’il « reste l’œuvre personnelle de ses auteurs ». Pour des développements sur l’importance du CICR en matière de DCA, voir Grignon, L'applicabilité temporelle du droit international humanitaire, p. 13-18.

171 Voir infra, p. 245-251.

B. PROBLÈMES MÉTHODOLOGIQUES