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Section 1 : Le financing escalator et l’equity gap dans le financement des firmes

1.2. Les sources du gap financier

La difficulté d’accès au financement touche le plus souvent les phases de early stage. Ce sont des étapes consommatrices de capitaux mais très risquées avec de faibles niveaux de rentabilité pour les financeurs. Ce faible niveau de rentabilité est une explication de la raréfaction de l’offre de capital pour la firme porteuse d’innovation. Nous détaillons les sources de l’equity gap ci-dessous.

 Les coûts élevés liés à la gestion de la phase d’amorçage constituent l’explication dominante. Les coûts englobent la recherche des opportunités, de sélection, de due

diligence, d’investissement et du monitoring. Ces coûts de fonctionnement sont fixes

et la rentabilité des petites participations dans les firmes entrepreneuriales n’est pas assez élevée pour les couvrir (Harrison et al., 2010). Il est devenu irrationnel pour la plupart des acteurs de faire ce type d’investissement (Mason et Harrison, 1995). En Angleterre par exemple, l’industrie du capital-risque était dominée par des institutionnels et des professionnels de la comptabilité (Wilson, 1995). Ces derniers manquent de compétences nécessaires pour détecter les firmes à potentiel pour couvrir

les coûts élevés de fonctionnement. Pour Lipper et Sommer (2002), c’est la grande taille des fonds de capital risque (VC) qui les empêche de faire des investissements liés au démarrage. De plus, leurs managers doivent offrir des taux de rendement élevés et à court terme conformément aux attentes de leurs actionnaires. La firme innovante a besoin de temps et des rendements élevés ne sont pas certains. Cette vision de court- terme amène Mason et Harrison (1995) à parler de merchant capital funds désignant le chasseur de rentabilité que sont devenus les fonds de capital-risque. Ils se sont donc progressivement éloignés du financement du démarrage entretenant ainsi le gap financier.

 La chute des rendements des fonds de capital risque et la difficulté à lever les fonds nécessaires à leur activité. En effet, ces firmes ne sont que des gestionnaires de fonds appartenant à d’autres investisseurs (institutionnels ou individuels) avec pour objectif de rentabiliser leurs apports. La rentabilité proposée par ces firmes a connu une première baisse vers la fin des années 80, raréfiant les pourvoyeurs de fonds et rehaussant la concurrence entre les acteurs du secteur (Mason et Harrison, 1995). Une seconde baisse au lendemain de la bulle internet de l’année 2000 a replongé l’industrie jusqu’en 2005 (Harrison et al., 2010). Depuis, une lente reprise a semblé s’installer mais l’élan fut ralenti cette fois-ci par la crise financière de 2008. Ainsi, pour assurer les retours sur investissements attrayants, les managers des fonds de capital-risque ont réduit drastiquement leur participation dans les phases de démarrage au profit des étapes du late stage. A ces stades, les corporations semblent plus matures et les prévisions de rentabilités sont plus certaines (Mason et Harrison, 1995). Le développement du marché des Leverage Buy Out et des Management Buy Out pour la préparation de la transmission des firmes a ainsi détourné l’attention de ces investisseurs formels de la phase de démarrage (Mason et Harrison, 1995). Le cas écossais décrit par Harrison et al (2010) illustre bien la tendance d’investissement dans l’industrie du capital risque entre 2005 et 2007. Ils observent une chute des participations dans l’early stage au profit des phases plus matures. De plus de 45 participations dans le démarrage en 2005, on est passé à moins de 10 en 2007. Parallèlement, les investissements dans les phases matures passent de 25 en 2005 à 50 en 2007. Et le schéma est identique dans tous les autres pays. Les firmes matures ou en transmission ont déjà un historique d’activités. Elles sont moins risquées, moins coûteuses en monitoring et offrent une possibilité de sortie rapide.

 Les difficultés du secteur technologique surtout à la phase de lancement. Le gap financier a semblé concerner plus spécifiquement les innovations dans le secteur du

high tech entre la fin des années 90 et le début des années 2000. Les firmes du secteur

de l’électronique et de la production des ordinateurs vont attirer de moins en moins l’intérêt des fonds du capital-risque à cause des énormes besoins en capitaux pour leur lancement à cette période. Rappelons que c’est ce secteur qui a le plus contribué au rayonnement du capital risque avec l’accompagnement des firmes comme Apple, Intel, les multiples entreprises de la Silicon Valley et autres (Mason et Harrison, 1995) et la promotion de nombreuses inventions technologiques issues des centres de recherche universitaire (Wilson, 1995). Le High tech a été victime de son succès auprès des capital-risqueurs institutionnels. En effet, quelques succès d’investissements retentissants ont attiré la plupart des investisseurs. De plus en plus de capitaux étaient dédiés au secteur du high tech et la stratégie d’investissements moutonniers fut observée (me-too based strategy) (Wilson, 1995). La qualité des opportunités d’investissement va chuter précipitant le déclin du capital risque. La bulle internet du début des années 2000 et le niveau élevé de l’incertitude sur les innovations technologiques ont accentué le discrédit sur le potentiel de ce marché. Ils ont augmenté l’aversion au risque des apporteurs de fonds traditionnels (Madill et al, 2005 ; Ernest et Young, 2007). Les projets technologiques et informatiques accompagnés par d’autres acteurs dans leur phase de création n’attirent plus l’attention principalement des VC (Madill, Haines JR, et Riding 2005). Silva (2004) rapporte aussi les reculs des investissements des capital-risqueurs portugais face à des idées liées au high tech entre 2001 et 2002. Aujourd’hui, l’évolution du web, du cloud, du e- commerce et des technologies de l’information en général a réduit drastiquement les besoins en fonds de lancement des firmes technologiques (Mason, Botelho et Harrison, 2013) et l’industrie est devenue plus attractive (Lahti, 2011; Liu Tingchi et Chen Po Chang, 2007; Mason et al., 2013). Cependant, elles restent toujours très risquées à cause de l’intangibilité des actifs (Cumming, 2007).

 La concentration géographique de l’industrie du capital risque dans les grands centres d’affaires. Cette configuration spatiale a une raison essentielle : l’accès aux projets et leur évaluation se font majoritairement grâce au réseau d’où le besoin pour les experts du secteur d’entretenir des relations crédibles avec d’autres intervenants de l’industrie cible de leurs investissements (Fried et Hisrich, 1994). En effet, la sélection des projets consiste à interroger des partenaires potentiels de la firme naissante, divers

consultants dans des domaines différents et d’autres collaborateurs du capital-risque afin de minimiser l’asymétrie d’information. L’absence d’une telle organisation relationnelle dans certaines zones géographiques réduit l’activité d’investissement et ceci au détriment des porteurs de projets (Harrison et al., 2010). On peut ajouter à ces arguments, le besoin de contrôle physique dans les firmes cibles de leurs investissements (Denis, 2004). Les coûts de l’investissement sont donc plus élevés dans les zones éloignées des centres d’affaires.

 Des raisons liées à la demande peuvent aussi expliquer le gap et sa persistance. En effet, la plupart des entrepreneurs manquent d’informations sur les sources de financement à leur disposition (Collewaert et al, 2010). Leurs partenaires privilégiés restent toujours les banques classiques qui sont de moins en moins attirées par ce type d’investissement très risqué. Le gap est ainsi qualifié d’informationnel (Sohl, 1999) Le niveau des coûts de l’investissement et l’augmentation de la concurrence expliquent essentiellement le gap financier selon les arguments ci-dessus. Pour l’investisseur, les phases de démarrage ne représentent pas des opportunités intéressantes parce que les rentabilités sont trop faibles pour couvrir leurs coûts de fonctionnement. Les comportements varient aujourd’hui en fonction des différents acteurs du financement, certains étant plus aptes que d’autres à subvenir aux besoins des firmes porteuses d’innovation en early stage.

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