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Section 1 : Le financing escalator et l’equity gap dans le financement des firmes

1.1. Le financing escalator et l’equity gap

Le financing escalator est un concept qui veut schématiser le fonctionnement idéal du marché des capitaux pour les firmes innovantes. Il définit l’affectation de chaque type de financeurs en fonction des différentes étapes du cycle de vie de cette firme (Harrison, 2013). Il suppose implicitement des limites entre les différentes étapes de l’évolution de la firme. Les

apporteurs de capitaux interviennent en fonction de leur aversion de risque et du niveau de rentabilité anticipé. On distingue des investisseurs informels et des capital-risqueurs institutionnels5. Les acteurs informels vont fournir aux institutionnels les firmes avec des idées d’affaires peaufinées et moins risqués (Harrison et Mason, 2000). C’est la complémentarité sur la chaîne du financement (Sohl, 1999).

Les limites entre les différentes phases de ce cycle de vie sont poreuses. La segmentation suivante peut néanmoins être réalisée et nous la retenons pour la suite (Cumming, 2007; Cumming et Johan, 2008; Heukamp, Liechtenstein et Wakeling, 2007; European Private Equity et Venture Capital Association-EVCA, 2014) :

 Les phases de pre-seed, seed et de start-up ou de pré-amorçage qui désignent ces périodes où l’équipe entrepreneuriale fait des recherches, développe l’idée et l’améliore afin de délimiter le concept initial du produit ou du service.

 Le early stage ou amorçage qui représente le début de l’activité de vente. La firme commence par tester le produit avec une phase pilote de production mais il n’existe pas encore de profit réalisé. Elle va tester l’alignement produit/marché, c’est-à-dire l’adéquation du concept aux besoins d’un marché. Elle peut commencer à générer des revenus. L’entreprise cherche simultanément à s’organiser sur le plan managérial. C’est la phase la plus risquée.

 Le late stage représente cette étape où la firme a un produit ou service bien établi, adopté par le marché et dégage des revenus. La firme réalise des profits et va chercher plus tard à réaliser des opérations financières spécifiques pour améliorer son action marketing, augmenter sa capacité de production et développer son produit.

La figure 2 ci-dessous schématise le cycle de financement de la firme innovante. L’entrepreneur est censé mobilisé les ressources financières dans l’ordre : love money,

Business Angels (BA) et venture capital funds (VC). Le démarrage de la firme innovante peut

aller de la phase de pre-seed à celle de l’early stage. Cette figure montre aussi des acteurs à cheval entre deux phases illustrant le caractère simpliste du concept du financing escalator. Aujourd’hui les fonds publics interviennent en co-investissement avec les BA (Mason, Botelho, et Harrison 2013). Hellmann, Schure, et Vo (2015) affirment que les VC et les BA sont plutôt substituables dans l’accompagnement des firmes innovantes.

Figure 2: Financement de la jeune firme innovante (Source franceangels.org)

Le financement de démarrage de la firme innovante à croissance rapide a toujours été complexe à cause de sa spécificité qui l’empêche d’une part d’aller sur les marchés financiers et d’autre part d’obtenir l’endettement bancaire adapté (Mason et Harrison 1995). Cette difficulté est décrite comme un equity gap que l’industrie du capital risque (comme un ensemble homogène) est censée couvrir. L’equity gap désigne ce déséquilibre entre les besoins de financement au démarrage (spécifiquement en early stage) de la firme et l’offre de capital apparu depuis les années 80. Il est rapidement devenu un problème structurel puisque l’industrie du capital risque n’a jamais pu couvrir dans son intégralité ce besoin des firmes à fort potentiel de croissance (Harrison et al. 2010). A son origine, l’industrie s’est développée pour fournir les capitaux de long terme nécessaires pour passer de la phase de l’idée à celle de la commercialisation et de développement des firmes innovantes (Tyebjee et Bruno 1984). Ces dernières ont besoin de temps et de ressources conséquentes pour « grandir ». Dans la réalité, très peu de projets accédaient au financement nécessaire à leur développement (Cumming et Johan, 2008). Différents acteurs ont aidé à couvrir la demande de capital, suppléant ainsi le déficit de l’industrie du capital risque. Malgré cela, le financing escalator

n’est pas aujourd’hui totalement fonctionnel. Plus globalement, l’offre du capital pour les phases de démarrage de la firme innovante a changé à travers le temps. Elle s’est fractionnée avec différents profils d’investisseurs que nous énumérons plus tard. Pour d’autres auteurs reprenant les commentaires des investisseurs privés, l’offre de capital au démarrage n’est pas insuffisante mais ce sont plutôt les projets de bonne qualité qui paraissent de moins en moins (Prowse, 1998; Sohl, 1999).

La figure 2 laisse apparaître une nouvelle forme d’equity gap qui concerne plus aujourd’hui l’investissement follow-on. Ce dernier désigne les seconds tours de table où le projet déjà suivi (par les investisseurs informels) a besoin de ressources pour franchir une nouvelle étape dans son développement. Le financing escalator prévoit que ce second tour de table soit assuré par les investisseurs formels ou institutionnels si la complémentarité entre les différents acteurs du marché est fonctionnelle (Harrison et Mason, 2000). Cependant, les acteurs formels continuent de rehausser leur seuil d’investissement (Sohl, 1999). Il s’est ainsi créé un second equity gap. Les BA constituent toujours une source de capital pour le démarrage mais le retrait de plus en plus important des VC les obligent à plutôt réinvestir dans les mêmes projets aux dépens de nouvelles idées (Harrison 2013). Ils essaient de réduire le second gap en exacerbant celui lié à la phase de démarrage. Le marché du capital risque forme ainsi un cercle vicieux perpétuel.

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