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Section 2 : Les diverses perspectives de définition de l’intuition

2.1. Définition générale

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Comme le désignent les propos d’Einstein illustré ci-dessus, l’intuition a été considérée pendant longtemps comme un don entouré d’un certain mysticisme. C’est le psychiatre Carl Jung qui en 1920 va la relier à la cognition lorsqu’il identifie les quatre processus mentaux décrivant le comportement humain : la sensation et l’intuition qui définissent comment l’acteur collecte l’information ; la pensée ou le sentiment qui définissent la façon dont il les traite (Canet et al., 2012; Ethier, 2014). Jung affirme que les intuitifs ont une approche holistique des faits. Barnard (1938), manager d’une des plus grandes firmes de l’époque, utilise les termes de jugement par intuition lorsqu’il distingue entre processus logique et non logique (Akinci et Sadler-Smith, 2012). L’intuition expliquerait les performances particulières des managers. Barnard fut parmi les premiers à décrire les aspects positifs de ce mode de décision dans le cadre managérial et le définit comme un processus

complexe, quasi instantané, inconscient et fondé sur l’expérience (Ethier, 2014). Isaack (1978) demanda plus d’analyses autour du concept de l’intuition en management. Pour lui, elle représente une fonction psychologique qui permet de réaliser des combinaisons d’idées disparates qui n’ont jamais été possibles auparavant. Mintzberg (1976) popularise, à travers sa métaphore des hémisphères du cerveau, l’intuition managériale comme un processus de traitement de l’information qui opère de manière relationnelle. Pour lui, le jugement intuitif qualifie toute décision indescriptible par l’acteur et relève de l’hémisphère droit du cerveau. Il rajoute aussi que c’est un mode de décision interne à la cognition d’un seul individu. Selon Coget, Haag, et Gibson (2011), la prise de décision intuitive est le sentiment de savoir avec certitude sur la base d’informations incomplètes et sans réflexions rationnelles conscientes. Pour Grandval et Soparnot (2007), l’intuition c’est le flair, la clairvoyance, la prémonition et l’instinct. Elle permet de voir au-delà des faits, correspond à une sorte de sixième sens et explique l’anticipation. Par intuition par exemple, on entrevoit un marché d’avenir à fort potentiel et c’est la précision de cette anticipation qui permet de juger l’effet de l’intuition. On perçoit un côté mystique dans ces descriptions que nous apportent certains théoriciens.

L’intuition va se conceptualiser ensuite comme tout mode de traitement de l’information autre que le raisonnement analytique séquentiel (Betsch et Glockner, 2010; Epstein, 2010). Les tenants de l’approche de Simon affirment que l’intuition ne renferme rien de mystique puisqu’il s’agit d’une forme de rationalité avec une explication logique (Simon, 1987). C’est le fruit de notre expérience passée cristallisée en habitude. L’intuition découle ainsi de l’expertise acquise par expérience (Burke et Miller 1999 ; Simon 1987). Il existe aussi les tenants de l’approche de Mintzberg qui trouvent en l’intuition un concept plus riche faisant intervenir les notions de perceptions, d’imagination, d’inférence, d’évaluation et relevant de l’inexplicable et de l’irrationnel (Kammoun et Ben Boubaker Gherib, 2008). L’intuition est en ce sens créative. Elle permet de voir au-delà des faits et de « flairer » le futur.

L’intuition est une aptitude cognitive de prise de décision lorsqu’il devient difficile ou impossible de calculer des probabilités d’occurrence des résultats (Foss et Klein, 2012, P.78). Elle est plus adaptée lorsque : il n’existe aucun algorithme de décision ou d’évaluation objective ; la mise en place de la méthode cartésienne existante exige du temps et de l’énergie cognitive ; il n’existe pas de procédé séquentiel ou de modèle de causes à effets ; les indicateurs présents dans une situation sont trop nombreux ou manquants ou redondants et ne s’articulent pas sous la forme d’une séquence linéaire ; la décision nécessite une interprétation subjective du décideur ; la tâche est mal structurée (Blume et Covin, 2011; Burke et Miller,

1999; Dane et Pratt, 2004; Elbanna et al., 2013; Hogarth, 2010; Inbar et al., 2010; Khatri et Ng, 2000; McMullen et Shepherd, 2006; Mintzberg et al., 1976; Sadler-Smith et Shefy, 2004; Sinclair et Ashkanasy, 2005). L’intuition est cette aptitude individuelle qui permet d’affronter l’incertitude définie par l’absence d’informations pertinentes. Elle représente cette démarche de sensemaking prospectif qui permet à l’individu de cerner les contextes uniques en affectant une certaine logique subjective au monde pour ensuite prendre une décision et agir (Weick et al., 2005). Dans des contextes uniques, les décisions prises par les acteurs sont individualisées ou subjectives puisque chaque acteur va interpréter différemment les informations, nonobstant le fait que la population soit exposée à des informations de même nature et structurées de la même façon. Le jugement intuitif intervient donc comme une compétence particulière qui permet au preneur de décision d’affronter des contextes de décision complexes et incertaines en jugeant le futur comme personne d’autre (Akinci et Sadler-Smith, 2012; Foss et Klein, 2012; Inbar et al., 2010; Isaack, 1978; Khatri et Ng, 2000). L’importance accordée à l’intuition dans la décision au sein des organisations a été soutenue par le dilemme suivant : la survie de l’entreprise nécessite des prises de décision rapide alors que la rapidité est souvent corrélée avec la perte de qualité de la décision prise (Dane et Pratt, 2004). Plus explicitement, la pression temporelle et les procédures de décision efficaces existantes dans les organisations, sont exclusives. La prise en compte de l’intuition permet alors d’expliquer, comment les acteurs arrivent à de meilleures décisions malgré cette contrainte temporelle qu’ils expérimentent. L’intuition réduit donc la marge d’erreurs de décision quand il n’existe pas suffisamment de temps pour effectuer les analyses nécessaires.

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