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Section 3 : l’opportunité d’investissement : l’incertitude perçue par les apporteurs de

3.2. L’investissement en amorçage et le paradigme de l’incertitude subjective

3.2.1. Les caractéristiques de l’investissement des BA en early stage

Selon le financing escalator, le BA est le premier apporteur de capital externe à la firme entrepreneuriale. Si les délimitations sur la chaîne de financement sont poreuses, l’activité du BA peut être définie selon deux approches : qualitative et quantitative.

Quantitativement, les BA sont des personnes fortunées qui couvrent un besoin de financement se situant entre 50 000 et 700 000 € dans le cadre français (www.franceangels.org). Aux USA, ils interviennent pour couvrir des besoins de financement compris entre 500 000 $ et 2 000 000 $ (Denis 2004). Les bornes inférieures de ces intervalles correspondent à l’épuisement de la love money (aides fournies par la famille et les amis) et des aides publiques. Les bornes supérieures définissent le seuil minimum en-dessous duquel les fonds de VC formels n’interviennent pas. Relativement au cycle de vie, les investissements des BA se situent dans les deux premières années de vie d’une firme entrepreneuriale (Certhoux et Redis, 2011; Cumming et Johan, 2008). Pour Wong et al (2009), leur apparition correspond en moyenne aux 10,5 premiers mois de la firme entrepreneuriale. La phase de démarrage peut être longue de 24 mois (Brenet, 2005). Les BA co-investissent de plus en plus avec les fonds de VC (Eban.org). Les statistiques en 2013 à l’échelle européenne démontrent une plus grande importance des investissements des BA par rapport aux autres acteurs de l’amorçage : capital risque d’amorçage 2 milliards ;

crowdfunding 0,08 milliards ; BA 5,5 milliards (figure 4 ci-dessous source : http://www.eban.org/about-angel-investment/early-stage-market-overview/).

Figure 4: Etat de l’activité des BA en Europe (Source Eban.org)

Qualitativement, l’investissement des BA est défini par rapport à la nature du projet porté par la firme entrepreneuriale qu’il rencontre. Son investissement va se caractériser par la précocité et l’unicité. Les projets qu’ils accompagnent sont indépendants d’eux (Brush, Edelman, et Manolova, 2012). Ils sont le fruit d’un processus antérieur de conception et de réflexion (de diverses natures) à l’issue duquel les porteurs pensent porter une excellente idée à un moment donné. Cependant, rien n’est prouvé. Les BA interviennent à une phase où les projets d’entreprise sont caractérisés par de fortes incertitudes technologiques (will it even

work ?) et commerciales (will anyone use this ?) (Huang et Pearce, 2015: p.2). Ils

interviennent juste à la fin des phases de recherche et de conception bien avant qu’une production à grande échelle ne démarre (Bernstein et al., 2015; Heukamp et al., 2007; Kerr et al., 2014). Il n’existe pas encore d’historiques sur la performance et l’intervention des BA se base sur un récit de « ce que la firme va faire » ou « ce qu’elle va devenir » (Navis et Glynn, 2011:p.479). La technologie n’est pas encore prouvée, le produit ou service n’est pas encore fini et le marché n’est pas encore vérifié (Parhankangas et Ehrlich, 2014; Smith et Cordina, 2014). Le projet à ce stade n’est qu’un idéal qui se caractérise par des actifs intangibles et une absence de profit (Denis, 2004). La firme entrepreneuriale est encore dans la valley of death (Tomczak et Brem, 2013). En early stage, la firme innovante doit encore apporter la preuve d’une pénétration effective de l’innovation qu’elle porte sur un ou plusieurs segments de marché et tenter de maîtriser une production à grande échelle (Brenet, 2005). Ceci nécessite du capital que va apporter le BA. Le modèle économique va être mis à l’épreuve. Les bases

de la stratégie du marché en termes de clientèle et de champ d’application vont être posées. La firme doit donc prouver qu’elle a un potentiel de croissance rapide à cause de la disruption qu’elle apporte. Très certainement, elle aura à modifier plusieurs fois sa stratégie ou son positionnement avant de trouver celle qui va assurer sa croissance. Il peut arriver que le concept initialement proposé soit lui-même profondément modulé durant ses premiers mois d’existence. La réussite de la firme entrepreneuriale n’advient presque jamais au premier essai (Bhide, 1992). Elle va suivre des voies non-anticipées. Cette capacité à aller chercher le bon

fit produit/marché représente la flexibilité qui caractérise la firme entrepreneuriale (Pettit et

Singer, 1985). En early stage, il n’existe pas encore d’équipe compétente entièrement constituer pour conduire la firme entrepreneuriale vers ses objectifs (Wirtz, 2011). Le besoin de passer cette étape critique justifie la condition d’implémentation réussie qui caractérise un projet d’innovation (Sandberg, 2002). Ces différents éléments ci-dessus attribuent le caractère précoce à l’investissement du BA.

Non seulement leurs investissements interviennent très tôt dans la vie de la firme entrepreneuriale (Burke et al., 2014) mais aussi les projets qui reçoivent leurs participations se caractérisent par une certaine disruption ou radicalité (Dubocage, 2006). La disruption suppose que le processus de création de la firme consiste à proposer des nouveaux services et produits susceptibles de remettre en cause profondément les comportements sur le marché (Bertheau et Garel, 2015). Pour Bhide (1992), les investisseurs individuels en early stage s’intéressent à des projets qui vont changer la perception du monde sur le marché tout en garantissant au client que le switching cost sera plus faible que l’avantage de l’utilisation. La firme entrepreneuriale propose une nouvelle combinaison de ressources pour répondre à un besoin ignoré ou mal satisfait par les autres acteurs sur le marché. Elle défend un projet caractérisé par la nouveauté, la distinction, la non conformité et dont le futur est imprévisible (Bertheau et Garel, 2015). L’entrepreneur innovant qui attire l’attention du BA est celui qui crée une nouveauté destinée à changer ou faire muter les valeurs (Gruber, Kim, et Brinckmann, 2015; Hill et Levenhagen, 1995).

La réflexion ex ante de l’entrepreneur doit provoquer une modification significative de la valeur-client (Asselineau, 2010) tout en assurant un switching cost gérable. La firme entrepreneuriale a juste besoin d’un bon produit positionné pour bousculer l’inertie des consommateurs sur le marché (Bhide, 1992). Cet auteur rajoute que ce positionnement doit et peut être fait à moindre coût à ce stade auquel cas l’accès au financement sera complexe. Ce qui implique que l’innovation ici ne doit pas chercher à créer un nouveau besoin ou marché.

n’est pas dominante dans les projets considérés par les BA. Ce sont essentiellement des stratégies perturbatrices qui doivent néanmoins créer un avantage compétitif substantiel sur ses substituts. Nos propos ne veulent aucunement dire que les BA vont rejeter l’innovation radicale, mais seulement qu’ils ne vont pas la rechercher de façon sine qua non dans leur démarche d’investissement.

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