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Grande-Bretagne

C. Historique de l’attribution stratigraphique et culturelle

7. Soldier's Hole (Cheddar, Somerset)

A. Localisation

Grotte creusée dans du calcaire carbonifère et située sur le versant sud-est de la gorge de Cheddar ; elle s’ouvre, à 46 m au-dessus du sol de la gorge, par une entrée donnant sur une grande chambre (Campbell 1977 : 42).

B. Historique des fouilles

H. Balch (1928 : 204-209) mène des fouilles dans cette grotte en 1925-26 et ses travaux n’ont concerné que les deux premiers pieds des dépôts (= 60 cm). Le premier pied a livré une hache polie et de la céramique d’époque romaine. Á deux pieds de profondeur, une pièce bifaciale mince et ovale et un peson en terre cuite ont été découverts ; il classe ces pièces dans le Néolithique.

F. Parry poursuit les fouilles entre 1928 et 1931. Il opère par tranche (« spit ») de 15 cm. Il en enlèvera vingt et une, regroupées en quatre couches sédimentaires. La couche 1 correspond au « spit » 1, la couche 2 aux « spits » 2 et 3, la couche 3 aux « spits » 4 à 9 et la couche 4 aux « spits » 10 à 21 (Campbell 1977 : 42 ; Harrison 1988).

C. Historique de l’interprétation stratigraphique et culturelle

F. Parry considérait l’industrie supérieure (couche 3) comme magdalénienne et celle de la couche 4, comprenant des pointes foliacées bifaciales dans les « spits »12 et 14 (Hedges et al. 1991 : 123), comme solutréenne (Campbell 1977 : 18).

J. Campbell (1977 : 42) décrit et interprète la stratigraphie de la manière suivante, de haut en bas :

- « cave earth » et humus, d’une épaisseur de 15 à 75 cm, comprenant des artefacts néolithiques, de l'âge du Bronze et de l'époque romaine ;

- « cave earth » rouge-brun, avec de nombreux fragments de calcaire, épaisseur de 30 à 60 cm, comprenant du renard et du lièvre ;

- marne gris-rouge avec des éboulis calcaires et des fragments de calcite, épaisseur de 90 cm, artefacts du Late Upper Palaeolithic et faune comprenant l’ours, le renne, le bison, le lièvre ;

- marne argileuse rouge foncé avec de légers fragments de calcaire, épaisseur de 120 cm, contenant des artefacts du Early Upper Palaeolithic, accompagnés d’une faune représentée par l’hyène, le lion, le loup, le renard, l’ours, le mammouth, le cheval, le cerf élaphe, le mégacéros, le renne, le bison et le lièvre. Sept espèces d’oiseaux sont, par ailleurs, présentes ; il ne s’agit pas d’oiseaux de proie et la présence d’un os d’oie et d’un autre de cygne, qui portent les traces d’une fracture volontaire, interprétées comme une récupération de la moelle, lui laisse à penser que la présence de ces oiseaux est liée à l’activité de l’homme (Idem : 110-112) ;

- marne rouge foncé déposée dans des fissures de la roche en place, stérile.

Il regroupe tous les artefacts présents, provenant de la couche 4 de F. Parry, dans le Early Upper Palaeolithic. L’ensemble comprend trois pointes foliacées bifaciales (deux considérées comme entières et un fragment), une lame à denticulation, une lame retouchée et deux lames brutes, ainsi qu’une pointe en ivoire. Il rapproche les trois pointes foliacées bifaciales de celles de Mauern, notamment sur la base de la présence d’un cran dans la partie proximale d’une de ces trois pièces (Idem : 143). Treize artefacts, provenant de dépôts supérieurs à la couche 4, sont classés dans le Late Upper Palaeolithic (Idem, vol. 2 : 117).

En 1980, tout en rangeant l’industrie dans le Lincombien, il précise que la pointe en ivoire est similaire à des pièces de l’Aurignacien II français. Il propose, hypothétiquement, que l’ensemble se rattache à une phase ancienne du Lincombien en raison de la présence de pièces bifaciales et de l’absence de pointes foliacées laminaires (Campbell 1980 : 47, 49).

C. Harrison (1988), étudiant l’avifaune, souligne que si F. Parry a placé la limite entre la couche 3 et la couche 4 entre les « spits » 9 et 10, les restes d’oiseaux indiquent plutôt un changement environnemental entre les « spits » 10 et 11. La faune aviaire de la couche 4, celle dont proviennent les pointes foliacées, confirme le climat froid puisqu’il s’agit principalement d’espèces vivant en milieu arctique lors de la belle saison. Il souligne que les dates radiométriques montrent que la faune de cette couche date de l’Interpléniglaciaire (« Middle Devensian ») mais aussi de la fin du Würm (« Late Devensian »).

Ph. Allsworth-Jones (1990 : 207) attribue les pointes foliacées bifaciales à l’Altmühlien. R. Jacobi (1990 : 278) apporte deux rectificatifs à des éléments avancés par J. Campbell. D’une part, le cran présent dans la partie proximale d’une des pointes foliacées bifaciales est taphonomique ; d’autre part, la pointe en ivoire n’est qu’un fragment d’os roulé. Par ailleurs, l’industrie de la couche 3 peut être classée dans le Creswellien (Hedges et al. 1991 : 123 ; Jacobi 2000 : 49).

D. Datations radiométriques

Diverses datations radiométriques sont disponibles, réalisées sur des ossements non modifiés :

Couche 3

spit 8 9.930 ± 210 BM-2249 renne* Burleigh 1986 : 270

10.090 ± 230 BM-2249R renne* Hedges et al. 1989 : 215 12.100 ± 140 OxA-1464 antilope saïga Hedges et al. 1989 : 215 26.600 ± 550 OxA-2063 boviné Hedges et al. 1991 : 123

spit 9 27.500 ± 600 OxA-1956 boviné Hedges et al. 1991 : 123

Couche 4

spit 12 > 34.500 OxA-691 renne Burleigh 1986 : 270

spit 13 29.300 ± 1.100 OxA-692 renne* Jacobi 1999 : 36

29.900 ± 450 OxA-2471 renne* Hedges et al. 1991 : 123

spit 16 35.000 ± 1.200 OxA-1465 boviné* Hedges et al. 1991 : 123

> 42.900 OxA-1777 boviné* Hedges et al. 1991 : 123

spit 20 41.700 ± 3.500 OxA-1957 renne Hedges et al. 1991 : 123

* : datations réalisées sur le même os

E. Description du matériel

Les pièces n’ont pas été étudiées directement. Il s’agit de trois pièces bifaciales minces (environ 1 cm d’épaisseur ou moins). Elles présentent des bords ébréchés (fig. 11).

Une des trois est complète et a un format et une morphologie (base arrondie) qui rappellent la pointe foliacée bifaciale provenant de Kent’s Cavern et le fragment d’une pièce similaire de Paviland.

Une autre a un format plus élancé. La partie proximale est cassée et ébréchée, ce qui a fait penser à un cran.

La troisième pièce est un fragment mésial très court (2,5 cm) d’une pièce bifaciale large (ca. 6 cm).

F. Conclusion

Ce site a livré trois pointes foliacées bifaciales dans un contexte stratigraphique imprécis et dont les datations 14C indiquent surtout la perturbation plus que la position chronologique précise, entre 40 et 28.000 B.P. Elles ne sont pas associées à des pointes de Jerzmanowice, ni à d’autres outils. Elles sont rattachées au LRJ par défaut. En effet, il n’y a jamais eu, en Grande-Bretagne, de découvertes d’industries à pointes foliacées bifaciales qui relèveraient d’un contexte différent du LRJ (comme, par exemple, les industries moustériennes ou micoquiennes à Blattspitzen, en Allemagne).

Il n’y a pas de pointe en ivoire que l’on puisse rattacher à l’Aurignacien. L’association de la faune et des pointes foliacées, l’origine anthropique de cette faune et donc les conclusions quant à la chasse pratiquée par les porteurs de ces pointes foliacées, sont largement hypothétiques eu égard aux faiblesses du contexte stratigraphique.