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Grande-Bretagne

C. Historique de l’attribution stratigraphique et culturelle

5. Kent's Cavern (Torquay, Devonshire)

A. Localisation

Grotte, creusée dans du calcaire dévonien, située sur le versant nord de la Lincombe Hill. Elle comporte deux entrées principales, distantes d’environ 15 m, qui s’ouvrent 58 m au- dessus de la vallée de l’Ilsham (Campbell 1977 : 37). Il s’agit d’un réseau complexe d’une longueur totale de 934 m (Proctor et Smart, n.d.), dont les différentes parties ont reçu des noms particuliers (fig. 6).

B. Historique des fouilles

Les premières fouilles furent menées par W. Trevelyan en 1824-25 ; de la faune et quelques artefacts furent découverts (Evans 1872 : 452 ; Campbell et Sampson 1971 : 36).

Entre 1825-26 et en 1829, le révérend John McEnery récolte, notamment dans des sédiments sous-jacents à un plancher stalagmitique, des artefacts, surtout néolithiques, mais également plus anciens, et de la faune éteinte. Il ne rejette pas l’idée de cette association, hérétique à l’époque, mais sa vision des choses est combattue par W. Buckland (Swainston et Brooks 2000 : 23) et ses résultats ne seront publiés que plusieurs décennies plus tard (Evans 1872 : 452 ; Sollas 1913 : 3 ; Garrod 1926 : 27). Parmi le matériel qu’il met au jour se trouve une pointe de Jerzmanowice (Jacobi 1990 : 272).

Il y eut ensuite les travaux de R. Godwin-Austen, en 1840. Une fouille fut également organisée en 1846 par la Torquay Natural History Society sous la direction de E. Vivian (Evans 1872 : 446).

En 1864, un comité scientifique fut créé en vue de réaliser une fouille systématique dirigée par W. Pengelly (Idem : 446). Celui-ci adopte une méthode de travail par cube permettant un enregistrement relatif de la position des artefacts (Pengelly 1884 : 196-197, cité par Rogers 1955 : 2). Après l’évacuation de la « Black Mould », c’est-à-dire des sédiments récents, et des blocs de surface, une ligne de base fut définie à partir de laquelle un quadrillage fut établi, basé sur des parallèles distantes de 1 pieds (= 30 cm) et des perpendiculaires distantes de 3 pieds (= 90 cm). Après l’enlèvement de la couche de stalagmite sus-jacente (la « Granular Stalagmite »), la fouille des sédiments se fait par couche d’un pied d’épaisseur. On connaît donc la provenance des artefacts et de la faune par cube de 90 x 30 x 30 cm (3 pieds³ ; fig. 7.1). Le matériel découvert est d’abord observé à la bougie

dans la grotte puis à l’extérieur de celle-ci. Les fouilles de W. Pengelly dureront de 1865 à 1880. Dans la plupart des différentes zones de la grotte, les sédiments seront enlevés jusqu’à 1,2 m de profondeur (4 pieds) sous la stalagmite de surface (Granular Stalagmite), sans atteindre la roche en place dans les salles principales (Proctor et Smart n.d. ; Garrod 1926 : 29), sauf dans la « Long Arcade » où il a creusé jusqu’au rocher, à 9 pieds de profondeur (2,7 m.). W. Pengelly numérotait toutes les découvertes (artefacts et faune) avec leurs coordonnées, à l’exception des trouvailles provenant de la terrasse en raison de la perturbation générale de cette zone (Campbell 1977 : 38).

La stratigraphie rencontrée lors de ces fouilles peut se résumer comme suit (Evans 1872 : 445 ; Garrod 1926 : 28-29). En surface se trouvent des blocs de calcaire calcités et une terre noire de 3 à 12 pouces d’épaisseur (ca. 8 à 30 cm) contenant des restes d’époque romaine, protohistorique et néolithique. Ensuite, une couche stalagmitique de 1 à 3 pieds d’épaisseur (30 à 90 cm), s’étend presque partout. Sous ce plancher se trouve la « Cave Earth » rouge, d’épaisseur variable, comprenant des fragments de calcaire anguleux, une faune éteinte et des artefacts. Dans le « Vestibule », ce sédiment est surmonté par la « Black Band », couches de 2 pieds et 6 pouces d’épaisseur (ca. 75 cm), très riches en charbons, ossements et artefacts.

La « Cave Earth » était plus épaisse à l’entrée et s’amincissait vers les galeries profondes. En effet, selon E. Rogers (1955 : 3), elle faisait de 18 à 20 pieds d’épaisseur (= 6 m) prés de l’entrée mais se rétrécissait pour disparaître dans les parties sud et ouest de la grotte. Dans certaines zones, se trouvent, sous la « Cave Earth », un second niveau de stalagmite (« Crystaline Stalagmite ») de 1 à 6 pieds d’épaisseur (30 cm à 1,8 m) sous laquelle se rencontre un niveau bréchifié (« Breccia ») de sédiments rougeâtres, de blocs de calcaire et d’ossements, contenant également des artefacts ; il s’agit, en fait, d’une industrie du Paléolithique inférieur ancien (Cook et Jacobi 1998).

Dès l’époque de ces fouilles, il apparaît, qu’en certains endroits, les sédiments ont été perturbés à la fois par les fouilles précédentes et par les animaux fouisseurs, c’est notamment le cas sur la terrasse devant la grotte, la « Sloping Chamber » et la « North and South Sally Ports » (Evans 1872 : 446 ; Campbell 1977 : 39).

De nouvelles fouilles, menées par la Torquay Natural History Society, eurent lieu entre 1926 et 1929 (Dowie 1928 ; Beynon et al. 1929) et se poursuivirent épisodiquement jusqu’en 1941 (Campbell et Sampson 1971 : 24). Trois tranchées distantes de 10 pieds (= 3 m) furent creusées le long de la paroi nord. Elles furent ensuite reliées pour former une tranchée de 60 pieds (= 18 m) de long et de 5 pieds (= 1,5 m) de large, à travers le « Vestibule » et la « Gallery ». Les fouilles reprirent à partir du niveau d’arrêt des fouilles de W. Pengelly (à 4 pieds de profondeur (= 1,2 m), par rapport à la « Granular Stalagmite » de surface) jusqu’au substrat rocheux, atteignant parfois 23 pieds (6,9 m) de profondeur. Dans certains endroits, la tranchée était nettement moins profonde en raison de la présence de blocs. Un plancher stalagmitiques disloqué fut rencontré vers 8 pieds de profondeur (= 2,4 m) mais, en dehors de ce dernier, il n’y avait pas de stratification claire des dépôts. La faune découverte, concentrée particulièrement dans les 12 premiers pieds, comprend : cheval, hyène, rhinocéros, cerf, bison, mégacéros, ours, renne, mammouth, aurochs, lion, loup, renard et blaireau. Des dents humaines furent découvertes dans le « Vestibule », à 10 pieds et 6 pouces (ca. 3,15 m.) de profondeur. Il n’y avait aucune trace de foyer ou de niveau d’occupation clairement défini. Parmi les 205 artefacts découverts, les lames non retouchées prédominent. Une pointe foliacée laminaire, dont la provenance précise est inconnue, fut également mise au jour lors de ces fouilles (Campbell et Sampson 1971 : 26). Les artefacts proviennent principalement du

« Vestibule ». La « Gallery » n’a livré que très peu d’artefacts et d’ossements ; c’est aussi le cas pour une autre chambre, appelée « Wolf’s Cave ». Un crâne humain fut également découvert dans une fissure à l’extérieur de la grotte.

C. Historique de l’interprétation stratigraphique et culturelle

Dès l’époque des fouilles de W. Pengelly, J. Evans (1872 : 446) note la présence de pièces bifaciales, notamment des bifaces « ovoïdes », déjà mentionnés par J. McEnery. Une de ces deux pièces illustrées par J. Evans provient d’une profondeur de 4 pieds sous la stalagmite. Il signale également un biface grossier, à base corticale, trouvé en surface dans la « Sally Port ». Par ailleurs, il illustre la pointe foliacée bifaciale provenant de la « Gallery » et suggère une fonction de pointe de lance et trouve des similitudes entre cette pièce et certains bifaces de Hyeana Den (Idem : 449). Il illustre également deux pointes de Jerzmanowice et signale que plusieurs pièces de ce type ont été découvertes. Il propose une fonction de pointe de javelot tout en n’écartant pas l’idée qu’il puisse s’agir également de couteau. Il souligne que ces pièces sont proches des pointes de Laugerie-Haute (c’est-à-dire du Solutréen) mais qu’elles ne montrent pas la même qualité de façonnage. Par ailleurs, il compare une lame retouchée sur les deux bords avec l’industrie d’Aurignac et rapproche les pièces à dos (des pointes de Creswell et autres formes apparentées) à des pièces provenant de La Madeleine ; cette comparaison étant renforcée par la présence de harpons à un ou deux rangs de barbelures. En raison de l’état de conservation très variable des ossements, il suggère qu’il y ait eu des mélanges. Il y a donc, pour lui, des artefacts se rapprochant de ceux de « l’âge de Le Moustier », « d’Aurignac » et « de La Madeleine » ; par contre, « l’âge de Laugerie-Haute » n’est pas clairement représenté car, si les pointes foliacées rappellent celles du site français, elles n’en sont pas strictement similaires (Idem : 450-460).

Par contre, W. Sollas (1924 : 510) classe le site dans le Solutréen inférieur, probablement en raison de la présence de pointes foliacées.

D. Garrod (1926 : 28-46) classe les pièces provenant de la « Breccia » dans le « Chelléen ». Pour les pièces provenant de la « Cave Earth », elle souligne que W. Pengelly a affirmé que ces découvertes n’étaient pas stratifiées. Si on prend les artefacts niveau par niveau (d’un pied d’épaisseur), on remarque un complet mélange de types représentant quatre périodes différentes. Les dépôts sont donc, pour elle, clairement perturbés. Elle suggère qu’une partie de ce mélange est éventuellement dû à la méthode utilisée par W. Pengelly si les niveaux arbitraires horizontaux d’un pied d’épaisseur qu’il a défini ont recoupé des couches naturelles parfois inclinées. Si le classement typologique des industries ne correspond pas à des niveaux homogènes verticalement, il y par contre des répartitions horizontales significatives (Idem : 24).

Elle identifie, outre le Chelléen déjà mentionné, du Moustérien, comprenant des bifaces cordiformes en chert et trois racloirs, ainsi que, hypothétiquement, des grands éclats de chert. Ce Moustérien se retrouve surtout dans la « Great Chamber », sauf un biface trouvé en surface dans la « South Sally Port », zone fortement perturbée par les terriers. Il y a également de « l’Aurignacien moyen » (= Aurignacien) dans lequel elle inclut neuf grattoirs et un poinçon en os. Elle compare cette industrie avec Paviland et avec l’Aurignacien français. Cet « Aurignacien moyen » est concentré dans le « Vestibule » et la « Sloping Chamber ».

Il y également des pièces « protosolutréennes » : sept pointes foliacées laminaires, dont elle trouve les parallèles dans les niveaux de « l’Aurignacien final de l’âge de Font-Robert » (= Gravettien), notamment à Spy, au Trou Magrite ou à La Ferrassie. Elle associe donc à ces pointes de Jerzmanowice, un fragment de pointe pédonculée et une « feuille de laurier » (c'est-à-dire la pointe foliacée bifaciale provenant de la « Gallery ») qu’elle considère comme façonnée par pression. Les pointes foliacées laminaires proviennent de la « South-West Chamber » (3), de la « South Sally Port » (3) et de la « Great Chamber » (1). Elle associe également à ce groupe de pièces une lame et un nucléus provenant de la « South Sally Port ». Elle souligne que, dans ces zones, la faune présente un mélange d’espèces pléistocènes et actuelles.

La quatrième industrie qu’elle identifie est un Magdalénien atypique provenant surtout de la « Black Band », c’est-à-dire de la partie supérieure de la « Cave Earth » dans le « Vestibule ». Le fait que les artefacts moustériens et « aurignaciens » (moyen et final) se retrouvent dans les mêmes niveaux confirme, pour elle, l’impression de mélange des dépôts.

Les artefacts découverts lors des fouilles de la Torquay Natural History Society, à la fin des années 20, sont classés dans l’Aurignacien moyen et supérieur, notamment en suivant l’avis de H. Breuil, mais ils ne sont pas très caractéristiques. Ils proviennent surtout de la partie des dépôts sus-jacente à la couche de stalagmite disloquée rencontrée dans la « Cave Earth », entre 5 et 8 pieds de profondeur. Il est remarqué qu’une partie des artefacts classés comme « Aurignacien moyen » par D. Garrod avaient été découverts par W. Pengelly à 4 pieds de profondeur. Cela conduit donc à penser qu’il y a eu des mélanges et que les dépôts seraient fortement perturbés par des épisodes d’inondations (Dowie 1928 ; Beynon et al. 1929).

G. Freund (1952 : 59-60) souligne qu’il est difficile de soutenir sur une base stratigraphique la classification dans le Protosolutréen des pièces foliacées de Kent’s Cavern car elles n’ont pas été découvertes entre l’Aurignacien et le Magdalénien. De plus, la pointe foliacée bifaciale ainsi que les pointes sur lame, classées dans cette industrie par D. Garrod, lui semblent être plutôt similaires à des pièces moustériennes.

E. Rogers (1955) mène une révision critique de la position stratigraphique des artefacts découverts par W. Pengelly. Il ne se penche pas sur le cas de la « Breccia » qui est un colluvionnement venant de l’extérieur. Sur les 1.378 artefacts mentionnés par W. Pengelly dans son journal, il en reste 505 à l’époque où il mène son étude. Un tiers des artefacts mentionnés dans le journal de W. Pengelly proviennent de la « Black Band ». La pointe foliacée bifaciale est issue de la « Gallery » à deux pieds de profondeur (= 60 cm) mais, dans cette zone, les sédiments sont manifestement redéposés. Il affirme s’être lancé dans cette étude avec l’objectif de démontrer une valeur chrono-culturelle à la stratigraphie des fouilles de W. Pengelly en se basant sur la position des objets typologiquement significatifs, mais, au final, il reconnaît qu’il n’est pas possible de mettre en évidence une telle stratigraphie. Ainsi, sur huit bifaces moustériens, quatre proviennent de 3 pieds de profondeur, juste 1 pied sous certains harpons. Sur treize pièces de type aurignaciens (burins carénés et grattoirs à museau), huit proviennent de 1 et 2 pieds de profondeur, donc aussi peu profond que les pièces du Paléolithique supérieur récent. Pour les bifaces acheuléens, l’un a été découvert à 1 pied de profondeur dans la « South Sally Port » et un autre à 9 pieds de profondeur dans le « Vestibule ». Il classe treize pièces dans le « Protosolutréen », dont la pointe foliacée

bifaciale, les pointes de Jerzmanowice (dont deux pièces manquantes connues par des descriptions de W. Pengelly) et un fragment de pointes pédonculées. Ces artefacts « protosolutréens » sont répartis sur 4 pieds d’épaisseur. Les harpons se retrouvent sur les deux premiers pieds et les pièces à dos « magdaléniennes » sur les trois premiers. Il en conclut donc, outre la nature colluviale de la « Breccia », des dépôts de la « Gallery » et de la « South-West Chamber », que la « Cave Earth » dans son ensemble a été « violemment perturbée ».

Pour C. McBurney (1965 : 27), l’industrie de Kent’s Cavern est un exemple de la « culture hybride » présentant à la fois des traits aurignaciens et des pointes foliacées qui caractérise les débuts du Paléolithique supérieur britannique.

À l’opposé de E. Rogers, J. Campbell considère que les données stratigraphiques provenant des fouilles de W. Pengelly peuvent être utilisées pour grouper les artefacts selon la profondeur à laquelle ils ont été découverts (Campbell et Sampson 1971). Cette vision des choses sera reprise par d’autres chercheurs (Tratman et al. 1971). P. Mellars (1974) signale la présence d’une industrie paléolithique moyen avec des « bifaces bout coupé » qu’il date du début du Würm et il s’inspire des travaux de J. Campbell, encore inédits à l’époque, pour associer les pointes foliacées laminaires à divers artefacts dont des grattoirs à museau et un poinçon en os. Parmi cet ensemble se trouve également un burin busqué, pièce caractéristique de l’Aurignacien II français, mais dont il rappelle l’association aux pointes foliacées laminaires à Ffynnon Beuno (Mellars 1974 : 67).

J. Campbell (1977 : 38-42) reconstitue la stratigraphie « typique » de Kent’s Cavern d’après les notes de W. Pengelly :

- « Black Mould » : humus et limon sableux contenant des artefacts allant du Mésolithique à la période médiévale ;

- « Granular Stalagmite » : concrétion calcaire comprenant des artefacts mésolithiques et néolithiques ;

- « Cave Earth » pierreux : fragments de calcaire dans un sable limoneux rouge. Dans le « Vestibule » : palimpseste de foyers (« Black Band »), artefacts « Late Upper Palaeolithic » ;

- « Cave Earth » terreux : sable limoneux rouge comprenant des fragments de calcaire, artefacts « Early Upper Palaeolithic » au-dessus d'artefacts du Paléolithique moyen ; - « Crystaline Stalagmite » : concrétion ;

- « Breccia » : blocs de calcaire, sable rouge foncé, ossements d'ours et artefacts du Paléolithique inférieur agglomérés ;

- sable rouge ;

- « Crystaline Stalagmite » inférieure ; - sables, limons et argiles stratifiées ; - roche en place.

Dans la « Gallery », la stratigraphie est différente, en raison d’un phénomène d’érosion et de redéposition des sédiments. On y retrouve notamment une couche de « Cave Earth » terreux contenant du Early Upper Palaeolithic et du Paléolithique moyen.

Considérant les données provenant des fouilles de W. Pengelly comme très valables, l’auteur reconstitue la provenance et les associations d’artefacts d’après les informations que ce dernier a laissées. Ainsi, la pointe foliacée bifaciale provient-elle de la « Gallery », entre 1 et 2 pieds de profondeur. S’opposant à la conclusion de E. Rogers pour qui la « Cave Earth » était perturbée dès avant les fouilles de W. Pengelly, J. Campbell juge ces dépôts in situ et considère les datations réalisées comme les plus valables pour le Early Upper Palaeolithic. Face aux résultats assez discordants de ces datations, il propose un âge moyen pour l’occupation du Early Upper Palaeolithic à ca. 30.720 B.P., en faisant simplement la moyenne des quatre dates disponibles (Campbell 1977 : 151 ; cf. infra).

Le Late Upper Palaeolithic est surtout confiné dans la partie supérieure du « Vestibule » (Black Band) qui a donné des dates à 14.275 ± 120 B.P. (GrN-6203) sur os d’ours et 12.180 ± 100 B.P. (GrN-6204) sur os de mégacéros.

Il décompte une pointe foliacée bifaciale et dix pointes foliacées laminaires (pointes de Jerzmanowice). À l’inverse de D. Garrod, il considère qu’il n’y a pas lieu de les séparer de l’Aurignacien puisqu’elles ont été trouvées par W. Pengelly dans les mêmes niveaux que certains artefacts typiquement aurignaciens, tout en reconnaissant que les dimensions des cubes définis par W. Pengelly n’excluent pas la possibilité du mélange de plusieurs occupations (Idem : 141). Il classe donc dans son Early Upper Palaeolithic 479 artefacts auxquels une centaine d’autres sont probablement à ajouter mais sont perdus. Cet ensemble comprend 112 outils dont, outre les onze pointes foliacées, une pointe pédonculée, sept grattoirs à museau, trois grattoirs carénés, un burin busqué, un poinçon en os et un bâtonnet d’ivoire portant des incisions décoratives (Campbell 1977, vol. 2 : 97-98). Ph. Allsworth- Jones (1986 : 185-186 et annexe tableau 4.1) reprendra les données de J. Campbell en classant 112 outils sous l’étiquette Early Upper Palaeolithic.

Plus tard J. Campbell définira le Lincombien en utilisant Kent’s Cavern, située sur la Lincombe Hill, comme site éponyme (Campbell 1980 : 40-44). Il classe toujours 112 outils dans ce Lincombien. La pièce pédonculée est pourtant désormais classée dans le Maisiérien. Cette industrie lincombienne est conçue, sur le modèle proposé par C. McBurney, comme un hybride de l’Aurignacien et de l’Altmühlien (« groupe de Ranis-Mauern ») avec des « pointes à face plane » et des pointes foliacées bifaciales similaires à celles de Ranis 2 et de Mauern, mais également la présence d’artefacts typiques de l’Aurignacien II français. Mais, tout en affirmant l’appartenance à un même complexe original des pointes foliacées et des pièces aurignaciennes, il propose également que le niveau supérieur des dépôts « associé au Lincombien, soit en fait aurignacien » (Campbell 1977 : 51). Les datations 14C d’ossements provenant de la « Cave Earth » sont reprises et toujours considérées comme étant « parmi les plus fiables » (Campbell 1980 : 40).

R. Jacobi (1980 : 22-23) souligne, par contre, que ces datations sont réalisées sur des ossements sans traces de modification humaine et qu’on ne peut être certain qu’elles concernent bien les artefacts contenus dans le même cube d’un pied d’épaisseur, d’autant plus que les carnivores furent nombreux dans la grotte comme l’indique la présence d’au moins 228 dents d’hyènes découvertes lors des fouilles de W. Pengelly dans la « Cave Earth ».

Par la suite, il suggère l’abandon du terme « Lincombien » proposé par J. Campbell et la séparation de l’Aurignacien et des pointes foliacées car leur association stratigraphique n’est pas établie sur des bases suffisamment solides (Jacobi 1990 : 275-284). En outre, l’absence de pointes foliacées dans le « Vestibule » confirme cette séparation. De plus, il remet en cause l’identification de grattoirs carénés, qui seraient plutôt des grattoirs à épaulement, et la présence d’un burin busqué qui serait erronée. Il mentionne onze pointes foliacées laminaires à retouche partielle et une pointe foliacée bifaciale.

D. Datations radiométriques

Un maxillaire humain découvert dans la « Granular Stalagmite » du « Vestibule » lors de fouilles de W. Pengelly en 1867 a été daté à 8.070 ± 90 B.P. (OxA-1786). Il confirme donc l’âge holocène de cette « Granular Stalagmite » et donne un terminus ante quem pour les dépôts inférieurs. La datation d’un perçoir en os découvert en 1866 par W. Pengelly dans la « Black Band » a donné 12.320 ± 130 B.P. (OxA-1789), confirmant l’âge creswellien de l’industrie de ce niveau qui correspond à la partie supérieure de la « Cave Earth », sous la « Granular Stalagmite » (Hedges et al. 1989 : 209 et 215).

Pour les sédiments de la « Cave Earth » contenant des pièces attribuées au Paléolithique supérieur ancien, il y a, d’une part, les quatre datations fournies par J. Campbell (1977 : 151) et qu’il considère comme tout à fait valides pour dater les artefacts associés. Elles sont toutes les quatre réalisées sur des ossements non modifiés : 28.720 ± 450 B.P. (GrN-6202), 28.160 ± 435 B.P. (GrN-6201), 27.730 ± 350 B.P. (GrN-6325) et 38.270 +1470/-1240 B.P. (GrN-6324). St. Aldhouse-Green et P. Pettitt (1998) reprennent ces quatre dates mais en raison de la nature colluviale des dépôts, ils considèrent que seule la date la plus jeune peut être considérée comme un terminus ante quem pour les artefacts.

R. Jacobi (1999 : 37) mentionne deux autres dates pour les dépôts de « Cave Earth » dans le « Vestibule » : 28.060 ± 440 B.P. (OxA-4435) sur une molaire de cerf rouge et 27.780 ± 400 B.P. (OxA-4436) sur une mandibule de renne. Mais il souligne que ces dates, sur des ossements non modifiés, en raison de l’altération des artefacts lithiques qui laissent penser à un déplacement des sédiments, ne peuvent être utilisées comme estimation de l’âge de l’industrie.

Par ailleurs, il existe une datation inédite pratiquée sur un ossement digéré par une hyène provenant du même « cube » que la date GrN-6202 et ayant donné un résultat nettement plus ancien (R. Jacobi, com. pers.).