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Belgique et Grand-Duché de Luxembourg

C. Historique de l'interprétation stratigraphique et culturelle

1. La grotte Nietoperzowa (Jerzmanowice, Cracovie)

A. Localisation

Grotte située dans la vallée de la Będkowska, qui entaille la partie méridionale du plateau de Cracovie. La cavité (fig. 68), dont l’entrée est orientée au sud-ouest et se trouve à 30 m au-dessus du fond de cette vallée, est constituée d’une série de salles et de galeries disposées en enfilade sur une longueur approximative de 165 m. Les traces d’occupations humaines n’ont été rencontrées que dans la partie antérieure (« le couloir d’entrée » et « la première salle »), consistant en un espace rectangulaire de quelque 30 m sur 7. La grotte Nietoperzowa est située à proximité des grottes Mamutowa (4 km) et Koziarnia (6 km). Des rognons de silex sont disponibles sur le plateau par-dessus la grotte (Kozłowski L. 1924 : 139 ; Chmielewski 1961 : 15-17).

B. Historique des fouilles

Il y eut une exploitation du guano de chauve-souris dans la grotte par O. Grube de 1871 à 1884. Ces travaux ont particulièrement affecté la seconde salle, le centre de la galerie principale et, surtout, la troisième salle. Dans le fond de la cavité, les dépôts furent enlevés jusqu'à 1,5 m de profondeur. Pour faciliter ces travaux, l’entrée du site fut dégagée des blocs et sédiments qui l’entravaient (Idem : 17-18).

Le paléontologue F. Roemer participa aux travaux d’O. Grube, au cours desquels il récolta des ossements, et fit des « fouilles d'essai » de 1879 à 1882. Les dépôts qu’il mit au jour dans la partie antérieure de la grotte présentaient la succession suivante : l’humus, un plancher stalagmitique, un dépôt sédimentaire (« Höhlenlhem ») de 30 cm d’épaisseur, puis une couche culturelle noire cendreuse (« foyer supérieur »), ensuite 50 cm de « Höhlenlhem » et, finalement, une autre couche noire (« foyer inférieur ») de même apparence. Ces dépôts noirs ne se retrouvaient pas dans les zones excavées par O. Grube dans les parties plus profondes de la grotte (Kozłowski 1924 : 145 ; Chmielewski 1961 : 17-18).

L. Kozłowski (1924 : 139-141) reprit des fouilles dans la grotte Nietoperzowa en 1918, sous le porche et dans la première partie du couloir d’entrée. Il s’agissait d’une tranchée d’environ 10 m de long sur 5 m de large, appuyée contre paroi ouest de la grotte et laissant un passage d’une largeur d’environ 1,5 m. La succession des dépôts débutait par une couche de 20 à 30 cm d’épaisseur composée de débris calcaires et d’humus mêlant une faune « diluvienne » à des restes néolithiques. Par-dessous se trouvait une couche argileuse, avec fragments de calcaire et ossements d’ours des cavernes, dont la partie inférieure comprenait

quelques artefacts lithiques. À environ un mètre de profondeur, une couche cendreuse noire, de 10 à 20 cm d’épaisseur et présente sur toute la surface fouillée, se trouvait sous la couche argileuse. Elle était riche en artefacts. L’auteur insiste sur le fait qu’il n’a rencontré qu’une seule couche cendreuse, et non pas deux comme F. Roemer, malgré qu’il ait poursuivi les fouilles jusqu’à un mètre sous le niveau cendreux.

En 1956-58, W. Chmielewski (1961) reprend des fouilles, à la fois dans les zones qui n’avaient pas été atteintes par les travaux précédents (dans l’entrée de la grotte) et dans les dépôts plus profonds que F. Roemer et L. Kozłowski n’avaient pas entamés (fig. 69). Il descend à certains endroits jusqu’à la roche en place. Ces fouilles confirment l’existence de deux couches cendreuses dont la supérieure n’a pas été identifiée par L. Kozłowski, alors qu’elle était bien présente dans les coupes de la tranchée qu’il avait réalisée. Les fouilles de W. Chmielewski se poursuivront encore jusqu’en 1963, après la publication de son ouvrage (Madeyska 1981 : 25 ; Kozłowski 1988a).

C. Historique de l’interprétation stratigraphique et culturelle

Alors qu’à la fin du XIXe siècle F. Roemer avait identifié deux niveaux cendreux ayant livré des artefacts et de la faune, L. Kozłowski (1924 : 141-143) ne reconnaît qu’un seul ensemble lors de ses fouilles. Cette industrie provient principalement d’une couche cendreuse, qu’il considère comme équivalente au « foyer inférieur » de F. Roemer. Cet ensemble est composé d’une nonantaine d’artefacts dont 72 pièces qu’il classe comme « feuilles de laurier ». Cette dénomination est assez lâche puisque tous les types de pointes y sont inclus : pièces foliacées complètement bifaciales (deux exemplaires), pointes à retouche bifaciale partielle ou à retouche uniquement dorsale, ainsi que des pièces aux bords ébréchés interprétées comme des outils (racloirs, denticulés). L’ensemble ne comprend que quatre autres outils (une « pointe de La Gravette », un grattoir, deux denticulés) et une douzaine de lames et d’éclats non retouchés. Il attribue le tout au Solutréen inférieur (même s’il l’avait auparavant classé dans le Solutréen moyen ; Kozłowski 1922), en le comparant au Solutréen inférieur français et belge, notamment le matériel « protosolutréen » de la grotte du Trilobite à Arcy-sur-Cure, et le solutréen d’Europe centrale (pièce bifaciale de Předmostí, de Szeleta). En se basant probablement sur le schéma chronologique occidental où les pointes foliacées laminaires (pointe à face plane protosolutréenne) précèdent le développement des pointes foliacées bifaciales, il propose, en outre, que le Solutréen de la grotte Nietoperzowa soit plus ancien que celui de la grotte Mamutowa. La faune accompagnant cette industrie est largement dominée par l’ours des cavernes ; l’auteur mentionne environ 1.000 individus de cette espèce dans la collection provenant des travaux de F. Roemer. Il en conclut que la grotte a été d’avantage fréquentée par cet animal que par les hommes qui ne l’ont utilisée que comme halte de chasse et non comme habitat. Dans ce cadre, il propose que la couche cendreuse corresponde à une technique d’enfumage des ours. Le reste de la faune comprend l’hyène, le lion des cavernes, le loup, le renard, le renne et le mammouth. Les charbons de la couche cendreuse comprenaient des restes de mélèze (Larix polonica) et de pin (Pinus cembra). Il en conclut un climat froid mais pas « arctique ».

Si ses travaux n’ont livré qu’un seul ensemble solutréen, l’auteur identifie cependant parmi la collection de F. Roemer une industrie magdalénienne qui provient du foyer supérieur et dont il n’ a pas retrouvé de traces lors de la fouille. Cet ensemble, classé dans le Magdalénien inférieur (Kozłowski 1924 : 144-146), comprend neuf lames brutes, un éclat,

quatre lames retouchées, une lame à encoche et un grattoir sur lame. Il y a également des artefacts osseux dont une grande pointe en os et d’autres pièces dont des aiguilles à chas et des poinçons. La faune trouvée par F. Roemer dans ce niveau indique un climat arctique (avec une microfaune froide, le renne et le mammouth) que L. Kozłowski rattache au second maximum glaciaire. Le cerf est également présent mais l’auteur propose d’y voir une intrusion depuis la couche d’humus supérieure ou du foyer inférieur.

S. Krukowski (1922) critique la faiblesse des données stratigraphiques des travaux de L. Kozłowski et lui reproche également des hésitations dans la classification du matériel (parfois Solutréen inférieur ou moyen ou supérieur). Plus tard, S. Krukowski répartira le matériel en deux groupes, l’un reprenant les pointes foliacées bifaciales et le second les pointes foliacées laminaires, tous deux rattachés au Solutréen et qui auraient été mélangés lors des fouilles (Chmielewski 1961 : 20).

H. Breuil (1923 : 343) compare l’industrie à celle de la grotte hongroise de Puskaporos, où des pointes foliacées sur lame sont présentes, même s’il souligne que, dans le site hongrois, elles ne sont retouchées que sur la face dorsale. Cette présence de « feuilles planes » rapproche ces industries du stade ancien du Solutréen français.

L. Sawicki (1925), critiquant également le travail de L. Kozłowski, propose une classification du matériel en deux ensembles sur base de la patine, de la typologie et, en particulier, à partir du type de retouche. Il identifie ainsi une industrie plus ancienne, classée dans l’Aurignacien, dans laquelle il regroupe les pièces portant des retouches épaisses, parmi lesquelles il reconnaît notamment une pointe de La Font-Robert, une pointe à cran de type Kostenki, la pointe de La Gravette déjà mentionnée par L. Kozłowski, une lame étranglée et des pointes foliacées considérées comme « primitives ». Il rattache également à cette industrie une grande pointe en os provenant des fouilles de F. Roemer. Cet Aurignacien serait issu de dépôts trouvés sous la couche culturelle noire, tandis que l’industrie récoltée dans cette couche cendreuse, plus récente donc, comprend les pièces à retouches plates et est classée dans le Solutréen. Cette industrie correspondrait, en fait, à un Aurignacien influencé par le Solutréen hongrois. Comme on le verra, cette classification se base sur une interprétation erronée d’une partie du matériel (le soi-disant « Aurignacien ») qui porte une pseudo-retouche due à la cryoturbation (cf. infra).

L. Zotz (1951 : 164-165) reprend la répartition de l’industrie en deux groupes, l’un qui serait « Protosolutréen » et l’autre « Solutréen ». Il émet l’hypothèse que la « pointe de La Gravette » pourrait plutôt être une pièce à dos à rattacher à l’industrie magdalénienne reconnue par L. Kozłowski.

G. Freund (1952 : 193-196, 295-297) s’inspire, elle aussi, de la division proposée par L. Sawicki. Le groupe ancien est considéré comme une industrie s’intégrant dans le Paléolithique moyen, tandis que le groupe récent, avec un développement plus marqué du débitage laminaire, est placé dans le Paléolithique supérieur mais n’a pas de rapport avec le Solutréen d’Europe occidentale.

W. Chmielewski (1961) décrit et interprète la stratigraphie des dépôts qu’il a mis au jour lors de ses fouilles. Il expose d’abord la stratigraphie telle qu’elle est révélée par une coupe transversale établie à l’entrée de la grotte mais n’en donne pas d’illustration. Des coupes

transversales sont cependant figurées dans un article précédent (Chmielewski 1958) mais la numérotation des couches y diffère. Ensuite, il décrit également une coupe longitudinale dégagée depuis l’entrée de la grotte jusqu’à la « première salle », dont il donne l’illustration. Il envisage cette stratigraphie comme étant une sédimentation continue, sans hiatus.

La coupe transversale sous le porche présente, dans sa partie supérieure, la succession suivante (de haut en bas) :

- humus avec grands blocs (6 m de diamètre) ;

- couche 3 : dépôt de lœss d'environ 2 m d'épaisseur incluant une couche avec de minces lentilles gris verdâtre comprenant des restes de charbon de bois (couche 3a). Dans la partie orientale de la coupe, il y a une couche d'argile brunâtre et débris rocheux, de 20 cm d’épaisseur ;

- couche 4 : couche culturelle grise, comprenant des artefacts lithiques, de la faune, des charbons de bois. Elle est perturbée par des cryoturbations ;

- couche 6 : couche culturelle noire, de 10 à 15 cm d'épaisseur, très riche en charbons de bois. Les couches 4 et 6 « ont été observables seulement sur l'espace de 150 cm » car, plus loin, un phénomène d’érosion a éliminé les dépôts jusqu’à la couche 7, sous- jacente. Il ne décrit pas de couche 5 dans cette coupe. Il mentionne simplement que la couche 5a, présente à l’intérieur de la grotte, ne se retrouve pas ici.

La stratigraphie se poursuit avec d’autres niveaux mais ils sont peu intéressants pour notre propos. La couche culturelle suivante se situe 1,3 m sous la couche 6 et il s'agit de Moustérien. D’autres niveaux culturels plus anciens sont également présents dans des couches sous-jacentes.

La coupe longitudinale (fig. 70), depuis l’entrée de la grotte jusqu’à la limite entre le « couloir d’entrée » et la « première salle » est décrite de haut en bas (Chmielewski 1961 : 55- 69) ; la faune ne sera mentionnée ici que pour les niveaux supérieurs :

- couche 1 : humus ;

- couche 2 : sédiment brunâtre. Les couches 1 et 2, uniquement présentes dans l'entrée de la grotte, contiennent du matériel du haut Moyen Âge et du Néolithique. À l’intérieur de la grotte, la couche 3 est surmontée de « lentilles de sable calcaire surmontées d'une strate d'argile grise mêlée de débris rocheux arrondis ». W. Chmielewski classe les couches 1 et 2 dans l’Holocène ;

- couche 3 : dépôt lœssique avec débris rocheux non altérés. Cette couche a une épaisseur de 2 m devant la grotte et s’amincit fortement pour presque disparaître à la fin du « couloir d’entrée ». Durant la formation de cette couche, il y eut un effondrement de la voûte à l'entrée de la grotte. Une occupation humaine dont il a retrouvé des restes de faune, des lentilles cendreuses et des charbons de bois a eu lieu après cet effondrement. La faune comprend le cheval, le loup et l’ours des cavernes. La microfaune est représentée par Dicrostonyx torquatus. La couche 3 correspond à une phase de refroidissement rapide ;

- couche 4 : pourtant présente, elle n’est pas décrite. Sur le relevé de la stratigraphie, elle apparaît dans l’entrée de la grotte et se retrouve à l’intérieur de celle-ci, après la lacune correspondant à la tranchée de L. Kozłowski, où elle s’amincit et disparaît. Les artefacts provenant de cette couche ont tous été trouvés sous le porche d’entrée. La faune comprend l’ours des cavernes et un mustélidé ;

- couche 5 : argile brunâtre sans débris rocheux, présente devant l’entrée de la grotte. Elle est difficile à relier aux dépôts de l’intérieur en raison des fouilles de L. Kozłowski. Dans la grotte, elle serait présente sous la forme d'une argile rougeâtre au sommet de la 5a ; elle est considérée comme une phase de réchauffement ;

- couche 5a : dépôt d’argile et de débris rocheux, semblable à la couche 7. Elle se retrouve uniquement à l'intérieur de la grotte. Dans le fond du couloir d’entrée, cette couche a livré des artefacts, par-dessus la couche 6. L’ours des cavernes est associé à un boviné (Bos ou Bison) ;

- couche 6 : couche culturelle, noire, cendreuse. Dès l’époque de la publication de l’ouvrage de W. Chmielewski, la couche fut datée de 38.160 ± 1.250 B.P. (GrN-2181), sur charbon de bois. Les artefacts se trouvent surtout dans le « couloir d'entrée », il y en avait très peu au-delà de celui-ci, au début de la « première salle ». À l'extrémité de la zone fouillée, la couche 6 était surmontée d’un autre « foyer ». Ce dernier, que W. Chmielewski (1961 : 28) relie hypothétiquement aux pièces de la couche 5a, aurait également endommagé certaines pièces découvertes au sommet de la couche 6 sous- jacente. Ces pièces présentent des caractéristiques proches de celles de l’industrie « aurignacienne » définie par L. Sawicki. W. Chmielewski en conclut donc qu’il n’y avait pas de niveau aurignacien sous la couche cendreuse noire comme le proposait Sawicki et que ces pièces font bien partie de la couche 6 et de la couche 5a. Des artefacts sont également présents dans la partie inférieure de la couche 6. L’auteur rappelle la découverte de charbons de Larix polonica et de Pinus cembra. La faune comprend l’ours des cavernes, le cheval et le lièvre polaire (Lepus timidus). Les couches 6, 5 et 4 présentent une microfaune comprenant Microtus agrestis, M. oeconomus et M. gregalis ;

- couche 7 : argile claire avec débris rocheux de petite dimension. Cette couche a subi une certaine érosion devant la grotte, zone où elle est moins épaisse voire absente. Les couches 7 à 5a correspondraient à une phase de refroidissement ;

- couche 8 : argile brunâtre, alternant des lentilles d'argile et de débris calcaire et quelques fragments rocheux épars. Les couches 7 et 8 sont particulièrement riches en ours des cavernes. La couche 8 est reliée à une période de réchauffement modéré ; - couche 9 : « argile semblable au lœss » avec débris calcaires non altérés. Elle

comprend de l’ours des cavernes, du mammouth et du matériel moustérien et est rattachée à une phase climatique très froide, avec une microfaune incluant Dicrostonyx torquatus ;

- couche 10 : argile rosâtre, proche du lœss, contenant de nombreux débris calcaire non altérés ;

- couche 11 : argile brunâtre avec de nombreux débris de calcaire légèrement altérés. Quelques artefacts sont comparés au matériel d’Okiennik (Micoquien). Les couches 10 et 11 correspondraient à une phase froide mais assez humide ;

- couche 12 : dépôt similaire à celui de la couche 11 mais avec de moins nombreux fragments de calcaire, industrie également similaire. La faune des couches 11 et 12 est dominée par l’ours des cavernes et comprend également le cheval et un cervidé ; - couche 13 : argile grise avec débris de calcaire et comprenant de nombreux charbons

de bois et de la cendre. Les couches 12 et 13 sont les plus « chaudes » et sont rattachées à l’Éemien ;

- couche 14 : « argilo-pulvérulente », « brunâtre avec une teinte mauve », elle comprend des blocs de calcaire allant jusqu’à 40 cm de diamètre. Présence d’une industrie de technologie Levallois ;

- couche15 : « argilo-pulvérulente », « bleuâtre et verdâtre », comprenant des charbons de bois et une industrie levalloisienne. Les couches 15 et 14 relèvent d’une phase froide, indiquée par la microfaune et l’action cryoclastique ;

- couche 16 : argile grise avec débris de calcaire altérés ;

- couche 17 et 18 : argile rouge avec sable et gravier quartzeux, présentant une structure litée et alternant avec des planchers stalagmitiques. Stérile.

Si, dans un premier temps, il classait toujours l’industrie à pointes foliacées dans le Solutréen (Chmielewski 1958 : 129), W. Chmielewski (1961 : 70-73) insiste sur les originalités des ensembles à pointes foliacées de la grotte Nietoperzowa et crée le terme « Jerzmanowicien » pour les distinguer du Solutréen et des autres industries à pointes foliacées d’Europe centrale et orientale (Szélétien et Streletskyen). Il inclut dans cette « civilisation de Jerzmanowice » quelques autres ensembles, soit proches comme les pointes foliacées provenant des grottes Koziarnia et Mamutowa, soit plus lointains comme une pointe foliacée de la grotte Pekárna et le matériel de la couche 1 de Kostenki Telmanskaya. En comparant la stratigraphie de la grotte Nietoperzowa à celles des sites de la région de Kostenki, l’auteur conclut que les ensembles à pointes foliacées polonais sont plus anciens que l’industrie similaire de Kostenki Telmanskaya.

Il définit trois ensembles à pointes foliacées. Le premier provient de la couche 6, les artefacts en sont répartis sur toute la surface fouillée, sous le porche comme dans le « couloir d’entrée », mais sont absents du sondage réalisé au début de la « première salle ». Le deuxième comprend les artefacts présents à la limite de la couche 6 et dans la partie inférieure de la couche 5a, qui ne se retrouve pas sous le porche où cette couche n’était pas présente. Le troisième ensemble reprend les artefacts de la couche 4, provenant uniquement de la zone sous le porche d’entrée (fig. 69).

Selon W. Chmielewski (1961 : 23-35) l’ensemble 6 compte 139 pièces. Parmi celles-ci, 119 proviennent de ses fouilles, d’autres ont été découvertes dans les déblais des fouilles de F. Roemer et de L. Kozłowski et sont rattachées à cet ensemble sur base de restes d’un sédiment noir présent sur les pièces. Il y a aussi 20 autres artefacts (une pièce de la collection Roemer et 19 de la collection L. Kozłowski) qui sont également attribués à ce niveau. Parmi ce matériel, se trouvent trois nucléus, trois pointes foliacées bifaciales, 45 pointes de Jerzmanowice (« pointes lamellaires à retouche partielle »), divers outils sur lame et 56 esquilles. Par ailleurs (Idem : 81), il conçoit cet ensemble, en raison de l’importance des armatures, comme étant le reliquat d’une chasse à l’ours des cavernes dont les ossements sont nombreux. Dans ce cadre, le dépôt cendreux et charbonneux qui constitue ce niveau est considéré comme étant le résultat d’un grand feu visant à faire sortir les ours de la grotte.

L’ensemble 5a est caractérisé par des pièces aux « bords très usés », « à retouche abrupte, souvent à écaillures alternes » (Idem : 29). Si L. Sawicki y avait vu un caractère aurignacien (cf. supra) et S. Krukowski un simple effet de la taphonomie, W. Chmielewski interprète cette particularité comme résultant d’une économie de la matière première conduisant à des ravivages et recyclages des pièces. Il a découvert 29 pièces dans cette couche lors de ses fouilles, auxquelles il ajoute cinq autres découvertes dans les déblais des anciens travaux, 17 artefacts provenant de la collection Kozłowski et une pièce de la collection Roemer. L’ensemble comprend deux nucléus, trois pointes foliacées bifaciales, 24 « pointes

lamellaires » et toute une série d’autres outils (une même pièce pouvant porter plusieurs outils) : encoches, denticulés, racloirs, grattoirs, burins, tarauds. Certaines pièces présentent une double patine, ce qui est interprété comme étant la réutilisation d’anciennes pièces abandonnées dans la grotte. À propos de la pointe en os qui était rattachée à l’industrie aurignacienne par L. Sawicki, il considère qu’il s’agit d’un simple ossement roulé, sur base de comparaisons avec des ossements naturels provenant des couches sous-jacentes archéologiquement stériles.

L’ensemble 4 comprend 59 pièces dont quelques-unes provenant de la collection Kozłowski sont attribuées à ce niveau car elles sont réalisées en silex chocolat. Parmi ces pièces, il y a dix « pointes lamellaires », une « Gravette » et des lames retouchées.

W. Chmielewski (1961 : 53-54) identifie dans la succession de ces trois ensembles des « tendances évolutives » : une diminution de la taille des lames, une augmentation de leur