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Grande-Bretagne

C. Historique de l’attribution stratigraphique et culturelle

8. Hyaena Den (Wookey Hole, Somerset)

A. Localisation

Grotte, creusée dans un conglomérat dolomitique, comportant une chambre principale donnant sur un passage étroit et sur une cheminée (Evans, 1872 : 472). Elle s’ouvre sur la rive droite de la rivière Axe, dans un ravin agissant comme piège naturel pour le gibier et avec une vue panoramique depuis le tertre par-dessus la grotte (Jacobi 2000). Elle se trouve à proximité de Badger Hole et de Rhinoceros Hole.

B. Historique des fouilles

La grotte fut découverte accidentellement vers 1850 lors de travaux. Dès cette époque, une couche ossifère d’environ 30 cm d’épaisseur, et incluant des restes d’hyènes et de rhinocéros laineux, fut mise au jour au niveau du plancher rocheux de la grotte (Tratman et al. 1971 : 246).

Les fouilles de William Boyd Dawkins et de ses collaborateurs débutèrent en 1859 et continuèrent épisodiquement jusqu’en 1874. Dans la chambre principale, les ossements étaient surtout concentrés dans la partie moyenne du dépôt (Evans 1872 : 472). Ce dernier consistait en une « cave-earth » rouge comprenant des fragments de calcaire. Près de l’entrée, à 5 pieds de profondeur (environ 1,5 m), trois niveaux colorés par l’oxyde de manganèse et riches en ossements furent observés. Les artefacts étaient associés à des foyers et des ossements brûlés, principalement dans la zone située à gauche de l’entrée et entre les dépôts

de manganèse. Mais ce sont surtout les hyènes qui ont occupé la grotte, de nombreux ossements rongés et des coprolithes y ayant été découverts (Garrod 1926 : 99). Ce fut une des premières démonstrations d’une association d’une faune pléistocène et d’artefacts (Jacobi, 2000 : 45). Il n’y a pas eu de véritable enregistrement stratigraphique des trouvailles. Les artefacts étaient récupérés par W.B. Dawkins dans les sédiments évacués de la grotte par les ouvriers qui travaillaient à la lumière de bougies. D’autres artefacts furent découverts sous la concentration d’ossements mais on ignore lesquels. Il est difficile de déterminer le nombre précis d’artefacts mis au jour lors de ces fouilles mais probablement moins de 40, dont des bifaces cordiformes et deux pointes de Jerzmanowice (Tratman et al. 1971 : 258 ; Jacobi, 2000 : 46). Le nombre des fouilleurs et la dispersion de la collection entre diverses institutions ont conduit à la disparition d’une partie des pièces.

À partir de 1877, c’est W. Balch qui reprend des fouilles dans la grotte et retrouve des restes de la concentration de faune, des traces de foyers et quelques artefacts (Campbell 1977, vol. 2 : 99). Ces fouilles se poursuivront épisodiquement pendant de nombreuses années, elles livrent parfois des restes d’époques plus récentes (céramiques, monnaies, fibules ; Balch 1928).

De 1966 à 1970, de nouvelles fouilles sont entreprises par E. Tratman, D. Donovan et J. Campbell (University of Bristol Speleaological Society), mais la cavité ne comportait presque plus de sédiments en place et ils étaient archéologiquement stériles. Une coupe a pu cependant être établie et des prélèvements furent effectués pour une analyse palynologique (Tratman et al. 1971).

En 1992, R. Jacobi et T. Hawkes décident de reprendre des travaux et trouvent, de manière inattendue, des sédiments en place sur 45 cm d’épaisseur. Ils ne découvrirent pas d’artefacts retouchés mais de la faune, dont une dent de cerf portant des traces de découpe, et des esquilles de silex et de chert. La présence de chert relie ces restes à certains éléments du Paléolithique moyen de la collection provenant des fouilles de W. Dawkins (Jacobi et Hawkes 1993).

C. Historique de l’interprétation stratigraphique et culturelle

J. Evans (1872 : 473-474) compare l’un des bifaces cordiformes, assez mince, avec la pointe foliacée bifaciale provenant de la « Gallery » de Kent’s Cavern. De même, il compare la pointe de Jerzmanowice avec les pièces similaires de Kent’s Cavern et il souligne la similitude de la faune découverte dans ces deux grottes.

Á l’époque de D. Garrod (1926 : 100-102), une partie de la collection était déjà perdue. Elle classe bien entendu la pointe foliacée sur lame dans le Protosolutréen et, si les bifaces évoquent le Moustérien (« type Combe-Capelle »), elle les conçoit plutôt comme des prototypes de feuille de laurier solutréenne et considère donc l’industrie comme homogène, en se basant également sur la patine similaire de ces pièces.

Par contre, G. Freund (1952 : 60-62) propose une interprétation inverse. Il s’agirait d’une industrie du Paléolithique moyen montrant une tendance au développement de forme protosolutréenne.

Selon E. Tratman et ses collaborateurs, 37 artefacts (11 outils et 26 éclats et nucléus) nous sont parvenus. Ils proposent de diviser l’industrie en une composante moustérienne comprenant les petits bifaces qui pourraient dater de l’Éémien, sur base de la faune, et une autre du Paléolithique supérieur ancien avec les pointes de Jerzmanowice (Tratman et al. 1971 : 268 - 269). Une seule des deux pointes foliacées laminaires découvertes par W. Dawkins est conservée. Selon eux, cette pièce porte une encoche sur un bord et a été retouchée après avoir été brisée, transformant la pièce en grattoir (Idem : 261). Ils révisent également la faune, dominée par les restes d’hyènes et de rhinocéros laineux et comprenant également le lion des cavernes, l’ours des cavernes, le loup, le renard, le mammouth, le cheval, l’aurochs, le mégacéros, le renne et le cerf élaphe. L’accumulation de ces ossements est interprétée comme le résultat d’une alternance d’occupation par l’homme et l’hyène.

J. Campbell (1977 : 89, 100) décrit la stratigraphie des fouilles de E. Tratman en y incorporant les résultats de ses analyses sédimentologiques et palynologiques (de haut en bas) :

- C/B : l'importance des pollens d'arbres et d'arbustes indique la fin du Pléistocène et le début de l'Holocène ;

- A3 : le sommet de la couche présente une proportion importante de sable associée à des éboulis cryoclastiques, ce qui correspondrait au maximum du second Pléniglaciaire (« Full Last Glacial »). La palynologie indique 15 % d’AP confirmant l'attribution au Pléniglaciaire ;

- A2b : la partie supérieure présente des éboulis cryoclastiques non altérés, suivie d’une augmentation de la composante sableuse puis par des éboulis cryoclastiques altérés dans la partie inférieure de la couche. Cela correspondrait aux différents changements climatiques intervenus lors de l'Interpléniglaciaire. La palynologie montre une proportion d’environ 15 % d’AP dans la partie supérieure de la couche tandis que le milieu de la couche atteint environ 40 % d’AP, ce qui indiquerait l' « Upton Warren Interstadial ». Il considère que c’est probablement la couche dont proviennent les artefacts du Paléolithique supérieur ancien ;

- A2a : palynologie : 40 % d’AP dont plus de 5 % d'arbres thermophiles, il s’agirait peut-être du dernier Interglaciaire ou du début du dernier Glaciaire. La présence dans la faune de ce niveau de Dicerorhinus hemitoechus confirmerait cette position chronologique ;

- roche en place.

Il raccroche 31 artefacts au Paléolithique supérieur ancien dont il pense qu’ils proviendraient de la couche « A2b ». Cet ensemble comprend (Idem, vol. 2 : 99) : deux grattoirs carénés, trois lames à denticulations, une lame retouchée, une pointe foliacée laminaire, une pointe foliacée bifaciale, un nucléus unipolaire, un nucléus discoïde, onze éclats, sept fragments de lames et d'éclats et trois galets gélifractés. Parmi le matériel disparu mais connu par des illustrations, il signale, de plus, une pointe foliacée laminaire et deux

pointes en matière osseuse.

La pointe foliacée bifaciale qu’il mentionne est, en fait, un des bifaces cordiformes ; il n’est d’ailleurs pas complètement catégorique quant à sa classification dans l’Early Upper Palaeolithic (Campbell 1977 : 151).

Lorsqu’il définit le Lincombien (Campbell 1981), la présence de pièces carénées et de pointes foliacées fait de Hyeana Den l’un des sites de ce groupe « hybride ».

M. Otte (1981 : 98), se basant sur les travaux de J. Campbell, place le site parmi ceux qui présentent à la fois des pointes de Jerzmanowice et des pointes foliacées bifaciales.

Les recherches effectuées par R. Jacobi et T. Hawkes suggèrent qu’il y ait eu deux unités stratigraphiques principales (Jacobi et Hawkes 1993).

La plus ancienne correspond à des dépôts d’inondation dont proviennent des restes de loup, renard, ours, renne et bison, comparables à ceux de Banwell Bone Cave, grotte sans élément anthropique mais avec un ensemble faunique daté entre 74 et 64.000 B.P. Récemment, une date de 52.700 ± 2.000 B.P. (OxA-13914) a été obtenue sur un ossement provenant de cette couche et sert donc de terminus post quem au dépôt sus-jacent (Jacobi et al. sous presse).

Cette unité supérieure est un remplissage sédimentaire qui contenait les artefacts et les restes de l’occupation de la grotte par les hyènes. Les fouilles récentes ont révélé la présence, à la base de cette couche, d’éléments de silex et de chert carbonifère. Étant donné que, dans la collection provenant des fouilles anciennes, seuls des artefacts caractéristiques du Paléolithique moyen sont réalisés en chert carbonifère, on peut penser que ces déchets datent, eux aussi, de cette période. La datation réalisée sur une incisive de cerf avec traces de découpe accompagnant ces esquilles de chert a livré un résultat de 40.400 ± 1.600 B.P. (OxA- 4782) correspondant bien à cette hypothèse (Jacobi 2000). D’autres datations réalisées sur des ossements carbonisés ont donné des résultats plus récents, entre 27.850 ± 460 B.P. (OxA- 4112) et 34.900 ± 1.450 B.P. (OxA-4113), ce qui est probablement dû à la disparition d’une partie du collagène lors de la combustion. D’ailleurs, de nouvelles datations (AMS avec ultrafiltration), réalisées sur des ossements sans traces d’activité humaine, provenant de ces mêmes dépôts, confirme la position chronologique dans la première partie du stade 3 : entre 45.100 ± 1.000 B.P. (OxA-13915, dent de cerf) et 48.600 ± 1.000 B.P. (OxA-13917) (Jacobi et al. sous presse). D’autant plus que l’âge éémien parfois proposé pour cette industrie du Paléolithique moyen (Tratman et al. 1971) se basait sur une interprétation erronée de la faune (Currant et Jacobi 2002 : 106). On peut rattacher à cette industrie du Paléolithique moyen des petits bifaces cordiformes, des denticulés et des encoches. L’auteur rapproche cet ensemble de ceux livrés par les grottes de Rhinoceros Hole et d’Uphill Quarry (grotte inférieure).

En ce qui concerne les pointes du début du Paléolithique supérieur, R. Jacobi (1990 : 275 et 277) ne prend en compte que les deux pointes de Jerzmanowice et n’identifie pas de pointe foliacée bifaciale.

Par ailleurs, R. Jacobi signale la présence d’un fragment de pointe en matière osseuse (fig. 145.2). Elle fut découverte en 1890 et provient de dépôts de pente comblant une fissure située à l’arrière de la grotte, elle n’est donc pas associée au reste des artefacts. Cette pièce a, dans un premier temps, été datée à 24.600 ± 300 B.P. (OxA-3451) (Jacobi 2000 : 47). Mais, récemment, une nouvelle datation est venue la vieillir considérablement : 31.550 ± 340 B.P. (OxA-13803 ; AMS avec ultrafiltration). Cet âge correspond bien à l’attribution de cette

pointe à l’Aurignacien, en raison de sa similitude avec des pièces de La Ferrassie et de l’abri Blanchard (Jacobi et al. sous presse).

E. Description du matériel

Seule la collection conservée à l’Oxford University Museum a été étudiée.

Elle comprend bien un fragment mésial de pointe de Jerzmanowice (fig. 12.1), réalisée sur une lame, probablement sous-crête, provenant d’un nucléus à deux plans de frappe opposés. En raison de l’ébréchure des bords de la pièce, l’intentionnalité de l’encoche sur le bord droit n’est pas certaine. De même, les « retouches » transformant la pièce en « grattoir » après sa cassure sont plus probablement taphonomiques.

La pièce classée avec réserve comme pointe foliacée bifaciale par J. Campbell est bien un biface cordiforme (fig. 261.3), d’un type commun dans le Paléolithique moyen récent anglais.

Parmi les quelques autres artefacts présents, une des pièces interprétées comme un grattoir caréné par J. Campbell ne correspond pas à ce type (sorte de grattoir au front abrupt, sans retouche lamellaire).

F. Conclusion

En dépit de l’ancienneté des fouilles, de l’absence de données stratigraphiques fiables, d’une perte d’une partie du matériel, il est possible, principalement sur base des travaux de R. Jacobi et T. Hawkes et des datations radiométriques récentes, d’avoir une image moins floue de ce site.

La base des sédiments est constituée d’un dépôt archéologiquement stérile, daté vers 52.000, surmonté du niveau comprenant le Paléolithique moyen, le Paléolithique supérieur et les reste de l’occupation de la grotte par les hyènes. La base de ce niveau, avec au moins une partie de l’industrie du Paléolithique moyen est daté vers 46-48.000 BP (ossements non modifiés, AMS avec ultrafiltration) et 40.000 (dent avec trace de découpe, AMS non ultrafiltrée).

La collection comprend une pointe de Jerzmanowice et une (probable) seconde qui a été perdue. Ces deux pointes ne peuvent être groupées avec d’autres artefacts provenant de la grotte. Il n’y a pas de pointes foliacées bifaciales, les pièces classées ainsi par D. Garrod et J. Campbell sont des petits bifaces cordiformes, communs dans le Paléolithique moyen récent britannique.

Contrairement à ce que pourrait laisser croire l’industrie Early Upper Palaleolithic ou lincombienne formée par J. Campbell, il n’y a pas d’artefact lithique aurignacien. L’Aurignacien est bien présent mais uniquement sous la forme d’une pointe en matière osseuse qui n’est pas associée au reste de l’industrie lithique et est datée vers 31.500 B.P.