• Aucun résultat trouvé

Grande-Bretagne

C. Historique de l’attribution stratigraphique et culturelle

9. Badger Hole (Wookey Hole, Somerset)

A. Localisation

Cette grotte, creusée dans un conglomérat dolomitique triassique, s’ouvre sur le versant est du ravin de Wookey Hole, à proximité de la source de la rivière Axe. Elle dispose d’une large entrée, orientée au sud-ouest, à 10 m au-dessus du niveau actuel du ravin. Cette entrée donne sur une première cavité d’environ 10 m de large pour 7 de profondeur ; un passage étroit conduit à une seconde chambre d’où partent plusieurs diverticules (Campbell 1977 : 49). D’autres grottes ayant livré des industries paléolithiques sont proches : Hyeana Den (cf. supra) et Rhinoceros Hole (Proctor et al. 1996).

B. Historique des fouilles

H.E. Balch y poursuit épisodiquement des fouilles entre 1938 et 1953, mais sans publier ses découvertes. Les informations disponibles provenant de ses notes inédites ont été synthétisées par J. Campbell (1977 : 49-51). Balch fouillait par carré de 84 cm de côté (1 yard) et par tranche de 30 cm d’épaisseur (1 pied), cela permet d’avoir une vision relativement précise de la provenance des pièces découvertes. La zone de l’entrée était déjà fortement perturbée lorsqu’il l’a fouillée. Il a également travaillé dans la chambre et les différents passages en pratiquant des tunnels. Deux des pointes de Jerzmanowice trouvées par Balch proviendraient d’une zone considérée comme non perturbés, dans la cinquième « tranche » (donc entre 120 et 150 cm de profondeur), près du bedrock. Deux autres pointes de ce type ont également été découvertes par Balch, mais dans des dépôts perturbés. Outre ces pointes de Jerzmanowice, ces fouilles livrent une cinquantaine d’artefacts.

En 1958, C. McBurney opère deux sondages, l’un au nord et l’autre au sud de l’entrée. Le premier n’a révélé que des dépôts perturbés, le second des dépôts partiellement en place mais stériles. Un seul fragment de lame provient de la partie supérieure, perturbée, de ce dernier sondage.

J. Campbell reprend des fouilles en 1968. Il creuse une tranchée de 1 x 4 m, au bord de la terrasse (à la limite de la pente), et descend jusqu’au bedrock (fig. 12.2). Les sédiments rencontrés sont fortement perturbés par l’activité animale et humaine, perturbations probablement antérieures aux fouilles de Balch. Il découvre cependant une concentration d’ossements brûlés à la même altitude approximative qu’une des pointes de Jerzmanowice découvertes par Balch. Mais ces nouvelles fouilles ne fournissent, elles aussi, qu’une seule lame en position perturbée.

C. Historique de l’interprétation stratigraphique et culturelle

J. Campbell (1977 : 49-51, 88, 118-119) décrit de la stratigraphie obtenue lors de ses fouilles et dont l’interprétation chronologique se base sur les résultats des analyses

sédimentologiques et palynologiques : - F : humus ;

- E : sable rouge. Dépôt récent ;

- E/D : sédiment rouge-brun. Récent et perturbé ; - E/C : Sable rouge foncé avec blocs altérés.

Faune : blaireau, capriné, canidé, et bovidé ;

Palynologie : 60 % d’AP dont une espèce thermophile, indique l’Holocène ;

- B/A3 : éboulis sableux cryoclastiques, indiqueraient le maximum du Pléniglaciaire supérieur ;

Palynologie : 6 % d’AP, confirme l'attribution au Pléniglaciaire supérieur ;

Faune (provenant d'une zone intermédiaire entre B/A3 et A2) : ours brun, rhinocéros laineux, cheval et rongeurs, dont le lemming à collier ;

- A2 : sable limoneux avec éboulis cryoclastiques altérés à la base. Palynologie : jusqu'à 25 % d’AP dans la partie inférieure.

Faune : hyène, félidé, loutre, renard, ours brun, cheval, mégacéros et renne. Datation 14C : >18.000 B.P. (BM-497) sur os brûlé.

L’auteur considère la grande majorité des artefacts découverts (55 pièces lithiques) comme un seul ensemble, classé dans le Early Upper Palaeolithic, et dont la position originelle se trouvait dans la couche « A2 », celle qui a livré un foyer lors de ses fouilles. Il reconnaît dans ce matériel, outre les 4 pointes de Jerzmanowice : 3 denticulés sur lame, 2 racloirs, 2 lames retouchées, 1 grattoir double, 1 perçoir, 1 encoche et 39 pièces non retouchées et déchets de débitage. La position de cette couche sous le dépôt « B/A3 », considéré comme correspondant au maximum du second Pléniglaciaire, et la datation infinie obtenue sur le foyer, indiquent, pour lui, l’âge paléolithique supérieur ancien de cette industrie marquée par la présence des pointes foliacées sur lame. Cette occupation correspondrait à un « base camp » (Idem : 143). Une seule pièce à dos est considérée comme un témoin du Late Upper Palaeolithic (Idem, vol. 2 : 113).

R. Jacobi (1990 : 276 ; 2000 : 47) conteste l’homogénéité de l’ensemble de l’industrie. Sur la base de leur état de conservation (patine et bords ébréchés), il propose de classer 21 artefacts (éclats, lames, lames retouchées et les quatre pointes de Jerzmanowice) dans le Paléolithique supérieur ancien. Il remet en cause la datation 14C obtenue par Campbell, il s’agirait, en fait, d’ossements non pas brûlés mais simplement de couleur foncée ; il n’y aurait donc pas de foyer en place dans la couche « A2 ». Le reste de l’industrie serait principalement d’âge holocène et contient également quelques éléments creswelliens.

Stephanie Swainston (1999 : 45) signale la présence dans la collection d’une lame, provenant des fouilles de Balch, portant « des retouches aurignaciennes caractéristiques ».

D. Datations radiométriques

Outre la datation, mentionnée plus haut, de > 18.000 B.P. (BM-607), qui n’est pas rattachée à un foyer comme le proposait J. Campbell et qui n’apparaît donc pas significative pour dater les occupations humaines de la grotte, plusieurs autres ont été réalisées sur des ossements humains dont on pensait qu’ils pouvaient dater du Paléolithique supérieur ancien (Hedges et al. 1989 : 210). Cependant, les résultats montrent qu’il s’agit de restes mésolithiques et historiques : 9.360 ± 100 B.P. (OxA-1459), 9.060 ± 130 B.P. (OxA-679) et 1.380 ± 70 B.P. (OxA-680). Cela confirme la perturbation, au moins partielle, des dépôts.

Récemment, une datation a été obtenue pour une dent de cheval dont on sait, d’après les notes de Balch, qu’elle fut découverte à proximité d’une des pointes de Jerzmanowice : 36.000 ± 450 B.P. (OxA-11963) (AMS sur gélatine ultrafiltrée ; Jacobi et al. sous presse).

E. Description du matériel

La collection conservée au Musée de Wells a été étudiée.

Comme cela a déjà été remarqué par R. Jacobi, la collection comprend des artefacts datant probablement du Paléolithique supérieur récent et de l’Holocène.

Certes, il y a plusieurs pièces dont l’état de conservation est similaire à celui des quatre pointes de Jerzmanowice mais ce ne sont pas des artefacts très significatifs, souvent peu retouchées ou simplement ébréchés. Parmi ces pièces figurent un grattoir double sur lame épaisse, une lame retouchée sur les deux bords et un racloir. Il y a donc nettement moins d’outils véritables que ce qui est mentionné par J. Campbell, celui-ci ayant probablement interprété typologiquement des pièces dont la retouche relève, en fait, des effets de la taphonomie. En raison des perturbations importantes subies par une partie des dépôts, l’association de ces pièces avec les pointes de Jerzmanowice reste uniquement hypothétique. Parmi ces pièces, on peut noter la présence de trois lames à négatifs dorsaux bipolaires qui, en particulier la plus massive (fig. 14.1), ne sont pas sans évoquer les lames souvent rencontrées dans d’autres collections rattachées au LRJ. Si on peut donc garder à l’esprit que les pointes de Jerzmanowice ne sont peut-être pas isolées dans cette collection, une association avec d’autres pièces semble trop hypothétique que pour les inclure dans une étude technologique de cette industrie.

Contrairement à l’affirmation de S. Swainston, aucune pièce caractéristique de l’Aurignacien n’a été rencontrée.

Les quatre pointes de Jerzmanowice (fig. 13) sont toutes fragmentaires. Les retouches sont principalement concentrées dans les parties proximale et distale de la face ventrale, mais sur toute la surface ventrale pour l’une d’entre elles.

Les lames sur lesquelles ces pointes sont aménagées portent, dans deux cas, des négatifs bipolaires indiquant un débitage à deux plans de frappe opposés. Les deux autres ont des négatifs unipolaires. Une de ces pièces a conservé son talon qui est lisse, mince (3 mm) et

présente une lèvre ; le bulbe est sensible (fig. 13.2). Elle porte un coup de burin partant de la cassure distale dont il est difficile de décider s’il est intentionnel, auquel cas cette pièce devrait être classée comme burin sur cassure (sur pointe de Jerzmanowice), ou s’il s’agit simplement d’un enlèvement burinant apparu lors de la cassure provoquée par un choc (Shea 1988).

F. Conclusion

La perturbation partielle des dépôts, notamment par l’action des blaireaux qui donnent leur nom à la grotte, est confirmée par le caractère manifestement hétérogène du matériel mêlant des pièces d’époques variées et par les datations des ossements humains. À cela s’ajoute la faiblesse des informations relatives aux fouilles de H.E. Balch.

Dans ces conditions, il est difficile d’associer des artefacts aux quatre pointes de Jerzmanowice présentes. L’association hypothétique sur base de la patine et de l’altération des pièces semble trop aléatoire que pour être retenue ici. La présence parmi ces pièces patinées de quelques lames bipolaires, dont une assez massive, ne dénoterait pas dans d’autres ensembles du LRJ. Aucune pièce attribuable à l’Aurignacien n’a été vue.

Les pointes de Jerzmanowice proviennent probablement de la partie inférieure des dépôts, zone ayant livré une faune (hyène, cheval, renne, mégacéros) habituelle de l’Interpléniglaciaire dans les îles Britanniques (Currant et Jacobi 2002). Si, en raison de l’ancienneté des fouilles, on ne peut être a priori complètement confiant dans la validité de l’association entre la dent datée et la pointe de Jerzmanowice trouvée à proximité, la datation à 36.000 ± 450 B.P. (OxA-11963) apparaît cependant comme acceptable.