• Aucun résultat trouvé

Grande-Bretagne

C. Historique de l’attribution stratigraphique et culturelle

12. Robin Hood Cave (Creswell, Derbyshire)

A. Localisation

Située sur le versant nord de la gorge des Creswell Crags et creusée dans du calcaire permien, la grotte présente une large terrasse à 5 m au-dessus du niveau du ravin. Quatre ouvertures, dont deux entrées adjacentes principales, orientées au sud-est, donnent sur une série de chambres reliées par des couloirs et ouvertes par des cheminées. Les deux chambres principales, la « Western Chamber » et la « Eastern Chamber », conduisent à une chambre plus profonde, la « Central Chamber » (fig. 17.2 ; Campbell 1977 : 64 ; Jacobi et Grün 2003).

Il n’y a pas de source de silex dans un rayon proche, des galets ont pu être obtenus dans la vallée de la Trent mais le matériel plus fin provient des dépôts crayeux à environ 60 km au Sud (Swainston 1999 : 43).

B. Historique des fouilles

La « Western Chamber » a été fouillée par W. Dawkins, T. Heath et M. Mello en 1875- 76. La « Eastern Chamber » a fait l’objet de travaux menés par des fouilleurs restés inconnus, avant 1890. Dans la « Western Chamber », les fouilleurs rencontrèrent d’abord des dépôts récents contenant notamment du matériel d’époque romaine. Ensuite, trois couches principales furent reconnues, de bas en haut : « Red Sand », qui correspond à un sédiment sableux et argileux déposé lors d’une phase d’inondation et ayant livré très peu de matériel ; « Cave Earth » (plus développée vers l’intérieur de la grotte, jusqu’à 2 m d’épaisseur) et « Breccia », partie supérieure de la « Cave Earth » solidifiée par un développement de calcite, d’épaisseur variable (jusqu’à 90 cm) et parfois absente. Ils ne séparent pas le matériel provenant de ces deux couches supérieures et comprenant de la faune pléistocène et des artefacts. À certains endroits, un niveau supplémentaire, le « Mottled Bed », s’intercalait entre la « Red Sand » et la « Cave Earth » (Garrod 1926 : 122-123 ; Jacobi et Grün 2003 : 1) (fig. 17.3).

D’autres fouilles furent menées par R. Laing en 1888 dans la « Central Chamber » et les différentes galeries étroites mais très peu d’informations sont disponibles quant aux dépôts qu’il a rencontrés et aux artefacts qu’il a découverts. Il aurait notamment mis au jour des restes humains dans la partie supérieure du remplissage mais aussi dans les dépôts les plus profonds (« Red Sand »), ce matériel est malheureusement perdu (Jenkinson 1984 : 36, 38- 39).

Selon D. Garrod (1926 : 122), il y aurait également eu des travaux menés par A.L. Armstrong et G.A. Garfitt en 1924.

En 1969, J. Campbell retrouve, sur la terrasse, des dépôts pléistocènes stratifiés, sous 1 m de déblais provenant des anciennes fouilles. Ces dépôts furent divisés en quatre couches, toutes de nature cryoclastique. Elles contenaient uniquement des industries du Creswellien (Campbell 1969).

Une mandibule humaine, associée à un fragment de bois de renne, fut découverte par des enfants dans des sédiments adhérant à la paroi de la « Western Chamber » en 1978 (Jenkinson et al. 1986). Des fouilles furent également menées par Oakley en 1981, dans une zone restreinte de la « Western Chamber », ce qui a permis de retrouver des dépôts de la « Cave Earth » contenant de la faune, quelques ossements brûlés et des artefacts dont des éclats de quartzite (Jenkinson 1984 : 38 ; Jacobi et al. sous presse).

C. Historique de l’interprétation stratigraphique et culturelle

La description, donnée par W. Dawkins et M. Mello, de certains artefacts provenant de la « Breccia » (« a few well-shaped spear-heads or large arrow-heads chipped on both surfaces ») laisse penser à D. Garrod (1926 : 122-123) qu’il s’agit de pièces « protosolutréennes », c’est-à-dire des pointes foliacées laminaires et bifaciales. Elle mentionne également que cette couche contenait par ailleurs des éléments en quartzite. La « Cave Earth » contenait principalement des artefacts en quartzite. La faune de ces deux niveaux est dominée par la hyène, le renne, le rhinocéros laineux et le cheval.

Le « Mottled Bed » était également riche en fragments de quartzite, de même que le « Red Sand » qui comportait, par ailleurs, une faune similaire à celle des niveaux supérieurs.

Dawkins a remarqué que les artefacts en quartzite se retrouvaient en majorité dans les parties inférieures et le silex dans les parties supérieures. Parmi les pièces en quartzite, un biface semble indiquer l’âge moustérien de cette composante de la collection (Garrod 1926 : 125).

Par contre, elle considère les pièces en silex comme étant toutes attribuables au Paléolithique supérieur. Elle souligne l’absence de source de silex locale. Parmi ces pièces, le type principal est la « pointe de La Gravette dégénérée » (= pointe de Creswell). De plus, elle reconnaît des pièces « protosolutréennes », dont une pointe transformée en burin et deux fragments de « feuilles de laurier ». Deux des pointes protosolutréennes proviennent, d’après leur marquage, de la « Breccia ». Ce même niveau a livré un os portant une gravure de tête de cheval, ainsi qu’un fragment de poinçon en os qu’elle compare à une pièce similaire de « l’Aurignacien supérieur » de Wildscheuer.

Elle conclut donc qu’il y a de « l’Aurignacien supérieur de type Font-Robert », dans lequel elle classe les pièces « protosolutréennes » mais aussi, sur base de sa facture soignée, un grattoir - burin d’angle, certaines des « pointes de La Gravette » et, hypothétiquement, certains grattoirs sur lame. Les deux « feuilles de laurier » appartiennent peut-être aussi à cette série car « it is probable that in England a developped form of the Font-Robert type culture replaced to some extent the true Solutrean ». Le reste de l’industrie, avec les pièces à dos, est considéré comme une variante du Magdalénien (Garrod 1926 : 148).

G. Freund (1952 : 62) souligne les faiblesses du contexte stratigraphique et ne tranche pas la question de la position chronologique des pointes foliacées, dans le Paléolithique supérieur ou dans le Paléolithique moyen.

Pour Ph. Smith (1966 : 287), les fragments de pièces bifaciales minces indiquent, de manière « improbable, mais non impossible », la présence d’une occupation du Solutréen moyen dans le Nord de l’Angleterre.

J. Campbell (1977 : 64-67) souligne que les dépôts fouillés par W. Dawkins et M. Mello étaient partiellement perturbés car ils ont découvert des dents d’hyènes et de rhinocéros dès les premiers centimètres de sédiment. Ils découvrirent des artefacts du Late Upper Palaeolithic et du Early Upper Palaeolithic mais la position stratigraphique des ces pièces n’est pas établie.

Lors des fouilles qu’il mena sur la terrasse de la grotte, J. Campbell (1969) rencontra des déblais des fouilles du XIXe siècle, sus-jacents à des dépôts de nature cryoclastique, « plus ou

moins » en place, contenant du Late Upper Palaeolithic et du Mésolithique. Ces dépôts ont été partiellement tronqués par les fouilles anciennes et ensuite remblayés, ce qui explique la datation de 28.500 +1.600/-1.300 B.P. (BM-602) obtenue sur un os d’ours brun provenant de ce remblai (Campbell 1977, vol. 2 : 19). Deux autres dates ont été obtenues : 10.590 ± 90 B.P. (BM-604) et 10.390 ± 90 B.P. (BM-603), toutes deux sur os de cheval. Une date de > 40.000 B.P. (BM-601) a également été réalisée sur un charbon de bois, probablement en position secondaire. Malgré ces évidences de perturbations, l’auteur a procédé à une analyse sédimentologique et palynologique.

Le matériel réuni sous l'étiquette Early Upper Palaeolithic par J. Campbell (1977, vol. 2 : 107) comprend 54 artefacts dont 35 outils (un burin, un burin sur lame retouchée, quatre grattoirs, trois lames retouchées, onze denticulés, deux encoches, deux pointes à retouches plates dorsales, un burin sur pointe foliacée, six pointes foliacées laminaires, deux pointes foliacées bifaciales) et 17 éléments non retouchés. Enfin, il y intègre également un poinçon en os et un fragment de côte portant une tête de cheval gravée. Plus tard, il proposera de rattacher cette œuvre d’art au « Protocreswellien » ou « Creswellien inférieur » qui daterait du maximum du second Pléniglaciaire (Campbell 1988b).

J. Campbell (1980 : 52, 55, 59), divisant ensuite son Early Upper Palaeolithic en Lincombien, Aurignacien et Maisièrien, classe une partie du matériel dans le Lincombien mais sans donner de précisions quant aux artefacts concernés. De plus, et sans explication, un fragment de pointe foliacée laminaire est attribué à l’Aurignacien (accompagné d’un grattoir sur lame retouchée) et un fragment de pointe foliacée bifaciale au Maisiérien. La classification de cette dernière dans le Maisiérien, en y ajoutant éventuellement les autres pièces à retouches plates, est reprise par Ph. Allsworth-Jones (1990 : 209).

R. Jenkinson (1984 : 38-50, 118) souligne la faiblesse des informations concernant la stratigraphie et la provenance des artefacts ainsi que les incohérences entre les comptes- rendus des résultats par les différents fouilleurs du XIXe siècle. Il identifie du Moustérien, du

Early Upper Palaeolithic et du Late Upper Palaeolithic, ce dernier étant le plus abondant. Il propose de rattacher 41 artefacts au Early Upper Palaeolithic. Ces pièces, uniquement lithiques, ont principalement été découvertes dans la « Western Chamber ». Dix-sept de ces artefacts sont rattachés à cette période car leur marquage indique qu’ils proviennent de la couche « Cave Earth », les autres en sont rapprochés sur base typologique. Cet ensemble comprend huit pointes foliacées, dont trois sont originaires de la « Cave Earth », deux racloirs, un burin, vingt et un éclats retouchés, trois lames et six éclats bruts.

R. Jacobi (1990 : 275, 277) mentionne dix pointes foliacées laminaires et une pointe foliacée bifaciale provenant de Robin Hood Cave. Dans les collections des anciennes fouilles, il y a, par ailleurs, trois pointes foliacées laminaires dont on sait seulement qu’elles proviennent de Creswell sans plus de précision.

A. Sieveking (1992) propose, sur base de comparaison avec des gravures sur os magdaléniennes de divers sites français, d’attribuer l’os portant une tête de cheval gravée au Paléolithique supérieur récent ce qui, par ailleurs, est renforcé par la découverte récente d’art rupestre à Robin Hood Cave (motif géométrique) et dans la grotte voisine de Church Hole (motifs géométriques et figures animales) où il a été daté à plus de 12.800 B.P. (Pike et al. 2005).

Une révision des données stratigraphiques et de la provenance de la faune et des artefacts en vue de datations radiométriques (Jacobi et Grün 2003) a permis d’établir que la faune de la « Red Sand » et du « Cave Earth » est de « type Pin Hole », c’est-à-dire qu’elle montre l’association d’espèces caractéristique du stade isotopique 3 (avec le mammouth, le rhinocéros laineux, le renne, le cheval) et que cette faune est principalement liée à l’occupation de la grotte par des hyènes. La « Breccia » comprenait de nombreux ossements de lièvres des montagnes, dont certains, portant des traces de découpe, ont été datés du Paléolithique supérieur final. D’autres ossements de la « Breccia » ont cependant donné des datations très diverses. Les artefacts caractéristiques du Creswellien proviennent de la « Breccia » et de la partie supérieure de la « Cave Earth », tandis que les pièces rapportées au Paléolithique moyen (bifaces cordiformes, racloirs, denticulés, chopping-tool ou nucléus en quartzite et les autres artefacts en quartzite) proviennent de la partie inférieure de la « Cave Earth ».

D. Datations radiométriques

La datation de 28.500 +1.600/-1.300 B.P. (BM-602) est retenue par St. Aldhouse-Green et P. Pettitt (1998 : 763) pour situer « une couche ayant livré des pointes foliacées et des burins ». Comme on l’a vu (cf. supra), elle a été obtenue sur un ossement d’ours provenant des déblais des fouilles anciennes, sus-jacents à des dépôts perturbés rattachés à la fin du

Paléolithique supérieur et elle n’est absolument pas associée à des pointes foliacées ni à aucun artefact ; elle est donc à rejeter sans hésitation.

Les datations réalisées sur des ossements de lièvres avec traces de découpes, provenant des fouilles de J. Campbell devant l’entrée ouest de la grotte, ont livré six résultats proches, entre 12.290 ± 120 B.P. (OxA-1670) et 12.600 ± 170 B.P. (OxA-1616), elles peuvent probablement être rapportées à une occupation creswellienne du site (Hedges et al. 1989 : 213 ; Charles et Jacobi 1994). Elles ne sont cependant pas ordonnées stratigraphiquement et confirment ainsi la perturbation des dépôts mis au jour par J. Campbell. Les mêmes dépôts ont d’ailleurs livré des ossements datés à 31.050 ± 500 B.P. (OxA-5802) (hyène), 33.450 ± 700 B.P. (OxA-5801) (hyène), 42.900 ± 2.400 B.P. (OxA-3454) (rhinocéros laineux) et des charbons de >36.000 B.P. (OxA-199) et >40.000 B.P. (BM-601) (Jacobi et Grün 2003).

Par ailleurs, un os de rhinocéros laineux découvert dans la « Breccia » lors des fouilles de 1875-76 a donné une date de 29.300 ± 480 B.P. (OxA-3455). Des datations ESR ont également été réalisées. L’une sur une dent de rhinocéros laineux provenant du « Red Sand », le niveau le plus profond, a livré un résultat de 55.000 ± 4.000 (ESR 995) et deux autres sur des dents de cheval hypothétiquement issues de la « Cave Earth » : 30.000 ± 2.000 (ESR 994) et 39.000 ± 2.000 (ESR 993).

Cinq nouvelles datations AMS avec ultrafiltration ont été réalisées sur des éléments provenant des fouilles effectuées en 1981 dans la « Cave Earth » et associés à des ossements brûlés et quelques artefacts, dont des éclats de quartzite, rattachés à une occupation du Paléolithique moyen. Auparavant, des datations C14 AMS donnant des résultats étrangement récents avaient été obtenues : 22.880 ± 480 B.P. (OxA-6115) et 22.980 ± 480 B.P. (OxA- 6114) sur dents de hyène et 24.120 ± 380 B.P. (OxA-6188) sur os brûlés. Les dates avec ultrafiltration sont plus satisfaisantes. La datation à >52.800 B.P. (OxA-12736), sur dent de hyène, provient de dépôts sous-jacents aux artefacts et sert donc de terminus post quem à l’abandon de ceux-ci. Les résultats obtenus sur les ossements trouvés aux mêmes profondeurs que les artefacts comprennent deux dates finies : 45.300 ± 1.000 B.P. (OxA-12771) et 47.300 ± 1.200 B.P. (OxA-12772), toutes deux sur os de renne (Jacobi et al. sous presse).

E. Description du matériel

Seule la collection du British Museum a été étudiée. Elle comprend deux pointes de Jerzmanowice, un burin double sur troncature aménagé sur une ancienne pointe de Jerzmanowice et un fragment de pointe foliacée bifaciale (fig. 18.1, 3-4 ; 19.4). Les lames utilisées ont une épaisseur d’environ 1 cm et proviennent de nucléus à deux plans de frappe opposés.

Les décomptes de pointes foliacées donnés par les différents auteurs (cf. supra) sont variables. D’après les illustrations qui ont pu être observées, il y a certainement un fragment de pointe foliacée bifaciale supplémentaire ainsi que cinq pointes de Jerzmanowice (dont une est en deux fragments, l’un conservé à Derby et l’autre à Manchester ; cf. Creswell Crags Website).

Robin Hood Cave a donc livré, au moins, sept pointes de Jerzmanowice, une pointe de Jerzmanowice recyclée en burin et deux pointes foliacées bifaciales (fig. 18 et 19).

F. Conclusion

Le site de Robin Hood Cave, fouillé anciennement, recèle beaucoup d’incertitudes. Les travaux récents de différents chercheurs permettent cependant de déterminer que l’endroit à connu une (des) occupation(s) au Paléolithique moyen à laquelle on peut rapporter des bifaces cordiformes et une industrie en quartzite. Une fraction de ce matériel provient de la partie inférieure de la « Cave Earth », datée entre ca. 50.000 B.P. et 45.000 B.P. Du Creswellien est également présent dans la partie supérieure de la « Cave Earth » et dans la « Breccia », on peut lui associer des datations vers 12 .500 BP.

Les pointes de Jerzmanowice et les pointes foliacées bifaciales proviennent probablement à la fois de la « Cave Earth » et de la « Breccia ». Contrairement à ce qui est proposé par J. Campbell et R. Jenkinson, il ne semble pas possible de rattacher d’autres artefacts à ces pointes foliacées ni de leur attribuer une datation précise.

Par ailleurs, la grotte n’a pas livré d’éléments caractéristiques de l’Aurignacien. La classification dans le Maisiérien d’un des fragments de pointes foliacées bifaciales avancée par J. Campbell, et reprise par Ph. Allsworth-Jones, est plutôt surprenante ; ce type de pièce n’ayant jamais été observé ni à Maisières-Canal ni dans les quelques autres sites qui en sont rapprochés (Flas 2001-2002 : 174-179).