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Belgique et Grand-Duché de Luxembourg

C. Historique de l'interprétation stratigraphique et culturelle

2. Les grottes de Goyet (Mozet, province de Namur)

A. Localisation

Les grottes de Goyet se situent dans un massif de calcaire carbonifère sur la rive droite du Samson, un affluent de la rive droite de la Meuse. Ce massif comprend une série de grottes débouchant par sept entrées distinctes sur une terrasse commune, à 15 mètres d'altitude par rapport à la rivière. Un abri, « l'abri supérieur », se situant dix mètres au-dessus de ces grottes, et le Trou du Moulin, isolé à 120 mètres en aval de la terrasse principale, sont également présents sur ce massif (Otte 1979 : 339 ; Becker et al. 2001 : 34).

B. Historique des fouilles

Édouard Dupont (1872a, 1872b) y a mené les premières fouilles entre 1868 et 1870 (Germonpré 2001 : 57). Ces travaux touchèrent cinq des grottes du massif mais l’auteur décrivit principalement les découvertes de la « troisième caverne » qui était la plus riche. Celle-ci contenait cinq niveaux ossifères dont seuls les trois niveaux supérieurs, surtout abondants dans la première salle de cette troisième caverne, incluaient des artefacts, tandis que les deux niveaux inférieurs, sans artefacts, étaient présents dans une seconde salle.

L'industrie du troisième niveau ossifère, le niveau avec industrie le plus profond, comprend des artefacts en matière osseuse (poinçons, lissoirs, pointes de sagaie), ainsi qu’un nucléus à lame, des pièces d'allure moustérienne et une pointe à retouches plates sur lame (mais dont l'illustration d'une seule des deux faces empêche de savoir s'il s'agit d'une pointe de Jerzmanowice ; Dupont, 1872b : pl. 45). Il mentionne également la présence de quelques ossements humains dans ce niveau.

Sus-jacent, le deuxième niveau ossifère présente plus de lames que le niveau précédent. L'industrie osseuse comprend des pointes, des poinçons, un sifflet en os, un bâton percé décoré. De ce niveau, il a donné l'illustration de quelques autres pièces attribuables au Paléolithique moyen, dont une sorte de couteau à dos bifacial, et au Paléolithique supérieur, ainsi qu'une pointe foliacée laminaire de type Jerzmanowice (Dupont 1872b : pl. 46).

Le premier niveau ossifère, le plus riche, présente surtout des lames étroites, qu'il compare à celles de Chaleux et de Furfooz, un bâton percé, de nombreuses aiguilles, des poinçons, des pointes, un harpon et de nombreux éléments de parure. Ici aussi, il mentionne quelques ossements humains. Il illustre par ailleurs une pointe de La Font-Robert et une pointe de La Gravette, mais aussi des pièces d'allure moustérienne ainsi que des lames et un nucléus laminaire (Dupont 1872b : pl. 47 et 48).

En 1891, F. Tihon (Tihon 1895-1896) fouille la terrasse commune aux différentes grottes ainsi qu'à l'intérieur de certaines de celles-ci, notamment la deuxième grotte. Dans les dépôts à l'entrée de la « troisième caverne », selon l'appellation de Dupont, il découvre un foyer accompagné d'une industrie lithique dans une couche qui correspondrait aux niveaux ossifères 4 et 5 de Dupont (stériles à l'intérieur de la grotte selon ce dernier). Au-dessus du Paléolithique, il signale des artefacts néolithiques, également présents dans la première caverne (Idem : 286).

Dans la deuxième grotte, il met au jour un niveau inférieur avec des éléments moustériens, des grattoirs, des lames et des artefacts en matières osseuses (poinçon, lissoir, une pointe). Par-dessus ce niveau, il mentionne deux couches supérieures avec notamment des lames minces, des pièces à dos retouché, des pointes pédonculées, des aiguilles à chas et des coquilles perforées.

A. de Loë et E. Rahir effectuèrent des fouilles de 1907 à 1909 notamment dans « la grotte n°4 » (Rahir 1928 : 93-95) qui correspond, en fait, à la troisième grotte de la numérotation de Dupont. Ils ne rencontrèrent que des terrains remaniés.

Par la suite, une importante série d'archéologues amateurs vinrent exploiter le gisement, dont H. Angelroth entre 1920 et 1945. En 1936, le concessionnaire des grottes effectue des travaux et vend le matériel découvert à l'Institut royal des Sciences Naturelles de Belgique. F. Twiesselmann fouillera pour cette institution en 1937 et 1938, également dans des dépôts remaniés. Quelques faibles documents rattachés au Paléolithique moyen sont découverts en 1948 lors des fouilles de Hélène Danthine dans le Trou du Moulin (Toussaint 2005 : 180- 182).

En 1952, Louis Eloy fouille l’Abri supérieur et découvre du matériel gravettien (Eloy et Otte, 1995). Cette occupation a été datée de 24.400 ± 280 B.P. (OxA-4926) sur un os de boviné. Une date de 27.230 ± 260 B.P. (GrA-3239) a également été obtenue sur un os d’hyène (Vrielynk, 1999 : 41). Il avait déjà auparavant récolté de nombreuses pièces dans les différentes grottes, dont au moins une pointe foliacée laminaire (Eloy 1956).

Depuis 1997, des fouilles et des prospections sont menées par les archéologues du Ministère de la Région wallonne (Becker et al., 2001). Ils découvrirent du matériel gravettien à l'Abri supérieur, ainsi qu'une sépulture d'enfant néolithique datée de 4.410 ± 50 B.P. (Beta- 124825) dans des galeries nouvellement découvertes (Toussaint et al. 1999 ; Toussaint 2005).

D’autre part, des restes néandertaliens (une dent et un fragment de mandibule) furent redécouverts récemment dans les collections provenant des fouilles de Éd. Dupont (Semal et al. 2005 : 35).

C. Historique de l'interprétation stratigraphique et culturelle

Édouard Dupont (1872a) procéda à un classement chronologique relatif des occupations des grottes des différentes vallées du bassin mosan d'après leur altitude. En effet, partant du principe que les vallées avaient été creusées par l'action fluviale au cours du temps, les grottes

les plus élevées par rapport au niveau de la rivière avaient dû être occupées en premier lieu, ensuite celles situées à des altitudes moins élevées. Les dépôts remplissant ces grottes sont donc considérés comme des alluvions fluviaux correspondant à autant de phases d'inondations. La troisième caverne de Goyet se situe à 15 mètres au-dessus du niveau actuel de la rivière Samson, le limon fluvial qu'elle contenait appartenait donc à « l'âge du mammouth ». Pour les industries livrées par cette grotte, il compare le troisième niveau avec Montaigle, ce qui correspond à une industrie présentant des traits moustériens et aurignaciens. Le deuxième niveau est comparé au Trou Magrite qui correspond au Gravettien (et qui comprend les pièces à retouches plates). Rappelons que c'est dans ce niveau qu'il a découvert une pointe de Jerzmanowice. Le niveau supérieur est considéré comme plus évolué que Chaleux et Furfooz qui correspondent au Magdalénien. Il est certain de l'homogénéité des différents dépôts et de la contemporanéité des restes qu'ils contiennent (Dupont 1872a : 123).

F. Tihon (1895-1896) critique le système chronologique de Dupont. Il conteste particulièrement l'origine fluviale de l'ensemble des dépôts (Tihon 1895-1896 : 285-286). Quant à l'attribution chronologique et culturelle des industries, F. Tihon retrouve trois niveaux dans la deuxième caverne, comme É. Dupont dans sa troisième caverne. Il attribue le niveau inférieur au Moustérien et signale des éléments laminaires et du matériel osseux mais considère ces dépôts comme homogènes. Les deux niveaux supérieurs sont décrits comme « tendant vers le Magdalénien » (mais il décrit également des pièces attribuables au Gravettien, notamment des pointes pédonculées). Il ne mentionne pas de pointes foliacées ou à retouches plates.

Henri Breuil (1907) utilisera ce gisement dans son argumentation sur la place stratigraphique de l'Aurignacien et du Solutréen. Il considère le niveau inférieur comme de l'Aurignacien moyen, le niveau moyen comme de l'Aurignacien supérieur (= Gravettien) passant au Solutréen, en raison notamment de la pointe foliacée illustrée par Dupont (1872b, cf. supra) et le niveau supérieur comme Magdalénien. Sa vision des choses restera longtemps d'application.

A. Rutot (1908) se range derrière Breuil pour affirmer l'antériorité de l'Aurignacien sur le Solutréen en Belgique, en se basant notamment sur le matériel de Goyet. Il classe le 3e niveau dans l'Aurignacien moyen, le 2e niveau dans un Aurignacien supérieur qualifié de protosolutréen en raison de la présence de pointes de La Font-Robert et de pointes à retouches plates (dont la pointe de Jerzmanowice découverte par É. Dupont) et le 1er niveau est considéré comme Magdalénien. Il réaffirmera plus tard (Rutot, 1919 : 64) l'attribution de la pointe foliacée laminaire de Goyet à l'Aurignacien supérieur. Il la qualifie de « pointe protosolutréenne » et la compare à une pièce provenant de La Font-Robert.

F. Twiesselmann (1951 : 8) reprend également les attributions faites par Breuil. Le niveau 3 contient des pièces moustériennes et aurignaciennes. Le niveau 2 montre un Aurignacien supérieur présentant un caractère protosolutréen, ceci toujours en raison de la présence de la pointe foliacée laminaire et le niveau 1 appartient au Magdalénien.

De même, Louis Eloy (1956) classe, comme Breuil et Rutot avant lui, les pointes foliacées à retouches plates avec les pointes pédonculées dans le Protosolutréen. Il place également dans ce groupe des burins d'angles portant des retouches plates dorsales ou ventrales.

Par contre, G. Freund (1952 : 55) conçoit la présence de pièces à retouches plates à Goyet comme une influence du Solutréen français sur l’Aurignacien supérieur belge plutôt que comme la preuve de l’existence d’un Protosolutréen ou d’un Solutréen inférieur.

D. de Bournonville (1955a, 1955b) souligne la présence de Moustérien, d'Aurignacien, de Périgordien et de Magdalénien qui ont pour lui été mélangés lors des fouilles de Dupont. C'est la première mise en cause de l'homogénéité de l'ensemble des dépôts.

Henri Delporte (1956 : 13) décrit ainsi les différents niveaux : niveau 3 : « industrie aurignacienne proprement dite assez primitive », niveau 2 : « Périgordien supérieur influencé par l'Aurignacien pur », niveau 1 : « mélange de Magdalénien et de Périgordien à gravettes ».

Denise de Sonneville-Bordes (1961) affirme le mélange du matériel comprenant du Moustérien, de l'Aurignacien, du Périgordien supérieur et du Magdalénien. Elle souligne la présence de pièces moustériennes dans tous les niveaux, y compris dans le niveau supérieur qui est principalement magdalénien et, en outre, la présence de pièces à dos dans les trois niveaux. Elle signale également la présence d'Aurignacien dans la quatrième caverne.

Ph. Smith (1966 : 286), soulignant la « provenance stratigraphique douteuse » des pièces à retouches plates, les rattache au Périgordien à pointes de La Font-Robert. Il considère que la présence importante de retouches sur la face ventrale de ces pièces les écarte du Protosolutréen tel qu’il se rencontre en France et évoque plutôt les industries anglaises.

Marguerite Ulrix-Closset (1975 : 74) considère l'essentiel du matériel paléolithique moyen comme du Moustérien de type Quina. Elle émet la possibilité que l'industrie comprenne également du Moustérien de tradition acheuléenne et un « Moustérien évolué » comparable à celui provenant du niveau moyen de Spy et comprenant des pointes foliacées bifaciales, des pointes sur éclats et des petits racloirs transversaux.

Dans le cadre de son étude des pointes à retouches plates du Paléolithique supérieur ancien belge, M. Otte (1974) différencie un groupe A correspondant aux pointes à retouches plates dorsales, parfois pédonculées, comme on en trouve abondamment à Maisières-Canal et se rangeant dans le Périgordien supérieur à pointes de La Font-Robert, et un groupe B, correspondant aux pointes à retouches plates ventrales ou bifaciales partielles, attribué hypothétiquement à l’Aurignacien (Otte 1974 : 13). Les deux types sont présents à Goyet.

Dans sa thèse consacrée au Paléolithique supérieur ancien belge, le même auteur souligne la nature hétérogène des industries des différents niveaux de Goyet (Otte, 1979 : 418-419). Il y reconnaît du Moustérien, au moins deux faciès de l'Aurignacien, différents faciès du Gravettien et du Magdalénien. Il dénombre trois pointes à retouche bifaciale partielle, qu’il dénomme « pointes de Spy », attribuées « à une phase initiale du Paléolithique supérieur », et signale deux autres pièces se rapprochant de ce type mais dont le module du support (étroit et mince) et la faible extension de la retouche évoquent plutôt des pièces qui se rencontrent dans le Gravettien (Idem : 388-389).

Par la suite, il rattachera les « pointes de Spy » aux « industries à pointes foliacées du Nord-Ouest de l'Europe » (Otte 1981), les plaçant donc hors de l'Aurignacien et les rapprochant des pièces similaires anglaises, allemandes et polonaises.

Une révision de la faune provenant des fouilles de Dupont, menée par M. Germonpré (2001, 2004), indique que les ossements d’ours et d’hyènes se trouvent à l’arrière de la première salle (« chambre A ») et dans la seconde salle (« chambre B ») de la troisième caverne, tandis que les industries se concentraient plutôt dans la première partie de la première salle. Il n’est donc pas facile de relier les niveaux ossifères correspondant aux occupations de la grotte par les carnivores aux occupations humaines. D’ailleurs, l’absence de concordance entre la partie antérieure (occupée par l’homme) et la partie postérieure (tanière) est confirmée par les datations pour l’horizon 1 (= premier niveau ossifère de Dupont). Les dates de 38.770 +1.180/-1.030 B.P. (GrA-9605), 35.000 ± 400 B.P. (UtC-8957) et 27.230 ± 260 B.P. (GrA-2812) ont été obtenues sur des ossements d’ours et d’hyènes. Tandis que les datations sur des ossements du même horizon mais provenant de la première partie de la grotte, et liés aux activités humaines, ont donné : 12.770 ± 90 B.P. (GrA-3237), 12.560 ± 50 B.P. (UtC-8957) et 12.620 ± 90 B.P. (GrA-3238), correspondant bien au Magdalénien. La faune de cette occupation magdalénienne est dominée par le cheval et comprend également du bœuf musqué et du bison (Germonpré et Sablin 2002).

L’horizon 3, le plus profond de la première salle, a été daté à 27.440 ± 165 BP (KIA- 18986) sur os d’ours des cavernes et l’horizon 4 (chambre B) à 35.470 BP, également sur un os d’ours des cavernes.

L’incohérence de ces datations est confirmée par des indices de perturbation. Dans les trois niveaux ossifères supérieurs, on peut rencontrer de la faune domestiquée, parfois dans des zones qui ont livré des restes de blaireau évoquant donc la perturbation des dépôts par cet animal. D’autres datations de l’horizon 3 confirment ces perturbations : 10.460 ± 50 B.P. (KIA-13550) sur un os d’ours brun et 1.985 ± 70 B.P. (OxA-5678) sur un tibia humain. Par ailleurs (Germonpré 2004 : 866), des traces de racines sur certains ossements d’ours dans l’horizon 1 et dans l’horizon 3 indiquent des mouvements horizontaux de ceux-ci. En effet, les concentrations de restes d’ours se trouvant dans le fond de la grotte, où aucune plante n’a pu pousser, attestent qu’ils ont donc été déplacés vers l’entrée puis repoussés vers le fond. Enfin, les ossements d’ours de l’horizon 3 portent aussi des traces de charognage par les hyènes, autre perturbateur potentiel.

Si les occupations humaines se concentraient dans la première partie de la salle principale, il y a cependant également des traces d’activités humaines sur l’ours. Ainsi, sept ossements d’ours de l’horizon 3 portent-ils des traces d’ocre ; il s’agit uniquement d’éléments de la tête (crâne, dent et vertèbres cervicales), ce qui laisse penser à une activité symbolique. Dans l’horizon 4 (chambre B), trois ossements d’ours (côtes et métatarse) portent des traces d’ocre et d’autres ossements présentent des marques de découpe ; il s’agirait plutôt ici d’une activité de dépeçage. Parmi les ossements ocrés, des datations situées vers 23.000 et 18.000 B.P. ont été obtenues (Germonpré et Hämäläinen 2005).

E. Description du matériel

Les collections conservées à l’Institut royal des Sciences Naturelles de Belgique et au Musée archéologique de Namur ont été étudiées et complétée, pour les collections privées

restées inaccessibles et les pièces qui n’ont pu être retrouvées, par des informations issues des archives de M. Otte.

Quatre pointes de Jerzmanowice ont été découvertes à Goyet.

Comme on l’a vu, une de ces pièces provient des travaux de Dupont, dans le deuxième niveau ossifère (niveau moyen) de la troisième grotte (fig. 53.1). Cette pointe, dont on sait qu'elle était toujours exposée à l'Institut des Sciences Naturelles au début des années 70, n'a pu être retrouvée dans les réserves de cette institution. On peut la décrire en se basant sur les illustrations disponibles et les informations fournies par les archives de M. Otte. Il s’agit d’une pointe de Jerzmanowice dont l’extrémité proximale est brisée. Elle porte des retouches ventrales envahissantes, surtout concentrées dans les parties distale et proximale ; les bords en sont ébréchés, probablement par la cryoturbation. Elle présente une largeur de 2,4 cm et une épaisseur de 0,8 cm.

Deux fragments proximaux proviennent du même type de pièce (fig. 53.2 et 3). Ces deux pièces ont probablement été réalisées sur des lames issues d'un débitage unipolaire (ce dont on ne peut être complètement certain puisqu’il s’agit de fragments proximaux assez courts). D’après les indications qu’elles portent, l’une provient du deuxième niveau ossifère de la troisième grotte et l’autre des dépôts remaniés de la terrasse.

Un fragment mésial de lame portant des retouches inverses envahissantes et qui provient très probablement d’une pointe de Jerzmanowice, a également été découvert lors des fouilles de F. Twiesselmann dans la « salle du Mouton » (dépôts remaniés).

Sept lames (entières ou fragmentaires) portant des retouches ventrales peu étendues sont également présentes. Leur largeur va de 1,5 à 2 cm et leur épaisseur de 0,4 à 0,7 cm. Une de ces pièces est issue du deuxième niveau de la troisième grotte, les autres n’ont pas de provenance précise ou proviennent de contextes remaniés (collections Angelroth ou Eloy et fouilles de F. Twiesselmann). Ces pièces ne dénoteraient pas dans une collection LRJ homogène. C’est le cas à la grotte Nietoperzowa où des pièces similaires, de format plus réduit et avec une retouche moins étendue que les pointes de Jerzmanowice les plus communes, ont été observées (cf. infra). Mais comme cela a déjà été signalé à propos de la collection de Spy (cf. supra), il n’est pas impossible, voire plus probable, que ces pièces soient en fait gravettiennes. En l’absence de données stratigraphiques et en raison du mélange généralisé des industries de Goyet, elles ne seront pas prises en compte ici.

Deux grattoirs réalisés sur des lames portant des retouches ventrales ont été observés (fig. 53.4 et 5).

L’un est complet, il s’agit d’un grattoir aménagé par retouche abrupte sur une lame portant des retouches plates ventrales. Il a une longueur de 5,4 cm pour une largeur de 2,3 cm et une épaisseur de 0,9 cm. Les négatifs d'enlèvements sur la face dorsale indiquent un débitage laminaire à deux plans de frappe opposés. Si le support utilisé et le « style » de la retouche ventrale rapprochent clairement cette pièce des pointes de Jerzmanowice, l'aspect déjeté de la partie appointée (la partie proximale du grattoir) rend difficile le fait qu'il s'agisse d'une telle pointe « recyclée » en grattoir. Ce grattoir a été découvert par Dupont dans le deuxième niveau de la troisième grotte. Un fragment d’une pièce similaire provient des fouilles de F. Twiesselmann dans la « salle du Mouton ». L’attribution de ces pièces au LRJ est hypothétique. Aucune pièce véritablement similaire n’a été observée dans les autres

ensembles rattachés à ce complexe, cependant ce type de pièce n’est pas non plus représenté, à ma connaissance, dans des industries gravettiennes, y compris dans celles de Maisières- Canal (absence confirmée par l’observation des dessins inédits dans les archives de M. Otte).

L. Eloy (1956 : 536) classait, avec les pointes foliacées, des burins d’angle portant « quelques retouches plates sur un des bords de leur face dorsale ou encore au revers (face d'éclatement) ». Parmi les pièces de ce type qui ont pu être étudiées, deux fragments de burins (dont l’un sur troncature) portent, en effet, des retouches ventrales plates envahissantes évoquant les pointes de Jerzmanowice. Des burins portant une retouche similaire sont présents dans le LRJ à Beedings (cf. supra) mais aussi dans l’industrie de Maisières-Canal (Otte 1979), leur attribution est donc incertaine et ils ne seront pas pris en compte ici.

F. Conclusion

Quatre pointes de Jerzmanowice proviennent des grottes de Goyet. Sur base typologique, on peut proposer de leur associer deux grattoirs à retouches ventrales plates envahissantes. Au moins sept autres lames portent des retouches ventrales mais, toujours sur base typologique, elles ne sont pas suffisamment caractérisées et pourraient être gravettiennes.

Les informations concernant la position stratigraphique des artefacts sont minces. Si deux des pointes de Jerzmanowice, ainsi qu’un grattoir et une lame à retouche plate ventrale, proviennent du deuxième niveau ossifère de la troisième grotte, les autres pièces ont été découvertes dans des dépôts remaniés ou n’ont pas de provenance établie. Le matériel issu du deuxième niveau ossifère des fouilles de Dupont, comme des autres niveaux reconnus par ce dernier, est manifestement hétérogène et il n’est donc pas possible d’associer d’autres artefacts à ces pièces.

II. Sites rejetés

1. Oetrange (Grand-Duché de Luxembourg)

De la faune et des artefacts d’âges variés ont été récoltés par N. Thill entre 1932 et 1939 à Oetrange. Le matériel provient, en fait, de trois lieux de découverte : Oetrange-‘Kakert’, diaclases colmatées au nord-est du plateau (grès luxembourgeois) de Haed, Oetrange-‘Huelen Aer’, diaclases colmatées au sud-ouest du même plateau, Oetrange-‘Schlaed’, éboulis de pente entre le plateau de Haed et le ruisseau Schlaederbach. Le remplissage des diaclases et l'éboulis de pente sont des solifluxions et des ruissellements de dépôts provenant du plateau supérieur. L’âge pléistocène d’une partie de la faune est établi par des datations radiométriques : 16.770 ± 390 B.P. (Lv-467) sur des esquilles osseuses et 16.070 ± 450 B.P. (Lv-466) sur bois de renne (Ziesaire 1994 : 50). Des ossements de mammouth sont également présents (Heuertz 1969).

Dans le matériel, J. Baudet identifie une pointe foliacée (« pointe solutroïde ») qu’il compare à des pièces provenant de La Font-Robert et dont il considère qu'elle s'intègre bien