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Grande-Bretagne

C. Historique de l’attribution stratigraphique et culturelle

11. Pin Hole (Creswell, Derbyshire)

A. Localisation

Grotte, creusée dans du calcaire permien, située sur le versant nord de la gorge de Creswell, orientée vers le sud, et s’ouvrant à 4 m au-dessus du niveau de la gorge. Elle se constitue d’un long couloir de 46 m de longueur (le « Main Passage ») qui s’élargit pour former une chambre (la « Inner Chamber ») qui donne sur une extension latérale (le « Eastern Passage » et la « Trefoil-shaped Chamber »). Sur le même versant de la gorge de Creswell se trouvent plusieurs autres grottes, dont Robin Hood Cave (Campbell 1977 : 47-48 ; Jacobi et al. 1998) (fig. 15.2 et 3).

B. Historique des fouilles

Les premières découvertes, durant les années 1860, furent effectuées par A. Metcalfe qui mit au jour une mandibule de mammouth (Jenkinson 1984 : 63).

En 1875, M. Mello et T. Health conduisent des fouilles plus importantes à l’entrée de la grotte. Une partie des dépôts a été perturbée par les travaux précédents. Ils fouillent, sans descendre jusqu’à la roche en place, en progressant vers la grotte. Ce travail se poursuit jusqu’à 7 m à l’intérieur de celle-ci, endroit auquel, bloqués par des rochers de taille conséquente, ils pensent avoir atteint le fond de la cavité. Les dépôts rencontrés étaient divisés (de haut en bas) en une couche supérieure de 45 cm d’épaisseur présentant des artefacts récents (poteries et ossements), un sable rouge de 90 cm d’épaisseur riche en ossements et un sable clair stérile (Campbell 1977 : 47 ; Jenkinson 1984 : 64).

A. Armstrong reprend des fouilles à Pin Hole de 1924 à 1936. Il débute à l’endroit où M. Mello et T. Heath s’étaient arrêtés, qui ne correspondait pas à la fin de la cavité et il poursuit à l’intérieur jusqu’à 24,6 m de l’entrée. Il divise le « main passage » en sept sections transversales de 2,4 m de longueur et fouille par tranches horizontales de 15 à 30 cm d’épaisseur. Tous les sédiments sont tamisés et la position d’une partie des artefacts et des ossements est notée. La partie supérieure des sédiments (« upper cave-earth », rougeâtre) se trouve généralement sous une couche stalagmitique et a une épaisseur de 6 à 7 pieds (= 1,8 à 2,1 m). En dessous se trouve la « lower cave-earth », jaunâtre, épaisse de 10 à 11 pieds (= 3 à 3,3 m). Il fouille également dans les chambres latérales, notamment dans la « Inner

Chamber » qu’il vide partiellement jusqu’à la roche en place, à 17 pieds de profondeur (= 5,1 m) sous la stalagmite qui constitue le sol actuel de la grotte (Armstrong 1928 ; Jacobi et al. 1998).

En 1974, il y eut une fouille restreinte menée par S. Colcutt dans la partie profonde de la grotte, seuls des ossements furent découverts (Campbell 1977 : 48). De nouveaux travaux furent également menés par R. Jenkinson de 1984 à 1989 (Jacobi et al. 1998).

C. Historique de l’interprétation stratigraphique et culturelle

D. Garrod (1926 : 145) considère que les fouilles d’Armstrong qui viennent de débuter indiquent qu’il y a probablement de « l’Aurignacien supérieur de type Font-Robert ».

Selon A. Armstrong (1928, 1931), la « lower cave-earth » contient trois niveaux moustériens (fig. 16). Le plus profond (Moustérien 1) se trouve à 13 pieds de profondeur (= 3,9 m) et comprend une industrie principalement en quartzite avec des bifaces et des « coups de poing » ainsi que quelques éclats de silex. Cet ensemble daterait du dernier interglaciaire en raison de son association avec une faune « chaude » : cheval, bison, mégacéros, lion et élan. Par-dessus, une couche de blocs le sépare du niveau « Moustérien 2 », qui comprend une faune similaire mais augmentée du renne, trahissant donc un refroidissement. Ensuite, vient un autre niveau de bloc par-dessus lequel se trouve le niveau « Moustérien 3 » qui fait 15 cm d’épaisseur et est en contact avec le premier niveau paléolithique supérieur sus-jacent. La « upper cave-earth » contient, en effet, des industries du Paléolithique supérieur allant d’un « Aurignacien supérieur » et « Protosolutréen » jusqu’à un « Aurignacien récent » correspondant au Magdalénien français. Rattaché à l’Aurignacien supérieur, il identifie un « niveau à Font-Robert », auquel sont associés un foyer et des restes de faune dont des coquilles d’œuf. Dans la « Inner Chamber », à une profondeur de 1,35 m, il observe une concentration d’artefact comprenant des pièces « protosolutréennes » ainsi qu’« aurignaciennes », dont une pointe de La Font-Robert. C’est dans cette zone qu’il a découvert un os portant une représentation humaine gravée, qu’il attribue donc à cet Aurignacien supérieur.

J. Campbell (1977 : 47-48, 147 ; vol. 2 : 106) se penche sur les données récoltées par A. Amstrong quant à la position des artefacts et remarque que, si on fait une projection verticale à partir de ces données, on peut observer des chevauchements stratigraphiques entre des artefacts de diverses périodes. Il apparaît aussi qu’il y a des incohérences entre les publications d’Armstrong et la numérotation de certains artefacts et ossements. La « upper cave earth » contenait des industries du Late Upper Palaeolithic surmontant une industrie du Early Upper Palaeolithic. Dans ce dernier ensemble, J. Campbell classe 73 artefacts dont deux lames à dos, une pointe pédonculée, six racloirs, un grattoir double, trois lames retouchées, une pointe foliacée laminaire, ainsi que 49 artefacts non retouchés. Il y inclut également cinq pièces en matière osseuse, dont des poinçons en os et des pièces en ivoire portant une décoration, raccrochées à l’Early Upper Palaeolithic en raison de la supposée absence du mammouth à des périodes plus récentes.

Par la suite, il attribuera au Lincombien la pointe foliacée laminaire ainsi que des grattoirs et des racloirs, et au Maisiérien la pointe pédonculée « et une série limitée d’autres outils ». Les artefacts en ivoire sont alors classés dans le « Creswellien inférieur » (Campbell, 1988c). Ph. Allsworth-Jones (1990 : 209) reprend l’idée d’une industrie maisiérienne, dans laquelle il inclut la pointe foliacée laminaire.

R. Jenkinson (1984 : 72-77) propose une révision complète du matériel et des données stratigraphiques disponibles. Il identifie ainsi deux niveaux moustériens (« Moustérien I » et « Moustérien II ») et non trois comme le faisait A. Armstrong. Le niveau « Moustérien I » a reçu une datation de 38.800 ± 2.500 sur un bois de renne. Dans le niveau moustérien supérieur (« Moustérien II »), il classe, d’après les données stratigraphiques d’Armstrong, une pointe moustérienne, deux racloirs, dix-sept déchets de débitage et la pointe foliacée laminaire. Cette dernière aurait donc été découverte en association avec des pièces du Paléolithique moyen et n’appartiendrait donc pas au Early Upper Palaeolithic. Les artefacts rattachés à cette dernière période étaient séparés du « Moustérien II » par 30 à 90 cm de sédiments stériles. Il classe notamment dans cet ensemble deux « feuilles de laurier » et une « pointe à cran ». La partie supérieure des dépôts contenait le Late Upper Palaeolithic.

Une datation de 31.300 ± 500 B.P. (OxA-3405), réalisée sur un fragment de bois de renne « modifié », a été rapportée sans qu’il soit possible d’associer l’élément daté avec des artefacts lithiques (Aldhouse-Green et Pettitt 1998 : 764). De plus, il n’est d’ailleurs pas certain qu’il provienne bien de Pin Hole (R. Jacobi, com. pers.).

Par ailleurs, la datation de 12.460 ± 160 B.P. (OxA-1204) obtenue sur un os de mammouth provenant de la partie supérieure des dépôts indique que cet animal est toujours présent à lors du Paléolithique supérieur récent (Hedges et al. 1988 : 158) et que les artefacts en ivoire ne sont pas forcément à attribuer au Paléolithique supérieur ancien.

R. Jacobi, en se basant également sur la position des artefacts livrée par Armstrong, fait une tentative de délimitation des industries du Paléolithique supérieur par rapport à celles du Paléolithique moyen, en association avec un important programme de datations radiométriques (Jacobi et al. 1998). Il utilise la répartition des éléments laminaires découverts dans le « Main Passage » pour établir la limite entre les deux périodes. En effet, ceux-ci ne se retrouvent que dans la partie supérieure des dépôts, tandis que la partie inférieure ne contient que des éléments compatibles avec le Paléolithique moyen. Cependant, il n’y a pas de véritable hiatus stratigraphique entre ces deux groupes, il y a même quelques cas de chevauchements, ce qui pourrait s’expliquer par des bioturbations. Dans la partie supérieure, la majorité des artefacts sont rattachés au Paléolithique supérieur récent (Creswellien). L’industrie a également livré deux pointes de La Font-Robert, qu’il attribue au Gravettien ancien de type Maisières. Elles ne sont pas séparées stratigraphiquement des artefacts du Paléolithique supérieur récent. Les remontages effectués sur des fragments de lames indiquent des déplacements de sédiments depuis la grotte vers l’entrée, phénomène lié au mode de formation des dépôts qui sont le résultat d’inondations et de solifluxions depuis le plafond de la chambre principale. Associés au pendage des sédiments, ces mouvements ont provoqué des mélanges. L’activité des blaireaux, dont des ossements sont présents, peut également être impliquée. Cette perturbation des dépôts contenant les industries du Paléolithique supérieur est confirmée par les datations 14C AMS. Ces 18 datations vont de 3.750 ± 80 B.P. (OxA- 1469), sur os de porc avec trace de découpe, à 38.000 ± 2.000 B.P. (OxA-1470), sur bois de

renne. Ces dates ne suivent pas l’ordre stratigraphique, les plus anciennes n’étant pas forcément les plus profondes et inversement. Parmi ces datations, deux résultats obtenus sur des ossements de lièvre portant des traces de découpe, 12.510 ± 110 B.P. (OxA-3404) et 12.350 ± 120 B.P. (OxA-1467), peuvent être rattachés à l’occupation creswellienne de la grotte.

La pointe de Jerzmanowice provient du plancher du passage entre le couloir principal et une chambre latérale (« Eastern Passage »). Il n’est donc pas possible de connaître sa position par rapport aux artefacts situés dans le « Main Passage ». Un ossement d’hyène trouvé à son contact a été daté de 37.800 ± 1.600 B.P. (OxA-4754) mais il s’agit d’une zone où l’activité des hyènes a été importante et donc potentiellement perturbée.

Les artefacts trouvés à une profondeur plus importante que les éléments laminaires comprennent des pointes moustériennes et des racloirs, ainsi que des éclats, provenant du façonnage de bifaces, et des artefacts en quartzite. Contrairement à Armstrong et à Jenkinson, l’auteur considère qu’il n’y a pas de niveaux industriels clairement définis, mais probablement une suite de courtes occupations répétées. L’ensemble faunique de la partie inférieure est de « type Coygan », associant principalement hyène, mammouth, cheval, renne et rhinocéros laineux et correspondant à l’Interpléniglaciaire (OIS 3) (Currant et Jacobi 2002). Les datations ESR sur des dents de cette faune ont donné des résultats entre 38 et 50.000 B.P. Les dix datations 14C AMS sur des ossements provenant également de cette partie inférieure des dépôts donnent des résultats plus récents entre 30.940 ± 490 B.P. (OxA-3791), sur bois de renne, et 44.900 ± 2.200 B.P. (OxA-4430), sur dent de cheval. Enfin, la datation d’éléments d’un plancher stalagmitique montre que celui-ci s’est formé vers 64.000 B.P., et donne un terminus post quem pour la mise en place des dépôts contenant le Paléolithique moyen.

Récemment, l’incohérence entre les datations 14C et ESR de la faune des dépôts inférieurs a été résolue. En effet, 17 nouvelles datations AMS avec ultrafiltration ont donné des résultats entre 37.760 ± 340 B.P. (OxA-11980), pour un fragment de bois de renne, servant de terminus ante quem aux dépôts des artefacts paléolithiques moyens, et 58.800 ± 3.700 B.P. (OxA-11979) (Jacobi et al. sous presse).

D. Description du matériel

Les deux « feuilles de laurier » illustrées par R. Jenkinson (1984 : 329) ne sont manifestement pas à classer sous cette expression. Il s’agit d’un fragment mésial de lame retouchée sur les deux bords et d’un racloir à retouche envahissante dont le support est un éclat cortical. La « pointe à cran » mentionnée par le même auteur ne semble être qu’une simple lame brute de forme asymétrique.

Il y a un seul fragment de pointe de Jerzmanowice que l’on puisse rattacher au LRJ (fig. 17.1). Cette pièce n’a pas été étudiée directement. Á la vue des illustrations, il s’agit d’une pointe de Jerzmanowice dont la partie distale est manquante, dont les bords sont ébréchés et qui est réalisée sur une lame de plus de 2,6 cm de largeur et de 0,9 cm d’épaisseur.

E. Conclusion

La grotte de Pin Hole a livré des industries du Paléolithique moyen, situées entre 60 et 40.000 B.P. Les dépôts supérieurs, complètement perturbés, contenaient divers ensembles du Paléolithique supérieur dont des pointes pédonculées et du Creswellien. Une pointe de Jerzmanowice provient également de cette grotte. Elle n’a pas été découverte dans la galerie principale, comme la majorité du matériel paléolithique supérieur, mais dans une chambre latérale où les dépôts sont également perturbés. On ne peut la rattacher à aucun autre artefact. Un os proche de cette pointe de Jerzmanowice a été daté de ca. 37.800 B.P. mais la nature de l’association avec la pointe n’est pas établie.