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Belgique et Grand-Duché de Luxembourg

1. Grotte de Spy (province de Namur)

A. Localisation

Grotte creusée dans du calcaire carbonifère, située sur le versant gauche de la rivière Orneau ; elle s’ouvre au sud-ouest à 18 m au-dessus du niveau de la rivière et présente une large terrasse. Celle-ci donne sur une salle profonde de 8 m (la « salle principale ») à laquelle sont connectées deux galeries latérales : la « galerie de droite » et la « seconde galerie » (fig. 48.1 ; Otte, 1979 : 193-196).

B. Historique des fouilles

Les premières fouilles furent menées par A. Rucquoy en 1879 mais, avant cette date, il avait déjà effectué quelques sondages sans autorisation du propriétaire. Elles se limitèrent à l'intérieur de la grotte (salle principale et seconde galerie). Dans la publication de ses travaux (Rucquoy, 1886-1887), on ne trouve aucune information valide sur la stratigraphie et la répartition des différentes découvertes. Le matériel est présenté en vrac : bifaces, pointes moustériennes, pointes de La Font-Robert, lames, grattoirs (Idem : 321-323, pl. XV et XVI). Il ne mentionne pas de pointes foliacées ou de pointes à retouches plates. Il signale également qu'il a ramassé du matériel en surface dans les environs de la grotte, matériel comparable à ce qu'il a découvert à l'intérieur de celle-ci mais comprenant également des pièces plus récentes (hache polie).

Il semble qu’il y ait eu par la suite différentes fouilles menées par divers individus. Mais très peu d’informations sont disponibles quant à ces travaux (Rougier et al. 2004 : 182).

En 1885, c'est M. De Puydt et M. Lohest qui reprirent les fouilles. Ils se concentrèrent sur la terrasse puisque l'intérieur avait été complètement remanié par A. Rucquoy (De Puydt et Lohest 1886). En raison de l'épaisseur des sédiments, ils eurent recours au système de la galerie boisée (Otte 1979 : 197). Ils ont reconnu quatre couches (De Puydt et Lohest 1886) :

- couche A : « terre brune avec blocs calcaires, d'une épaisseur variant de 25 centimètres à 3 mètres » ;

- couche B : « terre jaune, très calcareuse, passant parfois au tuf, contenant de nombreux fragments anguleux de calcaire variant de 80 centimètres à un mètre. C'est à la partie supérieure de cette argile jaune que s'est trouvé le premier niveau ossifère. » Ils désignent par « niveau ossifère » une concentration de restes fauniques et d'industries humaines. La description et les illustrations qu'en donnent les auteurs permettent de reconnaître des pointes de Maisières (pointes à retouches plates uniquement dorsales), des pointes de La Font-Robert, des pièces à dos abattu. Ils mentionnent également une pièce

qui évoque plutôt une pointe moustérienne mais qui a été découverte dans les déblais des fouilles de Rucquoy et dont l'appartenance au premier niveau ossifère n'est pas établie. Il n'y a pas d'industrie en matière osseuse, ce que De Puydt et Lohest (1886 : 213) attribuent à la faible extension de ce niveau archéologique qui ne fut pas retrouvé sur l'ensemble de la zone fouillée. L'industrie lithique est presque entièrement marquée d'une patine blanche ou bleuâtre, qui peut être plus ou moins étendue selon les pièces ;

- couche C : « lit d'une épaisseur de 5 à 30 centimètre, presque toujours coloré en rouge et contenant des fragments anguleux de calcaire ; deuxième niveau ossifère. ». Ce niveau ossifère comprend de nombreuses pièces moustériennes. De Puydt et Lohest (1886 : 215) dénombrent ainsi 140 pointes moustériennes ; ce qui est, en fait, excessif car ils ont classé dans les pointes moustériennes des racloirs convergents, ainsi que des pointes foliacées bifaciales (Ulrix-Closset 1975 : 61). Par ailleurs, ce même niveau a livré des lames à retouches aurignaciennes, des grattoirs carénés et à museau, des pointes à base fendue et une importante industrie en os (tubes décorés d'incisions) et en ivoire (perles, avec leurs ébauches et déchets de fabrication, bâtonnets), ainsi que de la parure en dents animales perforées. C'est dans ce niveau qu'ils découvrirent également des pointes de Jerzmanowice (« lames retouchées sur une face et retaillées en pointe » ; De Puydt et Lohest, 1886 : 216). Ils en illustrent une (fig. 48.2) et disent en avoir trouvé une douzaine. Pour eux, l'homogénéité de cet ensemble, en particulier l'association de l'industrie en matières osseuses et des pièces moustériennes « n'est pas discutable » (Idem : 235). Ils mentionnent également quatre tessons de poterie, dont ils avouent qu'ils ne les ont pas recueillies eux- mêmes mais qu'ils le furent par un autre fouilleur auquel ils prêtent une entière confiance ; - couche D : « terre jaune, passant parfois au tuf vers la partie supérieure, devenant brune et veinée de noir vers la partie inférieure, contenant des fragments anguleux de calcaire, et d'une épaisseur variant entre quelques centimètres et le mètre. Ces derniers dépôts constituent le troisième niveau ossifère qui n'est séparé du roc que par du calcaire désagrégé. ». C'est de cette couche que proviennent les deux célèbres squelettes néandertaliens. L'industrie comprend des éclats peu ou pas retouchés, des racloirs et des pointes moustériennes.

De Puydt et Lohest laissèrent à gauche et à droite de leurs fouilles deux zones non fouillées pour des contrôles ultérieurs (Loë 1907 ; Otte 1979 : 197).

En 1904, A. de Loë et E. Rahir, des Musées royaux d'Art et d'Histoire de Bruxelles, ont procédé au tamisage des déblais de la « salle principale » provenant des fouilles de Rucquoy (Loë 1905 : 22-23). Ils récoltent ainsi 13.000 silex et autres artefacts, de toutes les époques (âge du Bronze, Néolithique, pointes en silex, poinçons en os, oligiste, parure en ivoire et déchets, bifaces). Mais ils ont également rencontré des terrains en place, à 1,2 m de profondeur, comprenant de la faune, des pièces en silex et de la parure, ainsi qu'à 2,5 m de profondeur avec foyer, faune et silex (dont des bifaces).

En 1906, les mêmes fouilleurs s'attaquent à la zone s’étendant à l'ouest de la tranchée de De Puydt et Lohest sur la terrasse et au-delà de celle-ci vers l'entrée de la grotte (Loë 1907 : 34-37 ; Loë 1908 ; Loë et Rahir 1911 ; Rahir 1928).

Sous l'humus, ils rencontrent « le premier niveau ossifère » de De Puydt et Lohest, c'est- à-dire le limon jaune blocailleux qui fait 80 cm d'épaisseur et n'est pas remanié. Des charbons de bois épars sont présents mais pas de foyers clairement délimités. Outre la faune, il comprend une industrie lithique avec des nucléus, des lamelles, des lames, des lames

appointées, des burins, des grattoirs sur bout de lame, des pointes pédonculées et de nombreux fragments de lame. L'industrie osseuse est présente sous la forme de poinçons et de tiges. Ce niveau comprenait également de la parure sous la forme de six valves de pétoncle perforées, un élément similaire avait également été découvert par De Puydt et Lohest mais dans le niveau sous-jacent (deuxième niveau ossifère). Loë et Rahir signalent également la présence d'un morceau de poterie.

Ensuite vient le deuxième niveau ossifère qui repose dans cette partie de la terrasse directement sur le sol de la grotte, son épaisseur allant de 20 à 70 cm en fonction du relief de la roche. C'est le limon rouge (teinté d'oligiste) blocailleux, dans lequel sont inclus des foyers. L'industrie lithique que les auteurs décrivent comprend : nucléus, lames, lamelles, lames retouchées, grattoirs sur bout de lame, grattoir double, grattoirs nucléiformes, grattoirs carénés, éclats appointés, éclats retouchés, pointes moustériennes, éclat de débitage et déchets de taille. L'industrie osseuse est représentée par des poinçons, un bâton percé, des perles et pendeloques en ivoire (avec les ébauches et les bâtonnets pour la fabrication de celles-ci), ainsi qu'une canine perforée. En outre, ils signalent six plaquettes d'oligiste, et cinq fragments de poterie considérés comme faisant bien partie de l'industrie car aucun remaniement des dépôts n'a été remarqué.

Le troisième niveau ossifère fut retrouvé au milieu de la terrasse sous des terres remaniées de par Puydt et Lohest. C'est un limon brun blocailleux avec charbon de bois. L'industrie lithique présente 27 lames et lamelles, un perçoir, deux grattoirs carénés et un autre à retouches lamellaires, des pointes moustériennes, des bifaces de petite taille et des éclats retouchés. Il est aussi question d’un fragment de poinçon en os.

En 1908 et 1909, A. de Loë et E. Rahir ont fouillé la zone située à l'est de la terrasse, ainsi qu'à l'intérieur de la grotte, dans la galerie de droite (Loë 1908 ; Loë et Rahir 1911 ; Rahir 1928).

Sur la terrasse, ils ont retrouvé le premier niveau ossifère à 1m50 de profondeur. Il avait une épaisseur de 30 cm à 1,4 m. L'industrie lithique de ce niveau ossifère contient des nucléus, des lames, des lames retouchées, des grattoirs sur bout de lame, des pointes de La Gravette, des pointes à retouches plates dorsales et des éclats retouchés ou bruts. Ils ont également découverts dans ce niveau une pointe à base fourchue et de l'oligiste.

Sous ce premier niveau ossifère, se trouvait directement le troisième niveau ossifère, le deuxième étant apparemment absent dans cette zone. Il consistait en une mince couche noirâtre de 15 à 20 cm d'épaisseur. L'industrie comprend des pointes moustériennes mais surtout des éclats non retouchés, ce qui conduit à une interprétation de cette zone comme étant un atelier de débitage (Loë 1908 : 14).

Dans la galerie de droite, sous deux mètres de terres remaniées, ils retrouvent le troisième niveau avec 39 lames retouchées, des bifaces, des pointes moustériennes, des éclats retouchés et une plaque d'oligiste. Deux autres sondages dans cette galerie n'ont rencontré que des dépôts remaniés.

La même année, Ivan de Radzistsky d’Ostrowick (1909) fouilla des déblais dans la grotte et sur la terrasse.

En 1927, J. Hamal-Nandrin mène des fouilles à deux endroits dans la « galerie de droite » et dans le fond de la « seconde galerie » (Hamal-Nandrin et al. 1932). Il y découvre, dans des dépôts non remaniés situés sous deux mètres de déblais des fouilles antérieures, des pointes moustériennes et des racloirs, ainsi que des pièces bifaciales. Il s'agit, pour lui, d'un Moustérien plus ancien que celui du troisième niveau ossifère décrit par De Puydt et Lohest.

Par la suite, de nombreux fouilleurs amateurs, notamment J. Le Grand-Metz, H. Angelroth et L. Eloy, exploitèrent les dépôts remaniés du gisement (Otte 1979 : 197).

Entre 1948 et 1956, F. Twiesselmann, pour l'Institut Royal des Sciences Naturelles de Belgique, a effectué des fouilles dans la grotte, sur la terrasse, devant celle-ci et surtout sur la « Basse Terrasse », au bord de l'Orneau. Le résultat de ces fouilles fut publié dans les années 80 (Dewez et al. 1986).

Sur la roche en place, correspondant à la couche 1, la couche 2 est épaisse de 60 cm à 1 m. Elle est divisée en deux par un cailloutis. La couche 2A, sous le cailloutis, présente une industrie aurignacienne « plus ou moins en place » (Idem : 156), mais comprend également des traces de Maisiérien sous la forme de deux pointes à retouches plates de type Maisières et une pièce à dos. La couche 2B correspond au cailloutis. La couche 2C, par-dessus ce cailloutis, comprend principalement du Gravettien en position secondaire, mais aussi quelques pièces aurignaciennes. La couche 3 est un dépôt ocré, en position secondaire, où se trouvent mélangés du Gravettien, de l'Aurignacien et du Moustérien. La couche 4 est un « lœss » ou « argile » en position secondaire, comprenant de l'Aurignacien et du Gravettien. La couche 5 correspond à la terre humique, contenant quelques pièces, aurignaciennes et gravettiennes, provenant probablement de la terrasse de la grotte.

Il y eut à nouveau des fouilles en 1979 et 1980 reprenant celles effectuées par F. Twiesselmann dans la pente descendant de la grotte vers l'Orneau et sur la « Basse Terrasse » au bord de cette rivière (Dewez 1980). Des pièces moustériennes, aurignaciennes et gravettiennes et d’autres en ivoire attribuées au Paléolithique final furent découvertes en position secondaire.