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La société mère receleuse

Partie I. La recherche de la responsabilité de la société mère du fait de ses filiales au niveau national

Section 2. Les différentes formes de mise en cause de la société mère

4. La société mère receleuse

Le recel est « le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose ou de faire office d'intermédiaire, afin de transmettre, en sachant que cette chose provient d'un crime ou d'un délit», selon l’alinéa 2 du même article, peut constituer également un délit de recel « le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d'un crime ou d'un délit ». Le recel fait parti des infractions de conséquence, puisque sa définition légale comporte parmi ses éléments constitutifs, l'exigence d'un crime ou d’un délit antérieurement commis ou tentés466, le recel n’est blâmable que parcque sa source l’est d’abord467,de plus, le recel suppose un élément moral caractérisé par la connaissance chez son auteur de l'origine frauduleuse de ce qu'il détient, qu’il en tire un profit ou pas468.

La société mère , peut être le réceptacle de biens ou d’informations, qui peuvent être des fois de nature suspecte ou compromettante concernant ses filiales, mais du fait de l’intérêt commun ou collectif, elle sera plutôt encline à taire, voire dissimuler ce genre de renseignements, et, ce qui est pire, même d’en profiter des fois , ce qui peut ,dépendant de la nature et de l’objet de la chose ,l’exposer à un délit de recel469.

Il s’impose déjà de faire une distinction entre le fait d’être receleur d’une chose et être receleur d’une information, puisque ce dernier ne peut jamais faire l’objet d’un délit de recel.

465 Cass.crim du 10 janvier 1973, n°71-93.351 ; Voir aussi pour un cas de complicité par abus de pouvoir Cass.crim, 16 juin 2004 n°03-82.804 Inédit

466Ducouloux-Favard(C), Recel et blanchiment : deux délits de conséquence, Gazette du Palais, 04 janvier 2003 n° 4, P. 11

467 Jeandidier(W), droit pénal des affaires, précis Dalloz, 5ème édition, 2003 468 Cass.crim, 27 oct 1997, n°96-83.698

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Une information, quelle qu'en soit la nature ou l'origine, échappe aux prévisions de l'article 321-1 du Code pénal , qui ne réprime que le recel de choses470.

Ce qui peut être condamnable, par contre, concernant une information, ce n’est pas son recel, mais plutôt le fait de tirer profit ou bénéfice du produit de son exploitation sur le marché avant qu’elle soit portée à la connaissance du public471.

Donc, la responsabilité de la société mère en tant que receleuse est conditionnée par la commission d’une infraction par la filiale, qui peut aller d’un recel de blanchiment au délit d’initié en passant par l’abus de biens sociaux entre autres.

Mais là, s’arrête la dépendance, une fois l’infraction d’origine ou principale, établie, le recel, infraction issue de celle-ci va s’en détacher et s’ériger en infraction autonome. Ainsi, même si les raisons de l’incrimination de l’auteur principal viennent à disparaître, celles-ci ne libèrent pas le receleur qui demeure présumé coupable jusqu’au jugement, la société mère sera poursuivie même en cas de dissolution de la filiale.

La situation est toute autre quand il s’agit d’infractions indépendantes, puisque conformément au principe selon lequel « nul n'est responsable que de son propre fait », la Cour de cassation472 a précisé, dans un cas de fusion-absorption, qu'une société absorbante ne pouvait pas être déclarée coupable d'un délit commis par la société absorbée, la fusion ayant fait perdre à celle-ci son existence juridique. Cette solution demeure valide s’il s’agit d’une scission.

En général, la doctrine qualifie la responsabilité pénale des personnes morales, en l’occurrence, la responsabilité de la société mère, de responsabilité « reflet »473, ou par

470 Cass.crim,19 juin 2001, n°99-85.188 ; voir aussi cass.crim 3 avril 1995, n°93-81.569 471Cass.crim ,26 octobre 1995, n°94-83.780 ; voir aussi Cass.crim 14 juin 2006, n°05-82.453

472 Cass. Crim, 20 juin 2000 n° 4129 PF Sté Pilkington Sud : RJDA 12/00 n° 1096 ; voir aussi, cass.crim, 14 octobre 2003, n°02-86.376

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ricochet474. Mais ce n’est pas pour autant une responsabilité du fait d’autrui. En effet, la personne physique, lorsqu’elle agit en tant qu’organe ou représentant de la personne morale, est la personne morale, il s’agit d’une responsabilité par représentation issue de la théorie de l’organe.

III. Disparition de personnalité morale et responsabilité pénale

Une fois la filiale dissolue par décision judiciaire, quelle sera la position de la société mère, y aura-t-il un transfert de responsabilité ? Devra-t-elle épurer les dettes laissées par sa filiale ? Ou bien celles-ci s’effaceront ipso facto avec la filiale disparue ?

Pour la disparition d’une personne morale, il faut faire le distinguo entre les cas de la disparition normale de la société, pour las cas prévus par la loi475, et les cas de liquidation judiciaire476.La situation est toute autre dans le cas d’une disparition477 par fusion absorption où l’une des deux sociétés disparaît et/ ou son patrimoine est dévolue à la société absorbante ou à une société nouvelle.

La disparition d'une personne morale n’a pas la brutalité du décès d'une personne physique478,

ce qui permet à la personne de survivre pour accomplir les formalités de la liquidation479 . En effet, une responsabilité pénale peut être reprochée à la personne morale à raison d'actes accomplis pendant la période de liquidation480, si ces actes n’ont aucun rattachement aux opérations que commande la liquidation481.

474 Desportes(F) &Le Gunehec(F), Droit pénal général, Economica, 10ème édition, coll. Corpus de droit privé, 2003, n°584.

475 Article 1844-7 du code civil, al, 1°,2°,3°,4°,8°, 476 Article 1844-7 du code civil, al 5°,6°,7° 477 Art. 1844-4 du code civil

478 Morelli(N), les restructurations de sociétés à l'épreuve du principe de personnalité des peines, Bull. Joly Sociétés, 01 février 2005 n° 2, P. 202

479 Article 1884-8 du code civil, article L.231-2 du code de commerce ;la liquidation dure tant que les créances ou dettes nées de l'activité sociale ne sont pas prescrites, nonobstant la publication de clôture faite au Registre du Commerce et des Sociétés ; cass.com, 11 juil 1988, B.IV, n°248, P.170

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S’il s’agit par contre de manquements exclusivement imputables à la personne morale ancienne (avant la liquidation), sa disparition provoquera l'extinction de l'action publique482.

La situation est plus confuse quand il s’agit de fusion absorption parcqu’il y a transmission universelle de patrimoine à la personne morale nouvelle , déjà au moment de l’adoption du nouveau code pénal en 1994, et sa consécration du principe de la responsabilité pénale des personnes morales, des voix se sont levées contre un risque de voir les sociétés échapper à toute poursuite en recourant à des fusions ou des scissions483.

En cas de fusion absorption, si une infraction a été commise par la société absorbante, sa responsabilité pénale ne disparaît pas car cette société existe toujours, en revanche, pour la société absorbée sonne le terme de son existence sociale484, et sur le terrain du droit des personnes morales, on considère qu’il y a dissolution sans liquidation.

Si une infraction a été commise avant les opérations de fusion, la société absorbante sera-t- elle responsable pénalement ? La cour d’appel de Bastia485 avait donné une réponse positive

pour un accident de travail survenu avant les opérations de fusion. Sur pourvoi, la Cour de Cassation n’a pas hésité à sanctionner cette décision, car nul n’est responsable pénalement que de son propre fait486, la société absorbante ne peut donc répondre des infractions imputables à la société absorbée.

480 N.Morelli, op-cit

481 Cass. com, 21 juill. 1983, JurisData n° 1983-701656

482 Morelli, Les restructurations de sociétés à l'épreuve du principe de personnalité des peines,Bull Joly Sociétés, op-cit

483 Truche, Introduction au colloque sur la responsabilité pénale des personnes morales, Rev. Sociétés 1993, p. 231

484 L.Urbain-Parleani, arrêt 20 juin 2000, Dalloz 2001 p 853, revue des sociétés 2001 p 851 485 Cass. crim, 20 juin 2000, Bull. crim, n° 237, déc. 2001, p. 853, note H. Matsopoulou 486 Article 121-1 du code pénal

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L’avis du conseil du marché financier sur le sujet diverge totalement, lorsqu'une société a commis un manquement à ses obligations professionnelles, et est absorbée par une autre société, le conseil des marchés financiers a prononcé, à raison de ces faits, une sanction pécuniaire à l'encontre de la société absorbante.

Ainsi, La société Crédit Agricole Indosuez Cheuvreux, ayant absorbé la société Dynabourse SA, a été condamnée à une sanction pécuniaire importante au lieu et place de celle-ci, pour des manquements à des obligations professionnelles487.

Si cette sanction peut paraître équitable sur le plan économique, puisque les profits encaissés par la société absorbée sont ainsi sanctionnés chez la société absorbante, et c’est un argument de poids, sur le plan juridique, ça porte un coup de massue au principe de la personnalité des peines.