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Application de la théorie classique à un dommage environnemental

Partie I. La recherche de la responsabilité de la société mère du fait de ses filiales au niveau national

Chapitre 2. La reconnaissance de la responsabilité environnementale de la société mère

II. difficulté d’appréhender le préjudice environnemental par les mécanismes de la responsabilité civile classique

1. Application de la théorie classique à un dommage environnemental

Pour initier une action en dommages-intérêts pour dommage à l'environnement, il est nécessaire de connaître ces dommages, cela implique connaître ou pouvoir connaître, le triptyque dommage, fait générateur et lien de causalité, mais souvent, il n'est pas facile de connaître les raisons du dommage ou on ne peut pas identifier son auteur, ce qui rend plus difficile l'exercice de cette action.

La dégradation de l'environnement peut prendre de nombreuses formes : elle peut être continue, permanente, progressive et dépassé. Sur ce dernier point, un auteur dit : "il est possible qu’un comportement nuisible, produise quelques dégâts, mais au fil du temps, la même conduite peut dégénérer en un dommage différent" 692 , ce qui rend difficile, dans ces

cas, de déterminer le moment où commence le calcul du délai de prescription. Le bon sens dicterait de calculer ce délai au cas par cas, une imprescriptibilité des actions pour dommage environnemental ou de nature collective est même recommandable.

La première difficulté, résulte donc du fait de l’absence de répercussions personnelles dans un préjudice environnemental, alors que l’on sait que les parties à une action justifient bien d'un intérêt à agir693 , celui-ci est une condition sine qua none de la mise en action d’une responsabilité civile. Donc, dans le domaine de la réparation des atteintes à l'environnement, c'est avant tout la preuve du caractère personnel qui se révèle difficile694, et même en cas

692 De Miguel Perale(C) , “La Responsabilidad Civil por Daño al Medio Ambiente, Segunda edición revisada y actualizada, Editorial Civitas S.A.., Madrid España, 1997, p. 346

693 Art 31 du nouveau code de la procédure civile

694 Neyret(L), La réparation des atteintes à l'environnement par le juge judiciaire,Recueil Dalloz 2008 p. 170

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d’identification réussie, l’assainissement de l’environnement dépendra de la volonté de cette victime d’obtenir réparation du dommage subi695.

En outre, particulièrement au sein des groupes de sociétés , une autre difficulté réside dans le fait que la cohabitation de plusieurs personnes morales indépendantes, induit à l’imputation de l’infraction à une seule personne morale (l’auteur matériel) même si l’intention coupable est collective, le groupe de sociétés peut être une technique pour éluder des responsabilités. En effet, pour que le dommage soit sujet à réparation de la part de la société mère, celui-ci doit être l'effet d'une faute ou d'une imprudence de la part de celle-ci, s'il ne peut être attribué à cette cause, il n'est plus que l'œuvre du sort, dont chacun doit accepter la portée, mais s'il y a eu faute ou imprudence, quelque légère que soit leur influence sur le dommage commis, il est dû à la réparation696.

Si l'on reprend les solutions offertes par le droit commun, pour tenter de dégager des lignes directrices, la société-mère engage sa responsabilité personnelle principalement, lors de l'exercice de son contrôle697, ou pour les engagements qu'elle aura pris vis-à-vis des tiers698seulement.

Mais, ce dispositif n’a pas tardé à dégager des faiblesses, force a été de constater que ces règles civiles qui plaçaient uniquement l'homme au centre des préoccupations et de protection se sont avérées inadaptées à protéger efficacement l'environnement et régir les dommages environnementaux, du fait, d'une part, de leur faible propension à la prévention ; Et d'autre

695Mossoux(Y), l’application du principe pollueur-payeur à la gestion du risque environnemental et à la mutualisation des coûts de la pollution,Lex Electronica, vol. 17.1 (Été/Summer 2012)

696 Mazeaud(L) & Tunc, Le traité théorique et pratique de la responsabilité, T. II, 3ème éd., Dalloz, Paris, 1966, p. 24

697 Article L233-3 du code de commerce 698 Voir supra,

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part, les exigences de la preuve de la matérialité du dommage dans le chef de celui qui a causé le dommage est problématique pour les risques issus de l’activité industrielle comme les risques professionnels et les risques environnementaux699, il en va de même pour l’établissement de la causalité.

La protection de l'environnement, par contre, bien collectif, devrait pouvoir s'enclencher par la simple éventualité d’une menace, sans qu'il y ait besoin de faire la preuve scientifique de l'atteinte. Ce désaccord entre responsabilité civile et responsabilité environnementale se confirmait et n’allait pas tarder à donner naissance à une responsabilité autonome ou intermédiaire qui a pour pivot le dommage écologique.

Aussi, le droit a progressivement généré plusieurs techniques de gestion du risque notamment dans les cas où les institutions classiques de la responsabilité civile ne suffisaient pas à assurer la réparation du dommage subi.

En responsabilité civile, deux systèmes cohabitent : le système de la responsabilité «subjective» et le système de la responsabilité «objective»700. En matière environnementale, la responsabilité subjective s’avère inopérante, de sorte que la doctrine et de nombreux systèmes juridiques en viennent à la théorie de la responsabilité objective, par rapport à des faits issus d’activités industrielles potentiellement dangereuses, auxquelles devront répondre, celui ou ceux qui ont profité de ces activités nuisibles701, même en absence de faute, cette dernière a donc été remplacée par l’activité à risque702.

699 Jonas(H), Le principe responsabilité, Une éthique pour la civilisation technologique, Paris, Flammarion, coll. Champs-Essais ,1990 (1979), trad. Greisch(J), p. 180

700 Dreveau(C), « réflexions sur le préjudice collectif », RTD civ.2011, 249 701 Art. L162-1 du code de l’environnement

702 Josserand (L), Cours de droit civil positif français, Paris, Sirey, 1938, n° 556-558 ; ID., note sous Lyon, 12 janvier 1907, Dalloz, 1907, II, p. 245 ; R.Saleilles, note sous cass. fr., 30 mars 1897, Dall., 1897, I, pp. 433-439

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Se référant aux théories du risque créé703 et du risque profit704, qui sont un corollaire de celle du principe de polluer-payeur705, elles préconisent que c’est le premier, qui prend le risque de faire une activité dangereuse ou risquée, qui est tenu d'indemniser les dommages qu'elle peut causer ; ainsi, dans la responsabilité objective la réparation ne dépend pas d'un élément subjectif, la culpabilité, elle dépend seulement d'un fait objectif, la survenance du dommage. Dans la responsabilité objective, c’est le défendeur qui doit prouver qu’il n’a pas commis de dommage, connu en droit procédural comme «le renversement de la charge de la preuve" en effet :

- le dommage environnemental se base sur la présomption de responsabilité de l'agent, c’est lui qui contribue également à résoudre le problème de la détermination de la causalité.

- La responsabilité objective est d'inspiration éminemment social, qui cherche à favoriser la partie lésée, il ne serait pas juste d’exiger de la victime, en plus d'avoir subi des dommages, de prouver qui les a causés.

On peut dire que la responsabilité environnementale est toujours objective, parce que les dommages environnementaux sont toujours le résultat d'activités à risque pour l'environnement, l’application de la responsabilité objective dans le cadre de la responsabilité environnementale a pourtant ses détracteurs a pourtant ses détracteurs, de beaucoup pensent que ça serait porter un rude coup aux initiatives d’investissement et de prise de risque et l’innovation706.

703 Selon la théorie du risque créé, « la personne qui introduit une activité à risque dans la société le fait à ses risques et périls et non à ceux d’autrui », voir sur ce point J.Flour, J.-L.Aubert ET E.Savaux, Les obligations, vol. II, Le fait juridique, Paris, Sirey, 2009, 13 éd., p. 79, n°70

704 On fait peser la charge du dommage sur celui qui a agi et cherché un bénéfice plutôt que sur celui qui n’a rien fait

705 L’article 191, § 2, alinéa 1er du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne 706 Mossoux(Y), op-cit

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2. La rigidité du principe de la personne morale face à la responsabilité