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L’immixtion dans la gestion des affaires courantes

Partie I. La recherche de la responsabilité de la société mère du fait de ses filiales au niveau national

Section 2. La responsabilité de la société mère dans le cadre extracontractuel

1. L’immixtion dans la gestion des affaires courantes

L’immixtion à laquelle fait référence la jurisprudence est plutôt un pouvoir de gestion général, accompli dans le cadre de l'objet de la société et dans son intérêt344.

La cour d’appel de Paris a été plus concise à ce niveau, en avançant que la société mère doit avoir « accompli des gestes positifs de gestion tels que la conclusion de marchés ou d'actes commerciaux, pris des décisions ou même imposé, concernant les activités sociales, une orientation de quelque nature que ce soit »345.

Aussi, la participation d'une société au capital de sa filiale, le fait d’avoir un même logo commercial, la participation du président du directoire de la société mère aux conseils d'administration des différentes sociétés, les déclarations faites par celui-ci à la presse sur la pratique de son groupe, ne sont pas considérés comme des actes d’immixtion dans la gestion de la filiale346.

Ne caractérise pas non plus une immixtion de la société mère dans l'exécution d’un mandat contracté par sa filiale, même s’il est de nature à créer pour les mandants une apparence trompeuse propre à leur permettre de croire légitimement qu'elle était également leur cocontractant347.

344 Colmar, 4 janv 1956, Brell. Inf. 1957, p. 47, n° 281

345 Paris, 17 mars 1978, Banque, 1978, p. 656, note Lucien M. Martin; Civ. 1re, 3 mai 1995, n° 93- 15.777 , RTD civ. 1996 p.155, obs. J. Mestre

346 cass.civ 3é ch.25 février 2004, Marks and Spencer France Sac/ plein ciel diffusion SA et a, bulletin 2004 III N° 38 p. 35 ; C.A paris 18 janvier 2006, n°CT0166 ; CJCE 10 sept. 2009, Bull. Joly 2010, P. 69, note C. Prieto

347 Cass. ass. plén., 9 oct. 2006, 2 esp. : Bull. Joly Sociétés 2007, p. 57, note F.-X. Lucas Revue des contrats, 01 octobre 2012 n° 4, P. 1190

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Donc, n’est considéré comme acte d’immixtion dans la gestion d’une filiale, que les situations dans lesquelles cette dernière n’a eu aucun échange avec sa société mère, elle a plutôt subi un diktat de celle-ci348, c’est ce qui résulte de l’arrêt suivant où la responsabilité de la société mère a été retenue, pour s’être immiscée dans la gestion de sa filiale de façon à l’inciter à rompre le contrat avec un créancier.

La société à responsabilité limitée Ate 84 Nord, filiale d'une société anonyme Ate 84, a pris à bail des locaux commerciaux appartenant à la société Lymo. Etant rentré dans une procédure collective de règlement du passif, le locataire n'a pas acquitté les redevances de ses loyers jusqu'à l'extinction du bail, la société Lymo a alors actionné la société mère, la SA Ate 84, (sans même poursuivre la filiale), devant le juge des référés pour obtenir qu'elle fournisse provision pour la totalité de cette créance.

La cour de Douai a décidé d'octroyer ladite provision, (décision confirmée par la cour de cassation), au motif que la société mère s'était immiscée dans la conclusion et l'exécution du bail (les correspondances ayant été adressées à la société mère, la lettre de résiliation du bail émanant de cette dernière avait été rédigée sur son propre papier à lettres, les clefs du local loué avaient été remis par la société mère).

Cette dernière avait enfin refusé de participer à l'audience de référé, en alléguant n’avoir pas les moyens de régler la dette : « la situation de la société ne nous permet pas de faire face à cette créance »,et aussi, en faisant valoir la personnalité morale distincte de sa filiale, seule partie au contrat de louage, et partant, seule débitrice ,du fait de l'art. 1165 sur l'effet relatif des conventions.

348 Com. 15 juin 1993, Rev.soc.1994, p.730 ; M. Pariente, C.A Paris (15e Ch. sect. A). 19 octobre 1994. SA Econocom Software et autre c/ Chavarier ès qual, Revue des sociétés 1995 p. 85 ; voir aussi C.A Versailles ,27 octobre 1988, JCP 1989, éd.E,II,15423, n°18;

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La Cour a pourtant considéré qu'il y a avait immixtion, puisque des relations d’affaires se sont tissées et ont perduré jusqu’à l’extinction du contrat de bail.

Dans un autre arrêt349, un groupe a été amené à supporter les conséquences de l'inexécution d'un contrat par une société du groupe, du fait que les dites sociétés ont le même téléphone, le même logo, que les dirigeants de plusieurs des sociétés étaient intervenus dans l'exécution du contrat contentieux. De plus, l’arrêt des activités de la société avant d’avoir honoré son engagement, était une décision prise par le collectif des sociétés composant le groupe, ce qui prouve l’immixtion des autres sociétés du groupe dans sa gestion.

Mais il semblerait que la jurisprudence en la matière ait évoluée, ainsi, dans une décision récente350, la Cour de cassation conditionne la mise en jeu de la responsabilité de la société mère, à la seule immixtion trompeuse, susceptible de créer pour le créancier de ladite filiale, une apparence trompeuse propre à lui permettre de croire légitimement que la société mère était aussi son cocontractant, mouvement qui consiste à faire perdre toute son autonomie à l'exception d'immixtion de gestion.

Si le rapport entre immixtion et apparence trompeuse était déjà des plus ténus351, par cet arrêt leur sort semble bel et bien lié352.

Cette décision ne laisse pas indifférent, si elle présente l’atout d’affermir l’autonomie des personnes morales dans un groupe de sociétés, faut – il pour autant croire que la société mère ne sera pas dérangée du moment qu’elle se présente comme un tiers à un contrat conclu par sa filiale ?

349Didier (P), le groupe, entité juridique ? Cass. Com. 4 mars 1997. Econocom Location et autres c/ GIE Gestion croissance Revue des sociétés, 1997, p.554

350 Cass.Com, 12 juin 2012, n° 11-16.109, Dalloz 2012 p. 1608

351 Cass.com. 26 février 2008, n° 06-20.310, pour un exemple en jurisprudence où l'immixtion se confond dans les faits avec l'apparence

352 Tabourot-Hyest (C), l'exception d'immixtion de la mère dans les affaires de sa filiale n'est plus..,Revue des sociétés 2013 p. 95

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