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Intérêt social commun au sein des groupes de sociétés

I. L’existence d’un intérêt social commun

2. Intérêt social commun au sein des groupes de sociétés

Le groupe de sociétés en tant qu’entité va produire un certain nombre d’effets, même s’il ne dispose pas de la personnalité morale, puisqu’il constitue une réalité économique et sociale qu’il n’est pas permis d’ignorer. La jurisprudence appréhende de plus en plus fréquemment l’entité « groupe de sociétés » afin de lui faire produire ou de lui appliquer certains effets de droit.

Aussi, quand on prend part ou qu'on fait partie d'un groupe de sociétés, on sait d'avance qu'il y'a un intérêt collectif supérieur qui va naître et qui va l'emporter, cet intérêt collectif supérieur peut coïncider avec l'intérêt individuel, mais il faut avoir bien présent, que ce n’est pas toujours le cas, il y a une pluralité d’intérêts qui ne se trouvent pas nécessairement en harmonie les uns avec les autres117.

Il existerait donc, au-delà de l’intérêt de chacune des sociétés du groupe, un intérêt propre du groupe, encadré et géré par des organes d’administration et de décision ad hoc .Dès lors, les actes accomplis par une société dans le cadre de la gestion du groupe doivent être conformes à l’intérêt du groupe lui-même. Chaque filiale n’existe et n’opère qu’en fonction du groupe, l’intérêt social de la filiale est sacrifié au profit de la stratégie du groupe, c’est pourquoi les multinationales cherchent d’ordinaire à détenir 100% des actions de leurs filiales118 ,

Des décisions119 confirment l’idée que l’appartenance des sociétés à un même ensemble économique peut justifier un acte apparemment contraire à l’intérêt d’une société prise

116 Boursier (M.E), le fait justificatif de groupes de sociétés dans l’abus de biens sociaux : entre efficacité et clandistinité, rev. Soc, 2005, p.273

117 Druey(N), pour la protection des mères, mélange Guyon, Dalloz, 2003, p.349

118 Ordenneau (P), les multinationales contre les Etats, 1975, p.170, Éd. Ouvrières, Paris

119 cass.com, du 12 novembre 1973, n°72-12.881,Bull des arrêts Cour de Cassation Chambre commerciale n°. 322 P. 287

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isolément, mais conforme à l’intérêt du groupe120.

Aussi, faute de définition, c’est au juge de déceler une éventuelle atteinte à l’intérêt social. La jurisprudence121 définit « l’intérêt du groupe comme un intérêt économique social ou financier commun apprécié au regard d’une politique élaborée pour l’ensemble du groupe » ; Mais les magistrats recourent à l'intérêt social, bien au-delà de l'hypothèse où celui-ci est évoqué expressément122 (le cas d'abus de biens sociaux), pour l'utiliser dans des domaines aussi variés que la nomination d'un expert de gestion, de la révocation des dirigeants sociaux pour justes motifs, la théorie fiscale de l'acte anormal de gestion, ou encore de l'existence d'un abus de majorité, de minorité ou d'égalité123.

Il faut dire que l’intérêt du groupe est très rarement pris en compte parce qu’il est très difficile en pratique de réunir l’ensemble des conditions124 .

La référence à cet intérêt supérieur a été énoncée pour la première fois dans l'arrêt de principe Rozenblum du 4 février 1985 où, ayant à statuer sur des concours financiers entre plusieurs sociétés appartenant à un groupe, la cour de cassation l’a validé, mais à certaines conditions. Tout d'abord, les sociétés doivent appartenir au même groupe125, ce dernier n'est pas seulement une structure juridique, mais est aussi et surtout, une réalité économique et financière dynamique, axée sur une finalité bien déterminée126, le concours ne doit pas être

120 Aimé Mouthieu (M), l’intérêt social en droit des sociétés, Éd.L’Harmattan ,2009 121 Arrêt rozenblum, op-cit

122 Cass.com, 23 juin 1987, n°86-13.040,Bull 1987 IV, n° 160 p. 121

123Cuzacq (N), Aspects juridiques de l'investissement socialement responsable, Mélanges J. Dupichot, 2004, p. 129, spéc. p. 134, n° 7

124 Lecourt (A), groupes de sociétés, Rép. Sociétés Dalloz, janvier 2011 ;parmi de très nombreux exemples : cass.crim. 24 juin 1991, n° 90-86.584, RJDA, n° 926,1991 ; Cass.crim. 4 septembre 1996, n° 95-83.718, Bull. Joly 1997,107, note N. Rontchevsky ; Cass.crim. 25 octobre 2006, n° 05-85.998, Rev. Soc, 2007, 146, note B. Bouloc

125 Cass. Crim, 4 février 1996, n° 95-83.718, JurisData n° 1996-003916; Cass. crim., 5 mai 1997, n° 96-81.482, PF : JurisData n° 1997-003021

126 Conte (P) et Jeandidier (W) : Droit pénal des sociétés commerciales : Litec affaires finances 2003, n° 272

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démuni de contrepartie, ni rompre l'équilibre entre les engagements respectifs des diverses sociétés concernées127, ni excéder les possibilités financières, de celles qui en supportent la charge.

N’empêche que la jurisprudence ne renie pas l’opposition entre l'intérêt du groupe et l'intérêt particulier de ses membres128, c’est ce qui ressort d’une décision de la haute cour129.

Dans le cas d’espèce, on a retenu la culpabilité de Manuel X... , en sa qualité de dirigeant de fait, de l'ensemble des SA et SARL du groupe Sepi SA,sous le chef d’inculpation d'abus de biens sociaux, au titre de versements en compte courant, réalisés par les sociétés Moser, Jardem Environnement, SAEE et Falleau, au bénéfice des sociétés Nogueira Seco, Desmartis Environnement et Sepi Développement ; au motif qu'en voulant préserver l'intérêt du groupe, il a totalement méconnu l'intérêt particulier de ses membres, alors que l'un ne saurait être exclusif de l'autre .

Il faut signaler à ce niveau, que dans un groupe de sociétés, la violation de l'intérêt social est plus délicate à caractériser. Quand un groupe s'étend, absorbe ou s'associe à d'autres sociétés, la finalité est toujours la même, en tirer un bénéfice, on ne s'associe jamais ou presque, en sachant qu’il ya un haut risque. Mais alors comment fixer la frontière entre la prise de risque licite ou acceptable et celle qui est abusive ? La perception même de l’intérêt social peut-être différente chez les uns et les autres, chez les associés investisseurs par exemple, c’est surtout la poursuite d’un bénéfice qui prime, ce qui ne sera pas le cas pour les associés entrepreneurs, qui sont à la recherche d’un pouvoir.

127 Cass. crim., 20 mars 2007, n° 05-85-253, F-P+B+I : JurisData n° 2007-038463, dans le cas d’espèce, le dirigeant social poursuivi avait, d'une part, investi une somme substantielle provenant d'une augmentation de capital de sa société dans une société dont il était également le dirigeant, d'autre part, fait travailler pour cette dernière société du personnel de la première, sans facturer les prestations effectuées, la Cour de cassation en conclut logiquement que les concours financiers apportés étaient démunis de contrepartie, de sorte que l'abus de biens sociaux était parfaitement caractérisé.

128 Boursier (M.E), le fait justificatif de groupes de sociétés dans l’abus de biens sociaux : entre efficacité et clandestinité, Rev.soc, op-cit

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Une autre opposition peut surgir entre l’intérêt des associés majoritaires130 et celui des intérêts

minoritaires131ou encore, l'intérêt social à court ou à long terme, une action peut être bénéficiaire à court terme, mais s'avérer critique à la survie de la société à long terme ?

Comme conséquence de l’existence d’un intérêt social commun entre les sociétés membres du groupe, sa transparence s’impose.

II. La nécessité de la transparence de la personne morale

Même si le législateur a été et est formel sur les groupements ayant la personne morale et ceux qui ne l’ont pas, il y a des situations dans lesquelles la nature de la personne morale et la qualité de ses membres est prise en compte, pour déterminer les cas d’abus de cette personne morale, il s’agira alors de lever le voile social, mais à ce moment, on pourrait se demander s’il ne s’agit pas là d’une atteinte à l’autonomie de la personne morale ? En effet, fondamentalement, la dissociation des deux entités, personne morale et actionnaires, est le principe, la convergence des effets de la personnalité morale et de ses actionnaires est une dérogation à ce principe.

En fait, dés qu’il s’agit d’apprécier l’activité d’une société (ou d’un groupe de sociétés), il ne parait pas possible de la dissocier des membres qui la composent et qui la dirigent132, d’autant plus que la personne morale des sociétés se caractérise par une très grande faculté d’adaptation aux exigences pratiques133.

130 cass.com, 24 janvier 1995, n°93-13.273, Bull 1995 IV, n° 27 p. 22 ; CA Lyon, civ3, 2 mars 2006, Jugement du Tribunal de Commerce de Lyon du 19 septembre 2003, n ° R.G. : 04/04534

131 cass.com, 18 avril 1961, Bull.com, n°175

132 Chauveau, note sous Alger, 5 mai 1926, D.1927.143, personnalité morale et droit subjectif, cité par J.P Gastaud, LGDJ, 1977

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