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Responsabilité du fait personnel

Partie I. La recherche de la responsabilité de la société mère du fait de ses filiales au niveau national

Section 2. La responsabilité de la société mère dans le cadre extracontractuel

1. Responsabilité du fait personnel

358 Bacache-Gibeili(M), les obligations, la responsabilité civile extracontractuelle ,2é édition, Economica 359 Planiol, Traité élémentaire du droit civil, LGDJ, 1905, 3éme éd, T. 2, n°863, p.279

360Tunc(A), la responsabilité civile, 2e éd., 1989, no 149, pour l’auteur les « simples erreurs », sont des comportements théoriquement regrettables, mais statistiquement inévitables de la part du « bon père de famille »

361 Cass.civ.2e, 16 juillet 1953, JCP.II.7792, note R.Rodiére 362 Trib.com, Nancy, 6 février 1978, Rev.Jur.com.1978, P.230

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D’après la jurisprudence, une simple faute de la société-mère peut suffire à engager sa responsabilité à l'égard des créanciers de la filiale, et par conséquent, à l'obliger aux dettes de celle-ci.

En effet, deux arrêts ont retenu la responsabilité de la société mère sur le fondement de l’article 1382, sans passer par la qualification de dirigeant de fait alors que la société gérait de prés sa filiale.

Il s’agit, en premier lieu, d’un arrêt de la CA d’Aix en Provence, qui a retenu la responsabilité d’une société mère pour avoir créé à son seul profit, une société dépourvue des moyens indispensables, pour avoir largement contribué à la mauvaise gestion de la société qu’elle dirigeait et contrôlait étroitement, ainsi que pour avoir conféré à la filiale une solvabilité apparente.363

Dans un autre arrêt 364, la Cour de cassation a considéré que l’imbrication étroite de la société mère et de la filiale, à laquelle avait été transmise, par voie de scission, une branche d’activité de la société mère, doublée d’une lettre circulaire adressée par la société mère aux clients, était constitutive d’une faute de celle-ci.

Par ailleurs, un soutien abusif de la société mère vis-à-vis de l’une de ses filiales peut être constitutif d’une faute et partant d’une responsabilité civile de la société mère.

Si en principe, le soutien abusif est le propre d’une relation banquier client365, il ressort d’une

décision émanant de la cour de cassation366 qu’un parallélisme peut être envisagé dans le

363 Aix-en-Provence, 18 juin 1975, Rev.jurisp. Com.1976.95, note Calais-Auloy ; Cass.com, 7 déc 1993, RJDA 4/94, n°414

364 cass.com, 5 février 1991, n°89-12.232, préc

365 Cass.com, 8 janvier 2013, n°11-27.120, inédit, jurisData 2013-000033.CA Paris ,pôle 5,chambre 6,15 septembre 2011,n°09/20641, jurisData :2001-029469

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cadre d’une relation société-mère filiale, du moment que cette dernière a soutenu l’octroi d’un crédit à sa filiale tout en sachant sa situation irrémédiablement compromise.

En effet, les conséquences de cet acte imprudent ne cesseront d’apparaître dés les premières échéances de paiement.

2. Responsabilité du fait d’autrui

C’est à la base de l’article 1384 du code civil 367 que peuvent être dégagés les liens de

préposition pouvant engager la responsabilité d’une personne (physique ou morale) du fait d’autrui.

La responsabilité du fait d’autrui peut se définir comme celle qui entérine les cas dans lesquels « une personne physique ou morale est amenée à répondre civilement des dommages provoqués directement par le fait d'un tiers »368, parce qu’il existe entre elle et ce tiers, des liens particuliers. Cette responsabilité se caractérise par le fait que, la personne ayant occasionné le fait dommageable, et celle tenue d’en assurer la réparation sont deux personnes distinctes.

Ce type de responsabilité n'est pas clairement défini en droit français. Il est en fait difficile de savoir si cette responsabilité s'applique uniquement aux exemples cités dans l’article susmentionné369 .

Mais du fait que le groupe de sociétés a été apparenté à une famille370 dans laquelle la société mère exerce une autorité parentale vis-à-vis de ses filles, et est censée répondre de leurs actes

367 Art. 1384 « On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde ».

368 J.Ghestin, et alii, Les conditions de la responsabilité civile : LGDJ, 3e éd., n° 788, 2006

369 L’article 1384 ne mentionne que la responsabilité des parents pour leurs enfants, des maîtres et commettants pour leurs préposés et les artisans et instituteurs pour leurs apprentis et élèves.

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et qu’on pourrait assimiler « la filiation financière » à une filiation naturelle371, où les enfants

mineurs sont sous la tutelle de leurs parents, vu la similitude entre les deux situations.

On a ainsi tenté d’introduire au niveau de l’article 1834 du code civil, dans le cadre du projet Catala, des dispositions qui responsabiliseraient la société mère des actes malencontreux de sa filiale.

L’alinéa en question préconisait ce qui suit « De même, est responsable celui qui contrôle l'activité économique ou patrimoniale d'un professionnel en situation de dépendance, bien qu'agissant pour son propre compte, lorsque la victime établit que le fait dommageable est en relation avec l'exercice du contrôle. Il en est ainsi notamment des sociétés mères pour les dommages causés par leurs filiales ou des concédants pour les dommages causés par leurs concessionnaires ».

Certains avis doctrinaux se sont soulevés contre cette formulation, dont le professeur Champaud, qui dit que : « … ce serait une réécriture d’un monument de la langue française …il n’est pas certain que l’admiration de Stendhal pour le code civil aurait été aussi grande si ses pères avaient eu la plume aussi malhabile372», et d’ajouter que le texte faisait plus primer le fait de faire payer les sociétés que les principes fondamentaux du droit.

370 Y.Guyon , droit des affaires :droit commercial et sociétés commerciales.1, p.641 ; Voir M.Cozian, A.Viandier , F.Deboissy, Droit des sociétés, 17e édition, Litec , qui, eux, comparent le groupe à une famille dont les membres seraient exclusivement féminins, composée de sociétés mères, de filles, de sœurs et même de grand-mères entretenant des liens juridiques particuliers et étroits ;voir aussi, F. Magnus ,les groupes de sociétés et la protection des intérêts catégoriels « …l’articulation des relations au sein du groupe peut être comparée à une organisation familiale de type matriarcal, composée d’une pluralité de personnes dotées d’un patrimoine propre ainsi que d’une indépendance juridique, dont l’autonomie est limitée par le contrôle exercé par une «mater familias» (la société mère) qui surveille et coordonne les agissements dans l’intérêt familial, et au sein de laquelle certaines opérations peuvent être réalisées à des conditions plus avantageuses qu’entre étrangers (telles que des donations ou des aides financières).

371Langlois-Colson (A), la responsabilité de la société mère à l’égard des tiers, thèse Paris I-panthéon- Sorbonne, 2001

372 Champaud(C), Danet (D), groupe de sociétés, Responsabilité de la société mère aux dettes de la filiale, RTD Com. 2008 p. 576

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Nous pensons que les dispositions juridiques évoluent avec le temps, où sont, du moins, censées le faire, et qu’il ne serait pas mauvais de modifier et de réadapter certains articles du code civil. L’initiative du projet Catala, et à notre sens, louable, surtout que l’exercice ,parfois abusif, des grands groupes de leur pouvoir, impose l’intervention du législateur qui devrait freiner et neutraliser ces dérapages.

D’après les expositions ci-dessus, on peut dire que les créanciers des filiales d’un groupe de sociétés ont à leur portée un dispositif juridique intéressant pouvant mettre en jeu la responsabilité de la société mère, et dont le but est principalement la protection des tiers, que le dommage soit la conséquence direct de la société mère ou d’une de ses filiales.