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Imputation de la société mère en qualité de dirigeant de fait

Partie I. La recherche de la responsabilité de la société mère du fait de ses filiales au niveau national

Chapitre 1. La dimension de la responsabilité de la société mère

I. Imputation de l’action en comblement du passif à la société mère

2. Imputation de la société mère en qualité de dirigeant de fait

La direction de fait n’a jamais été définie, et ne peut être présumée, mais on peut la définir comme l’exercice direct ou par personne interposée, en toute indépendance, de façon continue et régulière, d’activités positives de gestion et de direction du débiteur556. Un seul acte de

gestion ne suffit pas à caractériser la direction de fait557, comme l’écrit M Tricot558 « on ne

devient pas dirigeant de fait par un acte unique».

Aussi, il s’agira pour les juges de faire usage de leur pouvoir d’appréciation et de motiver spécialement leur décision559, à chaque fois qu’ils ont à trancher en la matière560. M.Houin qualifie la situation « Comme un moyen jurisprudentiel de compléter la loi, de tourner même quelquefois la loi, d’aller au-delà de la loi561 ».

Même si la direction devrait, en principe, être dissociée de l’administration, puisque cette dernière562 suppose plutôt la surveillance de la mise en œuvre et le règlement de toute question intéressant la bonne marche de la société, alors que la direction563 est la conduite des

555 CA Paris, 2 mars 1993, Juris-Data n° 1993-021572 ; Cass. Com, 8 oct. 2003 : Juris-Data n° 2003-020526 556 C.A de Paris, 7 octobre 1997, RJDA 1/98, p.35, n°55 ; 20 décembre 1988, Rev. Pro. Coll.1989, p.244, note Chaput

557 M.Guyon dit qu’il faut faire « la preuve d’agissements qui excédent un éventuel rôle de simple surveillance et de nature à peser durablement sur les pouvoirs du dirigeant de droit « propos rapportés in vie jud du 4 au 10 sep 1995, n°2578, p 3

558 D.Tricot, les critères de la gestion de fait, droit et patrimoine, janvier 1996, p 24 559 Mellotée “ dirigeant de droit et dirigeant de fait ”, LPA 25 mai 1988 p30

560 cass.com, 2 février 1982, n° 80-14.773 ; cass.com, 8 décembre 1975, n°74-12.574 ; cass.com, 20 février 1979, n°76-14.510 ; cass. Com, 23 juin 1982, n° 81-12.171

561 Houin(R), Rapport général sur les situations de fait, Travaux de l’Association H. Capitant, 1957, t. XI, p. 320.

562 L’article L. 225-35 relatif au conseil d'administration de la S.A.

563 L’article L. 225-56 du Code de commerce dispose que « Le directeur général est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toutes circonstances au nom de la société. Il exerce ces pouvoirs dans la limite de

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affaires d’une société et la représentation de celle-ci auprès des tiers, en fait, la frontière entre le simple avis ou observation et la véritable prise de décision est souvent difficile à établir. En pratique, la jurisprudence et la doctrine reconnaissent, pour tout type de sociétés, sans exception, que les termes « direction », « gestion » et « administration » expriment, au sens large, la même réalité, c'est-à-dire qu’elles désignent les pouvoirs reconnus aux personnes qui ont la qualité de dirigeant de droit564.

Aussi, une société ou, en l’occurrence, un groupe de sociétés peuvent être engagés par toute personne, même non habilité, et alors que ce pouvoir ne lui a pas été régulièrement attribué565, du moment que les tiers ayant traité avec cette personne ont cru légitimement que cette dernière disposait des pouvoirs nécessaires, et que les circonstances les ont dissuadées de vérifier les limites exactes de ce pouvoir566.On retrouve là une application du mandat apparent567 . Si le dirigeant de fait est le plus souvent apparent, c’est au demandeur à l’action de prouver ce statut.

Dans tous les cas, le mandataire n’est pas censé faire au-delà du pouvoir qui lui a été effectivement conféré568; C’est ce qui ressort d’une décision émanant de la cour d’appel d’Aix en Provence. Dans le cas d’espèce, Mme Joséphine X. avait attaqué en justice M. René Z, par l’intermédiaire de qui, elle avait souscrit un placement financier (d’une valeur 100. 000 F) de la société l'Épargne de France.

l'objet social et sous réserve de ceux que la loi attribue expressément aux assemblées d'actionnaires et au conseil d'administration. Il représente la société dans ses rapports avec les tiers »

564 Ndong(N) , le dirigeant de fait en droit privé français, thèse, université Nancy 2, 2008

565 3 L’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 11 juin 1987, Bull. Joly 1987, p. 719, n° 299 ; Rev. Sociétés 1987, p. 629, constitue la parfaite illustration de cette assimilation. En l’espèce, la Cour refuse d’attribuer la qualité de gérante de fait d’une SARL à la personne poursuivie au motif qu’elle n’avait pas exercé en fait la direction de la société.

566 Ass.Pléniére civile 13 décembre 1962, n° 57-11.569 ; voir aussi, cass.civ1,du 19 octobre 1977 N° 76-11.519

567 Voir la théorie de l’apparence op-cit

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Il s‘est avéré par la suite que M. René Z... ne travaillait plus pour la société l'Épargne de France et qu’il avait escroqué Mme Joséphine X... qui après avoir reçu 9. 750 F de Z..., Mme Joséphine X... ne revit plus son argent.

Si M. Joséphine X a eu gain de cause devant le tribunal de grande instance de Toulon, auprès de qui elle avait assigné, et la société l'Épargne de France, et M. René. Z en qualité de mandataire apparent de cette première, en faisant valoir sa légitime croyance en l'existence d'un mandat. Elle a par contre débouté par la cour d’Appel d’Aix en Provence l’a par contre débouté, suite à l’appel introduit par la compagnie d’assurances abeille Vie venant aux droits de la société Épargne de France. Cette dernière avançait comme argument, qu’elle ne peut être tenue vis- vis d’un tiers , en dehors de tout mandat, par les agissements d’un escroc qui se fait passer pour son mandataire, alors que les circonstances objectives de la remise des fonds par ce tiers au « mandataire » ,auraient du attirer son attention, et partant ,qu’elle ne peut prétendre qu’elle a pu légitimement croire que le mandataire agissait en vertu d’un mandat et dans les limites de celui-ci .

Tout d'abord, il semble acquis qu'aucune responsabilité de principe ne peut-être déduite de la seule qualité de dirigeant de fait de la société mère, quoique lorsqu’une des sociétés du groupe est soumise à une procédure collective, les organes de la procédure et les créanciers tentent souvent d’établir qu’une autre société du même groupe ou la société-mère, s’est immiscée dans la direction de celle qui est en difficulté.

Le but de cette démarche est d’obtenir du tribunal, l’attribution de la qualité de dirigeant de fait aux sociétés qui ont participé à la gestion de celle qui est en difficulté, afin de leur imputer, en qualité de dirigeant de fait, la responsabilité de tout ou partie du passif social569 de cette société.

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Le problème qui se pose est que, au sein d'un groupe de sociétés, les rapports généralement entretenus entre la société mère et ses filiales peuvent généralement être très étroits, au point qu’il devient difficile de discerner entre les actes de gestion et les actes de bonne gouvernance. Mais en général, cette direction de fait sera notamment caractérisée par une immixtion régulière de la société mère dans la gestion de sa filiale.

Certains actes communément pratiqués au sein de groupes de sociétés orientent les tribunaux pour conclure à l’existence d’une direction de fait de la société mère ; ainsi c’est ainsi le cas pour :

- L’absence d’autonomie dans les décisions de gestion stratégiques570 ;

- La subordination des dirigeants de droit de la filiale à la société mère571 ; - L’absence d’autonomie économique et commerciale de la filiale572 ;

- L’octroi de pouvoirs étendus à des salariés de la société mère573.

570 Cass. Com. 6 juin 2000, n° 96-21.134, dans cette décision émanant de la haute cour a conclu à la qualité de dirigeant de fait de la société Becob qui exerçait une activité positive de gestion et de direction, en toute souveraineté et indépendance, et détenait à ces fins les différents documents comptables, sociaux et bancaires nécessaires aux prises de décision, alors que sa filiale SMBA ne contrôlait que les actes de gestion de la vie courante dont la trésorerie et le personnel ne faisaient pas partie ; voir aussi ; C.A Paris, chb 15,19 octobre 1994,n°jurisdata :1994-600184 ; cass .com 4 mars 1997,n°95-10756

571 Cass. Com.2 nov. 2005, n° 02-15.895;Cass. Com. 6 juin 2000 n° 96-21.134;

572 CA Paris, 25 janv. 1999, RJDA 4/99 n° 448, dans le cas de figure, la direction de fait a été retenue à l’encontre d’une société mère dont la filiale avait comme unique activité le développement d’un système breveté par la société mère, laquelle avait désigné l’ensemble des sous-traitants de la filiale .

573 Cass. Com. 13 novembre 2002, RJDA 4/03 n° 386,dans le cas d’espèce, la Cour de cassation a retenu la qualité de dirigeant de fait à la société mère dont le directeur financier, qui ayant reçu pouvoir des dirigeants de droit, contrôlait toutes les opérations bancaires de la filiale

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