• Aucun résultat trouvé

Insuffisance d’actif résultant de la faute

Partie I. La recherche de la responsabilité de la société mère du fait de ses filiales au niveau national

Chapitre 1. La dimension de la responsabilité de la société mère

II. les conditions de l’obligation du comblement du passif

2. Insuffisance d’actif résultant de la faute

Pour déclencher l’action pour insuffisance, il faut produire les preuves d’un lien de causalité entre la faute et l’insuffisance d’actif. À la différence de l’action en responsabilité civile, l’action pour insuffisance d’actif présente une particularité, c’est que la faute à l’origine de l’action n’est pas nécessairement péremptoire, il suffit qu’elle ait concouru avec d’autres

593 Cass.com, 3 mars 1981, BRDA 1981, n° 11, p. 77 ; Cass. com, 2 juin 1987, Consorts Crépy c/ Theiller, syndic, Bull Joly Sociétés, 01 juin 1987 n° 6, P. 510 ; cass.com, 14 mai 1991, n° 89-19.081, Bull. civ, 1991, IV, n° 164 ; Cass.com, 8 déc. 1998, n° 96-16.339 ; cass.com, 31 mai 2011, n°09-13.975 ; 593 Cass. com, 3 mars 1981, BRDA 1981, n° 11, p. 77 ; Cass.com, 8 déc. 1998, n° 96-16.339,Inédit

594 CA Aix-en-Provence, 20 juin 1995 : Juris-Data n° 034155 595 CA Paris ,16 avril 1996, Bull joly 1996, P.698, §252

596 Cass.com, 23 mai 2000, Juris-data n° 002128, cité par C. Saint Alary-Houin, La responsabilité

patrimoniale des dirigeants de sociétés en difficulté, Colloque « Les dirigeants sociaux », Toulouse 17 novembre 2000, n° 3 supplément à la semaine juridique n° 24 du 14 juin 2001, p. 30

164

éléments à cet état de fait, puisque les termes « … en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d'actif » n’exigent qu’un lien de causalité partiel.

Si le législateur avait écrit « ayant causé », on se serait heurté pratiquement à une impossibilité de preuve. En effet, dans beaucoup de cas, les fautes de gestion s'enchevêtrent au cours de la vie de l'entreprise et il est quasiment impossible d'établir le rapport direct qui aurait pu exister entre tel acte et telle conséquence.

La doctrine598 y voit la consécration légale de la théorie de l'équivalence des conditions, selon laquelle tous les événements qui ont conditionné un dommage sont équivalents et doivent être considérés comme l'une des « causes » de celui-ci. En effet, un dirigeant est présumé responsable, et peut être amené à payer l'intégralité599du dû, si sa faute a contribué à cette insuffisance d’actif600. Cette présomption automatique de responsabilité du dirigeant découle

de la difficulté de déterminer et d’appréhender601 sa part contributive.

Certaines juridictions de fond ont entrepris d’étendre des procédures collectives sur le fondement de l’existence du groupe « entité économique » même dans des hypothèses dans lesquelles on n’a pas pu qualifier ni la fictivité de la société, ni une confusion de patrimoines.602

598 Petel(P), Commentaire de l'arrêt du 30 novembre 1993, Bull. Joly Sociétés, 1994, p. 410, § 122. 599 Cass.com, 27 février 2007, n° 06-13.649, JurisData n° 2007-037790

600 Cass.com, 3 janvier 1995, n° 91-18.109, Bull. Joly Sociétés 1995, p. 266, § 84, note Couret. CA Paris, 3e ch., sect. B, 25 oct. 2002, Martinelli c/ SCP Perney et Angel, RJDA 2003/2, n° 172, p. 146, dans le cas d’espèce la cour d’appel de Paris a relevé une absence de lien de causalité entre la tenue d'une comptabilité incomplète et l'insuffisance d'actif.

601 Delattre(C), Les actes préparatoires à une action en responsabilité pour insuffisance d'actif (articles L. 651-4 et R. 651-5 du Code de commerce), Revue des procédures collectives n° 1, Janvier 2010, étude 2 602 Répertoire des sociétés Dalloz, Groupe de sociétés, Germain et Pariente, p.22

165

Section 3. Solidarité des sociétés du groupe en tant qu’entreprise unique

L’intérêt de l’étude de l’unité économique dans un groupe de sociétés réside dans le fait que pour certains juges, elle peut être un motif pour l’extension d’une procédure collective à l’encontre de la société mère dans un groupe de sociétés. Traditionnellement, seules l’action en comblement du passif ou la confusion de patrimoines sont à l’origine d’une telle procédure, pourquoi et dans quels cas l’unité économique peut également en être une ?

La théorie de l’entreprise unique est incontestablement intéressante puisqu’elle justifie le traitement du groupe de sociétés en difficulté de façon consolidée603, mettant ainsi en avant « des intérêts du groupe dans son ensemble, ou ceux de la société dominante, plutôt que ceux de chacun des membres »604. Après la reconnaissance du groupe par le droit fiscal, par le droit comptable ou par le droit social, pourquoi ne pas permettre au droit des procédures collectives d'appréhender le groupe dans son ensemble et plus seulement ses composantes en état de cessation des paiements 605 ?

Si le droit fait de l’entreprise une notion incontournable606, il ne l’a quand même pas défini,

utilisant tantôt le terme entreprise, tantôt son support juridique la société, alors que l’entreprise et la société sont deux choses fondamentalement distinctes607 , et quand il en

parle, il le fait d’un point de vue économique et non juridique, vu que le droit positif actuel ne

603 Bouillot (C), Le centre des intérêts principaux à l’épreuve du groupe transnational de sociétés, Thése, Université Jean Moulin Lyon 3, 2010

604 Commission des Nations Unies pour le droit commercial international : Groupe de travail V (Droit de l’insolvabilité) Trente et unième session : Vienne, 11-15 décembre 2006

605 Lucas (F.X), les filiales en difficultés,Petites affiches, 04 mai 2001 n° 89, P. 66

606 Supiot (A), « Groupes de sociétés et paradigme de l’entreprise » Revue Trimestrielle de Droit Civil 1985 n°624

166

reconnaît pas la personnalité morale à l’entreprise, ambiguïté merveilleuse du droit qui utilise un mot mais refuse de le définir608.

La jurisprudence par contre, la définit comme suit : "La notion d'entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement"609, d’après cette définition, on peut déduire qu’aucune forme juridique n'exclut a priori la qualification d'entreprise, l'essentiel étant le caractère économique de l'activité concernée610, ainsi ,le groupe peut parfaitement être qualifié d’entreprise.

L’entreprise est , en fait, une réalité économique qu’on ne peut éluder et qu’il faudrait gérer même en absence d’une définition juridique611, d’ailleurs la création d’une société conduit

inévitablement à la création d’une entreprise, si la société est la structure juridique de l’entreprise, l’entreprise est la représentation logistique ou organisationnelle de celle-ci, il y a donc, en principe, une concordance entre l'entreprise et la société612.

C’est la Cour d’appel de Paris qui a initié ce mouvement, en prononçant une extension de procédure à la société mère d’une filiale privée, vu le fait que toutes les entreprises appartenant au groupe formaient une unité613économique et financière comme c’est consacré au niveau du droit social.

Cette approche a été chaudement applaudie par une formation doctrinale, qui a vu dans cette

608Lhuilier(G), Le « paradigme » de l'entreprise dans le discours des juristes : Annales. Économies, Sociétés, Civilisations, 48e année, n° 2, 1993. pp. 329-358.

609 CJCE, 23 avr. 1991, aff. C-41/90, Höfner et Elser : Rec. CJCE 1991, I, p. 1979

610 Grynfogel(C), Fasc. 268, Abus de position dominante, Article 102 du TFUE, JurisClasseur Commercial

611 même si le droit ne définit pas l’entreprise, il l’a quand même personnalisé, exp :l'article 5 de la loi n° 51-59 du 18 janvier 1951 sur le nantissement du matériel et de l'outillage,l'article 10 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984, relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit,l'article 48 de la loi n° 84- 148 du 1er mars 1984, relative à la prévention et au règlement amiable des difficultés des entreprises… 612 Paillusseau(J), le droit des activités économiques à l'aube du XXIe siècle, Recueil Dalloz 2003 p. 260 613 Paris, 20 mars 1986, Rev.sociétés 1987, p.98 note Guyon

167

décision une nouvelle formule pour procéder à la responsabilisation des groupes de sociétés614, la cour de cassation, quant à elle, continue d’exiger la fictivité de la société ou une confusion de patrimoines615ça prouve qu’elle n’est pas très convaincu par cette thèse.

Le reproche qui peut être formulé à cette notion d’unité économique et financière est qu’elle est vaste et assez flou d’où la nécessité de trouver des paramètres plus précis qui permettraient de mettre à découvert les liaisons qui peuvent naître entre les différentes entreprises, comme la nature des activités ,leur complémentarité ,leur secteur d’activité, la clientèle…616

C'est sur cette notion que se fonde la jurisprudence rendue en droit du travail et qui atteste que des sociétés juridiquement distinctes peuvent constituer, un ensemble économique et social homogène617, mais ce n’est pas la seule matière, la jurisprudence en fait une application systématique qui montre enfin la transparence des personnalités et l'opacité des responsabilités618.

Ainsi par exemple, certaines juridictions en absence de toute fictivité ou confusion de patrimoines ont condamnés des sociétés in solidum sur le fondement d’une communauté d’intérêts, d’objectifs et de moyens619; Sachant que l’article L.620-2 du code de commerce ne

prévoit cette procédure que pour les personnes morales de droit privé, et que ce dernier ne

614 Daigre (J.J), P.A, 19 février 1988, p.19 ; Pariente(M) , Bulletin Joly Sociétés, 01 mars 1994 n° 3, P. 317 ; Schmidt (D) , La responsabilité civile dans les relations de groupe de société, Rev.sociétes 1981, p.734, qui avant l’arrêt de la CA de Paris, avait déjà proposé de fonder une responsabilité solidaire au sein du groupe sur la notion d’entreprise unique empruntée au droit du travail, qui connaît la notion d’ « unité économique et sociale » lorsque les activités des sociétés membres sont entièrement connexes et complémentaires

615 cass .com. 8 novembre 1988, Rev.sociétés 1990, p.71 ; cass.com, 20 octobre 1992, Bull.civ.IV, n°313 et 314 ; cass. Com, 5 avril 1994, Bull. Joly 1994, p.644

616 Pariente(M), Bull Joly sociétés, 01 mars 1994 n°3, p.317 617 Catala(N), L'Entreprise, Dalloz 1980, n°117

618 Armand&Viandier, Réflexions sur l'exercice de l'action sociale dans le groupe de sociétés : transparence des personnalités et opacité des responsabilités ? Revue des sociétés 1986 - Page 558

168

reconnaît pas la personnalité morale aux groupes de sociétés, il serait ,en conséquence, impensable de parler de redressement ou de liquidation judiciaire

Cette situation est à notre avis, favorisée, par l’absence d’une législation sans équivoque en matière de groupes de sociétés, ces derniers, étant généralement décrits comme des entités composées de «plusieurs entreprises ou sociétés juridiquement indépendantes mais économiquement unies»620, ou peut-être que la considération de cette unité économique est nécessaire pour des solutions plus conformes à la réalité des groupe de sociétés.

I. Le groupe de sociétés comme entreprise unique

La jurisprudence française comme communautaire621 perçoivent le groupe de sociétés, comme une entité économique unique réunissant, des sociétés juridiquement indépendantes, mais dans le cadre d'une organisation unitaire reposant sur les jeux complexes des liens du contrôle622.

Cette notion économique suppose que" les sociétés membres du groupe soient en étroite dépendance les unes par rapport aux autres, sans être fictives et sans avoir des patrimoines confondus, mais qu’elles soient liées par un réseau dense de relations financières, commerciales, personnelles, qui les rendent économiquement solidaires"623.

Le concept d’entreprise met en avant donc, cette dichotomie entre l’unité économique et l’indépendance juridique.

620 Petitpierre-Sauvain(A), Droit des sociétés et groupes de sociétés, Genève, 1972, p. 1

621 Aalborg Portland e.a./Commission, 7 janvier 2004, C-204/00 P, C-205/00 P, C-211/00 P, C-213/00 P, C- 217/00 P et C-219/00 P : Rec., p. I-123

622 Lamarche(T), la notion d’entreprise, RTD Com.2006, p.2006

169