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Les effets juridiques de l’unité économique

Partie I. La recherche de la responsabilité de la société mère du fait de ses filiales au niveau national

Chapitre 1. La dimension de la responsabilité de la société mère

II. Les effets juridiques de l’unité économique

Cette solidarité économique va et doit nécessairement avoir des effets de droit, dont le plus logique est la prise en charge de l'une des sociétés, des dettes de l'autre.

639 Cass.com, 20 octobre 1992,n°90-21.070, Bull. civ. IV, n° 314, p. 223 ;cass.com 1 octobre 1997,n°95- 14.578, ;voir aussi Trib.com Paris, 19 novembre 1986, P.A, 10 décembre 1986, p 22

640 CJCE 21 févr. 1973, Europemballage Corporation. V. B. Goldman, Lyon-Caen (A) et Vogel (L), Droit commercial européen, Dalloz, 5e éd., 1994, n° 477

641 Decocq(G), La société mère est présumée responsable des pratiques anticoncurrentielles commises par ses filiales détenues directement ou indirectement à 100 %, Bulletin Joly Sociétés, 01 avril 2011 n° 4, p. 318

642 CJUE 20 janvier 2011, n° C-90/09, General Quimica SA c/ Commission, D. 2012. 577, obs.D. Ferrier ; RTD com. 2011. 365, obs. A. Constantin ; RTD eur. 2011. 417, obs. L. Idot

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1. Solidarité entre les sociétés du groupe

D’après l’article 1202 du code civil : « la solidarité ne se présume point, il faut qu’elle soit expressément stipulée. Cette règle ne cesse que dans le cas où la solidarité aurait lieu de plein droit, en vertu d’une disposition de la loi ». Aussi, on pourrait penser d’emblée que la solidarité parfaite entre la mère et la fille n’est envisageable que par un acte stipulant leur solidarité643.

Mais en matière commerciale, la théorie est renversée, et à défaut d’une convention formelle pour exclure l’obligation in solidum et la solidarité644, cette dernière est de règle entre

débiteurs645. La solidarité, qu’elle soit active ou passive, ou encore imparfaite, intéresse des

obligations ayant une pluralité de sujets646.En effet, si la notion d'autonomie de la personnalité morale interdit au créancier d'une société d'un groupe de poursuivre une autre société du même groupe, il en va différemment si ce dernier démontre l'existence de faits suffisamment graves conférant aux structures du groupe l'apparence d'une entité unique doublée d'une confusion d'intérêts647.

Selon J. Carbonnier « La solidarité de plein droit gravite toujours autour de l’une ou l’autre des deux idées suivantes : intérêt commun, responsabilité commune »648.

L’unité de domination en tant qu'élément d'identification du groupe de sociétés a pour corollaire l'état de dépendance économique des sociétés groupées au service d'une

643 cass.civ, 19 février 1991,n°88-19.136,bull civ.I n°71 p 46 ; C.A Paris, 8 décembre 1989, Bull Joly 1990, p.195

644 Civ.3e,24 octobre, 1968, JCP 1969,15951

645 cass.com 23 avril 1966, bull.civ.III, n°196 ; voir aussi cass.com du 6 juillet 1999 , n°96-14689, inédit 646 Le Tourneau(P) &Julien(J), solidarité, Rép.civ.Dalloz, Janvier 2010

647 CA Versailles, 7 janv. 2010 : BRDA 7/2010, n° 5 ; RJDA 5/2010, n° 521 648 Droit civil, Les obligations, 21e éd., 1998, coll. Thémis, PUF, n° 345

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communauté d'intérêts, autre élément de reconnaissance du groupe649. Et cette dépendance doit alors être compensée par les contreparties diverses retirées de leur appartenance à cette entité économique (avantages financiers, commerciaux, technologiques ...)650.On peut dire dés lors que lorsque plusieurs personnes ont un intérêt commun, toute l'activité que génère cet intérêt est à l'origine de dettes, de créances, d'acquisitions. Aucun patrimoine n'étant affecté à cet intérêt ; dettes, créances et biens en cause doivent être communs651.

La solidarité se présumant entre débiteurs commerçants, on peut éventuellement estimer que, dès lors que les sociétés groupées ont un objet unique, ou que leurs activités sont complémentaires ou annexées, de considérer qu'elles sont solidaires au regard des droits des créanciers.

La présomption de solidarité en matière commerciale, qui n’est et qui n’a, au demeurant, jamais été mentionnée au niveau du code de commerce, a percé dans l'arrêt652 « pionnier » rendu par la chambre des requêtes le 20 octobre 1920, arrêt reposant sur la commercialité de l'acte.

Dans le cas d’espèce, la cour d'appel avait condamné des codébiteurs, à payer solidairement une dette qu’ils avaient contractée ensemble, l'un des mis en cause objectant la condamnation, a introduit un pourvoi qui a été débouté, dès lors que les tribunaux de commerce reconduisant une coutume précédant la rédaction du code de commerce, et usant de leur pouvoir d’appréciation, considérèrent que la solidarité entre débiteurs et créanciers, se justifie par leur

649 d' Hoir-Lauprêtre(C), L'émergence d'un droit des obligations adapté au phénomène des groupes de sociétés, Recueil Dalloz 1993 p. 248

650 d' Hoir-Lauprêtre(C), id 651 Theron(J), op-cit

652 Req.20 oct.1920,DP 1920,1,161, Dondero(B), la présomption de solidarité en matière commerciale : une rigueur à modérer, Recueil Dalloz 2009 p. 1097

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intérêt commun. On voit donc comment « La jurisprudence a institué une présomption générale de solidarité »653.

En dépit de cette aggravation du sort du codébiteur solidaire, la loi elle-même s'emploie à prononcer la solidarité passive entre des codébiteurs qui ne l'eussent peut-être pas spontanément stipulée654.

D’ailleurs, Il n'est guère aujourd'hui d'obligations comportant plusieurs débiteurs, même particuliers, où la solidarité ne soit stipulée entre les sujets passifs, principaux ou subsidiaires655. La présomption de solidarité peut être contractuellement écartée, et si ce n’est pas le cas, ça veut dire que c’est la solidarité qui va primer, en l’occurrence, si une société mère n’inclut pas contractuellement sa volonté d’écarter sa solidarité avec sa filiale, celle-ci s’impose656.

2. Dangers de la solidarité

En combinant entre les dispositions suscitées, et la notion économique du groupe, la jurisprudence en a tiré des conséquences effectives.

Ainsi, l'existence d'une solidarité des sociétés groupées dans le cadre d’une procédure collective va faire que la procédure en question va inclure non seulement la société faillie, mais l’ensemble des sociétés du groupe657.Depuis la loi du 25 janvier 1985, cette

jurisprudence continue. Ainsi, une procédure unique de redressement judiciaire a été ouverte à l'encontre de trois sociétés qui constituaient une" entité unique"658. De même, douze sociétés

653 Henry(C), Rép. Com. Dalloz, v° Solidarité, n° 3.

654 C.com., art L.221-1, C.com., art L.222-1, C.com., art 226-1, C.com., art L.511-44 655 Martin(D.R) , L'engagement de codébiteur solidaire adjoint, RTD Civ. 1994 p. 49

656 cass.com 6 juillet 1999, n°96-14.689, inédit ; voir aussi cass.com 11 octobre 1994 n°93-12.275

657 T. Com. Marseille, 6 septembre, 1977, Revue des sociétés - Page 318 - Note B. Oppetit ; Paris 12 mai 1987, D. 1989, Som.P.5, obs.Derrida qui note que la solution dégagée" suppose une personnification implicite du groupe".

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qui étaient en outre membres d'un groupement d'intérêt économique659, ont été soumises à une même procédure de redressement judiciaire.

Soumettre au même régime les différentes personnes juridiques qui participent à l'exploitation ou qui se partagent la propriété des biens d'une même entreprise660, est très au goût des créanciers, puisqu'il est normal que les créanciers de chaque débiteur puissent déclarer leurs créances à l'égard de tous, et que la déclaration des créances faite entre les mains du mandataire judiciaire vaille pour n'importe laquelle des sociétés du groupe dont les passifs ont été confondus661. Elle l’est moins par contre du côté des débiteurs, vu qu’une telle procédure risque de faire basculer sur cette voie une ou des sociétés en très bonne santé financière. L’extension d’une procédure collective sur la base d’une unité économique est intéressante parcqu’elle permet d’amplifier et de diversifier les causes d’extension de procédure qui sont actuellement très limitées, quoique la haute cour est plutôt encline à rejeter une procédure commune en dehors de la confusion des patrimoines ou de la fictivité des sociétés662.