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Partie I. La recherche de la responsabilité de la société mère du fait de ses filiales au niveau national

Chapitre 1. La dimension de la responsabilité de la société mère

II. les conditions de l’obligation du comblement du passif

1. Critère économique

L’entreprise est une activité de production, de transformation, de distribution de biens et de prestations de services ou de certaines de ces fonctions624, l’ entreprise est de fait, le cadre dans lequel s’organise la représentation des salariés, c’est un centre d’intérêts mais c’est aussi et surtout, un centre de décisions et de pouvoir625.

Cette entreprise, matérialisée juridiquement par la société, peut-être à son tour reliée, à d'autres sociétés pour former un groupe de sociétés, cette organisation peut-être éclatée, d’autant plus dans un groupe de sociétés, en ce sens que les activités sont diverses et dispersées626 .

Ainsi, l’indépendance économique et l’absence de la personne morale, s’avèrent les principales caractéristiques de l’entreprise et c’est un point en commun qu’elle a avec le groupe de sociétés puisque tous les deux, sont des entités économiques qui n’existent pas juridiquement, et ne peuvent être qualifiés de sujet de droit.

L’analyse selon laquelle l’interdépendance financière, l’intégration économique, la participation de la société mère dans le pouvoir de décision du groupe de sociétés et l’apparence qu’il s’agit d’une entreprise unique intégrée627 a vocation à interférer dans

l’établissement d’un for principal en matière d’insolvabilité628.

La résolution du conflit entre l’autonomie juridique et l’unité économique que structure le groupe de sociétés met d’une part en évidence la théorie de l’entreprise unique. Le groupe de sociétés est ainsi défini à travers l’étude de la notion d’entreprise qui caractérise une unité de

624 Paillusseau(J), Qu'est-cc que l’entreprise ? L’Entreprise nouveaux apports, Economica, 1987, p 11 et suivante

625 Paillusseau(J), op-cit

626 Le droit des groupes de sociétés sous la direction de J.Paillusseau, Dalloz, 1991

627 Faillite internationale et conflit de juridictions, Bruylant, 2007, p. 90 sous la direction de G. Affaki 628 T. com, Paris, 2 août 2006, D. 2006. Jur. 2329, note Dammann(R)&Podeur(G)

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décision économique629 ou encore une unité économique réelle qui s’oppose à un fractionnement juridique apparent630 de fait, il peut exister une unité économique même si, du point de vue juridique, cette unité économique est constituée de plusieurs personnes physiques ou morales.

2. Critère juridique

La doctrine précise que « ça et là l’entreprise tente de parvenir à la vie juridique, mais ses contours ne sont pas encore suffisamment dessinés dans le monde des catégories juridiques pour que le maintien d’une telle notion n’aille pas sans difficultés ni incertitudes »631.En fait,

les juristes ont été amenés à repenser le droit en évoquant l’entreprise comme un sujet de droit naissant en un centre autonome de décision632.

Ainsi ,même si la contrainte juridique est toujours présente pour imposer le cloisonnement des patrimoines et le compartimentage des personnes morales, on devrait pouvoir passer outre, et mettre plutôt en avant la corrélation, « la communauté d’intérêt »633 et l’interaction qui

existent au sein de cette forme sociale qui ne forme, enfin de compte qu’une seule et même entité économique. En effet, l'absence de la personnalité juridique caractéristique du groupe, ne doit pas présenter une entrave pour une juste mise en cause, " Sinon, cela signifierait que le droit, figé dans des notions du passé, n'est plus apte à remplir l'une de ses tâches

629 Despax(M), L’entreprise et le droit, th. Toulouse, L.G.D.J, Paris, 1957. p. 8 630 Lazarus(C.L), L’entreprise multinationale face au droit, Litec, Paris, 1977, p. 50

631 Citation G. Vedel, Problèmes de droit privé relatifs à la coopération et à la concentration des entreprises, Rapport à la société suisse des juristes, RDS 1973 II, p. 572

632 Lamarche(T), La notion d’entreprise, RTD com. 2006, p. 716

633 Theron(J) de la « communauté d’intérêts », RTD civ.2009 p.19 ; G. Farjat, Droit économique PUF, Thémis 1982, pages 143 à 397

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essentielles, celle de réglementer avec efficacité, soit avec prise sur la réalité économique, la vie et les relations des grandes entreprises"634.

Le droit de la concurrence, à côté du droit social, comptable et fiscal reconnaît qu’une pluralité de sociétés peut ne constituer qu’une seule société et même entreprise lorsque dans le cadre d’un groupe, il y a un seul centre de décision, normalement situé au niveau de la société mère qui donne des directives à l’ensemble de ses filiales635.

C’est sur ce critère d’interdépendance économique que s’était appuyée la cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 16 décembre 1987 pour étendre la procédure de redressement judiciaire à l’ensemble des sociétés formant un groupement d’intérêt économique, parcque les entités composant ce dernier étaient administrativement et financièrement liées.

Le principe d’autonomie des GIE est, en effet, fréquemment tenu en échec tant par le législateur que par la jurisprudence. En effet, bien qu’ils aient indiscutablement la personnalité morale636, leur autonomie est fréquemment mise à mal. Pour Monsieur Jean- Pierre Gastaud comme pour d’autres auteurs637, la personnalité juridique de la société étant

par trop achevée, il s’agit d’en déjouer les effets. De fait, la personnalité morale ne dresse pas toujours un écran d’une totale opacité entre elle et ses membres.

Le Tribunal de grande instance d’Orléans638considérait ainsi que :

634 Mach(O), L'Entreprise etlcs groupes de sociétés en droit européen de la concurrence, Georg - Genève 1974 p. 181

635 Corruble(P), Droit européen des affaires, Dunod, Paris 1998, p. 100

636L’article L251-4 du Code de commerce ne consacre expressément que « le groupement d’intérêt Économique jouit de la personnalité morale et de la pleine capacité

637 Gastaud(J.P), Personnalité morale et droits subjectifs, LGDJ, 1977, tome 149, n° 78, p. 111 et s ; Burst(J.J), « Une personnalité morale ambiguë : la personnalité morale du groupement d’intérêt économique », JCP éd. G, I, 2783 ; Pellerin(J), « La personnalité morale et la forme juridique des groupements volontaires de droit privé », RTD com. 1981, p. 471, n° 61

638 TGI Orléans, 8 janvier 1980, Dame veuve Bocquet /Centre immob. Orléanais, D. 1980, 1ère partie, p. 176, note Guyon (Y.)

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« S’il est exact que les GIE jouissent de la personnalité morale… cette assertion revêt un caractère théorique… A cet égard, il convient de rappeler que le GIE est […] essentiellement différent d’une société dans la mesure où (notamment) les membres du groupement sont solidairement tenus des dettes de celui-ci sur leur patrimoine propre ».

Toujours dans le même sens, la cour d’appel de Poitiers639, pour inclure la société Sopremi

dans la liquidation de la société Poitiers distribution, a relevé l’existence d’une unicité et d’une imbrication d’intérêts résultant de l’interdépendance des engagements financiers entre les deux sociétés.

Le droit communautaire de la concurrence est sur la même longueur d’onde, puisqu’il permet d’imputer à une société mère les pratiques anticoncurrentielles de ses filiales640.C’est le cas

lorsque celle-ci peut ouexerce effectivement une influence déterminante sur ses filiales641. La mère pourra toutefois se désengager de cette responsabilité, si elle arrive à prouver que la filiale est maitresse de ses actes et jouit d’une autonomie réelle, et de droit et de fait. Aussi faute d'indépendance économique642, chacune des deux sociétés assumera individuellment les conséquences de ces actes.