• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2 : L’évaluation du risque

A. La situation générale des droits humains dans le pays de destination

178. Les trois instances internationales étudiées doivent prendre en compte la situation générale des droits humains dans le pays de destination afin de déterminer le risque qu’encourt l’individu en cas de renvoi.500 De même, la situation des droits humains dans le pays d’origine ou de renvoi consiste en un élément fondamental qui est pris en considération par les autorités migratoires suisses lors des différents stades de la procédure d’asile. Le SEM évalue ladite situation lorsqu’il se prononce sur la demande d’asile ou sur le renvoi d’une personne, tandis que le TAF en tient compte lorsque cette personne le saisit d’un recours. Dans la présente sous-section, les critères et les sources501 qui sont utilisés par les instances internationales et nationales seront donc brièvement présentés.

1. CourEDH

179. Selon une jurisprudence bien établie de la CourEDH, pour établir la responsabilité d’un Etat en cas de refoulement, « on ne peut éviter d’apprécier la situation dans le pays de destination à l’aune des exigences de l’article 3. »502 Afin de déterminer la situation qui prévaut dans cet Etat, la CourEDH s’appuie sur l’ensemble des éléments qui lui sont fournis par les parties, et si nécessaire, qu’elle se procure proprio motu.503 Dans l’arrêt Salah Sheekh c. Pays-Bas (2007), la CourEDH a indiqué qu’elle « adopterait une approche trop étroite » dans l’examen des affaires concernant l’expulsion ou l’extradition de personnes étrangères, si elle se contentait de prendre en compte les éléments présentés par l’Etat partie « sans comparer ces éléments avec ceux provenant d'autres sources fiables et objectives. »504

500 CourEDH, arrêt Saadi c. Italie du 28 février 2008 [GC], requête n° 37201/06, § 126. Voir également CourEDH, arrêt Auad c. Bulgarie du 11 octobre 2011, requête n° 46390/10, § 96. CAT, Aemei c. Suisse du 9 mai 1997, Communication n° 34/1995, § 9.2.

501 Nous reviendrons sur le thème des sources utilisées et de la manière dont elles sont évaluées dans le Chapitre 4 de la présente thèse qui sera consacré aux moyens de preuve.

502 CourEDH, arrêt Soering c. Royaume-Uni du 7 juillet 1989, requête n° 14038/88, § 91. Voir également CourEDH, arrêt Salah Sheekh c. Pays-Bas du 11 janvier 2007, requête n° 1948/04, § 136.

503 CourEDH, arrêts Saadi c. Italie du 28 février 2008 [GC], requête n° 37201/06, § 128; Salah Sheekh c. Pays-Bas du 11 janvier 2007, requête n° 1948/04, § 136.

504 CourEDH, arrêt Salah Sheekh c. Pays-Bas du 11 janvier 2007, requête n° 1948/04, § 136.

78

Par sources fiables et objectives, elle entend des sources provenant d’autres Etats contractants ou d’Etats non parties, d’agences des Nations Unies et d’organisations non gouvernementales réputées pour leur sérieux.505 Pour apprécier la situation générale dans un pays, la CourEDH attache beaucoup d’importance aux informations qui se trouvent dans les rapports récents d’ONG, telles qu’Amnesty International, ou des sources gouvernementales, notamment le Département d’Etat américain.506

180. Les affaires Na c. Royaume-Uni (2008)507 et Sufi et Elmi c. Royaume-Uni (2011)508 montrent que la CourEDH se fonde sur quatre principales sources pour évaluer la situation dans le pays d’origine, à savoir : 1) les informations réunies par les agences et organes des Nations Unies et du Conseil de l’Europe ; 2) les informations rassemblées par les Etats, qu’ils soient contractants ou non ; 3) les rapports d’ONG internationales de protection des droits humains ; et 4) les informations provenant des média.509

181. Afin d’évaluer la valeur probatoire d’une information sur le pays de destination, la CourEDH prend en compte sa source, en particulier son indépendance, sa fiabilité et son objectivité.510 Elle prend également en considération l’autorité et la réputation de l’auteur du rapport, le sérieux des enquêtes, la cohérence des conclusions, ainsi que leur corroboration par d’autres sources.511 La présence et les capacités de couverture de l’information de l’auteur du rapport dans le pays en question constituent aussi des éléments à prendre en compte.512 La CourEDH accorde ainsi une grande importance aux rapports des missions diplomatiques des Etats et aux informations récoltées par les agences des Nations Unies sur le terrain.513 Cependant, la Cour n’est pas toujours convaincue par les missions d’enquête menées par les Etats contractants. A titre d’exemple, dans l’affaire Sufi et Elmi c. Royaume-Uni (2011), la CourEDH a considéré que le rapport rédigé suite à la mission d’enquête britannique en Somalie se fondait sur des sources vagues et qu’elle ne pouvait par conséquent pas lui accorder un poids substantiel.514 Enfin, étant donné que la CourEDH se livre à un

505 CourEDH, arrêt Salah Sheekh c. Pays-Bas du 11 janvier 2007, requête n° 1948/04, § 136. Voir également arrêt Na c. Royaume-Uni du 17 juillet 2008, requête n° 25904/07, § 119.

506 CourEDH, arrêt Saadi c. Italie du 28 février 2008 [GC], requête n° 37201/06, § 131. Voir également CourEDH, arrêt Na c. Royaume-Uni du 17 juillet 2008, requête n° 25904/07, § 119.

507 CourEDH, arrêt Na c. Royaume-Uni du 17 juillet 2008, requête n° 25904/07, §§ 53-85.

508 CourEDH, arrêt Sufi et Elmi c. Royaume-Uni du 28 juin 2011, requêtes n° 8319/07 et n°11449/07, §§ 80-195.

509 Voir dans ce sens BALDINGER (2013), p. 267.

510 CourEDH, arrêt Na c. Royaume-Uni du 17 juillet 2008, requête n° 25904/07, § 120.

511 CourEDH, arrêt Saadi c. Italie du 28 février 2008 [GC], requête n° 37201/06, § 143.

512 CourEDH, arrêt Na c. Royaume-Uni du 17 juillet 2008, requête n° 25904/07, § 121.

513 CourEDH, arrêt Na c. Royaume-Uni du 17 juillet 2008, requête n° 25904/07, § 121.

514 CourEDH, arrêt Sufi et Elmi c. Royaume-Uni du 28 juin 2011, requêtes n° 8319/07 et n°11449/07, § 234.

79 examen ex nunc du risque de mauvais traitements, les sources doivent être aussi récentes que possible.515

2. CDH

182. Dans ses communications, le CDH rappelle généralement que lorsqu’il examine si le renvoi a pour conséquence nécessaire et prévisible une violation de l’art. 7 PIDCP, il doit prendre en compte toutes les circonstances pertinentes, notamment la situation générale des droits humains dans le pays vers lequel la personne devrait être renvoyée.516 Les informations sur la situation dans le pays de renvoi jouent ainsi un rôle important dans l’évaluation du risque.517

183. Le CDH se fonde sur trois principales types de sources : 1) les informations récoltées par les agences des Nations Unies ; 2) les informations réunies par les Etats qu’ils soient parties ou non au Pacte ; et 3) les rapports d’organisations internationales indépendantes de protection des droits humains.518 A titre illustratif, dans la Communication Kaba c.

Canada (2010), le CDH a accordé un poids important à un rapport de l’UNICEF concernant les mutilations génitales féminines en Guinée.519 A l’instar de la CourEDH, le CDH accorde une grande importance aux enquêtes menées par les missions diplomatiques des Etats contractants dans les pays de destination.520 En outre, le CDH se réfère dans plusieurs communications aux rapports du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture.521

184. Selon Dana BALDINGER, il n’y a pas de hiérarchie entre les sources utilisées par le CDH et la valeur probatoire des informations sur le pays d’origine ou de renvoi dépend principalement de la spécificité de leur contenu.522 Cependant, cette auteure insiste sur le fait qu’il est difficile de déterminer comment le Comité évalue ces différentes sources, les développements sur ce point étant rares.523

515 CourEDH, arrêt Salah Sheekh c. Pays-Bas du 11 janvier 2007, requête n° 1948/04, § 136. Voir également DE WECK (2016), p. 322.

516 Voir par exemple CDH, Aarrass c. Espagne du 21 juillet 2014, Communication n° 2008/2010, § 10.3; Alzery c.

Suède du 25 octobre 2006, Communication n° 1416/2005, § 11.3.

517 Voir dans ce sens BALDINGER (2013), p. 103.

518 BALDINGER (2013), p. 103.

519 CDH, Kaba c. Canada du 25 mars 2010, Communication n° 1465/2006, § 3.3.

520 CDH, A.R.J. c. Australie du 28 juillet 1997, Communication n° 692/1996, § 4.6.

521 CDH, Pillai et al. c. Canada du 25 mars 2011, Communication n° 1763/2008, § 3.6; Maksudov, Rakhimov, Tashbaev et Pirmatov c. Kirghizstan du 16 juillet 2008, Communications n° 1461/2006, 1462/2006, 1476/2006 et 1477/2006, § 12.5.

522 BALDINGER (2013), p. 103.

523 BALDINGER (2013), p. 103.

80

3. CAT

185. En vertu de l’art. 3 para. 2 CCT, pour déterminer s’il y a des motifs sérieux de croire que la personne sera soumise à la torture, les autorités compétentes doivent tenir compte de toutes les considérations pertinentes, y compris, le cas échéant, de l'existence, dans l'Etat intéressé, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives. L’Observation générale n° 1 précise que les questions suivantes doivent être posées à ce titre :

« a) Y a-t-il dans l'État intéressé des preuves de l'existence d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives (voir par. 2 de l'article 3) ?

d) La situation visée à l'alinéa a) ci-dessus a-t-elle changé ? La situation interne en ce qui concerne les droits de l'homme a-t-elle changé ? »524

Il résulte de ces règles que les informations sur le pays d’origine sont cruciales dans l’examen du risque de violation de l’art. 3 CCT.525

186. Afin d’évaluer la situation dans le pays de renvoi, le CAT se réfère à de nombreuses sources526, notamment à ses propres rapports périodiques fondés sur l’art. 19 CCT527 ou ses rapports d’enquête découlant de l’art. 20 CCT.528 Le CAT fait également référence aux informations récoltées par d’autres agences des Nations Unies, en particulier le Haut Commissariat pour les réfugiés.529 Dans certaines communications, le CAT s’appuie sur des rapports d’organisations non gouvernementales, telles qu’Amnesty International.530 Parfois, il se réfère à des informations émanant d’ONG sans toutefois préciser lesquelles.531 Enfin, le CAT accorde beaucoup d’importance aux informations obtenues par les missions diplomatiques des Etats dans les pays d’origine.532

187. La situation des droits humains dans le pays de destination ne suffit pas à elle seule pour convaincre le CAT d’un risque de violation de l’art. 3

524 CAT, Observation générale n° 1 (1997), § 8.

525 BALDINGER (2013), p. 171.

526 Voir dans ce sens BALDINGER (2013), p. 171; WOUTERS (2009), p. 482.

527 Voir par exemple CAT, N.K. c. Pays-Bas du 1er mai 2017, Communication 623/2014, § 10.6 qui fait référence aux observations finales du CAT concernant le Sri Lanka du 27 janvier 2017, U.N. Doc. CAT/C/SR.1472 and 1475; G.K. c. Suisse du 7 mai 2003, Communication n° 219/2002, § 6.3 qui fait référence aux conclusions et recommandations du CAT concernant l’Espagne du 23 décembre 2002, U.N. Doc. CAT/C/CR/29/3.

528 Voir par exemple CAT, Rios c. Canada du 23 novembre 2004, Communication n° 133/1999, § 8.3 qui fait référence au Rapport du CAT sur le Mexique du 25 septembre 2003, U.N. Doc. CAT/C/75.

529 Voir par exemple CAT, N.B-M. c. Suisse du 14 novembre 2011, Communication n° 347/2008, § 9.5; U.S. c.

Finlande du 1er mai 2003, Communication n° 219/2002, § 7.7.

530 Voir par exemple CAT, H.B.H. et al. c. Suisse du 29 avril 2003, Communication n° 192/2001, § 6.9.

531 Voir par exemple CAT, G.K. c. Suisse du 7 mai 2003, Communication n° 219/2002, § 6.3; A.S. c. Suède du 24 novembre 2000, Communication n° 149/1999, § 8.7.

532 CAT, Z.S. c. Suède du 22 novembre 2006, Communication n° 277/2005, § 8.6.

81 CCT.533 En effet, le Comité a précisé dès sa première Communication Mutombo c. Suisse (1994) qu’il doit exister « des motifs supplémentaires » qui font penser que l’individu se trouve personnellement en danger.534 Dans cette affaire, le CAT a admis qu’il existait au Zaïre « un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives ».535 Néanmoins, cet élément est venu renforcer le risque personnel encouru par M. MUTOMBO du fait de ses origines ethniques, de son affiliation politique, de l’histoire de sa détention et de sa désertion.536 Le CAT a admis l’existence d’un ensemble de violations systématiques des droits de l’homme, graves, flagrantes ou massives dans plusieurs Communications.537 Cependant, comme il a déjà été indiqué, une telle situation n’entraîne pas per se une violation de l’art. 3 CCT. Enfin, le Comité précise que l’absence d’un ensemble de violations flagrantes et systématiques des droits de l’homme n’implique pas que la personne n’encourt pas un risque de torture à cause de sa situation particulière.538 Les circonstances personnelles qui engendrent un risque réel de violation de l’art. 3 CCT seront exposées dans la suite de ce chapitre.

4. TAF

188. La situation générale dans le pays d’origine ou de destination doit être prise en compte lors de l’examen de la demande d’asile ainsi que lors de l’examen de l’exécution du renvoi, et ce tant par le SEM que par le TAF.539 Selon la jurisprudence constante de dernier :

« l’asile n'est pas accordé en guise de compensation à des préjudices subis, mais sur la base d'un besoin avéré de protection. La reconnaissance de la qualité de réfugié au sens de l'art. 3 LAsi implique, par conséquent, l'existence d'un besoin de protection actuel, sur la base de la situation prévalant au moment de la décision.

Les changements de la situation objective dans le pays d'origine, intervenus entre la fin de la persécution alléguée, respectivement le moment du départ du pays et

533 NOWAK/MCARTHUR (2008), N 122 ad art. 3 CCT. Voir dans le même sens HAMDAN (2016), p. 271. Voir également CAT, R.R.L. c. Canada du 10 août 2017, Communication n° 659/2015, § 9.8 ; N.A.A. c. Suisse du 2 mai 2017, Communication n° 639/2014, § 7.3 ; S.S.B. c. Danemark du 28 avril 2017, Communication n° 602/2014, § 8.7.

534 CAT, Mutombo c. Suisse du 27 avril 1994, Communication n° 13/1993, § 9.3.

535 CAT, Mutombo c. Suisse du 27 avril 1994, Communication n° 13/1993, § 9.5.

536 CAT, Mutombo c. Suisse du 27 avril 1994, Communication n° 13/1993, § 9.4.

537 CAT, Abichou c. Allemagne du 21 mai 2013, Communication n° 430/2010, § 11.7; Abdussamatov et al. c.

Kazakhstan du 1er juin 2012, Communication n° 444/2010, § 13.8; M.C.M.V.F. c. Suède du 14 novembre 2005, Communication n° 237/2003, § 6.4; A.S. c. Suède du 24 novembre 2000, Communication n° 149/1999, § 8.7;

Elmi c. Australie du 14 mai 1999, Communication n° 120/1998, § 6.6.

538 CAT, Abichou c. Allemagne du 21 mai 2013, Communication n° 430/2010, § 11.4.

539 Concernant le TAF, voir par exemple l’arrêt D-465/2013 du 18 septembre 2014.

82

celui du prononcé de la décision sur la demande d'asile sont pris en considération, que ce soit en faveur du demandeur ou en sa défaveur. »540

189. La situation qui prévaut dans le pays d’origine ou de destination ne suffit généralement pas pour déclencher l’interdiction de refoulement.

Néanmoins, en cas de guerre, de guerre civile ou de violence généralisée, le renvoi de la personne dans l’Etat en question implique une mise en danger concrète et les autorités doivent donc renoncer à exécuter le renvoi.541 Dans un tel cas, les autorités opèrent une analyse détaillée de la situation politique et de la situation des droits humains dans le pays de destination, en se fondant sur différentes sources.542

190. A la lecture de la jurisprudence, il s’avère que le TAF se fonde sur quatre types de sources principales pour évaluer la situation dans l’Etat de destination : 1) des informations réunies par les agences des Nations Unies, telles que le HCR ; 2) des informations récoltées par des Etats, par exemple le Département d’Etat américain ou le Home Office britannique ; 3) des rapports d’organisations non gouvernementales de protection des droits humains, qu’elles soient internationales comme Amnesty International ou Human Rights Watch ou encore nationales telles que l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) ; et 4) des articles parus dans les médias.543 191. Lorsque la violence et la répression sont générales et atteignent un niveau

d’intensité tel qu’elles touchent un groupe entier de la population, les autorités de recours ne procèdent pas à un examen individuel mais admettent une mise en danger générale de ce groupe de la population.544 Par exemple, l’ancêtre du TAF, la CRA a admis que la minorité rom et ashkali faisait face à une mise en danger générale au Kosovo en 2006.545 Dans un tel cas, les conditions de l’art. 66 LAsi, autorisant le Conseil fédéral à accorder la protection provisoire à des groupes de personnes à protéger, seraient remplies, même s’il en a jamais fait usage à ce jour.546 Il convient de mentionner également sur ce point l’exemple de l’Afghanistan, car la situation sécuritaire et humanitaire est considérée comme si mauvaise par le TAF qu’il existe une mise en danger concrète des personnes qui y seraient

540 TAF, arrêt D-6827/2010 du 2 mai 2011, publié sous ATAF 2011/50, consid. 3.1.2 Voir également TAF, arrêts E-4207/2006 du 11 septembre 2008, publié sous ATAF 2008/34, consid. 7.1; D-4404/2006 du 2 mai 2008, publié sous ATAF 2008/12, consid. 5.2; E-6982/2006 du 22 janvier 2008, publié sous ATAF 2008/4, consid.

5.4.

541 GORDZIELIK (2016), p. 260. Voir également JICRA 1998/25, consid. 3d.

542 GORDZIELIK (2016), p. 260.

543 TAF, arrêts E-1979/2008 du 31 mai 2013, publié sous ATAF 2013/21, consid. 9.3.1; E-6220/2006 du 27 octobre 2011, consid. 6.2; E-4115/2006 du 18 septembre 2009, publié sous ATAF 2009/51, consid. 5.7. Voir également JICRA 2006/11, consid. 6.2.3.

544 JICRA 2006/11, consid. 6. Voir également GORDZIELIK (2016), p. 260.

545 JICRA 2006/11, consid. 6. La question de savoir si cette minorité fait encore l’objet d’une mise en danger concrète a été laissée ouverte dans l’arrêt du TAF D-1213/2011 du 30 janvier 2015, consid. 6.4.

546 Voir dans ce sens OSAR (2009), p. 228.

83 renvoyées, mis-à-part dans les grandes villes.547 Sur ce point, il faut noter que le TAF a modifié sa jurisprudence en octobre 2017 et estimé que les renvois vers Kaboul sont devenus inexigibles au sens de l’art. 83 al. 4 LEtr, du fait de la détérioration des conditions sécuritaires et humanitaires.548 De même, les autorités suisses admettent depuis mars 2013 qu’il existe une situation de violence généralisée en Syrie et que les renvois vers cet Etat ne peuvent pas être raisonnablement exigés.549

192. Il apparaît ainsi que la situation générale dans le pays de destination est un élément important dans l’évaluation que fait le TAF du risque en cas de renvoi. Cette situation ne suffit généralement pas pour que la protection contre le refoulement opère. Néanmoins, comme il a été mentionné, en cas de mise en danger concrète du fait d’une guerre civile ou d’une situation de violence généralisée, l’autorité de recours helvétique renonce généralement à l’exécution du renvoi de la personne qui la saisit et lui accorde l’admission provisoire.

5. Synthèse

193. Au vu des éléments qui précèdent, il apparaît manifeste que l’évaluation de la situation générale des droits humains dans le pays de destination constitue un facteur important lorsque la CourEDH, le CDH et le CAT apprécient le risque encouru par la personne en cas de renvoi. Cependant, la situation des droits humains, aussi mauvaise soit-elle, ne suffit normalement pas pour convaincre les instances internationales de l’existence d’un risque suffisamment élevé pour surseoir au renvoi. La seule exception provient de la situation générale de violence prévalant dans le pays qui a été admise à une unique reprise par la CourEDH. Le TAF, quant à lui, admet dans certains cas une mise en danger concrète de personnes ou de groupes de personnes en cas de guerre civile ou de violence généralisée, ce qui le conduit à déclarer le renvoi inexigible. Par ailleurs, tant les instances internationales que nationale se fondent sur les mêmes types de sources, soit des rapports onusiens, des informations gouvernementales, des rapports d’ONG et des informations provenant des médias.

194. Le fait que la CourEDH se fonde sur des sources gouvernementales, en particulier les rapports sur les pays d’origine du Département d’Etat américain, a suscité des critiques parmi certains auteurs, celui-ci étant perçu

547 TAF, arrêt E-7625/2008 du 16 juin 2011, publié sous ATAF 2011/7, consid. 9.9.1. Voir dans le même sens TAF, arrêt E-3789/2013 du 24 septembre 2014, consid. 6.4.2.

548 TAF, arrêt D-5800/2016 du 13 octobre 2017, consid. 6, 7 et 8. La question de l’exigibilité d’un renvoi vers Mazar-i-Sharif et Herat a été laissée ouverte par le TAF dans cet arrêt. Voir TAF, arrêt D-5800/2016 du 13 octobre 2017, consid. 9.

549 GORDZIELIK (2016), p. 266. Sur la situation en Syrie, voir TAF, arrêt D-5553/2013 du 18 février 2015, publié sous ATAF 2015/3, consid. 6.2.1 et 6.2.2.

84

comme biaisé et reflétant les positions du gouvernement américain.550 Cependant, la Cour se base généralement dans une même affaire sur diverses sources issues d’institutions différentes (gouvernementale, non-gouvernementale, organisation internationale, etc.), ce qui devrait la prémunir contre ce type de critiques.

195. Par ailleurs, pour les instances internationales, d’autres facteurs que la situation des droits humains dans le pays de renvoi sont nécessaires pour admettre l’existence d’un risque de mauvais traitement ou de torture dans un cas d’espèce. L’appartenance à un groupe à risque peut constituer un tel facteur, comme il sera exposé ci-après. Enfin, les circonstances personnelles de l’individu en question constituent fréquemment des facteurs déterminants dans l’appréciation du risque tant pour les instances internationales que pour l’instance de recours nationale.