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Chapitre 2 : L’évaluation du risque

B. L’appartenance à un groupe à risque

196. L’appartenance à un groupe à risque peut constituer un facteur-clé dans l’évaluation du risque encouru par la personne en cas de renvoi vers le pays de destination. Comme il sera montré dans cette sous-section, divers groupes à risque ont été identifiés par les instances internationales et nationale.

1. Les groupes systématiquement exposés à des mauvais traitements

1.1. CourEDH

197. Dans sa jurisprudence, la CourEDH a admis que le fait d’appartenir à un groupe de personnes systématiquement exposé à de mauvais traitements peut suffire pour conclure à un risque de violation de l’art. 3 CEDH. La Cour est parvenue pour la première fois à cette conclusion dans l’arrêt Salah Sheekh c. Pays-Bas (2007).551 Dans cette affaire, le requérant était originaire de Mogadiscio, en Somalie, et appartenait à la minorité ashraf.552 A cause de la guerre civile, sa famille avait été dépossédée de tous ses biens et faisait l’objet de persécutions de la part du clan abgal, qui fait partie du clan majoritaire des Hawiye.553 Ces persécutions ont notamment eu pour conséquences les meurtres de son père et de son frère ainsi que le viol de sa

550 Voir SADEGHI (2009), p. 136 et les références citées.

551 CourEDH, arrêt Salah Sheekh c. Pays-Bas du 11 janvier 2007, requête n° 1948/04.

552 CourEDH, arrêt Salah Sheekh c. Pays-Bas du 11 janvier 2007, requête n° 1948/04, § 6.

553 CourEDH, arrêt Salah Sheekh c. Pays-Bas du 11 janvier 2007, requête n° 1948/04, § 7.

85 sœur.554 Suite à d’autres exactions, le requérant avait quitté son pays d’origine et demandé l’asile aux Pays-Bas. Faisant l’objet d’une mesure d’expulsion, il a saisi la CourEDH en alléguant que son appartenance à un groupe minoritaire lui faisait courir un risque d’être soumis à des traitements contraires à l’art. 3 CEDH.555 Dans cette affaire, la Cour a considéré :

« sur la base du récit du requérant et des informations disponibles quant à la situation des membres de la minorité ashraf dans les zones « relativement incertaines » de la Somalie, que l'on peut prédire qu'une fois rentré dans son pays le requérant serait exposé à des traitements contraires à l'article 3. La protection offerte par cette disposition pourrait être rendue illusoire si, au-delà de son appartenance à la minorité ashraf, que le Gouvernement ne conteste pas, le requérant devait être tenu de démontrer l'existence d'autres caractéristiques distinctives particulières. »556

198. La CourEDH a ainsi jugé que l’appartenance à une minorité ethnique faisant l’objet de persécutions systématiques suffisait pour établir le risque de violation de l’art. 3 CEDH. Elle a pris soin de distinguer cette affaire de l’arrêt Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni (1991)557, dans lequel elle avait considéré qu’une simple possibilité de mauvais traitements ne suffisait pas pour conclure à une violation de l’art. 3 CEDH et que l’existence d’autres caractéristiques particulières étaient nécessaires.558

199. La CourEDH a confirmé cette jurisprudence l’année suivante dans l’affaire Saadi c. Italie (2008). Elle a ainsi indiqué :

« [d]ans les affaires où un requérant allègue faire partie d’un groupe systématiquement exposé à une pratique de mauvais traitements, la Cour considère que la protection de l’article 3 de la Convention entre en jeu lorsque l’intéressé démontre, éventuellement à l’aide des sources mentionnées au paragraphe précédent, qu’il y a des motifs sérieux et avérés de croire à l’existence de la pratique en question et à son appartenance au groupe visé. »559

Dans cette affaire, la Grande Chambre a considéré que les personnes suspectées de terrorisme en Tunisie étaient soumises de manière systématique à des tortures et des mauvais traitements et que le requérant, qui avait été condamné en Tunisie par contumace à vingt ans d’emprisonnement pour appartenance à une organisation terroriste,

554 CourEDH, arrêt Salah Sheekh c. Pays-Bas du 11 janvier 2007, requête n° 1948/04, §§ 9-11.

555 CourEDH, arrêt Salah Sheekh c. Pays-Bas du 11 janvier 2007, requête n° 1948/04, § 128.

556 CourEDH, arrêt Salah Sheekh c. Pays-Bas du 11 janvier 2007, requête n° 1948/04, § 148.

557 CourEDH, arrêt Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni du 30 octobre 1991, requêtes n° 13163/87, 13164/87, 13165/87, 13447/87 et 13448/87.

558 CourEDH, arrêt Salah Sheekh c. Pays-Bas du 11 janvier 2007, requête n° 1948/04, § 148.

559 CourEDH, arrêt Saadi c. Italie du 28 février 2008 [GC], requête n° 37201/06, § 132.

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risquait, du fait de cette appartenance, d’être soumis à des traitements contraires à l’art. 3 CEDH en cas d’expulsion vers son pays d’origine.560 200. Ainsi, le seul fait d’appartenir à un groupe systématiquement exposé à

des mauvais traitements peut suffire pour établir un risque réel, personnel et probable de traitement contraire à l’art. 3 CEDH.561 La CourEDH a également réaffirmé cette approche la même année dans l’arrêt Na c.

Royaume-Uni (2008).562 De même dans l’arrêt Muminov c. Russie (2008), la CourEDH s’est basée sur la jurisprudence développée dans l’arrêt Saadi pour conclure que le requérant, qui était membre de l’organisation islamique Hizb ut-Tahrir encourait, à cause de son appartenance à ce groupe et des mauvais traitements auxquels ses membres étaient systématiquement exposés, un risque de traitement contraire à l’art. 3 CEDH au moment de son expulsion vers l’Ouzbékistan.563 L’appartenance à un groupe systématiquement exposé à de mauvais traitements se traduit ainsi par une forme d’allègement du fardeau de la preuve.564

201. Dans les récentes affaires A.A. c. France (2015) et A.F. c. France (2015) qui concernaient des requérants issus d’ethnies non arabes du Darfour, la CourEDH a considéré que l’appartenance à une minorité ethnique, victime de persécutions répétées, constituait un premier facteur de risque.565 L’engagement des requérants dans l’un des principaux mouvements de rébellion politique impliquait un second facteur de risque, ce qui a conduit la CourEDH à conclure à un risque de violation de l’art. 3 CEDH en cas de renvoi.566 Dans ces deux affaires, l’appartenance à une minorité ethnique visée par des persécutions répétées constitue un facteur déterminant pour démontrer le risque de violation de l’art. 3 CEDH.

202. Cela étant, de telles affaires, qui ont conduit la Cour à explicitement admettre que certains groupes sont systématiquement exposés à des mauvais traitements, restent exceptionnelles.567

560 CourEDH, arrêt Saadi c. Italie du 28 février 2008 [GC], requête n° 37201/06, §§ 143-146.

561 Voir dans ce sens WOUTERS (2009), p. 251.

562 CourEDH, arrêt Na c. Royaume-Uni du 17 juillet 2008, requête n° 25904/07, § 116. La Cour a ainsi jugé: “in cases where an applicant alleges that he or she is a member of a group systematically exposed to a practice of ill-treatment, the Court has considered that the protection of Article 3 of the Convention enters into play when the applicant establishes that there are serious reasons to believe in the existence of the practice in question and his or her membership of the group concerned (see Saadi v. Italy, cited above, § 132). In those circumstances, the Court will not then insist that the applicant show the existence of further special distinguishing features if to do so would render illusory the protection offered by Article 3.”

563 CourEDH, arrêt Muminov c. Russie du 11 décembre 2008, requête n° 42502/06, §§ 95-96.

564 Voir dans ce sens FORNEROD (2010), p. 327.

565 CourEDH, arrêts A.A. c. France du 15 janvier 2015, requête n° 18039/11, § 58; A.F. c. France du 15 janvier 2015, requête n° 80086/13, § 52.

566 CourEDH, arrêts A.A. c. France du 15 janvier 2015, requête n° 18039/11, §§ 59 et 62; A.F. c. France du 15 janvier 2015, requête n° 80086/13, §§ 53 et 58.

567 Voir dans ce sens DE WECK (2016), p. 316.

87 1.2. CDH

203. Le CDH n’a pas, à ce jour, considéré l’appartenance à un groupe systématiquement exposé à des mauvais traitements comme un facteur de risque dans les communications qu’il a eues à traiter.568

1.3. CAT

204. Dans sa jurisprudence, le CAT a admis que l’appartenance à un groupe systématiquement exposé à des actes de torture peut permettre d’établir que la personne qui le saisit risque personnellement d’être torturée suite à son renvoi. Le CAT parvient à cette conclusion par un raisonnement qu’Olivier DELAS qualifie de « syllogisme » : les membres d’un groupe particulier encourent des actes de torture, par conséquent la personne appartenant à ce groupe risque également de subir de tels actes.569 En d’autres termes, une demande de protection contre le refoulement peut être fondée sur le seul fait que l’individu appartient à un groupe qui est visé au point que tous les membres du groupe sont à risque.570 Ainsi, dans la Communication Tala c.

Suède (1996), le CAT a indiqué que l’appartenance de l’auteur à l’Organisation iranienne des moudjahidin du peuple et ses activités pour cette organisation devaient être prises en compte pour déterminer s’il risquait de subir des actes de torture suite à son retour en Iran.571 L’appartenance à cette organisation a constitué également un point crucial dans la Communication Aemei c. Suisse (1997), qui concernait également un ressortissant iranien.572 Dans la Communication Paez c. Suède (1997), le CAT a considéré comme facteur déterminant le fait que l’auteur, un ressortissant péruvien, était membre du Sentier Lumineux.573

205. L’affaire Agiza c. Suède (2005) constitue une bonne illustration de l’importance de l’appartenance à un groupe à risque dans l’évaluation du risque encouru par l’auteur.574 Il s’agissait dans ce cas de la restitution forcée de M. AGIZA à l’Egypte par la Suède dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Le Comité a jugé que « les autorités de l’Etat partie savaient ou auraient dû savoir au moment de l’expulsion du requérant que l’Egypte avait recours de manière systématique et sur une vaste échelle à la torture à l’égard des prisonniers détenus pour des raisons politiques et des raisons de

568 Voir dans ce sens BALDINGER (2013), pp. 90-91.

569 DELAS (2011), p. 258.

570 WOUTERS (2009), p. 461.

571 CAT, Tala c. Suède du 15 novembre 1996, Communication n° 43/1996, § 10.3.

572 CAT, Aemei c. Suisse du 9 mai 1994, Communication n° 34/1995, § 9.7.

573 CAT, Paez c. Suède du 28 avril 1997, Communication n° 39/1996, § 14.3.

574 CAT, Agiza c. Suède du 20 mai 2005, Communication n° 233/2003. Voir également DELAS (2011), pp. 259-260.

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sécurité. »575 En outre, la Suède « savait que ses propres services de renseignements considéraient que le requérant était impliqué dans des activités terroristes et qu’il constituait une menace à la sécurité nationale ».576 Ces deux éléments, soit l’implication dans des activités terroristes et le recours notoire par les autorités égyptiennes à la torture contre les personnes suspectées de ce type d’activités, a suffi pour que le CAT parvienne à la

« conclusion naturelle » que l’auteur courait un risque réel d’être torturé en Egypte en cas d’expulsion.577

206. En contre-point de cette jurisprudence, dans la Communication S.S. et S.A. c. Pays-Bas (2001), le CAT a conclu que « the likelihood of torture of Tamils in Colombo who belong to a "high risk" group is not so great that the group as a whole runs a substantial risk of being so exposed. »578 Malgré le fait que les requérants appartenaient à un groupe à haut risque, le Comité a considéré que le risque de torture n’était pas élevé au point que tout le groupe était exposé à un tel risque. Cela étant, il ressort de cette communication qu’il est théoriquement possible qu’une requête soit fondée sur le seul fait d’appartenir à un groupe à haut risque.579

207. Dans la Communication Elmi c. Australie (1999), le CAT a accordé une importance particulière au fait que l’auteur, d’origine somalienne, faisait partie du clan des Shikal, un petit clan non armé et vulnérable qui se trouvait à la merci des factions armées présentes à Mogadiscio à cette époque.580 Le Comité a également pris en compte deux autres facteurs. Premièrement, sa famille avait été particulièrement persécutée par le clan Hawiye, son père et son frère ayant été exécutés, sa sœur violée et le reste de la famille contraint de fuir et de se déplacer constamment d’un endroit à l’autre du pays pour se cacher.581 Deuxièmement, son cas avait attiré une grande publicité qui risquait de lui être préjudiciable en cas de renvoi en Somalie.582 Le CAT a dès lors conclu à un risque de violation de l’art. 3 CCT basé sur l’appartenance de l’auteur au clan des Shikal et ses circonstances personnelles.583

208. L’appartenance ethnique des auteurs a également constitué un facteur-clé dans la Communication S.M., H.M. et A.M. c. Suède (2011).584 Il s’agissait de requérants arméniens originaires d’Azerbaïdjan. Le Comité a noté « les

575 CAT, Agiza c. Suède du 20 mai 2005, Communication n° 233/2003, § 13.4.

576 CAT, Agiza c. Suède du 20 mai 2005, Communication n° 233/2003, § 13.4.

577 CAT, Agiza c. Suède du 20 mai 2005, Communication n° 233/2003, § 13.4.

578 CAT, S.S. et S.A. c. Pays-Bas du 11 mai 2001, Communication n° 142/1999, § 6.6.

579 Voir dans ce sens BALDINGER (2013), p. 145.

580 CAT, Elmi c. Australie du 14 mai 1999, Communication n° 120/1998, § 6.6.

581 CAT, Elmi c. Australie du 14 mai 1999, Communication n° 120/1998, § 6.7.

582 CAT, Elmi c. Australie du 14 mai 1999, Communication n° 120/1998, § 6.7.

583 CAT, Elmi c. Australie du 14 mai 1999, Communication n° 120/1998, § 6.8.

584 CAT, S.M., H.M. et A.M. c. Suède du 21 novembre 2011, Communication n° 374/2009.

89 comportements hostiles de la part de la population à l’égard des Arméniens de souche vivant dans le pays [étaient] encore très répandus » et que « les personnes d’origine arménienne [étaient] exposées à la discrimination dans la vie quotidienne ».585 Etant donné cette situation et le fait que les auteurs avaient été torturés, le CAT a conclu que leur renvoi constituerait une violation de l’art. 3 CCT.586

209. Au regard de ces éléments, le CAT admet dans certains cas que l’appartenance à un groupe systématiquement exposé à des actes de torture suffise pour établir que la personne risque d’être soumise à la torture suite à son renvoi. Le CAT procède ainsi à une forme d’allègement du fardeau de la preuve ; la preuve de l’appartenance au groupe systématiquement exposé suffit, sans que la personne ait besoin de démontrer qu’elle risque personnellement des actes de torture587 Cependant, même lorsqu’il reconnaît que la personne appartient à un tel groupe, le CAT prend généralement plusieurs facteurs en compte pour parvenir à la conclusion que l’art. 3 CCT serait violé en cas de renvoi.

1.4. TAF

210. Dans certains cas, le TAF a admis que des groupes de personnes considérées à risque encourent un risque accru de persécution, ce qui l’a conduit à reconnaître la qualité de réfugié au membre du groupe qui l’avait saisi. Dans l’arrêt de principe ATAF 2011/24, le TAF a ainsi jugé qu’au Sri Lanka, un risque élevé de persécution pèse sur les personnes qui appartiennent à certains groupes à risques, tels que notamment les opposants politiques, les journalistes et les membres d’ONG critiques envers le régime, les personnes victimes de graves violations des droits humains ou qui entreprennent des démarches à cet égard.588 De la même manière, dans l’arrêt de principe ATAF 2010/57, le TAF a jugé que les activistes des droits humains encourent un risque accru de persécution en République démocratique du Congo (ci-après « RDC »).589

211. Dans d’autres cas, le TAF examine si la personne fait partie d’un groupe faisant l’objet de persécutions collectives. Aussi, dans l’ATAF 2013/21, le TAF s’est penché sur les persécutions collectives dont étaient victimes les personnes appartenant à des ethnies non arabes du Darfour.590 Il a toutefois conclu qu’à ce moment-là, les persécutions collectives à l’encontre de cette

585 CAT, S.M., H.M. et A.M. c. Suède du 21 novembre 2011, Communication n° 374/2009, § 9.7.

586 CAT, S.M., H.M. et A.M. c. Suède du 21 novembre 2011, Communication n° 374/2009, § 10.

587 DELAS (2011), p. 260.

588 TAF, arrêt E-6220/2006 du 27 octobre 2011, publié sous ATAF 2011/24, consid. 8.1 à 8.5.

589 TAF, arrêt E-6562/2007 du 1er septembre 2010, publié sous ATAF 2010/57, consid. 4.1.2.

590 TAF, arrêt E-1979/2008 du 31 mai 2013, publié sous ATAF 2013/21.

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minorité n’existaient plus.591 Cette jurisprudence apparaît plus restrictive dans l’application du concept de groupe à risque que les arrêts de la CourEDH A.A. c. France (2015) et A.F. c. France (2015) susmentionnés, puisque la Cour a admis que l’appartenance à une ethnie non arabe du Darfour constituait un facteur de risque étant donné les persécutions répétées dont font l’objet ces ethnies.592 Le seul cas récent dans lequel le TAF a admis des persécutions collectives concerne la minorité yézidie dans les zones d’influence de l’Etat islamique en Syrie et en Irak.593

212. Au vu de ces éléments, il s’avère que l’appartenance à un groupe particulier, soumis à un risque accru de persécution, peut amener le TAF à reconnaître la qualité de réfugié à une personne du fait de son appartenance au groupe. De plus, dans certains cas rares, tel que celui de la minorité yézidie en Syrie et en Irak, le TAF admet une persécution collective. Dans une telle hypothèse, chaque membre de la minorité a une crainte fondée de persécution ; il suffit donc à la personne de démontrer qu’elle fait partie du groupe persécuté pour se voir reconnaître le statut de réfugiée.594

2. Autres groupes vulnérables

213. Les instances internationales et nationale étudiées considèrent également que l’appartenance à certains groupes qualifiés de vulnérables peut impliquer que les membres desdits groupes encourent un risque de persécution, de torture ou de mauvais traitement en cas de renvoi vers l’Etat de destination. Le fait que ses membres soient particulièrement vulnérables engendre un facteur de risque spécifique.

214. Par groupe vulnérable, il faut entendre un groupe qui présente des caractéristiques spécifiques de vulnérabilité, ces caractéristiques pouvant être intrinsèques ou extrinsèques.595 Par caractéristiques intrinsèques, on entend par exemple le genre, l’orientation sexuelle, la maladie ou la grossesse tandis que les caractéristiques extrinsèques sont notamment la détention ou le travail.596 Dans certains cas, ces groupes vulnérables peuvent être systématiquement exposés à de mauvais traitements, néanmoins ils ne le sont généralement pas, raison pour laquelle nous avons choisi de distinguer ces deux catégories de groupes.

591 TAF, arrêt E-1979/2008 du 31 mai 2013, publié sous ATAF 2013/21, consid. 9.3.4.

592 CourEDH, arrêts A.A. c. France du 15 janvier 2015, requête n° 18039/11; A.F. c. France du 15 janvier 2015, requête n° 80086/13.

593 TAF, arrêt D-3302/2014 du 8 septembre 2015, consid. 5.2.4.

594 TAF, arrêt D-4600/2014 du 29 novembre 2016, consid. 6.4.2. Voir également FREI (2016), p. 171.

595 Voir BESSON (2014), p. 70.

596 Voir BESSON (2014), p. 70.

91 215. Dans la suite de cette sous-section, nous avons identifié trois groupes

vulnérables particuliers, à savoir les femmes, les demandeurs d’asile et les personnes LGBTI, à travers l’examen de la jurisprudence de ces différentes instances.597

2.1. Les femmes

216. Dans plusieurs cas, les instances internationales et suisses se sont concentrées sur la situation particulièrement vulnérable des femmes dans certains pays d’origine et ont considéré qu’il s’agissait d’un facteur-clé dans l’évaluation du risque de mauvais traitement, de torture ou de persécution qu’elles encouraient en cas de renvoi vers lesdits pays. Il convient de préciser sur ce point que le genre ne figure pas parmi les cinq motifs de persécution énumérés par l’art. 1 CG. Néanmoins, le HCR recommande depuis longtemps aux Etats parties à la Convention de développer des critères afin que les persécutions spécifiques dont sont victimes les femmes soient prises en compte dans les procédures de détermination du statut de réfugié.598 217. En 1985, l’agence onusienne a suggéré aux Etats de considérer « les

femmes en quête d’asile soumises à des traitements cruels ou inhumains

597 Dans cette étude, les enfants, en particulier les requérants d’asile mineurs non accompagnés (ci-après

« RMNA ») ne sont pas identifiés comme un groupe vulnérable particulier. En effet, à la lecture de la jurisprudence récente de la CourEDH, du CDH et du CAT, nous avons choisi de d’aborder la problématique des enfants cherchant protection en analysant la situation de leur famille. A ce jour, ces trois instances internationales n’ont pas traité de requête déposée par un RMNA. Elles ont néanmoins abordé la thématique des enfants cherchant protection en compagnie de membres adultes de leurs familles dans plusieurs affaires.

Voir par exemple, CourEDH, arrêt Tarakhel c. Suisse du 4 novembre 2014 [GC], requête n° 29217/12 ; CDH, Kaba c. Canada du 25 mars 2010, Communication n° 1465/2006. A titre illustratif, le CDH a analysé la situation d’une requérante d’asile mineure menacée de MGF en Guinée et de sa mère en compagnie de laquelle elle avait fui au Canada. Voir CDH, Kaba c. Canada du 25 mars 2010, Communication n° 1465/2006, § 10.2. Il faut noter que la CDE prévoit plusieurs dispositions applicables dans le cadre de la procédure d’asile d’un enfant (art. 1, 2, 3, 12, 20 et 22 CDE). L’art. 22 para. 1 CDE dispose en particulier que : « Les Etats parties prennent les mesures appropriées pour qu'un enfant qui cherche à obtenir le statut de réfugié ou qui est considéré comme réfugié en vertu des règles et procédures du droit international ou national applicable, qu'il soit seul ou accompagné de ses père et mère ou de toute autre personne, bénéficie de la protection et de l'assistance humanitaire voulues pour lui permettre de jouir des droits que lui reconnaissent la présente Convention et les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme ou de caractère humanitaire auxquels lesdits Etats sont parties. » De plus, le HCR précise que des exigences procédurales spécifiques sont applicables concernant les enfants cherchant protection. Selon le HCR, « en raison de leur jeune âge, de leur dépendance et de leur immaturité relative, les enfants doivent bénéficier de garanties spécifiques en matière de procédure et de preuve afin d’assurer la prise de décisions équitables sur leur demande de reconnaissance du statut de réfugié. » Voir HCR, Guidelines on International Protection No. 8: Child Asylum Claims under Article 1A(2) and 1(F) of the 1951 Convention and/or its 1967 Protocol relating to the Status of Refugees, 22

Voir par exemple, CourEDH, arrêt Tarakhel c. Suisse du 4 novembre 2014 [GC], requête n° 29217/12 ; CDH, Kaba c. Canada du 25 mars 2010, Communication n° 1465/2006. A titre illustratif, le CDH a analysé la situation d’une requérante d’asile mineure menacée de MGF en Guinée et de sa mère en compagnie de laquelle elle avait fui au Canada. Voir CDH, Kaba c. Canada du 25 mars 2010, Communication n° 1465/2006, § 10.2. Il faut noter que la CDE prévoit plusieurs dispositions applicables dans le cadre de la procédure d’asile d’un enfant (art. 1, 2, 3, 12, 20 et 22 CDE). L’art. 22 para. 1 CDE dispose en particulier que : « Les Etats parties prennent les mesures appropriées pour qu'un enfant qui cherche à obtenir le statut de réfugié ou qui est considéré comme réfugié en vertu des règles et procédures du droit international ou national applicable, qu'il soit seul ou accompagné de ses père et mère ou de toute autre personne, bénéficie de la protection et de l'assistance humanitaire voulues pour lui permettre de jouir des droits que lui reconnaissent la présente Convention et les autres instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme ou de caractère humanitaire auxquels lesdits Etats sont parties. » De plus, le HCR précise que des exigences procédurales spécifiques sont applicables concernant les enfants cherchant protection. Selon le HCR, « en raison de leur jeune âge, de leur dépendance et de leur immaturité relative, les enfants doivent bénéficier de garanties spécifiques en matière de procédure et de preuve afin d’assurer la prise de décisions équitables sur leur demande de reconnaissance du statut de réfugié. » Voir HCR, Guidelines on International Protection No. 8: Child Asylum Claims under Article 1A(2) and 1(F) of the 1951 Convention and/or its 1967 Protocol relating to the Status of Refugees, 22