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130. Au vu des éléments qui précèdent, la nature du risque qui déclenche l’application du principe de non-refoulement diffère quelque peu en fonction de l’instrument juridique étudié. L’art. 33 CG et à sa suite les art. 3 et 5 LAsi mettent l’accent sur le risque présent et/ou futur de persécution.

Ce risque est en principe individuel, il peut toutefois arriver qu’un groupe entier de personne soit soumis à un tel risque, l’appartenance au groupe impliquant un risque individuel de persécution. La CourEDH, le CDH et le CAT utilisent tous les critères de risque réel et personnel, toutefois la CourEDH ajoute le critère de la probabilité, le CDH le critère de la conséquence nécessaire et prévisible du risque, qui est la violation de l’art. 7 PIDCP, et le CAT les critères d’actualité et de prévisibilité. Bien que ces différences puissent sembler à prime abord théoriques, elles ont un impact sur le niveau de la preuve requis, comme nous le verrons au troisième chapitre. En outre, la CourEDH admet des exceptions au caractère personnel du risque en cas de situation générale de violence ou de groupe systématiquement exposé à des mauvais traitements. Cette deuxième exception se reflète également dans la jurisprudence du CDH et du CAT.

Conclusion

131. Ce premier chapitre nous a permis de clarifier la portée du principe de non-refoulement ainsi que le thème de la preuve. Comme nous l’avons vu, ce principe offre une protection plus étendue en droit international des droits de l’homme qu’en droit international des réfugiés, qui le soumet à des exceptions. Nous avons également pu constater que l’interdiction de refoulement, telle qu’elle est consacrée par ces deux corpus juridiques, est directement reprise en droit suisse.

132. Nous avons également abordé la notion de preuve et montré sa particularité dans le contexte du principe de non-refoulement. En effet, dans ce domaine, il convient d’établir un risque. Dans le cadre du droit

57 international des réfugiés, il s’agit d’un risque de persécution tandis qu’en droit international des droits de l’homme, il s’agit d’un risque de torture ou de traitement ou peine cruel, inhumain ou dégradant. Dans le chapitre suivant, nous étudierons comment les instances internationales et nationales évaluent ces risques. Nous déterminerons également quels sont les facteurs de risque, de même que les éléments permettant de pallier celui-ci.

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Introduction

133. Dans ce deuxième chapitre, il s’agira tout d’abord de déterminer comment évaluer le risque de persécution, de torture ou de mauvais traitement. A cette fin, nous examinerons dans une première section quels sont les tests découlant du droit international des réfugiés et du droit international des droits de l’homme qui permettent d’évaluer un tel risque dans le cas du renvoi d’une personne cherchant protection par l’Etat d’accueil vers l’Etat de destination. La jurisprudence des trois instances internationales étudiées sera utile afin de clarifier lesdits tests. Nous analyserons également dans cette première section quels sont les tests utilisés en droit suisse des migrations, en distinguant le régime spécial de l’asile du régime ordinaire de la Loi sur les étrangers. La clarification de ces différents tests apparaît essentielle pour la suite de cette étude, ces tests présidant à l’examen de tout cas particulier. Nous exposerons ainsi les éléments à prendre en considération pour évaluer le risque et préciserons à quel moment l’évaluation du risque doit avoir lieu.

134. La deuxième section de ce chapitre nous permettra d’identifier des facteurs de risque résultant de la jurisprudence de la CourEDH, du CDH et du CAT. En effet, un examen approfondi de la jurisprudence de ces trois instances s’avère nécessaire afin de déterminer comment elles procèdent à l’évaluation du risque dans un cas particulier. Pour chacun des facteurs de risque mis en exergue, nous examinerons comment il est pris en compte dans la jurisprudence du TAF, à savoir l’unique instance juridictionnelle compétente en matière d’asile en Suisse. Cette section nous permettra ainsi de mettre en lumière les points de convergence et de divergence dans l’appréciation du risque entre les trois instances internationales étudiées, de même qu’entre celles-ci et le TAF.

135. Puis nous aborderons, dans une troisième section, trois éléments de protection nationale qui permettent d’écarter le risque de persécution, de torture ou de mauvais traitement, à savoir l’alternative de protection interne, les assurances diplomatiques et le refoulement vers un pays tiers sûr. La jurisprudence des instances internationales et nationale étudiées montre en effet que les Etats invoquent souvent de tels éléments dans les procédures de renvoi, d’expulsion ou d’extradition de personnes étrangères. Nous analyserons les questions que ces éléments de protection nationale soulèvent sous l’angle de la preuve du risque. Comment et dans quelle mesure le droit

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international et le droit d’asile suisse intègrent ces éléments de protection nationale ? Nous tenterons d’éclairer ce point à travers de la jurisprudence internationale de même que des arrêts du TAF ainsi que quelques arrêts du TF relatifs à des procédures d’extradition. Ceci nous amènera à une brève conclusion concernant l’évaluation du risque.

I. Les différents tests pour évaluer le risque A. Art. 33 CG

1. La crainte fondée de persécution

136. Selon l’art. 1A para. 2 CG, le test pour évaluer le risque consiste à établir la crainte fondée de persécution.387 Le Guide du HCR précise que la crainte doit être considérée comme fondée lorsque le demandeur parvient à établir que la vie est devenue intolérable dans son pays d’origine.388 Néanmoins, comme le souligne Kees WOUTERS, le test de la crainte fondée ne peut pas être réduit à un calcul de probabilités.389 Cet examen du risque nécessite une évaluation des circonstances personnelles et des informations sur le pays d’origine, notamment sur la base des moyens de preuves présentées par la personne et de la crédibilité de son témoignage.390 De plus, il s’agit de procéder à une évaluation prospective du risque de persécution.391

137. Comme il a déjà été mentionné, la crainte fondée de persécution comporte un élément subjectif ainsi qu’un élément objectif.392 L’élément subjectif s’apprécie de manière objectivée en évaluant le sentiment que ressentirait une personne raisonnable se trouvant dans une situation similaire de persécution, tandis que l’élément objectif implique que la crainte de persécution soit objectivement fondée en fonction des circonstances particulières de l’espèce.393 Pour admettre qu’il existe une crainte fondée de persécution, ces deux éléments doivent être présents.

387 Voir dans ce sens HATHAWAY/FOSTER (2014),p. 91; WOUTERS (2009), p. 83.

388 HCR, Guide (1992), § 42.

389 WOUTERS (2009), p. 85.

390 KÄLIN/CARONI/HEIM (2011), N 165 ad art. 33 para. 1 CG; WOUTERS (2009), p. 85. Les moyens de preuve présentés par une personne cherchant protection seront analysés de manière détaillée dans le chapitre 4 de la présente thèse.

391 HCR, Principes directeurs sur la protection internationale n° 12: Demandes de statut de réfugié liées aux situations de conflit armé et de violence relevant de l’Article 1A(2) de la Convention de 1951 et/ou du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés et des définitions régionales du statut de réfugié, 2 décembre 2016, HCR/GIP/16/12, § 24.

392 HCR, Guide (1992), § 38. Voir également HATHAWAY/FOSTER (2014),p.91.

393 FREI (2016), p. 196.

61 1.1. Les éléments factuels à prendre en compte

138. Lors de l’examen du risque de persécution, le HCR a précisé que tant les circonstances personnelles de l’individu cherchant protection que les éléments concernant la situation dans son pays d’origine doivent être pris en compte.394 Les circonstances personnelles incluent notamment la formation, les expériences, la personnalité et tous les autres facteurs personnels qui exposeraient l’individu à des persécutions, tels que l’engagement politique, l’appartenance ethnique, les liens familiaux ou l’orientation sexuelle, etc.395 En particulier, les persécutions passées ou d’autres formes de mauvais traitements auxquelles l’individu a été soumis, ainsi que les expériences des membres de sa famille et de ses amis ou d’autres personnes se trouvant dans une situation similaire, sont à prendre en compte.396 A titre d’exemples de circonstances personnelles pertinentes, certains auteurs mentionnent une arrestation, une détention, une inculpation, une désertion, un départ illégal, ou encore toute expérience qui fait que la personne est connue ou vulnérable.397

139. S’agissant des éléments relatifs à la situation dans le pays d’origine, ils comprennent les conditions sociales et politiques générales, la situation en matière de droits humains et les rapports à ce titre, la législation de l’Etat, les politiques et pratiques des agents persécuteurs, notamment envers les personnes se trouvant dans une situation similaire à celle de la personne cherchant protection, etc.398 On peut également mentionner sur ce point la ratification des traités internationaux de protection des droits humains, des discriminations raciales, religieuses ou autres, l’absence de protection en cas de persécutions privées et l’absence de possibilité de fuite interne.399 140. Par ailleurs, le HCR insiste sur le fait que les circonstances personnelles

et la situation dans le pays d’origine doivent être examinées conjointement et non isolément.400 En effet, alors que des éléments pris séparément peuvent paraître insuffisants pour conclure que la personne cherchant protection devrait être reconnue comme réfugiée, les faits examinés dans leur ensemble peuvent mener à la conclusion inverse.401

394 HCR, Note on Burden and Standard of Proof in Refugee Claims, 16 décembre 1998, § 18. Voir également KÄLIN/CARONI/HEIM (2011), N 165 ad art. 33 para. 1 CG; WOUTERS (2009), p. 89.

395 HCR, Note on Burden and Standard of Proof in Refugee Claims, 16 décembre 1998, § 19. Voir également WOUTERS (2009), p. 547.

396 HCR, Note on Burden and Standard of Proof in Refugee Claims, 16 décembre 1998, § 19.

397 BALDINGER (2013), p. 32; WOUTERS (2009), p. 547.

398 HCR, Note on Burden and Standard of Proof in Refugee Claims, 16 décembre 1998, § 19.

399 BALDINGER (2013), p. 33.

400 HCR, Guide (1992), §§ 42-43.

401 BALDINGER (2013), p. 33.

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1.2. Le moment de l’examen du risque

141. Dans le cadre de l’art. 33 CG, le risque de persécution doit être évalué ex nunc, c’est-à-dire au moment où l’Etat envisage de refouler la personne concernée.402 L’Etat doit donc prendre en considération tous les éléments de fait, y compris des faits nouveaux ou qui n’ont pas été pris en compte jusque-là.403

B. Art. 3 CEDH

1. Le risque réel de violation de l’art. 3 CEDH

142. Dans l’arrêt Soering c. Royaume-Uni (1989), la CourEDH a pour la première fois jugé qu’un Etat partie enfreindrait l’art. 3 CEDH, s’il remettait un individu à un autre Etat « où il existe des motifs sérieux de penser qu’un danger de torture menace l’intéressé ».404 Dans cet arrêt, la CourEDH a ainsi fait référence aux critères posés par l’art. 3 CCT.405 A travers l’examen de sa jurisprudence, il s’avère que le test sur lequel se base la CourEDH est celui du risque réel et fondé sur des motifs sérieux et avérés de violation de l’art.

3 CEDH.406 La Grande Chambre l’a notamment rappelé dans l’arrêt Saadi c.

Italie (2008) :

« pour qu’un éloignement forcé envisagé soit contraire à la Convention, la condition nécessaire – et suffisante – est que le risque pour l’intéressé de subir dans le pays de destination des traitements interdits par l’article 3 soit réel et fondé sur des motifs sérieux et avérés. »407

143. Par risque réel, on entend un risque « suffisamment concret et probable ».408 La CourEDH a répété à plusieurs reprises qu’une simple possibilité de mauvais traitements ne suffit pas.409 En revanche, le risque n’a pas besoin d’être démontré avec certitude, car une telle exigence reviendrait à prouver l’existence d’un événement futur, ce qui est par définition

402 BALDINGER (2013), p. 40; WOUTERS (2009), pp. 99 et 552.

403 WOUTERS (2009), p. 99.

404 CourEDH, arrêt Soering c. Royaume-Uni du 7 juillet 1989, requête n° 14038/88, § 88.

405 WOUTERS (2009), p. 247.

406 CourEDH, arrêt Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni du 30 octobre 1991, requêtes n° 13163/87, 13164/87, 13165/87, 13447/87 et 13448/87, § 103; arrêt Cruz Varas et autres c. Suède du 20 mars 1991, requête n°

15576/89, § 69. Pour la doctrine, voir WOUTERS (2009), pp. 246-247. Voir également BALDINGER (2013), p. 234.

407 CourEDH, arrêt Saadi c. Italie du 28 février 2008 [GC], requête n° 37201/06, § 140.

408 CourEDH, arrêt Hirsi Jamaa et autres c. Italie du 23 février 2012 [GC], requête n° 27765/09, § 136.

409 CourEDH, arrêt Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni du 30 octobre 1991, requêtes n° 13163/87, 13164/87, 13165/87, 13447/87 et 13448/87, §§ 108 et 111. Voir également CourEDH, arrêt Saadi c. Italie du 28 février 2008 [GC], requête n° 37201/06, § 131. Voir dans le même sens BALDINGER (2013), p. 235; SPIJKERBOER (2009), p. 58; WOUTERS (2009), p. 247.

63 impossible.410 Le risque doit donc être réel, personnel et probable pour que la protection contre le refoulement découlant de l’art. 3 CEDH soit applicable.411 De manière générale, le risque de traitement contraire à l’art.

3 CEDH en cas de renvoi doit être évalué sur la base des circonstances particulières du cas d’espèce.412

144. Il faut noter que selon Kees WOUTERS le fait d’avoir une crainte fondée de persécution correspond au fait d’avoir un risque réel, personnel et probable d’être soumis à des traitements contraires à l’art. 3 CEDH.413 De même Elihu LAUTERPRACHT et Daniel BETHLEHEM soulignent qu’« en pratique la distinction risque d’être plus apparente que réelle étant donné le chevauchement potentiel entre les deux types de risque. »414 Il apparaît donc que les notions de crainte fondée de persécution et de risque réel de mauvais traitement sont relativement proches. Toutefois, la notion de « persécution » dépasse la notion de « torture ou traitement inhumain ou dégradant » et a une portée plus large. Par ailleurs, la protection garantie par l’art. 3 CEDH sera utile pour les personnes qui ne parviennent pas à démontrer l’un des cinq motifs de persécution prescrits par la Convention de Genève.415 1.1. Les éléments factuels à prendre en compte

145. Les éléments factuels pris en compte par la CourEDH lors de l’examen du risque réel peuvent être divisés en deux catégories : les éléments personnels et les éléments concernant la situation dans le pays de destination.416 Selon la CourEDH, ces éléments doivent toujours être évalués conjointement : l’examen du risque réel doit se concentrer sur les conséquences prévisibles du renvoi, compte tenu de la situation générale dans le pays de destination et des circonstances personnelles du requérant.417 A la lecture de la jurisprudence, il apparaît qu’un seul fait n’est généralement pas suffisant pour établir le risque réel mais qu’une

410 CourEDH, arrêt Rustamov c. Russie du 3 juillet 2012, requête n° 11209/10, § 117. Voir également HAMDAN (2016), p. 195; WOUTERS (2009), p. 247.

411 Selon Dana BALDINGER et Kees WOUTERS,le risque doit être « real, personal and forseeable. ». Voir BALDINGER (2013), p. 235; WOUTERS (2009), p. 247. Ces auteurs se fondent sur l’arrêt Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni pour définir ces trois critères. CourEDH, Vilvarajah et autres c. Royaume-Royaume-Uni du 30 octobre 1991, requêtes n° 13163/87, 13164/87, 13165/87, 13447/87 et 13448/87, §§ 108 et 111.

412 WOUTERS (2009), p. 248.

413 WOUTERS (2009), p. 542.

414 LAUTERPACHT/BETHLEHEM (2003), p. 193.

415 GOODWIN-GILL/MCADAM (2007), p. 303.

416 BALDINGER (2013), p. 238; FORNEROD (2010), p. 323; WOUTERS (2009), p. 256; LAMBERT (1999), p. 539.

417 CourEDH, arrêt Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni du 30 octobre 1991, requêtes n° 13163/87, 13164/87, 13165/87, 13447/87 et 13448/87, § 108. Voir également CourEDH, arrêt Na c. Royaume-Uni du 17 juillet 2008, requête n° 25904/07, § 113.

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combinaison d’éléments factuels est nécessaire, comme nous le verrons dans la deuxième section de ce chapitre.418

146. Parmi les éléments personnels, Dana BALDINGER mentionne notamment la formation, les activités, les expériences, le genre, l’ethnie, l’âge, l’orientation sexuelle et les croyances religieuses.419 Selon Kees WOUTERS, les éléments personnels importants concernent généralement l’engagement politique et les expériences passées de mauvais traitements et de détention.420 D’autres éléments personnels apparaissent déterminants, notamment la reconnaissance du statut de réfugié par l’Etat défendeur421 ou le HCR, en particulier lorsque la situation dans le pays d’origine n’a pas évolué.422

147. Concernant le pays d’origine, les éléments pertinents pour évaluer le risque sont notamment la situation générale en matière de droits humains, la situation des réfugiés, le niveau de violence dans le pays et le contrôle exercé par les autorités.423 Il convient toutefois de préciser que les constatations relatives à la situation dans le pays de destination doivent être corroborées par des éléments de preuve concernant la situation spécifique du requérant.424

148. Pour ce qui est de la situation générale dans le pays de destination, la CourEDH considère qu’une simple possibilité de mauvais traitement à cause de l’instabilité de celle-ci ne suffit pas pour entraîner une violation de l’art. 3 CEDH.425 La situation spécifique de la personne doit être prise en compte et doit être corroborée par d’autres éléments de preuve que ceux portant sur la situation dans le pays.426 Cependant, la CourEDH reconnaît une exception importante à ces principes en cas de situation générale de violence. Dans l’affaire Na c. Royaume-Uni (2008), la Cour a pour la première fois reconnu qu’une situation générale de violence dans un pays de

418 Voir dans le même sens DE WECK (2016), p. 471; BALDINGER (2013), p. 238; WOUTERS (2009), p. 255.

419 BALDINGER (2013), p. 238.

420 WOUTERS (2009), p. 262. Voir par exemple CourEDH, arrêt Hilal c. Royaume-Uni du 6 mars 2001, requête n°

45276/99, § 64; arrêt Chahal c. Royaume-Uni du 15 novembre 1996 [GC], requête n° 22414/93, § 98.

421 CourEDH, arrêt Ahmed c. Autriche du 17 décembre 1996, requête n° 25964/94, § 42.

422 Voir dans ce sens CourEDH, arrêts Dbouba c. Turquie du 13 juillet 2010, requête n° 15916/09, §§ 42-43;

Khaydarov c. Russie du 20 mai 2010, requête n° 21055/09, § 109; Charahili c. Turquie du 13 avril 2010, requête n° 46605/07, § 59; Abdolkhani et Karimnia c. Turquie du 22 septembre 2009, requête n° 30471/08,

§ 82; Na c. Royaume-Uni du 17 juillet 2008, requête n° 25904/07, § 122; Jabari c. Turquie du 11 juillet 2000, requête n° 40035/98, §§ 40-41. Ce point sera développé de manière détaillée ci-après, voir section II.C.6.

423 BALDINGER (2013), p. 240.

424 CourEDH, arrêt Mamatkulov et Askarov c. Turquie du 4 février 2005 [GC], requêtes n° 46827/99 et 46951/99,

§ 73.

425 CourEDH, arrêt Saadi c. Italie du 28 février 2008 [GC], requête n° 37201/06, § 131.

426 CourEDH, arrêt Saadi c. Italie du 28 février 2008 [GC], requête n° 37201/06, § 131. Voir également CourEDH, arrêts Mamatkulov et Askarov c. Turquie du 4 février 2005 [GC], requêtes n° 46827/99 et 46951/99, § 73;

Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni du 30 octobre 1991, requêtes n° 13163/87, 13164/87, 13165/87, 13447/87 et 13448/87, § 111.

65 destination pourrait atteindre un tel niveau d’intensité que tout renvoi vers ce pays entraînerait une violation de l’art. 3 CEDH.427 Néanmoins, la Cour a précisé qu’elle n’adopterait cette approche que dans les cas les plus extrêmes de violence généralisée.428

149. A l’heure actuelle, la CourEDH a reconnu une situation générale de violence dans une unique affaire, l’arrêt Sufi et Elmi c. Royaume-Uni (2011).429 Il s’agissait de deux hommes d’origine somalienne qui vivaient en Grande-Bretagne où ils avaient commis divers délits et se trouvaient ainsi menacés d’être renvoyés vers leur pays d’origine. La CourEDH a procédé à une analyse approfondie de la situation à Mogadiscio ainsi que dans les régions du centre et du sud de la Somalie et dans les camps de réfugiés.430 Concernant la situation à Mogadiscio, la CourEDH a estimé que :

“the violence in Mogadishu is of such a level of intensity that anyone in the city, except possibly those who are exceptionally well-connected to « powerful actors », would be at a real risk of treatment prohibited by Article 3 of the Convention.”431 150. Par ailleurs, la Cour a jugé, en ce qui concerne la possibilité de fuite

interne dans les autres régions de Somalie, qu’une personne renvoyée courait un risque de traitement prohibé par l’art. 3 CEDH, si elle devait s’installer dans une région contrôlée par la milice al-Shabaab ou même voyager à travers une de ces régions.432 La CourEDH a également conclu que les terribles conditions humanitaires prévalant dans les camps de réfugiés impliquaient un risque de violation de cet article.433

151. Cette affaire reste néanmoins exceptionnelle. Il s’agit du seul arrêt dans lequel la CourEDH a reconnu une situation générale de violence impliquant un risque de violation de l’art. 3 CEDH. De plus, deux ans après celui-ci, la CourEDH a réexaminé le risque de violence extrême dans la capitale somalienne dans une affaire subséquente et est parvenue à la conclusion que le risque avait diminué.434 Elle a donc jugé que toute personne renvoyée à Mogadiscio ne courait plus le risque d’être soumis à des traitements contraires à l’art. 3 CEDH, étant donné qu’il n’existait plus de situation générale de violence et qu’elle devait donc se concentrer sur la situation personnelle du recourant.435

427 CourEDH, arrêt Na c. Royaume-Uni du 17 juillet 2008, requête n° 25904/07, § 115.

428 CourEDH, arrêt Na c. Royaume-Uni du 17 juillet 2008, requête n° 25904/07, § 115.

429 CourEDH, arrêt Sufi et Elmi c. Royaume-Uni du 28 juin 2011, requêtes n° 8319/07 et n°11449/07.

430 CourEDH, arrêt Sufi et Elmi c. Royaume-Uni du 28 juin 2011, requêtes n° 8319/07 et n°11449/07, §§ 241-250, §§ 265-292.

431 CourEDH, arrêt Sufi et Elmi c. Royaume-Uni du 28 juin 2011, requêtes n° 8319/07 et n°11449/07, § 250.

432 CourEDH, arrêt Sufi et Elmi c. Royaume-Uni du 28 juin 2011, requêtes n° 8319/07 et n°11449/07, § 277.

433 CourEDH, arrêt Sufi et Elmi c. Royaume-Uni du 28 juin 2011, requêtes n° 8319/07 et n°11449/07, § 292.

434 CourEDH, arrêt K.A.B. c. Suède du 5 septembre 2013, requête n° 886/11, §§ 86-91.

435 CourEDH, arrêt K.A.B. c. Suède du 5 septembre 2013, requête n° 886/11, § 91.

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1.2. Le moment de l’examen du risque

152. Pour déterminer le point précis dans le temps où elle doit examiner le

152. Pour déterminer le point précis dans le temps où elle doit examiner le