• Aucun résultat trouvé

Chapitre 4 : Les moyens de preuve

A. Doctrine

84 La doctrine majoritaire admet que ces motifs sont identiques, en termes de contenu, à ceux énumérés à l’art.

1 A para. 2 CG. KÄLIN/CARONI/HEIM (2011), N 178 ad art. 33 para. 1 CG; LAUTERPACHT/BETHLEHEM (2003), p.

160.

85 HCR, Guide (1992), § 39; WOUTERS (2009), pp. 80-81.

86 WOUTERS (2009), p. 80; GOODWIN-GILL/MCADAM (2007), p. 98.

87 HCR, Guide (1992), § 65.

88 WOUTERS (2009), p. 81.

89 GOODWIN-GILL/MCADAM (2007), p. 98.

90 GOODWIN-GILL/MCADAM (2007), pp. 98-99. Voir également WOUTERS (2009), p. 80. Sur les conséquences de la reconnaissance du statut de réfugié et les différences avec les personnes déplacées internes, voir CERNEA MICHAEL M./MCDOWELL CHRISTOPHER (éd.), Risks and Reconstruction. Experiences of Resettlers and Refugees, Washington D.C. 2000.

91 WOUTERS (2009), p. 80.

17

B. Droit international des droits de l’homme

1. L’interdiction de refoulement garantie par l’art. 3 CEDH

34. Conformément à l’art. 3 CEDH, « [n]ul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. » C’est sur la base de cette disposition que la CourEDH a consacré une interdiction de refoulement pour l’Etat contractant lorsqu’il existe un risque réel, dans une procédure d’extradition, d’expulsion ou de refoulement, que la personne soit soumise à des actes contraires à l’art. 3 CEDH dans l’Etat de destination, c’est-à-dire hors de la juridiction de l’Etat partie.92 En 1961, la Commission européenne a pour la première fois admis que l’art. 3 CEDH pouvait s’appliquer à l’expulsion d’une personne étrangère vers un Etat où elle risquait d’être soumise à la torture ou des traitements inhumains ou dégradants.93 Toutefois, ce n’est qu’en 1989 que la CourEDH a confirmé cette interprétation en considérant, dans la fameuse affaire Soering c. Royaume-Uni, que l’art. 3 CEDH est applicable non seulement lorsque l’individu a subi des traitements qui lui sont contraires, mais également lorsqu’il encourt un risque de torture ou de traitements inhumains ou dégradants suite à son extradition.94 La CourEDH a ainsi jugé qu’ :

« Un État contractant se conduirait d’une manière incompatible avec les valeurs sous-jacentes à la Convention, ce "patrimoine commun d’idéal et de traditions politiques, de respect de la liberté et de prééminence du droit" auquel se réfère le Préambule, s’il remettait consciemment un fugitif - pour odieux que puisse être le crime reproché - à un autre État où il existe des motifs sérieux de penser qu’un danger de torture menace l’intéressé. Malgré l’absence de mention expresse dans le texte bref et général de l’article 3 (art. 3), pareille extradition irait manifestement à l’encontre de l’esprit de ce dernier ; aux yeux de la Cour, l’obligation implicite de ne pas extrader s’étend aussi au cas où le fugitif risquerait de subir dans l’État de destination des peines ou traitements inhumains ou dégradants proscrits par ledit article (art. 3). »95

35. Dans cette affaire, la Cour a conclu que l’extradition de M. SOERING, un ressortissant allemand accusé du meurtre des parents de sa petite amie, vers les Etats-Unis, où il encourait la peine de mort, emporterait une violation de l’art. 3 CEDH, car il risquait d’y être exposé au phénomène appelé « couloir de la mort ».96 En effet, la Cour a considéré qu’eu égard à la très longue période à passer dans le « couloir de la mort » dans des conditions extrêmes,

92 Voir DELAS (2011), p. 47.

93 CommissionEDH, décision P. c. Belgique du 26 mai 1961, requête n° 984/61. Voir également CHETAIL (2006), pp. 64-65; WEISSBRODT/HÖRTREITER (1999), p. 28.

94 CourEDH, arrêt Soering c. Royaume-Uni du 7 juillet 1989, requête n° 14038/88.

95 CourEDH, arrêt Soering c. Royaume-Uni du 7 juillet 1989, requête n° 14038/88, § 88.

96 CourEDH, arrêt Soering c. Royaume-Uni du 7 juillet 1989, requête n° 14038/88, § 111.

18

avec l’angoisse omniprésente et croissante de la mise à exécution de la peine capitale, ainsi qu’à la situation personnelle de M. SOERING, en particulier son âge et son état mental au moment de l’infraction, son extradition l’exposerait à un risque réel de traitement inhumain ou dégradant.97 La CourEDH a ainsi confirmé l’applicabilité de la Convention aux mesures d’éloignement du territoire et déduit pour la première fois de l’art. 3 CEDH une interdiction implicite de refoulement.98

36. Deux ans plus tard, l’interdiction de refoulement consacrée en cas d’extradition a été étendue par la CourEDH à l’expulsion de demandeurs d’asile vers un Etat où il existe un risque de traitement contraire à l’art. 3 CEDH dans les affaires Cruz Varas et autres c. Suède (1991)99 et Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni (1991).100 Dans l’arrêt Cruz Varas et autres c. Suède (1991), la CourEDH a estimé que, bien que l’affaire concernait une expulsion et non une extradition, le principe énoncé dans l’arrêt Soering s’appliquait également aux décisions d’expulsion ainsi qu’aux expulsions effectives.101 Dans la jurisprudence constante qui a suivi ces deux arrêts, la Cour a estimé que le refoulement d’une personne étrangère peut contrevenir à l’art. 3 CEDH et donc engager la responsabilité de l’État contractant, lorsqu’il y a des motifs sérieux et avérés de croire que cette personne encourra, dans le pays de destination, un risque réel d’être soumise à la torture ou à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.102 Dans un tel cas, l’art. 3 CEDH implique l’obligation de ne pas refouler ladite personne vers ce pays.

37. Il faut noter que des interdictions de refoulement peuvent également découler d’autres droits garantis par la CEDH, notamment le droit à la vie (art. 2 CEDH), le droit à la liberté et à la sûreté (art. 5 CEDH), le droit à un procès équitable (art. 6 CEDH), le droit au respect de la vie privée et familiale (art. 8 CEDH) ainsi que le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion (art. 9 CEDH).103

97 CourEDH, arrêt Soering c. Royaume-Uni du 7 juillet 1989, requête n° 14038/88, § 111.

98 DELAS (2011), p. 47; WOUTERS (2009), p. 188.

99 CourEDH, arrêt Cruz Varas et autres c. Suède du 20 mars 1991, requête n° 15576/89.

100 CourEDH, arrêt Vilvarajah et autres c. Royaume-Uni du 30 octobre 1991, requêtes n° 13163/87, 13164/87, 13165/87, 13447/87 et 13448/87.

101 CourEDH, arrêt Cruz Varas et autres c. Suède du 20 mars 1991, requête n° 15576/89, § 70.

102 Voir CourEDH, arrêts Tarakhel c. Suisse du 4 novembre 2014 [GC], requête n° 29217/12, § 93; M.S.S. c.

Belgique et Grèce du 21 janvier 2011 [GC], requête n° 30696/09, § 365; Saadi c. Italie du 28 février 2008 [GC], requête n° 37201/06, § 152; Salah Sheekh c. Pays-Bas du 11 janvier 2007, requête n° 1948/04, § 135;

Jabari c. Turquie du 11 juillet 2000, requête n° 40035/98, § 38. Il faut noter que dans ces arrêts, la CourEDH utilise le terme d’« expulsion » vers le pays d’origine et celui de « renvoi » vers un pays européen pour les procédures fondées sur le Règlement de Dublin. Dans d’autres arrêts, elle utilise le terme de « refoulement ».

Voir par exemple CourEDH, arrêt Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga c. Belgique du 12 octobre 2006, requête n° 13178/03, § 69. Lorsque nous utilisons le terme « mesure d’éloignement du territoire », nous considérons qu’il comprend l’extradition, l’expulsion et le refoulement. Toutes ces mesures ont trait au principe de non-refoulement, tel qu’il a été développé par les juridictions ou quasi-juridictions internationales spécialisées dans la protection des droits humains.

103 DE WECK (2016), p. 23; MESSINEO (2013), p. 141; WOUTERS (2009), pp. 351-353.

19 38. Dans les affaires de refoulement, la Cour ne statue pas sur la réalité d’une

violation d’une disposition de la Convention, au contraire elle examine le risque de violation de l’art. 3 CEDH. Elle doit donc prendre position sur une violation potentielle de cette disposition, qu’elle qualifie elle-même de violation « virtuelle ».104 La responsabilité de l’Etat partie réside dès lors dans le fait d’exposer une personne à un risque de mauvais traitement, lorsque le refoulement constitue un lien crucial dans la chaîne des événements qui conduisent au traitement interdit par l’art. 3 CEDH dans l’Etat de destination.105 Bien que directement responsable de la mesure d’éloignement du territoire, l’Etat contractant n’est qu’indirectement responsable des faits constitutifs d’un mauvais traitement.106 Cette interdiction du refoulement n’est pas explicitement garantie par l’art. 3 CEDH, elle a ainsi été consacrée par voie prétorienne. Toutefois, il faut préciser qu’au-delà de cette interdiction implicite du refoulement, la CEDH ne comprend pas de droit à l’asile ni de droit de résidence dans l’Etat partie.107

2. L’interdiction de refoulement garantie par l’art. 7 PIDCP

39. L’interdiction de refoulement en cas de risque de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants n’est pas explicitement garantie par le Pacte ONU II. Néanmoins, le CDH l’a déduit de l’art. 7 PIDCP, selon lequel :

« Nul ne sera soumis à la torture ni à des peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. En particulier, il est interdit de soumettre une personne sans son libre consentement à une expérience médicale ou scientifique. »

L’art. 7 PIDCP constitue l’une des rares dispositions du Pacte qui ne peut connaître ni restriction ni dérogation108 et bénéficie ainsi d’une forte normativité.109 De plus, le CDH a indiqué à de nombreuses reprises que l’art.

7 PIDCP ne peut être soumis à des limitations qui concerneraient la qualité de l’auteur des actes prohibés ou le lieu de commission de ceux-ci.110

104 CourEDH, arrêt Soering c. Royaume-Uni du 7 juillet 1989, requête n° 14038/88, § 90. Voir également DELAS (2011), pp. 47-49.

105 Voir CourEDH, arrêts Al-Saadoon et Mufdhi c. Royaume-Uni du 2 mars 2010, requête n° 61498/08, § 123;

Nsona c. Pays-Bas du 28 novembre 1996, requête n° 23366/94, § 92. Voir également WOUTERS (2009), p.

217.

106 DELAS (2011), pp. 185-186.

107 CourEDH, arrêt R.B.A.B. et autres c. Pays-Bas du 7 juin 2016, requête n° 7211/06, § 51. Voir également GRABENWARTER (2014), p. 45; BALDINGER (2013), p. 188; VERMEULEN (2006), p. 427; PELLONPÄÄ (2001), p. 139.

108 Art. 4 para. 2 PIDCP.

109 DELAPLACE (2011), p. 203. Voir également JOSEPH/CASTAN (2013), p. 216.

110 DELAPLACE (2011), p. 203.

20

40. Dans sa première Observation générale relative à l’art. 7 PIDCP de 1982, le CDH ne mentionnait pas l’interdiction de refoulement.111 Néanmoins, dix ans plus tard, dans l’Observation générale n° 20 qui devait la remplacer, le CDH a clairement indiqué que :

« les États parties ne doivent pas exposer des individus à un risque de torture ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants en les renvoyant dans un autre pays en vertu d’une mesure d’extradition, d’expulsion ou de refoulement. »112

Le CDH a précisé la portée de l’interdiction de refoulement dans l’Observation générale n° 31 :

« l’obligation que fait l’article 2 aux États parties de respecter et garantir à toutes les personnes se trouvant sur leur territoire et à toutes les personnes soumises à leur contrôle les droits énoncés dans le Pacte entraîne l’obligation de ne pas extrader, déplacer, expulser quelqu’un ou le transférer par d’autres moyens de leur territoire s’il existe des motifs sérieux de croire qu’il y a un risque réel de préjudice irréparable dans le pays vers lequel doit être effectué le renvoi ou dans tout pays vers lequel la personne concernée peut être renvoyée par la suite, tel le préjudice envisagé aux articles 6 et 7 du Pacte. »113

41. Dans sa fonction contentieuse, le CDH a pour la première fois fait application du principe de non-refoulement dans l’affaire Kindler c. Canada (1993), laquelle concernait une procédure d’extradition.114 Il a estimé que si un Etat partie extrade une personne soumise à sa juridiction vers un autre Etat, dans lequel il existe un risque réel de violation des droits garantis par le PIDCP, le premier Etat se rend lui-même coupable d’une violation du Pacte.115 Cette affaire concernait l’extradition par le Canada de M. KINDLER, un citoyen américain, vers les Etats-Unis, où il avait été condamné à la peine de mort pour assassinat et enlèvement.116 Comme la CourEDH dans l’affaire Soering c. Royaume-Uni (1989), le CDH a confirmé qu’en refoulant une personne vers un Etat où ses droits garantis par le Pacte seraient violés, un Etat partie peut être tenu responsable de la violation du Pacte commise par l’Etat de destination.117 Malgré la ressemblance entre ces deux affaires, le

111 CDH, Observation générale n° 7 (1982).

112 CDH, Observation générale n° 20 (1992), § 9.

113 CDH, Observation générale n° 31 (2004), § 12.

114 CDH, Kindler c. Canada du 30 juillet 1993, Communication n° 470/1991.

115 Le CDH a ainsi jugé : « si un Etat partie prend une décision concernant une personne sous sa juridiction, dont la conséquence nécessaire et prévisible est que les droits de cette personne en vertu du Pacte seront violés sous une autre juridiction, l’Etat partie lui-même peut violer le Pacte. Cela découle du fait que le devoir qui incombe à un Etat partie conformément à l’article 2 du Pacte ne serait pas rempli si une personne était remise à un autre Etat (partie ou non au Pacte) où un traitement contraire au Pacte est certain ou constitue le but même de la remise de cette personne. » CDH, Kindler c. Canada du 30 juillet 1993, Communication n°

470/1991, § 6.2.

116 CDH, Kindler c. Canada du 30 juillet 1993, Communication n° 470/1991, § 2.1.

117 « Si un Etat partie procède à l’extradition d’une personne relevant de sa juridiction dans des circonstances telles qu’il en résulte un risque réel pour que les droits de l’intéressé au regard du Pacte soient violés dans

21 Comité est arrivé à la conclusion inverse de celle de la Cour, estimant que l’extradition vers le « couloir de la mort » n’emportait pas violation de l’art.

7 PIDCP.118 Cependant, quelques mois plus tard, le CDH a conclu dans l’affaire Ng c. Canada (1993) que la peine capitale par asphyxie au gaz de cyanure constituait un traitement cruel et inhumain et qu’une extradition vers la Californie, où il risquait de subir ce type d’exécution, violerait par conséquent l’art. 7 PIDCP.119

42. L’interdiction de refoulement, telle qu’elle a été développée dans l’affaire Kindler, a été étendue aux personnes cherchant asile dans l’affaire A.R.J. c.

Australie (1997).120 Le requérant, un ressortissant iranien, avait été arrêté et placé en détention en Australie pour importation illégale de deux kilos de résine de cannabis.121 Pendant sa détention, il avait demandé le statut de réfugié, qui lui avait été refusé.122 Devant le CDH, il a invoqué des violations des art. 6 et 7 PIDCP en affirmant qu’il existait un risque réel qu’il soit persécuté et soumis à la peine capitale suite à son renvoi en Iran.123 Le Comité a considéré qu’il n’existait pas de preuve qu’il serait soumis à un risque réel de traitement incompatible avec l’art. 7 PIDCP par les autorités iraniennes suite à son renvoi.124 Par la suite, le CDH a été saisi d’un peu moins de quatre-vingt affaires concernant le principe de non-refoulement tel que garanti par l’art 7 PIDCP, dont certaines ont été déclarées irrecevables pour manque de fondement.125 Jusqu’ici, il a examiné le fond de

une autre juridiction, l’Etat partie lui-même peut être coupable d’une violation du Pacte. » CDH, Kindler c.

Canada du 30 juillet 1993, Communication n° 470/1991, § 13.2.

118 CDH, Kindler c. Canada du 30 juillet 1993, Communication n° 470/1991, §§ 15.3 et 16. Voir également DELAS (2011), p. 57.

119 CDH, Ng c. Canada du 5 novembre 1993, Communication n° 469/1991, § 16.4.

120 CDH, A.R.J. c. Australie du 28 juillet 1997, Communication n° 692/1996.

121 CDH, A.R.J. c. Australie du 28 juillet 1997, Communication n° 692/1996, § 2.1.

122 CDH, A.R.J. c. Australie du 28 juillet 1997, Communication n° 692/1996, § 2.2.

123 CDH, A.R.J. c. Australie du 28 juillet 1997, Communication n° 692/1996, §§ 3.1-3.3.

124 CDH, A.R.J. c. Australie du 28 juillet 1997, Communication n° 692/1996, § 6.14.

125 Pour des cas de requérants d’asile dans lesquels le CDH a déclaré la communication irrecevable, voir par exemple CDH, Solo Tarlue c. Canada du 27 mars 2009, Communication n° 1551/2007; Nakrash et Qifen c.

Suède du 30 octobre 2008, Communication n° 1540/2007; Chadzjian c. Pays-Bas du 22 juillet 2008, Communication n° 1494/2006; Londoño Soto et al. c. Australie du 1er avril 2008, Communication n°

1429/2005; P.K. c. Canada du 20 mars 2007, Communication n° 1234/2003; Singh Bullar c. Canada du 31 octobre 2006, Communication n° 982/2001; Taghi Khadje c. Pays-Bas du 31 octobre 2006, Communication n° 1438/2005; Khan c. Canada du 10 août 2006, Communication n° 1302/2004; Singh c. Canada du 28 avril 2006, Communication n° 1315/2004; Bakhtiyari c. Australie du 6 novembre 2003, Communication n°

1069/2002.

22

deux affaires concernant des personnes cherchant protection126 et de onze affaires de personnes s’opposant à leur extradition.127

43. Enfin, il faut noter que le principe de non-refoulement ne concerne pas uniquement l’art. 7 PIDCP mais également le droit à la vie garanti par l’art.

6 para. 1 PIDCP, comme l’a indiqué le CDH dans l’affaire Judge c. Canada (2003).128 Il n’est pas exclu qu’à l’avenir le CDH étende le principe de non-refoulement à d’autres dispositions du Pacte II.129

126 CDH, Hibaq Said Hashi c. Danemark du 28 juillet 2017, Communication n° 2470/2014 ; M.S. aka M.H.H.A.D.

c. Danemark du 27 juillet 2017, Communication n° 2601/2015 ; R.I.H. et S.M.D. c. Danemark du 13 juillet 2017, Communication n° 2640/2015 ; Jose Henry Monge Contreras c. Canada du 27 mars 2017, Communication n° 2613/2015 ; M.Z.B.M. c. Danemark du 20 mars 2017, Communication n° 2593/2015 ; M.A.

c. Danemark du 17 mars 2017, Communication n° 2240/2013 ; A.P.J. c. Danemark du 16 mars 2017, Communication n° 2253/2013 ; F. et G. c. Danemark du 16 mars 2017, Communication n° 2530/2015 ; Y.A.A.

et F.H.M. c. Danemark du 10 mars 2017, Communication n° 2681/2015 ; Raziyeh Rezaifar c. Danemark du 10 mars 2017, Communication n° 2512/2014 ; R.A.A et Z.M. c. Danemark du 28 octobre 2016, Communication n° 2608/2015; A. et B. c. Danemark du 13 juillet 2016, Communication n° 2291/2013; S.Z. c. Danemark du 13 juillet 2016, Communication n° 2443/2014; M.K.H. c. Danemark du 12 juillet 2016, Communication n°

2462/2014; Ahmed c. Danemark du 7 juillet 2016, Communication n° 2379/2014; E.U.R. c. Danemark du 1er juillet 2016, Communication n° 2469/2014; Ali et Mohamad c. Danemark du 29 mars 2016, Communication n° 2409/2014; Y. c. Canada du 22 mars 2016, Communication n° 2314/2013; Z. c. Danemark du 11 mars 2016, Communication n° 2422/2014; Y. c. Canada du 10 mars 2016, Communication n° 2327/2014; X. c.

Norvège du 5 novembre 2015, Communication n° 2474/2014; X. c. Canada du 5 novembre 2015, Communication n° 2366/2014; F.M. c. Canada du 5 novembre 2015, Communication n° 2284/2013; H.E.A.K.

c. Danemark du 23 juillet 2015, Communication n° 2343/2014; Omo-Amenaghawon c. Danemark du 23 juillet 2015, Communication n° 2288/2013; X. c. Danemark du 22 juillet 2015, Communication n° 2389/2014; Jasin c. Danemark du 22 juillet 2015, Communication n° 2360/2014; Y. c. Canada du 22 juillet 2015, Communication n° 2280/2013; K. c. Danemark du 16 juillet 2015, Communication n° 2393/2014; A.H. c. Danemark du 16 juillet 2015, Communication n° 2370/2014; Z. c. Danemark du 15 juillet 2015, Communication n° 2329/2014;

A.H.G. et M.R. c. Canada du 25 mars 2015, Communication n° 2091/2011; P.T. c. Danemark du 1er avril 2015, Communication n° 2272/2013; M. X. et Mme X. c. Danemark du 22 octobre 2014, Communication n°

2186/2012; B.L. c. Australie du 16 octobre 2014, Communication n° 2053/2011;Z. c. Australie du 18 juillet 2014, Communication n° 2049/2011; X. c. République de Corée du 25 mars 2014, Communication n°

1908/2009; Choudhary c. Canada du 28 octobre 2013, Communication n° 1898/2009; Shakeel c. Canada du 24 juillet 2013, Communication n° 1881/2009; Lin c. Australie du 21 mars 2013, Communication n°

1957/2010; Thuraisamy c. Canada du 31 octobre 2012, Communication n° 1912/2009; G.K. c. Pays-Bas du 22 mars 2012, Communication n° 1801/2008; X. c. Suède du 17 janvier 2012, Communication n° 1833/2008;

X.H.L. c. Pays-Bas du 22 juillet 2011, Communication n° 1564/2007; Pillai et al. c. Canada du 25 mars 2011, Communication n° 1763/2008; Kaba c. Canada du 25 mars 2010, Communication n° 1465/2006; Hamida c.

Canada, 18 mars 2010, Communication n° 1544/2007; Alzery c. Suède du 25 octobre 2006, Communication n° 1416/2005; Byaruhanga c. Danemark du 9 décembre 2004, Communication n° 1222/2003; Ahani c. Canada du 15 juin 2004, Communication n° 1051/2002; C. c. Australie du 13 novembre 2002, Communication n°

900/1999; A.R.J. c. Australie du 28 juillet 1997, Communication n° 692/1996.

127 CDH, K.B. c. Russie du 10 mars 2016, Communication n° 2193/2012; N.S. c. Russie du 27 mars 2015, Communication n° 2192/2012; Aarrass c. Espagne du 21 juillet 2014, Communication n° 2008/2010; Valetov.

c. Kazakhstan du 17 mars 2014, Communication n° 2104/2011; Israil c. Kazakhstan du 31 octobre 2011, Communication n° 2024/2011; Kwok c. Australie du 23 octobre 2009, Communiction n° 1442/2005;

Maksudov, Rakhimov, Tashbaev et Pirmatov c. Kirghizstan du 31 juillet 2008, Communications n° 1461/2006, 1462/2006, 1476/2006 et 1477/2006; Judge c. Canada du 5 août 2003, Communication n° 829/1998; Cox c.

Canada du 31 octobre 1994, Communication n° 539/1993; Ng c. Canada du 5 novembre 1993, Communication n° 469/1991; Kindler c. Canada du 30 juillet 1993, Communication n° 470/1991.

128 CDH, Judge c. Canada du 5 août 2003, Communication n° 829/1998, § 10.4. Voir NOWAK (2005), N 50 ad art.

7 PIDCP.

129 DE WECK (2016), p. 49. Voir dans ce sens CDH, Observation générale n° 31 (2004), § 12. Voir également CDH, Kindler c. Canada du 18 novembre 1993, Communication n° 470/1991, § 6.2.

23

3. L’interdiction de refoulement garantie par l’art. 3 CCT

44. En 1984, la Convention contre la torture consacre pour la première fois expressément à son art. 3 CCT le principe de non-refoulement en cas de risque de torture. L’interdiction de la torture implique en effet de ne pas renvoyer une personne vers un risque de torture.130 L’art. 3 CCT codifie un important principe de droit international général, selon lequel un Etat viole l’interdiction de la torture, non seulement lorsque ses autorités soumettent une personne à des actes de torture, mais également lorsqu’elles renvoient une personne vers un autre Etat dans lequel il y a des motifs sérieux de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture.131 Les rédacteurs de la Convention se sont clairement inspirés de la jurisprudence découlant de la Convention européenne des droits de l’homme dans la rédaction de l’art. 3 CCT, lequel dispose comme suit :

« 1. Aucun Etat partie n'expulsera, ne refoulera, ni n'extradera une personne vers un autre Etat où il y a des motifs sérieux de croire qu'elle risque d'être soumise à la torture.

2. Pour déterminer s'il y a de tels motifs, les autorités compétentes tiendront compte de toutes les considérations pertinentes, y compris, le cas échéant, de l'existence, dans l'Etat intéressé, d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives. » 132

Le principe de non-refoulement en cas de risque de torture trouve ainsi une consécration conventionnelle sur le plan universel.133

45. Le principe de non-refoulement prévu par l’art. 3 CCT ne concerne que le risque de torture et ne s’étend donc pas au risque de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.134 Le champ d’application matériel de l’art. 3 CCT apparaît donc plus limité que le principe de non-refoulement, tel qu’il a été développé par la jurisprudence découlant des art. 3 CEDH et 7 PIDCP. En outre, contrairement à ces traités, la CCT comprend une définition de la torture à son article premier. Il existe ainsi un lien évident entre les art. 1er et 3 CCT ; l’art. 3 CCT prévoit qu’une personne est protégée contre le refoulement si elle encourt un risque de torture au sens de l’art. 1er CCT.135

46. Le CAT a pour la première fois fait application de l’art. 3 CCT dans l’affaire Mutombo c. Suisse (1994), ce qui a valu à la Confédération helvétique

130 DELAS (2011), p. 69.

131 NOWAK/MCARTHUR (2008), N 1 ad art. 3 CCT. Voir également BURGERS/DANELIUS (1988), p. 125.

132 Voir dans ce sens DELAS (2011), p. 69; WEISSBRODT/HÖRTREITER (1999), p. 7; BURGERS/DANELIUS (1988), p. 35.

133 DELAS (2011), p. 69.

134 WOUTERS (2009), p. 438; WEISSBRODT/HÖRTREITER (1999), p. 8.

135 MESSINEO (2013), p. 137; WOUTERS (2009), p. 439.

24

d’être le premier Etat partie à être condamné à ce titre.136 Il s’agissait d’un ancien membre des forces armées zaïroises qui avait adhéré clandestinement à un mouvement politique appelé l’Union pour la démocratie et le progrès social, car il estimait être victime de discrimination à cause de son origine ethnique.137 En juin 1989, il avait été arrêté par des membres de la Division spéciale présidentielle, détenu pendant quatre jours dans un camp militaire

d’être le premier Etat partie à être condamné à ce titre.136 Il s’agissait d’un ancien membre des forces armées zaïroises qui avait adhéré clandestinement à un mouvement politique appelé l’Union pour la démocratie et le progrès social, car il estimait être victime de discrimination à cause de son origine ethnique.137 En juin 1989, il avait été arrêté par des membres de la Division spéciale présidentielle, détenu pendant quatre jours dans un camp militaire