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Le sentiment des biens spirituels

a) L’inefficacité de la grâce de lumière.

Nous avons déjà fait allusion à la grâce de sentiment dans la première partie de cette étude, à partir du livre V de la Recherche de la vérité. Malebranche y distingue l’instinct de sentiment, que Dieu a donné aux hommes pour leur faire connaître qu’ils sont unis aux corps, et la lumière de la raison, qui doit leur apprendre par une vue claire de l’esprit qu’ils sont unis à Dieu. En principe :

(…) nous ne sentons point naturellement notre union avec Dieu. Ce n’est point par l’instinct du sentiment que nous sommes persuadés que Dieu est notre tout, si ce n’est pas la grâce de Jésus Christ, laquelle cause en certaines personnes ce sentiment, pour les aider à vaincre le sentiment contraire par lequel ils sont unis au corps. Car Dieu comme Auteur de la nature porte les esprits à son amour par une connaissance de lumière, et non point par une connaissance d’instinct : et selon toutes les apparences, ce n’est que depuis le péché qu’il ajoute comme Auteur de la grâce l’instinct, la délectation prévenante à la lumière, à cause que notre lumière est maintenant beaucoup diminuée, qu’elle est incapable de nous porter à Dieu, et que l’effort du plaisir ou de l’instinct contraire l’affaiblit sans cesse et la rend inefficace1.

Dans l’ordre de la nature, le sentiment constitue une preuve d’instinct du rapport que les corps ont avec le nôtre, afin de laisser l’esprit libre d’occuper son attention et son temps à des objets dignes de lui. Les « sentiments prévenants2 » que sont les douleurs et les plaisirs que nous ressentons au contact des corps nous font connaître de façon courte, vive et sûre l’utilité de ces corps pour notre conservation, bien qu’ils demeurent confus. La lumière de la raison nous prouve quant à elle l’union que nous avons, par notre esprit, avec Dieu. Cette grâce de lumière devait suffire à Adam pour lui faire aimer les biens spirituels sans qu’il ait besoin d’en être touché de façon sensible, c’est-à-dire sans qu’il n’en ressente du plaisir. Cette connaissance de lumière, opposée à la connaissance d’instinct, devait garantir qu’il se porte à Dieu d’un amour libre, car, comme le disent les Entretiens sur la métaphysique et sur la

religion, « le vrai bien mérite d’être aimé uniquement par raison. Il doit être aimé d’un amour

1 RV, V, V, OC I, p. 529-530.

2 « [Dieu] a dû, pour ainsi dire, se charger de nous avertir en temps et lieu par des sentiments prévenants, de ce qui regarde le bien du corps, pour nous laisser tout entiers occupés à la recherche des vrais biens. Il a dû nous donner des preuves courtes de ce qui a rapport au corps pour nous convaincre promptement, des preuves vives pour nous déterminer efficacement, des preuves certaines, et qu’on ne s’avisât pas de contredire, pour nous conserver plus sûrement : mais preuves confuses, prenez-y garde (…) », EMR, IV, XV, OC II, p. 732.

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de choix1 » plutôt que d’un amour instinctif aveugle. En droit, si l’homme était conforme à ce que Dieu a voulu qu’il soit, il pourrait aimer son Créateur par un jugement purement spéculatif sur sa nature. Son amour serait fondé en raison. Toutefois, cette lumière est par nature inefficace, incapable de produire aucun mouvement en lui : elle n’occasionne aucun effet2. Elle peut lui enseigner qu’il est bon d’être uni à Dieu, mais en aucun cas elle ne suffit à le faire aimer. Cette inefficacité est encore affaiblie par l’efficacité de l’instinct de sentiment, lequel ne cesse d’occasionner en l’homme du plaisir au contact des biens sensibles – ce qui a mené Adam à pécher3.

Tel qu’il est institué par Dieu, le sentiment, en tant que perception de l’âme agréable ou désagréable, ne constitue rien d’autre qu’un principe de mouvement pour l’âme – qui, en l’occurrence, concentre son attention sur les objets sensibles. C’est comme tel qu’après le péché il est ajouté par Dieu à la lumière, afin de nous porter à nous unir à lui. Malebranche explique que pour l’aimer maintenant, « il faut que nous soyons prévenus de la délectation spirituelle4 » – le caractère « prévenant » devant être entendu dans un sens dynamique plutôt que cognitif. La connaissance de Dieu et de la vacuité des biens de la terre, soit notre rapport théorique à ces objets, n’a aucune incidence sur le rapport pratique que nous avons avec eux5. La grâce de sentiment dont Jésus-Christ est la cause occasionnelle est donnée pour que nous goûtions justement « de la douceur6 » aux plus grandes vérités de la morale chrétienne, afin que notre volonté cherche à les réaliser :

La vue de l’esprit toute seule ne nous fait donc jamais résister, comme nous le devons, aux efforts de la concupiscence : il faut outre cette vue un certain sentiment du cœur. Cette lumière de l’esprit toute seule est si on le veut une grâce suffisante, qui ne fait que nous condamner, qui nous fait connaître notre faiblesse et que nous devons recourir par la prière à celui qui est notre

1 Ibid., IV, XXI, p. 738.

2 RV, Écl. IV, OC I, p. 823 : « La lumière éclaire notre esprit, et nous fait connaître le bien sans nous porter actuellement et efficacement à l’aimer. Le plaisir au contraire nous pousse et nous détermine efficacement à aimer l’objet qui semble le causer. La lumière ne nous porte point par elle-même, elle fait seulement que nous nous portons, librement et par nous-mêmes, au bien qu’elle nous présente lorsque nous l’aimons déjà, et elle nous laisse entièrement à nous. »

3 CC, IV, OC I, p. 1209 : « [le premier homme] était convaincu de l’opération continuelle de Dieu sur lui. Mais sa conviction n’était pas sensible. Il le connaissait sans le sentir. Au contraire il sentait que les corps agissaient sur lui, quoiqu’il ne le connût pas. Il est vrai qu’étant raisonnable, il devait suivre sa lumière, et non pas son sentiment (…). Cependant, s’arrêtant trop à ses sens, se laissant aller peu à peu à les écouter plus volontiers que Dieu même, à cause que les sens parlent toujours agréablement, et que Dieu ne le portait pas à l’écouter par des plaisirs prévenants qui auraient diminué sa liberté ; vous concevez bien comment il a pu s’éloigner de Dieu jusqu’à le perdre de vue, pour s’unir de volonté à une créature, à l’occasion de laquelle il recevait quelque satisfaction (…) ».

4 Ibid.

5 « Tout le monde connaît qu’il y a un Dieu, qu’il faut l’adorer et le servir : mais qui le sert et qui l’adore sans la grâce, laquelle seule nous fait goûter de la douceur et du plaisir dans ces devoirs ? » RV, III, I, IV, IV, OC I, p. 316.

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force. Mais ce sentiment du cœur est une grâce vive qui opère. C’est elle qui nous touche, qui nous remplit, et qui nous persuade le cœur1 (…)

Dans la Recherche de la vérité, Malebranche sépare la connaissance que nous donnent les lumières de notre raison du mouvement que le sentiment produit en notre volonté. Il accentue pour les besoins de la démonstration la séparation entre l’entendement et la volonté, deux modalités de l’âme unique chez Descartes, qui semblent renvoyer ici à deux facultés séparées, l’esprit et le cœur. Si elle ne renvoie pas nécessairement à deux facultés, cette distinction rappelle au moins l’argumentation pascalienne des trois ordres et l’incapacité propre à l’esprit de produire aucun mouvement de charité. Un premier intérêt du sentiment ajouté à la grâce de lumière est donc qu’il est principe de mouvement pour la volonté. En outre, le sentiment compris comme modalité de l’âme présente cet avantage qu’il ne peut pas être sans qu’elle en soit touchée ; et en tant que plaisir, il ne peut pas toucher l’âme sans qu’elle l’aime. C’est bien le problème lorsqu’il fait goûter des biens sensibles :

Mais les plaisirs des sens sont plus proches de l’âme et n’étant pas possible de ne pas sentir, et même de ne pas aimer son plaisir, il n’est pas possible de se détacher de la terre, et de se défaire des charmes et des illusions de ses sens par ses propres forces2.

En reconnaissant ainsi l’efficacité du plaisir, ou l’effet qu’il produit sur l’âme, Malebranche justifie d’une certaine manière la conduite de l’homme pécheur : celui-ci n’a aucun pouvoir sur les plaisirs occasionnés par les biens sensibles. Il doit actuellement ressentir une satisfaction à leur occasion, qui vient combler l’inclination naturelle qu’il a par ailleurs pour le bonheur. Par là, l’homme est naturellement et même nécessairement conduit à les aimer et à se détourner de Dieu si Jésus-Christ ne lui vient en aide par la délectation de la grâce3. Même si Dieu ne cesse de s’adresser aux hommes et de les rappeler par la voix de la raison, seul Jésus-Christ rend ce rappel sensible et par là même efficace4.

Concrètement, cette grâce renvoie à l’incarnation de Jésus5 : dans le cinquième entretien des Entretiens sur la métaphysique et sur la religion, Théodore rappelle que la Raison

1 Ibid.

2 Ibid., p. 316-317.

3 Voir aussi RV, IV, X, I, OC I, p. 446 : « Il leur faut dire que bien que ces plaisirs soient bons en eux-mêmes et capables de les rendre en quelque manière heureux, ils doivent néanmoins les éviter pour des raisons semblables à celles que j’ai apportées. Et il faut les avertir, qu’ils ne les peuvent point éviter par leurs propres forces : parce qu’ils désirent d’être heureux par une inclination qu’ils ne peuvent vaincre, et que ces plaisirs passagers qu’ils doivent éviter, la contentent en quelque manière ; et qu’ainsi ils sont dans une misérable nécessité de se perdre, s’ils ne sont secourus par la délectation de la grâce qui contrebalance l’effort continuel des plaisirs sensibles. »

4 CC, IV, OC I, p. 1206 : « Lorsque les hommes pèchent actuellement, il y a inimitié entre eux et Dieu, vous n’en doutez pas ; et cependant Dieu les rappelle à lui par les reproches qu’il leur fait. (…) Il n’y a que ceux qui sont rappelés en Jésus Christ, qui reviennent : car il n’y a que la grâce qui puisse rendre ce rappel efficace. Sans la grâce de Jésus-Christ, l’attrait sensible a plus de force que ce rappel intérieur. »

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même s’est incarnée pour être à la portée de tous les hommes et frapper les yeux et les oreilles de ceux qui ne peuvent ni voir ni entendre que par leurs sens. La vérité intérieure a paru hors de nous « afin de nous apprendre d’une manière sensible et palpable les commandements éternels de la loi divine : commandements qu’elle nous fait sans cesse intérieurement, et que nous n’entendons point, répandus au-dehors comme nous le sommes1 ». Depuis l’incarnation qui consacre l’union de l’âme au corps, la vérité se donne dans le sentiment. Si rien n’est plus abstrait et moins sensible que l’Ordre ou la sagesse divine,

(…) l’Ordre rendu sensible et visible par les actions et les préceptes de Jésus-Christ, peut aussi nous conduire. Mais c’est qu’effectivement cet ordre sensible élève l’esprit à la connaissance de l’ordre intelligible : car le Verbe fait chair, n’est notre modèle que pour nous conformer à la Raison, modèle indispensable de toutes les intelligences, modèle sur lequel le premier homme a été formé, modèle sur lequel nous devons être réformés par la folie apparente de la foi, qui nous conduit par nos sens à notre Raison, à la contemplation de notre modèle intelligible2.

La grâce de sentiment est le principe de la foi : c’est par elle que les hommes peuvent croire dans la plupart des dogmes. Si Malebranche considère que les vérités de la foi doivent à terme être comprises par l’intelligence – c’est le but affiché de la philosophie à partir des

Conversations chrétiennes –, il pense qu’elles se font d’abord sentir dans la vie du Christ. La

grâce de sentiment est avant tout donnée dans le récit de l’Évangile ; « plaisir à plaisir, horreur à horreur3 », le nouvel Adam fait sentir à l’homme déchu la vérité : des scènes telles que le lavement des pieds ou la crucifixion placent le corps au centre du mystère divin et font vivre à l’homme pécheur la proximité de son Dieu. Mais, plus simplement encore, l’Évangile montre Jésus qui ne cesse de faire du bien : il guérit les malades, multiplie le pain et le vin, pardonne la femme adultère, etc.4 : les dogmes de l’incarnation et de la rédemption deviennent sensibles5. Dispensant le bien, nous faisant plaisir, Jésus nous fait l’aimer avec plaisir ; or le plaisir est pour l’oratorien la marque sensible du bien. Le Christ nous montre

1 EMR, V, IX, OC II, p. 752.

2 TM, I, V, XII, OC II, p. 467.

3 « Il fallait donc que le second Adam, pour remédier aux désordres du premier, produisît en nous des plaisirs et des horreurs contraires à ceux de la concupiscence ; des plaisirs par rapport aux vrais biens, et des horreurs ou des dégoûts par rapport aux biens sensibles » TNG, II, I, XXIX, OC II, p. 88 ; « Il fallait opposer la grâce de sentiment à la concupiscence, plaisir à plaisir, horreur à horreur, afin que l’influence de Jésus-Christ fût directement opposée à l’influence du premier homme. » Ibid., II, I, XXX, p. 88.

4 Jésus, en plus de rendre sensible l’amour de Dieu, rend sensible la morale chrétienne cf. RV, VI, II, VI, OC I, p. 705 : « Il fallait que la sagesse se présentât devant nous sans toutefois sortir hors de nous, afin de nous apprendre par des paroles sensibles, et par des exemples convaincants, le chemin pour arriver à la vraie félicité. (…) ». L’Évangile permet de découvrir la morale chrétienne en s’épargnant la méditation qui pourrait aussi nous y conduire. Elle produit une certitude, la foi, qui convainc l’esprit sans l’éclairer.

5 La conception de Malebranche s’inscrit ici dans la continuité du programme établi par le Concile de Trente de la Contre-Réforme, qui donne une fonction centrale aux images dans la diffusion de la foi.

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ainsi que Dieu incarné en lui, est notre bien. Voilà pourquoi « Ce n’est que par la douceur de la grâce de notre Médiateur Jésus Christ que nous sentons que Dieu est notre bien1 ».

b) Sentiment contre sentiment.

Avec la grâce de Jésus-Christ, Dieu fait jouer sentiment contre sentiment : la grâce de sentiment est constituée de sentiments ou délectations « semblables aux plaisirs prévenants qui avait commencé notre maladie2 ». Si la mortification des sens constitue pour Malebranche une première voie pour nous rétablir dans l’ordre, la seconde consiste à battre l’ennemi sur son propre terrain, par la mise en concurrence des plaisirs des sens avec les plaisirs spirituels – qui sont tous deux, disons-le bien, des modifications de l’âme3. C’est la fameuse image de la balance : contre le poids des premiers, il faut demander à Dieu « le poids de sa grâce4 » qui seul peut venir le compenser. Cette métaphore suggère bien la teneur affective ou l’intensité quasiment matérielle par laquelle Malebranche définit les sentiments de plaisir et de douleur, et qui les éloigne encore des idées purement intelligibles qui sont en Dieu5.

Dans l’énumération qu’il donne des productions que Dieu fait « en nous sans nous6 » dans les Réflexions sur la prémotion physique, se trouvent « toutes nos perceptions agréables ou désagréables, intéressantes ou non7 », qu’il produit en conséquence des lois générales de la grâce, ou bien en conséquence des lois générales de la nature. Selon les premières, Dieu produit les perceptions qui nous font « connaître et goûter le vrai bien » et celles qui produisent un dégoût pour le vice8 ; selon les secondes, Dieu produit les perceptions qui nous font connaître et goûter les biens apparents. Ces perceptions ont d’abord en commun de précéder la connaissance que leur objet est un bien ou un mal, et s’opposent en cela aux sentiments de joie ou de tristesse spirituels qui suivent la connaissance que nous sommes en possession d’un objet bon ou mauvais. Alors que ces derniers supposent l’amour de l’objet auquel on se réjouit d’être lié et qu’on regrette, les premiers précèdent l’amour ou la haine

1 RV, V, IV, OC I, p. 520-521.

2 Ibid., VI, II, VI, p. 705.

3 F. Alquié insiste bien sur l’absence de différence qualitative entre la délectation de la grâce et les voluptés de la concupiscence, op. cit., p. 481.

4 RV, I, V, I, OC I, p. 52 ; TNG, III, II, XX, OC II, p. 123 ; voir la note 3 de G. Rodis-Lewis au cinquième Éclaircissement, OC I, p. 1645.

5 Sur la distinction entre les sentiments ou perceptions de l’âme et les idées, voir notre Première partie, chapitre 1.

6 Parmi lesquelles il faut compter notre inclination naturelle pour le bonheur et le mouvement physique qui nous pousse vers l’objet dont l’âme a une perception agréable, Voir RPP, X, p. 41.

7 Ibid.

8 Ainsi la grâce de sentiment ne comprend pas seulement la délectation prévenante mais aussi les sentiments de dégoût et d’horreur pour le vice cf. TNG, III, II, XXXIV, OC II, p. 132-133.

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pour l’objet et causent cet amour1. C’est dans ce rapport causal que se complexifie la théorie des sentiments prévenants et qu’elle devient intéressante pour nous. En effet, si la douleur de la brûlure fait haïr le feu, c’est qu’elle nous informe du caractère nocif de ce dernier pour nous. De même, si le plaisir de la contemplation de la vie de Jésus fait aimer Dieu, c’est qu’il nous informe du caractère bienfaisant de Jésus pour nous2. Dans le quatorzième Éclaircissement qui développe ces distinctions et au terme duquel Malebranche concède qu’il est difficile de déterminer distinctement en quoi consiste le plaisir prévenant dans la mesure où nous n’avons pas d’idée claire de l’âme ni de ses modifications, il se contente d’établir, in

fine, que ce type de sentiment est une « perception agréable de quelque objet, produite par

l’idée qui affecte l’âme3 ». Cette définition apparemment évidente et banale constitue en fait un ressort déterminant pour la démonstration du caractère représentatif des sentiments prévenants en général et de celui de la délectation spirituelle en particulier qui suivra dans les écrits ultérieurs.

2) Sentiment, perception et amour de Dieu.

La définition précédente apporte un premier élément absent de la caractérisation du sentiment qui s’est imposée dans les passages dont nous avons traités dans notre première partie : ceux-ci étaient encore consacrés à montrer la distinction entre la perception ou modification de l’âme et l’idée en Dieu, ou encore, au sein des perceptions, entre les sensations et les sentiments intérieurs. D’après la première opposition, l’idée possédait un caractère représentatif que n’avait pas la perception ; d’après la seconde opposition, la sensation s’accompagnait d’un jugement objectif absent du sentiment. Le quatorzième Éclaircissement, en définissant le sentiment comme « perception agréable de quelque objet, produite par l’idée qui affecte l’âme » suggère au contraire qu’une dimension intentionnelle se joint au caractère affectif du sentiment qu’est le plaisir prévenant : cette perception agréable est en même temps la perception d’un objet (et est par ailleurs produite par l’idée qui affecte