• Aucun résultat trouvé

La primauté des sentiments

Pour comprendre la façon dont le sentiment joue un rôle dans la connaissance de soi chez Condillac, il convient de repartir de l’analyse des opérations de l’âme qu’il donne dans le

Traité des sensations de 1754. Condillac entend retracer l’ordre d’apparition des opérations de

des idées de l’âme au moyen d’une fiction, celle d’une statue qui serait dotée de ses sens les uns après les autres. Par cette fiction, il entend pousser l’analyse plus loin qu’il ne l’avait fait dans l’Essai sur l’origine des connaissances humaines de 1746 en montrant que même l’usage des sens s’acquiert1. Dès son préambule, il annonce que le principe du développement des facultés de la statue est que chaque sensation procure du plaisir ou de la douleur :

Le principe qui détermine le développement de ses facultés est simple ; les sensations même le renferment : car toutes étant nécessairement agréables ou désagréables, la statue est intéressée à jouir des unes et à se dérober aux autres2.

Condillac indique très clairement que c’est la dimension affective de chaque sensation qui détermine l’attention que l’âme porte à chacune et ainsi l’ordre d’engendrement des idées en l’âme. On peut déjà dire que si, dans le Traité de 1754, les sensations sont l’origine des connaissances, les sentiments que sont le plaisir ou la douleur en sont le principe, au sens de cause motrice et finale. Or, si Condillac, dans l’Essai, mettait au premier plan l’existence de besoins pour expliquer le développement des opérations de l’âme, il ne mentionnait pas encore l’influence déterminante du plaisir et de la douleur. La régression des besoins aux sentiments de plaisir et de douleur qui s’opère avec le Traité des sensations nous semble s’intégrer dans l’exigence nouvelle qu’il a assignée à cet écrit : dans l’Essai, parler de

1 Voir l’Extrait raisonné du Traité des sensations, Genève, Slatkine Reprints, 1970, t. III, pp. 19-22, et le Dessein de cet ouvrage, ibid., p. 38. Sauf exception que nous signalerons, nous citerons les œuvres de Condillac dans cette édition qui reprend l’édition des œuvres complètes de 1821-1822, faite à Paris par A. Théry, 16 volumes in-8. L’orthographe est systématiquement modernisée. Nous renvoyons à l’étude qu’A. Charrak a consacré à l’Essai sur l’origine des connaissances humaines : A. Charrak, Empirisme et Métaphysique, L’Essai

sur l’origine des connaissances humaines de Condillac, Paris, Vrin, 2009.

110

« besoin » sans parler des premières affections de plaisir et de douleur revenait à considérer que le savoir de ce qui est utile ou nuisible à la conservation était en quelque sorte inné. Il s’agit désormais d’observer comment les besoins se constituent comme tels, à partir de la succession du plaisir et de la douleur et de l’exercice de la mémoire. C’est en ce sens qu’on peut parler de « connaissance par sentiment » chez l’abbé : ce dernier considère que la statue doit être intéressée aux différentes sensations qu’elle reçoit, non seulement parce qu’elle ne cherche à connaître que ce qui l’intéresse, mais, avant cela, parce qu’elle ne remarque que ce qui l’intéresse1. Sa conception incarne ainsi l’exigence propre aux philosophes du XVIIIe siècle qui considèrent, à la suite de Malebranche2, que la connaissance ne peut être séparée d’une perspective de bonheur ; « on se convaincra, ajoute Condillac, que cet intérêt suffit pour donner lieu aux opérations de l’entendement et de la volonté3 ». En vertu de sa capacité à éprouver du plaisir et de la douleur à l’occasion des sensations, la statue est un être intéressé, qui, au fur et à mesure que son besoin et ses désirs s’expriment, est amenée à perfectionner ses capacités en vue d’y répondre.

Le chapitre II du premier livre s’attache à décrire les opérations de l’entendement chez un homme borné au sens de l’odorat et « comment les différents degrés de plaisir et de peine sont le principe de ces opérations4 ». Chaque perception est constituée d’un versant représentatif (ici l’odeur de telle ou telle fleur) et d’un versant affectif (le plaisir et la peine éprouvés au moment de sentir telle ou telle odeur5). S’agissant du premier point, Condillac emploie les uns pour les autres les termes d’idées et ceux d’odeurs d’œillet, de rose, etc. ; il remplace aussi le terme d’« idées » par l’expression « manières d’être », conformément au propos général du traité d’après lequel l’idée de l’extériorité s’acquiert très tard, avec le

1 Cf. « Les observations que nous avons faites nous fournissent le principe qui doit nous conduire dans cette recherche : c’est qu’elle [la statue] ne remarquera, dans ses sensations, que les idées auxquelles le plaisir et la douleur lui feront prendre quelque intérêt. L’étendue de cet intérêt déterminera l’étendue de ses connaissances »

Ibid., II, VIII, 2, p. 152-153. Cassirer a bien montré dans La philosophie des Lumières que Condillac reprend à

Locke la notion d’inquiétude tout en amplifiant son rôle dans la vie humaine : l’alternance du plaisir et du malaise meut l’entendement aussi bien que la volonté, op. cit., p. 125 sqq.

2 « Il faut remarquer en second lieu, par rapport aux idées mêmes qu’il dépend de nous de consulter, que pour s’y rendre attentif : il faut le vouloir, et que pour le vouloir, il faut quelque motif physique. Il faut que l’objet plaise et intéresse en quelque manière, le désir d’être heureux ; car vouloir c’est consentir à un motif », Malebranche, RPP, XII, p. 49-50.

3 Condillac, op. cit. p. 40.

4 Ibid., I, II, p. 45.

5 « A chaque découverte qu’elle fait, elle éprouve que le propre de chaque sensation est de lui faire prendre connaissance, ou de quelque sentiment qu’elle juge en elle, ou de quelque qualité qu’elle juge au-dehors. » Ibid., II, VIII, 28, p. 168. Notons que ce passage est bien plus loin dans le Traité, et que le toucher a fait découvrir à la statue que ses manières d’être sont des idées des qualités des corps extérieur. Mais on retrouve l’idée que chaque sensation contient un versant affectif et un versant éidétique.

111

secours du toucher1. Au début du Traité, non seulement la statue ne connait rien comme étant extérieur à elle, mais elle ne se connaît elle-même que comme odeur. Cette précision est importante pour notre sujet car elle implique que la distinction entre sensations et sentiments ne sera pas fondée sur l’orientation de ces différentes perceptions, les premières représentant un objet extérieur et les secondes des modifications intérieures à l’âme. Elle devra plutôt être comprise comme la différence entre un contenu (l’odeur de rose, l’odeur d’œillet) et une valeur dotée d’une certaine intensité (un plaisir intense, un plaisir faible).

Toutefois, comme le suggère Mérian dans son Parallèle des deux principes de

psychologie, la distinction entre ces deux aspects ne va pas de soi dans le texte de Condillac,

lequel « semble supposer que le plaisir ou la peine qui résulte d’une sensation n’est autre chose que cette sensation même2 ». Il faut bien admettre que Condillac n’est pas clair sur ce sujet : il semble par moments tenir que les premières sensations sont purement affectives3, à d’autres considérer qu’elles indiquent une qualité, immédiatement ressentie comme une jouissance ou une peine4. Mérian lui-même hésite sur le point de son désaccord : toujours dans cet essai, il écrit qu’il eût souhaité que Condillac veuille bien entrer« dans quelque détail touchant la nature du plaisir et de la douleur, qu’il suppose nécessairement attachés aux sensations5 » (n.s.). Ainsi, Mérian ne sait pas trop, au juste, ce que Condillac a voulu dire sur les sensations de plaisir et de peine – sont-ils confondus avec les sensations ou seulement attachés à elles ? Selon lui, cette hésitation sur ce qui est à réfuter montre qu’une genèse bien conduite des sentiments, qui clarifie leur statut par rapport aux sensations, manque au Traité.

Pourtant, il nous semble que l’analyse des opérations de l’entendement dans un homme borné au sens de l’odorat, proposée dans le chapitre II du livre I, permet justement de déployer l’écart existant entre les sensations et les sentiments, les premières renvoyant au

1 Tant que le toucher ne s’est pas exercé, les sensations de la statue ne renvoient à aucun objet extérieur qu’elle pourrait identifier comme étant la cause de ses sensations.

2 Mérian, « Parallèle de deux principes de psychologie », Choix des mémoires et abrégé de l’histoire de

l’académie de Berlin, tome second, Chez Rozet, 1767, p. 372 (écrit en 1757, première édition publiée à Berlin en

1759). Pour A. Charrak, cette interrogation de Mérian vise à mettre à l’épreuve la fidélité de Condillac à ses propres principes, et notamment à celui de s’en tenir à la description des contenus de conscience qui apparaissent effectivement. Voir son article « Le sens de l’expérience dans l’empirisme des Lumières », Quaestio, vol. 4, 2004, p. 244-245.

3 « Le principe qui détermine le développement de ses facultés est simple ; les sensations même le renferment : car toutes étant nécessairement agréables ou désagréables, la statue est intéressée à jouir des unes et à se dérober aux autres », Condillac, op. cit., p. 39.

4 « Les connaissances de notre statut bornée au sens de l’odorat ne peuvent s’étendre qu’à des odeurs. (…) Si nous lui présentons une rose, (…) par rapport à elle, elle ne sera que l’odeur de cette même fleur », ibid., I, I, 2, p. 44 ; « A la première odeur la capacité de sentir de notre statue est toute entière à l’impression qui se fait sur son organe. Voilà ce que j’appelle attention. (…) Dès cet instant elle commence à jouir ou à souffrir », ibid., I, II, 1-2, p. 45.

112

contenu des sensations et les seconds à la valeur attachée à ce contenu. Reprenons cette histoire à son commencement. La mémoire apparaît la première, présentée dans un premier temps de façon assez vague, comme « l’impression » du corps odoriférant qui demeure dans la statue1. Selon l’intensité de l’attention passée de la statue à l’odeur qui l’a modifiée, l’impression qui en reste est plus ou moins forte. La permanence de cette impression explique que lorsque la statue « est une nouvelle odeur », « elle a donc encore présente celle qu’elle a été le moment précédent2 ». Pour l’instant, la mémoire apparaît seulement comme la capacité qu’a la statue de demeurer une sensation passée ou d’être attentive à la sensation passée dont l’impression dure encore. Condillac précise alors indirectement ce qu’il entend par sensation :

Ignorant qu’il y a des objets qui agissent sur elle, ignorant même qu’elle a un organe, elle ne distingue ordinairement le souvenir d’une sensation d’avec une sensation actuelle, que comme sentir faiblement ce qu’elle a été, et sentir vivement ce qu’elle est3.

La sensation actuelle et la sensation passée sont synonymes de sentir vivement et sentir faiblement et non pas de sentir l’impression d’un objet présent ou de sentir l’impression d’un objet absent, dans la mesure où la statue ignore encore l’existence d’objets extérieurs. À ce stade du Traité, le cadre encore minimal de l’analyse manifeste l’essence purement affective de la mémoire : c’est l’intensité de l’impression qui permet à la statue de faire la distinction entre une sensation actuelle et une sensation passée et non le souvenir d’un contenu rapporté à un objet. Cela est d’autant plus vrai qu’à ce stade du développement de la statue, ses sensations ne sont pour elles que des modifications de son être et non les images d’objets extérieurs. Ainsi, à première vue, les modifications qui font une impression faible relèvent de l’histoire passée de la statue et celles qui font une impression vive relèvent de son histoire actuelle. La diminution de l’impression qui accompagne la sensation engendre naturellement la mémoire. « La mémoire n’est donc qu’une manière de sentir4 » : elle est mémoire de ce qui sera nommé sentiment dans le paragraphe suivant, avant d’être mémoire des objets.

En effet, Condillac ajoute ensuite une précision concernant le fonctionnement général de la mémoire : « Je dis ordinairement, parce que le souvenir ne sera pas toujours un sentiment faible, ni la sensation un sentiment vif 5 ». Ici apparaît une distinction terminologique claire entre sensation et sentiment : la sensation est l’impression d’une modification actuelle, le sentiment désigne la vivacité de cette impression. Il renvoie à

1 Condillac, op.cit., I, II, 6, p. 47.

2 Ibid., I, II, 8, p. 48.

3 Ibid.

4 Ibid.

113

l’intensité affective de la sensation ou au fait de « sentir vivement ce qu’elle [la statue] est » dont il était question dans le paragraphe précédent. Il désigne l’impression ou la manière d’être sous le point de vue qualitatif de son intensité, alors que la sensation désigne l’impression sous le point de vue de son rapport à une cause extérieure présente. C’est ce dernier point de vue qui permet dans cette citation de distinguer les deux impressions en « souvenir » et « sensation », selon que la cause (occasionnelle) de la manière d’être est ou non présente. Néanmoins, les deux ont en commun un sentiment de leur intensité, par quoi il n’est pas possible de les distinguer infailliblement. Justement, il est tout à fait possible, pour Condillac, d’avoir un sentiment vif d’une sensation passée, et un sentiment faible d’une sensation présente, ce qu’il explique dans les lignes qui suivent : « alors le sentiment d’une sensation actuelle sera bien moins vif, que le souvenir d’une sensation qui n’est plus1 ». Non seulement cela entérine la distinction entre sensation et sentiment, mais cela implique aussi que l’ordre de nos idées dans la mémoire ne respecte pas forcément l’ordre chronologique de leur apparition2. Il dépend davantage de l’intensité de chaque idée, i.e. de la vivacité du sentiment qui accompagne la sensation3.

Après avoir rendu compte de l’apparition de la mémoire, Condillac continue à déployer le principe d’analyse subordonnant les différentes opérations aux modifications affectives de la statue, jusqu’aux cas exemplaires de l’étonnement et de l’imagination. L’apparition de la mémoire va d’abord rendre possible l’apparition des notions de changement et de succession : c’est la coexistence de deux sensations différentes dans l’âme, l’une se rapportant au passé et l’autre au présent, qui donne à la statue ces idées. C’est encore au sein d’un régime affectif que la statue acquiert ces notions : « En passant de la sorte par deux manières d’être, la statue

sent qu’elle n’est plus ce qu’elle a été : la connaissance de ce changement lui fait rapporter la

première à un moment différent de celui où elle éprouve la seconde (n.s.)4» : le sentiment livre ici une connaissance résiduelle, celle de la cessation d’un état qui révèle l’existence d’un passé. L’étonnement manifeste davantage encore l’importance du sentiment dans le développement des opérations de l’âme : à la suite des précédentes, il résulte d’un constat

1 Ibid.

2 Le problème de Condillac est de rendre possible le rapport à ce qui n’est plus alors que l’esprit est fondamentalement présence à soi, présence que désigne le sentiment.

3 « Mais lorsqu’il y a eu une suite de modifications, la statue conservant le souvenir d’un grand nombre, sera portée à se retracer préférablement celles qui peuvent davantage contribuer à son bonheur : elle passera rapidement sur les autres, ou ne s’y arrêtera que malgré elle » (Ibid., I, II, 21, p. 54). Précisons que en ce qui concerne l’activité de la mémoire, c’est l’intensité d’une sensation passée en tant qu’elle est plaisante qui peut perturber l’ordre de liaison des idées. Condillac ne semble pas considérer que des souvenirs douloureux puissent occuper l’esprit.

114

affectif – la conscience d’un changement brusque dans le plaisir ou la douleur – que par là même il rend sensible :

Cet étonnement lui fait mieux sentir la différence de ses manières d’être. Plus le passage des unes aux autres est brusque, plus son étonnement est grand, et plus aussi elle est frappée du contraste des plaisirs et des peines qui les accompagnent. Son attention, déterminée par des plaisirs et par des peines qui se font mieux sentir, s’applique avec plus de vivacité à toutes les sensations qui se succèdent. Elle les compare donc avec plus de soin : elle juge donc mieux de leurs rapports. L’étonnement augmente, par conséquent, l’activité des opérations de son âme. Mais puisqu’il ne l’augmente, qu’en faisant remarquer une opposition plus sensible entre les sentiments agréables et les sentiments désagréables, c’est toujours le plaisir et la douleur qui sont le premier mobile de ses facultés1.

L’étonnement survient quand, à mesure que la statue s’habitue à l’enchaînement de ses sensations, son attention diminue : il a pour effet de la réveiller et de fortifier sa capacité de juger. C’est le passage à peine sensible d’une certaine manière d’être à une autre très différente d’elle (par exemple, deux odeurs) qui cause l’étonnement, en même temps que celui-ci révèle ce passage. L’étonnement ne survient qu’à la condition qu’une nouvelle idée provoque un sentiment en rupture avec ceux auxquels la statue s’était habituée. C’est ce dernier effet qui représente un vrai bénéfice pour le développement des facultés de l’âme : ce n’est pas la nouveauté de l’idée considérée indépendamment de son intensité affective qui stimule l’activité de l’âme, mais c’est la vivacité du sentiment qui accompagne cette nouvelle idée qui fait que l’âme s’y intéresse : « Elle les compare donc avec plus de soin : elle juge donc mieux de leurs rapports2 ». L’étonnement est un cercle vertueux qui rend l’âme sensible à de nouveaux plaisirs ou à de nouvelles peines, qui eux-mêmes font redoubler l’attention de l’âme envers ces nouveaux objets ou manières d’être. Même si Condillac ne la mentionne pas explicitement, il semble bien que l’étonnement sollicite les premiers effets de la réflexion dans la mesure où l’âme discerne deux types d’agréments. Remarquons que Condillac ne mentionne pas non plus le terme de « jugement », qui sera réservé à la comparaison des idées3, c'est-à-dire aux modifications représentatives que sont les sensations, que seule la réflexion pourra faire apparaître4. Pourtant, il y a bien, dans le phénomène de l’étonnement, la perception d’une différence entre deux manières d’être : la statue est « frappée du contraste des plaisirs et des peines », elle remarque « une opposition » entre plaisirs et douleurs, ce qui augmente son activité. Condillac hérite ainsi, d’une certaine manière, de la réticence

1 Ibid., I, II, 18, p. 52.

2 Ibid.

3 “Un jugement n’est donc que la perception d’un rapport entre deux idées que l’on compare », Ibid., I, II, 15, p. 51.

4 « Pour un être qui ne réfléchit pas (…), les sensations ne sont que des sensations, et elles ne deviennent des idées que lorsque la réflexion nous le fait considérer comme images de quelque chose. », Essai sur l’origine des

115

malebranchiste à considérer les sentiments de l’âme comme objets possibles du jugement. Seules les idées peuvent être véritablement comparées. Même s’il renforce les capacités propres de la perception en lui conférant le pouvoir de juger, celui-ci continue à ne s’appliquer qu’à des rapports entre des idées, qui n’apparaissent, selon lui, qu’au niveau de la sensation. Ces sensations qu’il est possible de comparer ne sont précisément pas les sentiments qui les accompagnent. Enfin, l’analyse de l’étonnement permet d’identifier le sentiment défini comme vivacité ou intensité d’une sensation avec le degré de plaisir ou de peine qu’elle provoque.

C’est à la fin du chapitre, à propos de l’imagination, que l’importance du sentiment dans la genèse des idées apparaît le plus fortement. Lorsque les sentiments sont d’une vivacité telle qu’ils retiennent l’attention de l’esprit de manière exclusive, au détriment des sensations actuelles, et donnent l’impression que les sensations passées sont présentes, l’esprit imagine. Ainsi, on parle de « mémoire » lorsque la mémoire « ne rappelle les choses que comme