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5.4 Perception d'élèves intégrés dans une école en Finlande : présentation et discussion des

5.4.1 Le sentiment d'appartenance des élèves

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La première question de recherche s'intéresse au sentiment d'appartenance des élèves à besoins éducatifs particuliers intégrés, voire inclus en classe ordinaire. Il est ici question du groupe ou de la micro-communauté scolaire à laquelle ces élèves se sentent appartenir, étant donné qu'ils bénéficient de périodes de soutien d'enseignement spécialisé en groupe restreint à l'extérieur de la classe ordinaire. Les résultats figurent dans le tableau 2.

Tableau 2 : Sentiment d'appartenance et pourcentage du temps scolaire passé en groupe restreint Age et degré réponses indiquent le degré administratif de l'organisation scolaire; tous les élèves recourent à cette terminologie socialement convenue pour indiquer la « classe dans laquelle ils sont ».

Comme l'indique le tableau 2, au moment de cette recherche, les élèves sont dans les petits groupes entre six et vingt-deux leçons par semaine, ce qui représente entre 26% et 75% de leur temps hebdomadaire d'enseignement. En effet, 4 élèves passent moins de 50% de leur temps scolaire hebdomadaire en groupe restreint. Les 7 autres élèves y passent plus de 50% de leur temps scolaire hebdomadaire et, parmi eux, 2 élèves y sont jusqu'à 75% du temps hebdomadaire. Quand on demande aux élèves « quelle est ta classe », 8 élèves sur 11, soit plus de 70%, se sentent appartenir au « au petit groupe », c'est-à-dire au groupe constitué pour le soutien d'enseignement spécialisé.

Les 2 élèves qui se sentent clairement appartenir à leur classe ordinaire sont des élèves de troisième primaire (ou 5P Harmos en Suisse) qui fréquentent le groupe restreint seulement six heures par semaine sur vingt-trois, soit à raison de 26% du temps

Pour quelques élèves, le petit groupe est une situation temporaire en raison de leurs besoins spécifiques momentanés. Pour d'autres élèves, il s'agit d'un soutien à long terme toujours adapté à leurs besoins. Chaque élève est considéré selon une situation unique qui demande des adaptations personnalisées. Ce qui est décidé au début de l'année scolaire peut être modifié en cours d'année en fonction des besoins spécifiques de l’élève. Or, une école inclusive essaie de favoriser la participation de tous les élèves, autant que possible, aux activités de la classe ordinaire. Si les élèves répondent qu'ils appartiennent au « petit groupe », cela signifie qu'ils ne se perçoivent pas eux-mêmes comme membre de la classe ordinaire.

Les résultats montrent que quand le ratio du temps scolaire hebdomadaire dévolu au soutien à l'extérieur de la classe est supérieur à 30% du temps hebdomadaire, le groupe scolaire d'appartenance devient le « petit groupe » d'enseignement spécialisé. Nous pouvons supposer qu'il est relativement normal que les élèves s'identifient comme membre de ce groupe lorsqu'ils y passent plus de 50% de leur temps. Néanmoins, deux élèves qui passent environ 40% de leur temps dans le petit groupe, et donc par conséquent plus de 50% du temps dans leur classe ordinaire, s'identifient aussi comme appartenant au « petit groupe ». Des analyses plus fines des propos des élèves

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permettent de comprendre qu'il s'agit non seulement du temps, mais avant tout du contexte qui, selon les élèves, est celui qui permet d'intégrer le rôle d'élève. En effet, Virva est dans le « petit groupe » pour environ un tiers du temps, mais elle se définit comme appartenant au « petit groupe

» puisque c'est la classe où elle apprend le plus. Elle rapporte que c'est le contexte où elle se sent le plus confortable et où elle reçoit le plus d'aide : « A mon avis, il [l'enseignant spécialisé] enseigne mieux […] il explique de la bonne manière. D'une certaine façon, je comprends mieux ses manières […] C'est quelqu'un de détendu. Il est drôle et joyeux... Il est plus... Il est juste meilleur. Je comprends mieux [ce qu'il explique] ». Concernant Jani, ses réponses sont plus confuses. Il est difficile d'identifier à quelle classe il appartient. Il énonce les deux classes, expliquant qu'il apprend le plus avec son enseignant ordinaire mais reçoit le plus d'aide de la part de l'assistant. Il fréquente le groupe restreint 40% du temps hebdomadaire et pour trois disciplines scolairement importantes et sélectives (finnois, anglais et mathématiques). Il est dès lors difficile pour lui de se sentir appartenir à un seul groupe puisque son horaire et ses activités importantes d'apprenant sont est relativement partagées entre les deux contextes.

En constatant que la plupart des élèves passent plus de la moitié du temps scolaire hebdomadaire en groupe de soutien d'enseignement spécialisé auquel ils se sentent, par conséquent, appartenir, nous nous demandons dans quelle mesure les expériences scolaires quotidiennes et les activités correspondent à une approche scolaire inclusive.

Une pensée commune stipule que l'inclusion concerne d'abord l'éducation d'élèves déficients, ou ceux identifiés comme ayant des besoins éducatifs particuliers dans une classe ordinaire (Ainscow, Booth et Dyson, 2006, p.15). Mais l'inclusion ne se limite pas uniquement aux élèves identifiés. Ces auteurs proposent six étapes conceptuelles pour définir les différents pans de l'inclusion :

- l'inclusion en tant que préoccupation pour les élèves déficients et les autres catégorisés comme ayant des besoins éducatifs particuliers

- l'inclusion comme réponse à l'exclusion disciplinaire

- l'inclusion en réponse à tous les groupes vulnérables sujets à l'exclusion - l'inclusion comme développement d'une école pour tous

- l'inclusion comme « éducation pour tous »

- l'inclusion comme une approche de principe pour l'éducation et la société.

Les résultats de cette recherche ne permettent pas de remettre en question le travail d'inclusion de cette école en raison simplement du temps surprenant que la plupart des élèves à besoins éducatifs particuliers passent en groupes restreints pour bénéficier de mesures d'enseignement spécialisé à l'extérieur de la classe ordinaire dans laquelle ils seraient intégrés scolairement et socialement.

Cependant, un regard plus approfondi sur les disciplines que les élèves à besoins éducatifs particuliers travaillent durant le soutien en groupe restreint montre qu'il s'agit, pour 9 élèves, de disciplines sélectives : le finnois et les mathématiques. Seuls Liisa et Lenni n'y sont pas pour ces disciplines-là. Ces 2 élèves sont d'ailleurs aussi les seuls à fréquenter le groupe de soutien à raison de seulement 25% de leur temps hebdomadaire : ils déclarent clairement appartenir au groupe de leurs classes ordinaires. Nous comprenons donc que la classe à laquelle les élèves se sentent appartenir n'est pas celle ou ils passent la majorité de leur temps; c'est avant tout celle où ils accomplissent les tâches scolaires socialement considérées et attendues comme les plus importantes dans le rôle social d'élève.

Par ailleurs, les sentiments des 11 élèves ne concernent pas l'appartenance à l'école, mais plus au groupe de pairs. Nous verrons plus loin que les élèves ne se sentent pas pour autant délaissés par leurs enseignants. Leurs perceptions et leur sentiment d'être un membre de la classe ordinaire semblent plus affectés. Sachant que les relations entre les membres de l'école sont un facteur important du sentiment d'appartenance des élèves de l'enseignement ordinaire (Baumeister & Leary, 1995) et spécialisé (Pelgrims, 2013), nous pouvons supposer que les mesures de soutien en groupe

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restreint d'enseignement spécialisé, avec leurs propres activités et interactions sociales, contribuent à infléchir le sentiment d'appartenance des élèves dans le cas où ils y passent plus de 30% de leur temps hebdomadaire d'enseignement.

Synthèse à propos du sentiment d'appartenance

Nous cherchions ici à savoir dans quelle mesure les élèves à besoins éducatifs particuliers dans une école inclusive se sentent appartenir à la classe ordinaire. Nos résultats montrent que les élèves à besoins éducatifs particuliers scolarisés dans une école ordinaire ont le sentiment d'appartenir à leur classe ordinaire dans la mesure où ils ne passent pas plus de 30% de leur temps hebdomadaire d'enseignement dans un groupe restreint d'enseignement spécialisé, à l'extérieur de la classe et, surtout, qu'ils y accomplissent les tâches scolaires socialement attendues comme étant les plus importantes. Quand les élèves y passent plus de temps et y travaillent les disciplines significatives, alors le groupe restreint constitué à l'extérieur de la classe ordinaire pour prester des mesures de soutient à l'intégration devient le groupe social d'appartenance des élèves à besoins éducatifs particuliers .

Ainsi, bien que le système scolaire finlandais instaure une relative stabilité dans le groupe-classe (par la promotion quasi-automatique), cela n'implique pas systématiquement un sentiment positif d'appartenance à la classe ordinaire et à sa stabilité sociale. Ces résultats tendent à montrer que les élèves à besoins éducatifs particuliers se perçoivent comme membres du groupe social où ils réalisent des tâches significatives. Le sentiment d'appartenance relève donc plus de l'activité que de l'organisation structurelle.