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L'étude menée en Finlande a permis de saisir comment des élèves à besoins éducatifs particuliers d'une école déclarée a priori comme inclusive perçoivent leur contexte scolaire.

Il ressort tout d'abord que les élèves sont intégrés en classe ordinaire tout en étant pour la plupart plus de 30% du temps scolaire hebdomadaire en groupe restreint pour bénéficier de soutien d'enseignement spécialisé. Or, paradoxalement, ces pratiques qui visent l'inclusion génèrent dans les faits deux contextes scolaires dissociés et les élèves déclarent alors se sentir appartenir non pas à la classe ordinaire, mais bien au groupe scolaire constitué pour les mesures de soutien d'enseignement spécialisé.

En outre, les perceptions des élèves révèlent qu'ils se sentent appartenir au groupe avec lequel ils sont amenés à accomplir le plus de tâches scolairement et culturellement attendues comme les plus

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importantes dans le rôle d'élève : tâches de finnois, de maths, d'anglais, de suédois qu'ils réalisent essentiellement durant le soutien en groupe restreint.

Bien que le lien d'appartenance soit le groupe restreint pour la majorité des élèves interrogés, ces derniers déclarent entretenir de bonnes relations tant avec les pairs de la classe ordinaire qu'avec ceux du groupe restreint. Sous cet angle, le contexte est quelque peu moins perçu comme inclusif pour deux raisons. Tout d'abord, les relations avec les pairs en classe ordinaire semblent affectées lorsque les besoins particuliers sollicitent la présence d'un assistant. Sa façon d'être présent en classe et à côté de l'élève peut instituer un statut « d'élève différent » et faire obstacle aux possibilités d'interactions avec les pairs. L'intégration de l'élève à besoins éducatifs particuliers est dès lors plus fonctionnelle, voire physique, que sociale, au sens d'apprendre parmi et avec les autres. La deuxième raison relève du type de difficultés, en particulier les difficultés de comportement. En effet, comme nous l'avons expliqué, ces élèves n'apprécient guère les moments en classe ordinaire où ils se sentent agressés et stigmatisés, sentiment qui s'amplifie sous l'effet « boule de neige » : le sentiment d'être agressé verbalement suscite comme réponse un comportement souvent hors norme, ce qui, en retour, augmente les réactions de rejet et le sentiment de stigmatisation.

Les élèves perçoivent pour la plupart les enseignants spécialisés comme étant ceux qui leur enseignent le plus et les aident le plus. Le groupe restreint est perçu comme un lieu de protection où l'enseignant les aide davantage et où les élèves à besoins éducatifs particuliers peuvent apprendre sereinement, tout en ayant l'aide nécessaire à disposition. Si les aides sont importantes, elles risquent aussi d'habituer l'élève à moins se mobiliser et à moins mobiliser d'autorégulation, dimension importante dans la persévérance et les résultats scolaires (Pelgrims, 2006, 2013).

Finalement, que nous révèlent les élèves à besoins éducatifs particuliers sur les pratiques d'intégration et d'inclusion ? Premièrement, comme nous pouvons le comprendre à travers les propos des élèves, les pratiques d'enseignement et ce que vivent les élèves ne relèvent pas clairement et systématiquement de l'inclusion. L'inclusion scolaire est complexe et traverse plusieurs étapes de mise en œuvre. Cette école de Finlande est inclusive puisqu'elle tend à développer une école pour tous, une éducation pour tous, menant à moins de ségrégation dans des écoles d'enseignement spécialisé. L'inclusion semble être le but final de l'enseignement. Pour l'atteindre, l'école doit passer par d'autres organisations pédagogiques, comme l'intégration : « sans être incompatible avec la notion d'intégration, l' « inclusion » institue l'intégration de façon plus radicale et plus systématique, et met l'accent sur les applications pratiques de l'intégration » (Doré et al., 1996, p. 37). Le sentiment d'appartenance des élèves à besoins éducatifs particuliers en relation avec l'organisation des mesures d'enseignement spécialisé nous fait penser que cette école se trouve à mi-chemin entre l'intégration et l'inclusion. L'intégration est encore présente dans cette école puisque les élèves à besoins éducatifs particuliers, et seulement eux, sont parfois sortis de la classe ordinaire pour des activités reliées à des disciplines importantes. D'un autre côté, cette école est inclusive dans le sens où chaque élève, peu importe ses besoins et ses spécificités, est inclu dans la même école, celle de son quartier, et est considéré, par les enseignants, comme membre de la vie sociale et éducative de cette école. En outre, les mesures de soutien sont fournies au sein de l'école.

Mais l'articulation de l'activité pédagogique et didactique de la classe ordinaire avec les mesures de soutien d'enseignement spécialisé semble peu garantie.

L'inclusion stipule encore que les élèves ne se contentent pas uniquement de fréquenter la même école, mais que de réels échanges aient lieu durant les moments formels ou informels. Si l'on considère l'inclusion comme principe pour l'éducation et la société, alors la connaissance des individus présents dans l'environnement est requise. Cette école est encore en réflexion pour être plus inclusive. Les enseignants sont conscients que les interactions entre certains élèves à besoins éducatifs particuliers et leurs pairs de l'ordinaire sont parfois rares et conflictuelles. Même si

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certains élèves suivent toute leur scolarité dans le groupe restreint de soutien en raison de leurs besoins spécifiques, les relations avec les autres élèves de l'école devraient être plus régulières.

En examinant les perceptions de certains élèves à propos de leur « inclusion » dans la classe ordinaire, on est en droit de se demander dans quelle mesure ces moments sont bénéfiques pour ces élèves à besoins éducatifs particuliers, certains paraissant n'en retirer aucun bénéfice. Si, pour certains d'entre eux, « le petit groupe » est la seule communauté où ils se sentent dans des conditions favorables aux apprentissages, faut-il continuer à les garder en classe ordinaire ? Cette question est volontairement polémique mais elle vise à amener un regard critique sur les politiques actuellement débattues qui oublient parfois de prendre en compte les élèves de manière plus individuelle, et qui, en voulant réunir tous les enfant dans une « même école » en arrivent à oublier d'écouter les besoins éducatifs, pédagogiques et didactiques spécifiques non seulement des élèves institutionnellement déclarés à besoins éducatifs particuliers, mais aussi que tout élève peut avoir par rapport à des objectifs scolaires à atteindre. C'est notamment la question posée par l'étude réalisée à Genève.

Annexe 1 : perception du système finlandais d'éducation et de l'organisation de l'école

Perceptions du système finlandais d'éducation Organisation de l'école

Qu'est-ce que « l'enseignement spécialisé ? »

Qu'est-ce qu'un enseignant spécialisé ?

Avec quels élèves est-ce qu'il travaille ? Qu'est-ce qu'un « petit groupe » ? Comment fonctionnent les « petits groupes » dans ton école ? LIISA C'est comme l'enseignante Henna. Ils aident si quelqu'un a besoin de plus de

pratique. De la 1ère à la 2ème primaire. Certains élèves sont plus souvent dans le « petit groupe » mais aucun ne passe tout son temps dans le petit groupe.

LENNI Tu fais des tâches plus faciles et tu

reçois de l'aide. Ils aident un peu. Peu d'élèves. Il ne sait pas.

Tous les élèves vont dans la classe ordinaire pour quelques leçons.

ROOPE / Un enseignant pour les élèves dans le « petit groupe »

Un groupe pour les élèves handicapés

(dit de manière injurieuse) /

JANI Il ne sait pas. Ils proposent des tâches plus faciles. Une petite classe. Certains élèves restent tout le temps dans le petit groupe (Jani ne peut pas expliquer de quels élèves il parle). petit groupe » ou dans une classe ordinaire.

Un groupe plus petit que la classe

Ils aident les enseignants ordinaires s'il y a beaucoup d'élèves. Ils aident les enseignants

Il n'y a pas d'élèves qui restent tout le temps dans le « petit groupe ».

VALTTERI

Comme si on te donne de l'aide. Il enseignant aux élèves qui ont des

difficultés d'apprentissage. Moins d'élèves. Chaque élève va dans la classe ordinaire pour quelques leçons. Les élèves qui sont dans la classe intégrée ne vont jamais en classe ordinaire.

TRAI

Quelqu'un peut rester après l'école

pour enseigner certains sujets. Ils enseignants aux élèves qui sont dans le « petit groupe ». Ils sont plus patients. ou à ceux qui ne peuvent pas se concentrer sur leur travail. Ils peuvent aussi enseigner en classe ordinaire.

Chacun a des problèmes à l'école primaire et c'est pourquoi ils vont dans le petit groupe.

Les élèves ne restent pas tout le temps dans le « petit groupe ». Il y a 4 petits groupes. groupe. Il enseigne aux élèves avec un retard de développement. Ou si ils ont des

difficultés à lire.

C'est un groupe plus petit que la classe

ordinaire. Il y a moins d'élèves. Certains élèves restent toujours dans le « petit groupe ». Ils ne peuvent pas aller ailleurs. Ils ont besoin de plus d'aide.

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ENTIMENT D

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INTEGRATION DES ELEVES PRESENTANT UNE DEFICIENCE AUDITIVE EN SITUATIONS DIDACTIQUES EN CLASSE ORDINAIRE

Cette partie a pour objectif de présenter l’étude menée à Genève concernant l’intégration des élèves présentant une déficience auditive en classe ordinaire. Il conviendra donc, après avoir défini la problématique et les questions de cette recherche, de présenter la démarche méthodologique qui nous a permis de récolter des données pour évaluer le sentiment d’intégration des élèves malentendants intégrés partiellement en classe ordinaire. Nous présenterons dans une troisième partie les résultats de cette recherche. Ces derniers seront discutés en regard de la problématique de recherche.