• Aucun résultat trouvé

6.1 Problématique et questions de recherche

6.2.1 Échantillon d’étude

L'échantillon d’étude comprend des élèves de classes ordinaires d’une part, et des élèves malentendants intégrés partiellement en classe ordinaire d’autre part. Il s’agira effectivement d’interroger avec les mêmes outils les élèves de classes ordinaires et leurs camarades malentendants de l’enseignement spécialisé.

Puisque nos données sont recueillies à l’aide de questionnaires qui demandent aux élèves de réfléchir sur leur propre activité et d’entrer dans une posture analytique, il est important qu’ils soient suffisamment âgés. Apprécier ses sentiments et les perceptions qu'il fait de soi-même n’est pas une tâche évidente pour de jeunes enfants. C’est pourquoi, il est important que les élèves choisis disposent des compétences de compréhension requises pour accéder au sens des énoncés. De plus, les élèves doivent être lecteurs afin de pouvoir compléter les questionnaires de manière individuelle. Ainsi, nous avons choisi d’interroger des élèves de 6e, 7e et 8e primaire Harmos.

Au moment de l’étude, seuls quatre élèves malentendants correspondent aux exigences d’âge et sont dans la modalité de scolarisation et d’intégration visée par cette recherche. Ces quatre élèves sont intégrés dans trois classes différentes : une classe de 6e primaire, une de 7e primaire et une 8e primaire, toutes situées dans le même établissement scolaire.

Les enseignants de ces trois classes ont accepté de participer à la recherche. Le nombre d’élèves par classe varie entre 18 à 24. L’échantillonnage total comprend 66 élèves dont 4 élèves malentendants.

Caractéristiques pédagogiques des classes impliquées dans l’étude

Afin de mieux comprendre dans quels contextes évoluent les élèves de l’étude, il convient maintenant de décrire l’environnement pédagogique des trois classes étudiées. Étant malentendants, les enfants intégrés ne peuvent pas suivre les leçons sans un interprète français-langue des signes. En règle générale, ce sont les enseignants des classes spécialisées qui incarnent le rôle d’interprète. Toutefois, en fonction des horaires d’intégration de chacun, il n’est pas toujours possible de faire intervenir le même enseignant-interprète à chaque intégration, dès lors des enseignants de l’une ou l’autre des classes ressources ou des interprètes professionnels interviennent ponctuellement dans les classes ordinaires. Bien que cette modalité soit similaire dans chacune des classes, plusieurs caractéristiques pédagogiques les différencient.

Pour faciliter le discours cohérent et les comparaisons, nous nommons la classe de 6e primaire

« classe 1 », la classe de 7e primaire « classe 2 » et la classe de 8e primaire « classe 3 ».

Les caractéristiques des divers contextes d’intégration des quatre élèves malentendants sont recensées dans le tableau 8.

70 groupes et la coopération dans sa classe, et a ainsi opté pour les regroupements de pupitres par quatre ou cinq. De fait, les échanges entre pairs sont facilités, laissant alors la possibilité aux élèves d’effectuer de nombreuses activités de recherche en groupe. La classe dispose également d’un coin lecture et les murs nous apparaissent recouverts de supports didactiques tels que des panneaux d’affichage créés par les élèves.

Alain, l’élève malentendant accueilli dans cette classe, est spatialement intégré dans un groupe, puisqu’un pupitre lui est réservé dans un groupe durant les périodes où il est présent. De plus, son pupitre reste toujours dans le groupe de façon à ce que l’élève ait réellement une place physique permanente dans la classe, même quand il rejoint sa classe intégrée d’enseignement spécialisé.

L’enseignante titulaire de la classe et les enseignants interprètes collaborent aisément. Pour traduire ce que la titulaire dit, l’interprète se place à proximité de cette dernière et s’assoit près d’Alain dès que l’activité commence pour traduire à nouveau les éventuelles consignes incomprises, les questions de l’élève ou les échanges avec ses camarades.

La classe 2 est tenue par une enseignante qui accueille des élèves à besoins éducatifs particuliers depuis huit ans. Elle intègre David depuis deux ans. La classe est composée de 18 élèves, dont 11 filles et 7 garçons. Cette classe est également organisée par groupe de pupitres de façon à favoriser la communication entre élèves et les moments collectifs de recherche.

David occupe une place bien définie dans la classe, et comme pour la classe 1, son pupitre fait partie d’un groupe. Il n’est donc pas exclu ou en marge, du moins physiquement. L’enseignante interprète se place très fréquemment en face de l’élève pour lui traduire ce que l’enseignante dit ou ce que ses camarades lui transmettent. Elle se déplace à côté de l’enseignante titulaire uniquement quand son temps de parole se prolonge. La collaboration entre les deux enseignants se réalise par des échanges fréquents pendant les leçons, mais principalement au terme de celles-ci pour évoquer les éventuelles remédiations à apporter à l’élève malentendant en classe spécialisée par exemple.

71

La classe 3 est tenue par un jeune enseignant qui intègre des élèves à besoins éducatifs particuliers depuis seulement deux ans. Dans sa classe, deux élèves sont intégrés : Richard et Camille. L’effectif de cette classe est très élevé puisqu’il atteint 24 élèves, dont 14 filles et 10 garçons. Cet important effectif a des répercussions sur la disposition spatiale de la classe.

Effectivement, les pupitres de 8e primaire sont larges et la répartition en groupe de ces derniers n’est pas évidente. L’enseignant a donc choisi d’aligner les pupitres en 5 rangées, les unes derrières les autres. Cet aménagement induit un enseignement plutôt frontal où les élèves interviennent ponctuellement en collectif, et où les travaux de groupe ne sont pas facilités.

De façon à rendre possible le travail de l’enseignant interprète, les deux élèves intégrés sont assis l’un à côté de l’autre, et l’enseignante dispose d’une chaise en face d’eux. Cette disposition ne favorise guère l’intégration sociale des élèves au groupe classe, puisqu’ils sont à l’écart des rangées d’élèves de la classe ordinaire. Malgré cela, les pupitres sont réservés aux deux élèves malentendants et n’ont aucune autre fonction lors des moments où ils sont dans la classe intégrée d’enseignement spécialisé.

Les deux enseignants travaillent en étroite collaboration pour préparer les évaluations à deux voix, et échanger à propos du travail accompli par les élèves intégrés, tant au niveau de leurs réussites que de leurs difficultés.

Finalement, on voit combien les contextes d’intégration peuvent être différents d’une classe à l’autre dans un même établissement, et combien ces divers environnements pourront éventuellement avoir des impacts différents sur le sentiment d’être intégré et les perceptions des élèves.

Portraits des quatre élèves malentendants intégrés en classe ordinaire

Étant donné la faible population d’élèves malentendants visée par notre recherche, il est

« impossible » d’apparier plusieurs élèves malentendants suivant le même parcours scolaire, le même niveau scolaire en mathématiques et en éducation physique, et le même degré de surdité.

Par contre, cette étude vise un public malentendant n’ayant pas bénéficié d’un implant cochléaire dès leur plus jeune âge. Tous les élèves sont donc malentendants et ne peuvent suivre une leçon orale sans appui en langue des signes malgré leurs prothèses auditives.

Alain et David sont intégrés de manière individuelle chacun dans une classe, alors que Camille et Richard sont intégrés ensemble dans une même classe ordinaire. Ainsi, le fait de se rendre à deux en classe leur permet de continuer à échanger entre eux en langue des signes. Cette modalité d’intégration peut donc avoir des répercussions sur les résultats, puisque ces deux élèves ne sont pas intégrés dans les mêmes conditions qu’Alain et David.

Portrait d’Alain

Alain est un élève âgé de 9 ans et est malentendant depuis sa naissance. Alain communique grâce à la langue des signes ; il émet des sons plus ou moins compréhensibles lorsqu’il souhaite interagir avec des personnes entendantes. Il a conscience des mots en français oralisé, ce qui lui permet de communiquer oralement. Alain peut comprendre le français oralisé lorsque les conditions lui sont favorables, à savoir une articulation accentuée et un niveau sonore élevé. De fait, Alain peut communiquer, de manière très sommaire, avec ses camarades et enseignants entendants. Toutefois, dès que le contexte le permet, il utilise la langue des signes et ne fait plus appel à la communication orale si elle n’est pas sollicitée.

Alain est intégré en classe de 6e primaire où il poursuit ainsi qu’en classe spécialisée le programme de ce degré. Lors de notre passage en classe, Alain était intégré à 25% du temps scolaire hebdomadaire, à raison deux périodes en éducation physique, deux périodes en éducation artistique et cinq périodes en mathématiques. Un enseignant spécialisé l’accompagne

72

toujours en classe afin de traduire et de réexpliciter en langue des signes le contenu des divers échanges verbaux de la classe.

Alain est un élève qui aime communiquer avec la communauté sourde, mais sait aussi s’adapter à ses interlocuteurs entendants.

Portrait de David

David est un élève âgé de 12 ans et est malentendant depuis sa naissance. Il communique grâce à la langue des signes, mais est également capable de parler en français oralisé. Son élocution n’est pas toujours très compréhensible, mais grâce au soutien logopédique qu’il reçoit, ses compétences langagières se développent de plus en plus. Il s’appuie néanmoins très fréquemment sur la langue des signes pour renforcer ce qu’il dit en français oralisé.

David est intégré en classe de 7e primaire où il poursuit ainsi qu’en classe spécialisée le programme de ce degré. Ses compétences en français, en tant que discipline, sont malgré tout plus faibles que celles attendues pour un élève de son âge, c’est pourquoi il suit en classe spécialisée un enseignement du français relevant du niveau 4P-5P selon les domaines de savoirs. Lors de notre passage en classe, Alain était intégré à 25%, à raison de deux périodes en éducation physique, deux périodes en éducation artistique et cinq périodes en mathématiques.

David ne peut pas suivre seul les leçons en classe ordinaire et est donc le plus souvent accompagné par un enseignant spécialisé qui se charge de traduire les divers échanges verbaux de la classe. Toutefois, en raison d’un horaire très complexe dans l’école, il est obligé de se rendre seul aux cours d’éducation artistique.

David est un élève très enthousiaste, qui revendique sa surdité mais qui aime aussi communiquer avec des personnes entendantes. Il est très ouvert et aime raconter des blagues à ses camarades. Ainsi, sa facilité de communication et sa joie de vivre lui ont permis d’avoir un cercle d’amis à la fois dans sa classe intégrée et à la fois dans sa classe ordinaire.

Portrait de Camille

Camille est une élève âgée de 11 ans et malentendante depuis sa naissance. Elle communique grâce à la langue des signes lorsque ses interlocuteurs maîtrisent la langue des signes, mais elle entend suffisamment, grâce à son appareillage, pour avoir une communication orale. Toutefois, son élocution n’est pas toujours compréhensible et un soutien en langue des signes est nécessaire. Grâce au soutien logopédique qu’elle reçoit, ses compétences langagières se développent de plus en plus.

Grâce au léger degré de sa surdité, Camille est intégrée en classe de 8e primaire à 50% et poursuit le programme de ce degré dans les deux contextes. Ses compétences en français sont plus faibles que celles attendues pour les élèves de la classe d’enseignement spécialisé, c’est pourquoi elle suit essentiellement les cours de français dans sa classe ressource. Lors de notre passage en classe, Camille était intégrée à raison de deux périodes en éducation physique, deux périodes en éducation artistique, deux périodes en allemand, une période en géographie et six périodes en mathématiques. Camille est toujours accompagnée d’un enseignant spécialisé ou d’un interprète malgré son aisance en français oralisé, puisqu’il est nécessaire qu’elle puisse comprendre chacun des mots énoncés par l’enseignant de classe ordinaire ou par ses camarades.

Camille est une élève très réservée qui prend peu la parole de manière spontanée. Elle a en effet tendance à rester en retrait que ce soit en classe intégrée ou en classe ordinaire. Il faut préciser que Camille est la seule fille de la classe spécialisée du groupe des grands. Elle n’a de fait que des amis garçons qui utilisent la langue des signes. La communication n’étant pas toujours évidente avec ses paires entendantes, elle a très peu d’amies dans sa classe ordinaire.

73

Portrait de Richard

Richard est un élève âgé de 12 ans et malentendant depuis sa naissance. Il communique uniquement par le biais de la langue des signes bien qu’il soit appareillé. Effectivement, Richard entend grâce à ses appareils, mais ne comprend pas les sons et les mots qu’il perçoit.

Sa communication orale est donc restreinte avec des personnes ne pratiquant pas la langue des signes. Son discours oral se résume à quelques mots usuels tels que oui, non, bonjour. Il emploie et développe très difficilement sa communication orale puisqu’il cherche toujours à se raccrocher à la langue des signes ou à des personnes pouvant traduire dès qu’il est en présence de personne entendantes.

Richard est tout de même intégré en classe de 8e primaire à raison de 50% puisqu’il peut tout à fait suivre le programme de ce degré avec l’appui d’un enseignant spécialisé ou d’un interprète.

Lors de notre passage en classe, Richard était intégré pour les mêmes disciplines que sa camarade Camille (éducation physique, éducation artistique, géographie et mathématiques).

Cependant, il ne peut suivre les cours d’allemand puisqu’il ne met pas de sens sur les mots qu’il entend ou lit. Lui enseigner une seconde langue ne lui permettrait donc pas d’acquérir sa langue première, ce qui est déjà une tâche difficile pour lui. Richard est complètement dépendant de l’enseignant spécialisé ou de l’interprète qui l’accompagne en classe d’intégration puisqu’il ne comprend pas le langage oralisé et ne sait pas encore lire.

Bien que Richard éprouve de grandes difficultés à communiquer, il s’est fait beaucoup d’amis dans la population entendante de l’école, et les côtoie fréquemment dans la cour de récréation.

Malgré cette aisance, Richard a tendance à rester avec ses amis malentendants avec qui il communique plus facilement.