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École dite inclusive : contexte de l'étude menée en Finlande

4.2 Annonce des deux contextes de recherche

4.2.1 École dite inclusive : contexte de l'étude menée en Finlande

Le système finlandais d'éducation est composé de neuf années scolaires qui constituent la scolarité obligatoire, précédée d'une année d'école préscolaire facultative. Tous les élèves ont la garantie de bénéficier de conditions d'apprentissage et de développement indépendamment de leurs habilités, de leur lieu de résidence, de leur langue maternelle ou de leur statut socio-économique13.

En Finlande, le droit à l'éducation est un droit de base garanti dans la Constitution. Effectivement chaque résident en Finlande doit bénéficier d'égales conditions de scolarisation. Les autorités publiques doivent également garantir la possibilité d'effectuer une formation après l'école obligatoire. La situation socio-économique ne doit pas être une barrière à l'accès à l'éducation et à la formation. La loi garantit la gratuité de l'année préscolaire et de la scolarité obligatoire (7 – 16 ans) pour tous les élèves. La plupart des structures post-obligatoires sont gratuites, y compris les universités.

Un élève résident en Finlande commence généralement sa scolarité à l'âge de 7 ans. Toutefois, l'année facultative précédant la scolarité obligatoire est fréquentée par la plupart des enfants (96%), selon le ministère de l’Education et de la Culture14. Cette année a pour objectif de développer les interactions sociales des élèves, leur langage et leur motricité. Tous les enfants vivant en Finlande ont donc le droit et l'obligation d'accomplir l'intégralité de la scolarité obligatoire, ce qui est le cas pour 99.7% des élèves. Le gouvernement détermine les objectifs généraux de la scolarité obligatoire et fixe l'allocation de temps pour chaque discipline enseignée. Les deux premières années de la scolarité obligatoire font le pont entre l'année préscolaire et la suite de l'école obligatoire. Ces

13http://www.minedu.fi/OPM/Koulutus/perusopetus/?lang=en, consulté le 14.04.13, 14:30.

14 http://www.minedu.fi/OPM/Koulutus/esiopetus/?lang=en, consulté le 07.06.13, 09 :40.

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années visent en effet à développer les compétences requises dans la suite de la scolarité. En principe, les enseignants exerçant dans ces deux premières années ont une formation spécifique.

Le bureau finlandais d'éducation décide des buts et des contenus d'enseignement qui figurent dans un curriculum national sur lequel s'appuient ensuite les équipes pédagogiques. Ceci ressemble au Plan d'études romand (PER) que l'on trouve en Suisse romande. L'organisation effective, matérielle et logistique des écoles revient néanmoins aux autorités locales ou municipales. Les autorités locales ont alors le devoir de garantir l'instruction des élèves vivant dans leur province.

Un élève qui a des difficultés d'apprentissage ou des difficultés d'adaptation est signalé par l'enseignant ordinaire à sa hiérarchie afin que l'élève puisse bénéficier d'un soutien tout au long de sa scolarité. S'il n'est pas possible pour l'élève de suivre la scolarité ordinaire en raison d'une déficience, d'une maladie, d'un retard de développement ou autre raison, il peut bénéficier de mesures d'enseignement spécialisé. Dans la mesure du possible, les prestations d'enseignement spécialisé sont dispensées en classe ordinaire ou alors dans une autre classe au sein de l'établissement.

À la fin d'une année scolaire, les élèves passent au degré supérieur. Il n'y a que très peu de redoublement (2% des élèves en âge de scolarité obligatoire). Crahay (2003) remarque que le système finlandais recourt peu au redoublement, bien que la législation l'autorise. Refaire une année scolaire est une décision exceptionnelle et généralement, « la promotion automatique est généralisée » (p. 17). Ce choix politique a plusieurs conséquences. Premièrement, les élèves suivent le même groupe-classe durant toute leur scolarité, hormis certaines situations particulières comme les déménagements. Deuxièmement, si les enseignants remarquent qu'un élève éprouve des difficultés dans l’atteinte des objectifs, ils considèrent cet élève comme ayant des besoins éducatifs particuliers. C'est une pratique assez habituelle en Finlande ou, en 2009, 23% des élèves de l'ordinaire étaient identifiés comme élèves présentant des besoins éducatifs particuliers (Statistiques Finlande, juin 2010). Actuellement, les chiffres sont toujours identiques, à savoir entre 20 et 25%.

La raison pour laquelle les enseignants signalent autant d'élèves réside en partie dans le soutien financier dont leur école bénéficiera afin d'allouer des ressources (enseignants spécialisés ou assistants travaillant avec l'enseignant ordinaire, par exemple) permettant de répondre aux besoins de ces élèves. Penser ainsi le signalement permet de garder ces élèves en classe ordinaire. Cela permet aussi d'offrir aux élèves à besoins éducatifs particuliers des périodes d'enseignement spécialisé, bien que ces derniers soient toujours scolarisés au sein de l’enseignement ordinaire. Ces périodes-là sont sous la responsabilité des enseignants spécialisés et ont été introduites dans les années 1960, au moment de la réforme de la législation afin de répondre à l'hétérogénéité des élèves. Selon Kivirauma et Ruoho (2007), ces mesures de soutien pédagogique semblent être un des facteurs clé expliquant les résultats d'égalité, de réussite scolaire accrue dans le système finlandais.

Cette politique et son organisation subséquente permettent à la plupart des élèves de fréquenter leur école de quartier de domicile, indépendamment de leurs besoins particuliers ou de leurs difficultés scolaires.

Le système scolaire finlandais insiste particulièrement sur la détection précoce des difficultés tout au long de la scolarité, mais particulièrement au début de celle-ci.

Le développement des enfants est consciencieusement observé. Une attention particulière est portée aux dispositions des élèves pour les attentes scolaires, c'est-à-dire leurs dispositions émotionnelles, sociales et leur développement cognitif. L'identification précoce des difficultés d'apprentissages ou dans d'autres domaines est essentielle durant l'année préscolaire. Il y a plusieurs formes de soutien et souvent, cela suppose une coopération entre les secteurs sociaux et de santé. Ceux-ci dispensent différentes thérapies ainsi que du soutien à la famille. Les enfants sont soutenus de manière à leur permettre de participer aux mêmes activités que leurs pairs.

(bureau finlandais d'éducation ; http://www.oph.fi/english/education/pre-primary_education, 14.04.13, 15:53)

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Tout au long de la scolarité, l'élève peut recevoir des mesures d'enseignement spécialisé pour une durée plus ou moins longue. Ces mesures peuvent être dispensées en classe ordinaire ou en groupe de soutien d'enseignement spécialisé hors de la classe ordinaire. Généralement, les élèves en première ou en deuxième année ne sont pas signalés pour des mesures d'enseignement spécialisé hors de la classe ordinaire. Les élèves restent à temps plein en classe ordinaire à moins d'un retard mental. Si nécessaire, l'enseignant ordinaire peut faire appel à un assistant.

En Finlande, tout élève bénéficiant de mesures d'enseignement spécialisé est au bénéfice d'un projet pédagogique individualisé. Ces projets fixent des attentes en tenant compte des compétences des élèves et de leurs besoins.

Contexte scolaire de la recherche réalisée en Finlande

L'école finlandaise où la recherche a été menée est une école publique de Laponie, située dans un environnement urbain plutôt privilégié. La population est mixte au niveau socio-économique. Il y a peu d'élèves étrangers. Au niveau socio-économique, les groupes restreints dans lesquels est fourni le soutien d'enseignement spécialisé sont plus hétérogènes que les classes ordinaires. Il s'agit d'une école accueillant les élèves du premier degré primaire à la neuvième, soit pour l’ensemble de la scolarité obligatoire; les élèves relèvent de l'enseignement primaire pour les degrés un à six. La première correspond à la 3P Harmos. L'école où se déroule la recherche compte 420 élèves et différents corps professionnels y travaillent. Il y a en effet 5 enseignants spécialisés, 11 assistants d'enseignement et personnels, 35 enseignants ordinaires, 1 travailleur social, 1 infirmière et 1 concierge.

L'école comprend 20 classes : Neuf concernent les degrés primaires et neuf autres les degrés secondaires. Il y a également deux classes intégrées d'enseignement spécialisé pour les élèves présentant un retard intellectuel. Pour les autres élèves à besoins éducatifs particuliers, il n'y a pas de classes spécialisées en tant que telles. En revanche, il y a deux salles de classe réservées au soutien d'enseignement spécialisé en groupes restreints.

Les élèves appartenant aux deux classes intégrées d'enseignement spécialisé viennent de toute la ville. En raison des besoins des élèves, l'effectif de ces classes ne peut pas être supérieur à huit. Les deux classes sont réparties en fonction des groupes d’âges des élèves : des élèves dont les âges correspondent aux degrés un à six, et la seconde des élèves plus âgés des degrés sept à neuf. Les élèves en âge de scolarité secondaire sont à temps plein dans leur classe d'enseignement spécialisé;

il n'y a pas d'intégration en classe ordinaire en raison de la sévérité de leur handicap et de la particularité de leurs besoins éducatifs, thérapeutiques et pédagogiques. Par contre, au sein de la classe accueillant les élèves en âge de scolarité primaire, certains d'entre eux sont intégrés en classe ordinaire, à raison de deux à six leçons par semaine. L'enseignante spécialisée travaille avec deux assistants. Deux des huit élèves ne bénéficient d'aucune intégration individuelle. Néanmoins, l'enseignante spécialisée se rend une fois par semaine avec tous ses élèves dans une classe ordinaire pour travailler tous ensemble, sous la responsabilité des deux enseignantes. Il s'agit d'une forme d'intégration collective, L'enseignante spécialisée collabore avec les enseignants ordinaires, particulièrement avec ceux qui intègrent ses élèves ou toute sa classe. Elle trouve les intégrations collectives importantes parce qu'elles offrent aux élèves à besoins éducatifs particuliers des conditions leur permettant d'apprendre des savoirs sociaux et à interagir avec leurs pairs sans handicap, et elle permet aux élèves « ordinaires » de travailler avec des pairs « différents ». La principale difficulté réside dans le manque de temps. Effectivement, l'enseignante spécialisée souhaiterait accorder plus de temps à la discussion et à l’organisation de ces intégrations avec les enseignants de l'ordinaire.

Les deux groupes restreints d'enseignement spécialisé accueillent des élèves de plusieurs classes ordinaires. Les élèves sont répartis entre ces deux groupes en fonction de leur âge. Le premier

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groupe, accueille 13 élèves des degrés trois à six, le second 11 élèves des degrés sept à neuf. Ce sont certains élèves fréquentant ces deux groupes qui ont été interrogés dans la recherche. Les élèves sont présents dans ces groupes en fonction de leurs besoins éducatifs particuliers. Des mesures de soutien d'enseignement spécialisé sont demandées pour ces élèves-là pour différentes raisons: difficultés de lecture et d'écriture, trouble de l'attention avec ou sans hyperactivité, problèmes émotionnels, troubles du comportement, syndrome d'Asperger, déficience motrice et retard intellectuel.

Ces élèves fréquentent les groupes restreints entre 5 et 25 leçons par semaine. Ils passent le reste du temps dans leur classe ordinaire. La loi finlandaise limite le nombre d'élèves simultanément dans le

« petit groupe » à dix, mais cela reste flexible dans les pratiques effectives. Les groupes observés, accueillent jusqu'à neuf élèves simultanément. Dans cette école, comme dans beaucoup d'écoles finlandaises, il y a un enseignant spécialisé travaillant comme enseignant de soutien. Cet enseignant n'est pas responsable d'une classe ou d'un groupe restreint mais il travaille avec les élèves à besoins éducatifs particuliers en classe ordinaire. Cependant, il peut arriver que l'enseignant prenne l'élève à part pour un enseignement ou un appui pour répondre à un besoin spécifique.

Les enseignants spécialisés responsables du soutien en groupes restreints que nous avons interrogés (Meuli, 2011) se considèrent eux-mêmes comme des coordinateurs, des coopérateurs essayant d'organiser le meilleur enseignement possible pour leurs élèves. Ils ont beaucoup de contacts avec les enseignants ordinaires ainsi qu'avec les assistants d'enseignement. Toutefois, ces contacts relèvent d'avantage de discussions informelles dans les couloirs et les enseignants doivent souvent donner des conseils à leurs collègues. Ils ont parfois l'impression de faire plus de la coordination que de l'enseignement.

L'enseignant spécialisé responsable du groupe restreint qui accueille les élèves de la troisième à la sixième travaille avec trois assistants. Ceux-ci opèrent la plupart du temps dans les classes ordinaires lorsque les élèves à besoins éducatifs particuliers y sont. L'enseignant spécialisé travaille également dans un groupe lors d'un décloisonnement de lecture avec les deux classes de deuxième année. Dans ce moment-là, les élèves sont répartis selon leurs niveaux et besoins dans l'apprentissage de la lecture. Néanmoins, il est difficile pour l'enseignant spécialisé d'être plus présent dans les classes ordinaires, parce qu'il y a toujours des élèves dans le groupe. C'est une des raisons pour lesquelles ce sont généralement les assistants qui interviennent en classe ordinaire comme enseignant de soutien, laissant ainsi l’opportunité à l’enseignant spécialisé de se focaliser sur l'activité en groupe restreint dont il a la charge.

Les enseignants interrogés ont des opinions mitigées à propos de ce système de « petits groupes » (Meuli, 2011). Ils réalisent que le soutien pédagogique apporté hors de la classe ordinaire ne permet pas nécessairement d'atteindre les buts fixés. Ils reconnaissent quelques avantages à travailler en groupe restreint, comme le fait que les élèves apprennent à travailler ensemble et aient la possibilité de prendre confiance en eux. Les parents semblent d’ailleurs satisfaits de cette organisation où leurs enfants reçoivent un soutien adapté à leurs besoins.

D'un autre côté, « réunir des élèves avec des difficultés et des besoins très différents génère en tant que tel des difficultés d’enseignement ; en outre, les conditions d’accomplissement des tâches - plus d’individualisation, plus d’aides - ne sont pas les mêmes qu’en classe ordinaire ce qui peut rendre difficile le transfert des savoirs acquis » (Meuli & Pelgrims, 2010, p. 32). Les enseignants ont parfois un groupe relativement hétérogène sur le plan scolaire; ils ont donc à enseigner en parallèle plusieurs disciplines scolaires au sein de la même période d'enseignement. En raison des besoins individuels des élèves, il est parfois difficile de leur répondre à tous de la manière la plus adéquate.

Les élèves du petit groupe n'ont pas le même âge, ce qui peut complexifier la tâche de l'enseignant.

De plus, la présence simultanée de différentes problématiques dans un seul et même groupe restreint pourrait générer une problématique centrale dans la dynamique de groupe, ce qui ne se

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retrouvera pas nécessairement dans la classe ordinaire dont l'effectif est plus important et plus homogène.

Les enseignants spécialisés des deux groupes restreints pensent qu'il serait plus pertinent d'avoir des élèves du même degré ou de degré scolaire proche (Meuli, 2011). Selon eux, plusieurs élèves ne semblent pas tirer profit de l'enseignement spécialisé en groupe restreint trop hétérogène qui exacerbe les besoins individuels. Les enseignants spécialisés disent vouloir préférer des classes ordinaires avec moins d'élèves et pratiquer encore plus d'inclusion à l'aide notamment, de pratiques de co-enseignement. Ils ne savent actuellement pas s'il s'agit d'un projet réalisable, mais ils souhaitent travailler dans ce sens les prochaines années. Un des enseignants garde en mémoire l'exemple d'une école dans le sud-est de la Finlande où les élèves à besoins éducatifs particuliers et les élèves ordinaires sont toujours ensemble, et où l'enseignant différencie selon les apprentissages des élèves et les besoins pédagogiques et didactiques. Dans ce type d'écoles, il n'y a pas de classe spécialisée ni de petits groupes d'enseignement spécialisé. Le but est en effet de prévenir les difficultés scolaires ou d'apprentissage pour tous les élèves. Ces derniers sont tous encouragés à trouver leurs points forts et à recevoir de l'aide quand cela est nécessaire et dans le domaine concerné (lecture, expression, mathématiques, langues, …). Ces moments de soutien peuvent être conduits en classe ou en petit groupe, pendant ou hors des heures scolaires. L'enseignant spécialisé peut travailler comme deuxième enseignant dans la classe ordinaire et pratiquer le co-enseignement, ou il peut être seul dans un autre local avec quelques élèves, si nécessaire. Cette décision d'abolir les classes spécialisées et les « petits groupes » éviterait aux élèves d'appartenir à l'enseignement spécialisé ou à l'enseignement ordinaire; tous appartiendraient à l'école. Il n'y a de ce fait plus d'étiquetage, ce qui semble se rapprocher au plus près de la définition même de l’inclusion scolaire.

Les enseignants travaillent évidemment en collaboration étroite avec les enseignants ordinaires et pratiquent le co-enseignement.

Comme Doré (2001) le souligne dans son article, l'inclusion est réalisée lorsqu'il y a fusion du système d'enseignement spécialisé et du système d'enseignement ordinaire. La classe ordinaire est alors le seul lieu possible d'appartenance sociale et d'apprentissages scolaires pour tous les élèves.

4.2.2 École dite intégrative : contexte de l'étude menée à Genève