• Aucun résultat trouvé

Tout élève présentant une déficience, un trouble, une difficulté peut se trouver en situation de handicap dans un contexte scolaire. Ainsi, dans ce paragraphe, il conviendra tout d’abord de définir les notions de handicap, de situation de handicap dans leur évolution. Cela nous permettra donc d’inscrire la notion de handicap dans les concepts plus généraux d’intégration et d’inclusion scolaire qui seront présentés dans la suite de cet ouvrage.

Une ancienne définition désigne le handicap comme un désavantage social résultant d’une cause biologique. On retrouve d’ailleurs cette notion étymologique dans l’essence même du mot « hand in cap » qui signifie « main dans le chapeau » en anglais. À l’origine, ce terme était employé pour donner un avantage à des candidats qui présentaient éventuellement une infériorité. Ce terme a alors été repris pour désigner les personnes présentant une infériorité, un écart par rapport à la norme, au niveau physique, moteur, mental, sensoriel, etc.

Sous la responsabilité de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), un groupe de travail a eu en charge de caractériser, de définir et de classer les handicaps, dans le but de développer des conventions internationales sur la santé. En 1980, une classification des handicaps voit le jour ; la Classification internationale des handicaps : déficiences, incapacités et désavantages (CIH-1) (OMS, 1980, traduit en français en 1988). Cette dernière place le concept de maladie au centre de sa réflexion, et détermine une suite logique de composantes du handicap. Effectivement, selon l’OMS, le handicap « désigne les difficultés qu’est susceptible de rencontrer un individu dans sa vie sociale ou personnelle du fait d’une altération corporelle ou d’une invalidité » (Rossignol, 2007, p. 2).

Wood (OMS, 1980) propose un modèle linéaire représentant les relations entre causes étiologiques et handicaps.

Selon cette définition, l’étiologie (différentes causes biomédicales) entraine une ou plusieurs déficiences. Ces déficiences créeraient ensuite, pour la personne atteinte, des incapacités à accomplir certaines tâches socialement attendues. Ces déficiences et ces incapacités entrainent alors des désavantages qui concernent directement les conséquences sociales dans les contextes de vie de l’individu. En résumé, une personne est dite handicapée lorsqu’elle ne peut, en raison d’une maladie, accomplir certaines tâches socialement attendues compte tenu de sa culture et de son âge.

Dans cette définition, les déficiences sont « une perte, une malformation ou une anomalie d’un organe, d’une structure ou d’une fonction mentale, psychologique, physiologique ou anatomique » (Petit, 2001, p. 36). La déficience concerne neuf catégories répertoriées par l’OMS: les déficiences intellectuelles, physiques, langagières, de l’appareil auditif, de l’appareil visuel, des autres organes, du squelette, de l’esthétique et des fonctions générales.

Les incapacités induites par les déficiences se répercutent directement sur le fonctionnement quotidien d’une personne. L’incapacité correspond donc à toute réduction (partielle ou totale) de la

Causes  Déficiences  Incapacités  Désavantages

6

capacité d’accomplir une activité dans les limites considérées comme la norme. Ces incapacités ont elles aussi été répertoriées dans différents domaines touchant principalement : le comportement, la communication, les soins corporels, la locomotion, l’utilisation du corps, les maladresses et l’intolérance à certaines situations.

Finalement, les désavantages représentent les conséquences sociales des incapacités et des déficiences, et l’adaptation de l’individu et de ses interactions avec son milieu social.

Ce premier modèle proposé par la CIH-1 est linéaire et ne comprend pas l’environnement en tant que tel comme composante déterminante du handicap. D’après cette définition de l’OMS, une personne présentant une déficience auditive serait handicapée car sa déficience auditive entrainerait une incapacité à communiquer selon les normes attendues. Par exemple, elle ne peut communiquer oralement avec des personnes entendantes. Cependant, nous savons aussi que cette incapacité à communiquer n'est pas systématique, les prises en charge éducatives, logopédiques, et scolaires permettent d'accéder à d'autres modes de communication (lecture labiale, langage parlé-complété).

Il en résulte une nette réduction des incapacités à communiquer. En outre, quand cette personne est placée dans un contexte social avec des interlocuteurs sourds et malentendants qui utilisent tous la langue des signes, peut-on affirmer qu’elle est toujours dans une situation ne lui permettant pas l’accès à la communication ? La réponse bien sûr est négative, puisqu’elle pourra s’exprimer en langue des signes par exemple, et de fait sera tout à fait capable de s’exprimer et de communiquer.

Ainsi, comme le propose Gillig (2006), il est plus pertinent de parler de « handicap en situation » (p. 114), puisqu’un individu n'est pas limité dans ses capacités à accomplir des tâches dans toutes les situations sociales. L'usage prédominant de « personne handicapée » traduit « une confusion permanente entre l’existence d’une déficience et la réalité individuelle et sociale de ses conséquences » (Petit, 2001, p. 36). Un élève présentant une déficience auditive serait donc en situation de handicap lorsqu’il doit par exemple écouter son enseignant car les conditions ne sont pas adaptées (n'entend pas, ne peut pas lire sur les lèvres, etc.), mais ne le serait pas quand il s'agit de réaliser un exercice de mathématiques où l’oral n’est pas nécessairement convoqué.

Dans l’évolution de la notion de handicap, de nombreux chercheurs dont Fougeyrollas proposent une pensée nouvelle de la notion de handicap. En effet, selon Fougeyrollas (2002), le handicap n’est pas lié à l’individu et à sa déficience, mais réside dans une interaction entre l’individu et l’environnement dans lequel il évolue. Il s'agit donc d'un processus multidimensionnel. Cette approche conçoit l'environnement social et physique comme facteur déterminant du handicap. Si l’environnement n’est pas adapté à l’individu présentant une déficience ou une incapacité à accomplir une tâche attendue, alors cette personne est confrontée à une situation de handicap. À l’opposé, il n'y a pas de situation de handicap si l’environnement est adapté. La classification des handicaps est alors modifiée et prend corps sous le nom de CIH-2, puis de CIF, soit la Classification Internationale du Fonctionnement des handicaps et de la santé (OMS, 2001).

Dans le modèle fondant cette nouvelle classification, les concepts incapacité et désavantage sont respectivement relayés par ceux de limitation d’activités et de restriction de participation.

L’activité désigne « l'exécution d'une tâche ou d'une action par un individu. Elle constitue la dimension individuelle du fonctionnement » (OMS, 2001, p. 167). La limitation d’activité se réfère au fait que l’individu ne peut pas ou de façon insuffisante réaliser une ou plusieurs activités attendues dans un environnement déterminé et selon des conditions habituelles. La participation est définie comme étant l’« implication de l'individu dans une situation vécue. Elle constitue la perspective sociétale du fonctionnement » (OMS, 2001, p. 167). Dès lors, la restriction de participation se rapporte à la notion de performance, de réalisation de son rôle dans un environnement social, et réside plus particulièrement « dans les problèmes qui peuvent se poser à un individu lorsqu'il s'implique dans des situations vécues » (OMS, 2001, p. 167).

7

Avec cette nouvelle classification, un nouveau concept voit le jour pour définir les situations d'activités en lien avec les facteurs personnels de l'individu et avec les facteurs environnementaux.

Le handicap est donc perçu de manière situationnelle et non seulement en termes de déficience. La terminologie situation de handicap est alors préconisée. « La situation de handicap concerne toute situation dont les conditions sociales, matérielles et temporelles données empêchent une personne d'accomplir les tâches attendues et de remplir le rôle social attendu dans un contexte socioculturel donné » (Pelgrims & Cèbe, 2010, p. 113). Sous l'influence de cette approche interactionniste, une nouvelle terminologie est utilisée pour nommer les différents besoins des élèves se trouvant en situation de handicap dans le contexte scolaire. On parle alors d'élèves à besoins éducatifs particuliers. Pour répondre à ces besoins, le système scolaire met en place des mesures matérielles, thérapeutiques, pédagogiques et didactiques afin que tous les élèves puissent accomplir leur rôle.

À l'école, une situation de handicap scolaire résulte donc de l’inadéquation entre les besoins éducatifs, pédagogiques et didactiques particuliers d’un élève et les caractéristiques du contexte de classe dans lequel il doit accomplir ses tâches et son rôle d'élève (Pelgrims & Cèbe, 2010, p. 114).

Toutefois, il est important de préciser qu'actuellement « l'usage du terme [besoins éducatifs particuliers] en dévie le sens premier et besoins éducatifs particuliers est de plus en plus utilisé pour désigner des individus, pour qualifier ceux et celles, des personnes, des élèves, qui présentent un handicap, une déficience » (Pelgrims, 2011, p. 8). Dans la suite de ce travail, la meilleure appellation pour désigner ces élèves serait élèves déclarés en difficultés ou présentant une déficience. Toutefois, cette appellation n'est pas communément employée. Les chercheurs comme les professionnels du domaine utilisent principalement les termes de situation de handicap et de besoins éducatifs particuliers pour désigner ces personnes. Nous n'utiliserons pas l'appellation situation de handicap puisque ce concept a été détourné au profit d'un besoin constant de désigner des personnes différentes. En effet, cette formule se réfère à la fois à la personne présentant une déficience et à la situation dans laquelle elle se trouve. Le langage commun et la littérature font usage du terme personne en situation de handicap pour nommer l'appartenance au groupe de personnes présentant une déficience. Pour des raisons de convenance et au regard du langage actuel dans le domaine, nous utiliserons la notion d'élèves présentant des besoins éducatifs particuliers, même si celle-ci ne peut pas être employée comme un attribut de personne, dans la mesure où elle dépend des situations.

À ce sujet, beaucoup de sourds refusent d’ailleurs le qualificatif de « personne en situation de handicap » car ils estiment qu’ils ne sont pas dans la norme officielle, à savoir la langue oralisée, mais qu’ils peuvent cependant communiquer dans leur propre langue. Ainsi, le fait d’avoir mis en place des processus de compensation, comme la langue des signes ou la lecture labiale par exemple, ne place pas toujours les personnes malentendantes et sourdes dans une situation de handicap. On voit donc bien à quel point la notion de handicap est situationnelle et nécessite d’être prise en compte dans un environnement particulier. Dethorre (2006) rappelle qu’« on n’est sourd que pour ceux qui entendent et parlent, de même qu’on n’est entendant que pour ceux qui entendent peu ou pas, et n’utilisent la langue orale que fort difficilement » (p. 42). Ainsi, la situation de handicap dépend de l’environnement physique d’une part, et de l’environnement social d’autre part.

La notion de norme doit être remise en question puisqu'à certains moments la déficience passe inaperçue alors qu'à d'autres moments, elle est mise en avant dans des situations qui ne sont pas adaptées. On peut s’interroger sur les limites de cette norme, à savoir quand est-ce qu’une personne est considérée dans la norme ou hors-norme. Cette construction sociale et environnementale met donc en évidence la relativité de la norme, dans la mesure où, comme le dit Goasmat (2008) :

une même déficience n’entraîne pas le même handicap et ce sont des modes d’organisation sociale et politique qui feront de la déficience tantôt un handicap léger, tantôt une marginalisation, une exclusion.

En ce sens, le handicap est, au contraire de l’infirmité, un produit de l’organisation sociale (p. 48)

8

Finalement, tous ces besoins éducatifs particuliers ont été identifiés au regard d'une certaine norme scolaire et sociale qui a reconnu l'élève tout-venant, dit ordinaire, et ses caractéristiques (rythme de travail, autonomie, encadrement, atteintes de fin de cycles, …) comme étant la norme. Un élève sortant des balises ordinaires devient alors, par définition, un élève hors-norme, c'est-à-dire un élève présentant des besoins éducatifs particuliers. Gillig (2006) explique d’ailleurs que « cette définition du handicap renvoie à la fois à la norme, comme étant un écart à la norme, et à la catégorisation » (p.111). Des catégories sont créées socialement de façon à pouvoir savoir qui entre dans la norme et qui est en marge de celle-ci.

Au regard des éléments discutés ci-dessus, nous nous interrogerons par la suite sur la place que les élèves présentant des besoins éducatifs particuliers occupent dans le système scolaire. En effet, la désignation de ces élèves a impliqué une réorganisation des systèmes éducatifs pour leur permettre une scolarisation. Au départ, celle-ci était totalement isolée des structures d'enseignement ordinaires alors qu'aujourd'hui, les volontés politiques tendent à vouloir intégrer ou inclure ces élèves dans les écoles publiques.