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Sens du lieu, planification participative et acceptabilité sociale

7. Sens du lieu et échelle d’investigation (khettab et Chabbi-Chemrouk, 2017)

8.4. Sens du lieu, planification participative et acceptabilité sociale

problématiques telles que les ambiances urbaines, la compétitivité urbaine, les stress environnementaux (congestion, insécurité…), l’accès aux aménités urbaine. Tout autant de thématiques qui concernent le sens du lieu.

8.4. Sens du lieu, planification participative et acceptabilité sociale

L’urbanisme participatif est basé sur le choix pertinent des stratégies communicationnelle, employées dans l’objectif de rapprocher décideurs et planificateurs, d’un côté, et citoyens de l’autres côté. Ce choix reflète, en fait, le type gouvernance, et le niveau de participation en vigueur.

A ce titre, Gendron (2014) distingue, à ce titre, différente stratégies communicationnelles :

 Stratégie informative

Le décideur public communique l’information à la population locale, de manière unilatérale sans pour autant chercher à la convaincre ou à l’impliquer.

 Stratégie de réponse

Celle-ci reflète une communication gouverneurs/gouverné bilatérale mais dissymétrique. Les décideurs répondent aux questionnements des citoyens en se

158 contentant d’expliquer et de justifier les positions adoptées sans, pour autant, prendre concrètement les préoccupations de la population.

 Stratégie d’engagement

La communication est caractérisée par un véritable échange, à la fois bilatérale et symétrique. Le processus de prise de décision est une co-construction entre les différents acteurs qui peuvent s’influencer les uns les autres.

A défaut d’influencer directement le processus de planification se préoccuper des perceptions et des représentations des communautés locales permet a au moins un avantage celui de faire ressentir à ces dernières que leurs préoccupations ont été entendues ce qui conduit à calmer les éventuels controverses relativement aux politiques et aux aménagements entrepris. En effet, rechercher l’acceptabilité sociale commence par l’analyse de l’inacceptabilité ou plutôt de l’inacceptation sociale des projets et des politiques (Gendron, 2014).

L’acceptabilité sociale traduit un jugement collectif, davantage lié à une question de valeurs et de croyances partagées (Gendron, 2014). La signification négative attribuée aux politiques et aux projets constitue un facteur important de contestations. Cela se produit lorsqu’un changement affectant le cadre de vie d’une population est perçu comme une menace (Fortin, 2014).

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Conclusion chapitre III

Dans la littérature, le concept de lieu fait l’objet de différentes conceptualisations comparables à celles de la notion de paysage et aux différentes théories de perception :

 Dans une approche déterministe (psychophysique), la structure physique du lieu, le paysage ou l’environnement a des effets directs sur la perception du lieu. Cette tendance correspond au concept de genius loci si l’évaluation est faite directement par l’expert. Cela coïncide avec le concept de caractère (Green, 1999) dans le cas où l’évaluation fait intervenir une enquête psychophysique.

 Dans une approche sociocognitive le lieu est considéré comme un support de signification. Le sens attribué au lieu devient donc une construction de l’esprit, une représentation.

 Dans une approche phénoménologique, comme dans le concept de Topophilia de Tuan (1974) l’accent est mis sur le caractère holistique de l’expérience environnementale d’où le recours aux méthodes qualitatives et descriptives. Dans cette conception, tenter de mesurer le sens du lieu, c’est se risquer à une perte substantielle d’informations.

Vu la multitude de concepts rendant compte des rapports de homme à son environnement, nous considérons que le sens du lieu recouvre tous les autres termes (Shamai, 1991 ; Farnum et al., 2005 ; Jorgensen et Stedman, 2001). Celui-ci est défini comme une attitude multidimensionnelle englobant dimensions perceptives, cognitives, affectives et conatives61 (Jorgensen et Stedman, 2001) (voir schéma suivant). Le sens du lieu est donc approché dans une perspective sociocognitive.

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Même si la littérature ne distingue pas toujours entre aspects conatifs et comportementaux, rappelons que la dimension conative relève de l’intention du comportement, c’est-à-dire de l’attitude, et non des actions réelles qui ne peuvent être qu’observables.

160 Schéma 14 Sens du lieu d’un paysage urbain historique

Source : Auteur

Pour la mesure de la dimension affective nous adoptons une échelle bidimensionnelle où l’attachement au lieu pourrait être inféré à partir de deux dimensions. La première, l’identité du lieu relève du niveau cognitif. Cette dimension symbolique concerne l’importance accordée au paysage urbain en raison de ce qu’il représente (croyances et perceptions du lieu). La seconde dimension exprime des significations fonctionnelles, la dépendance vis-à-vis du lieu est un construit d’ordre conatif. Elle concerne les opportunités d’activités offertes par l’environnement urbain en terme de besoins en activités spécifiques (Williams et Roggenbuck, 1998 ; Williams, 2000 ; Kaltenborn et Williams, 2002). Williams et Vaske, 2003 ont testé la validité et la fiabilité de cette échelle de mesure et affirment que celle-ci peut être généralisable à d’autres sites.

Un examen attentif de la littérature liant sens du lieu, environnements historiques et villes côtières, permet de dégager certaines lacunes :

161  L’étude du sens du lieu est généralement rattachée aux lieux

touristico-récréatifs, les aspects historiques ou en rapport à une situation côtière sont accidentels. Quant-à l’influence de ces deux aspects, la littérature penche en faveur de la prédominance des dimensions paysagères sur les composantes historico-culturelles. Dans cette perspective, le travail de Kaltenborn et Williams (2002) est assez pertinent. En plus d’avoir validé l’échelle de mesure de l’attachement au lieu, leur recherche a investi un contexte territorial qui se rapproche de notre cas d’étude. Il s’agit du parc national de Femundsmarka (Norvège) qui, en plus de ses ressources paysagères, recouvre une ville minière classée au patrimoine universel.

 L’aspect récréatif lié au sens du lieu est généralement exploré dans une perspective touristique qui privilégie les utilisateurs temporaires au détriment de la communauté locale. L’échelle de Kaltenborn et Williams (2002) mesurant l’attachement au lieu reste, à ce titre, pertinente, dans la mesure où celle-ci a été utilisée auprès, non seulement des touristes, mais aussi de la population résidente dans le parc national norvégien.

 Le sens du lieu est le plus souvent étudié au sein d’une seule et unique unité spatiale, mais quelques rares études prennent en compte les échelles, de la ville, du voisinage, et de la région.

A ce titre, notre exploration du sens du lieu apporte une certaine contribution en la matière. Celle-ci s’inscrit dans un cadre théorique général mettant en cohérence les concepts de patrimoine, de paysage urbain historique et de sens du lieu, et ce à travers l’approche sociocognitive, qui va nous servir pour organiser les différents niveaux d’investigation : perceptive, cognitive, affective et conative.

De plus, notre recherche à Tipaza concerne une ville recelant des ressources patrimoniales et paysagères notables mais privilégie le point de vue des habitants, examiné à différentes échelles territoriales allant des éléments « ponctuels » saillants aux différents contextes environnants qui les englobent, et ce conformément aux recommandations relatives à la notion de paysage urbain historique.

162 En outre, l’utilisation de l’échelle de mesure de l’attachement au lieu constituée par williams et son équipe ouvre la voie vers sa validation ultérieure dans le contexte socioculturel et linguistique algérien.

Enfin, la plupart des travaux sur le sens du lieu relèvent de la psychologie environnementale. Les auteurs soulignent, parfois, l’importance de le prendre en charge, au niveau de la gestion, mais très rares sont les allusions qui donnent des précisions sur la manière de le faire. Dans ce contexte, le travail de Kaltenborn et Williams (2002) compare les attachements chez touristes et résidents avec les priorités en matière de gestion. Enquête que l’on pourra également intégrée dans des recherches ultérieures.

Nous avons, justement, essayer de montrer quelque possibilités d’application de l’approche sociocognitive par rapport à différentes thématiques (marketing urbain, accessibilité et mobilité, mixité spatio-temporelle et coprésence ...). Nous avons aussi détaillé les objectifs et les finalités de l’intégration du sens du lieu au niveau des différentes étapes de gestion, et en rapport, notamment, aux modèles de planification existants.

Il est vrai que le modèle rationaliste classique repose sur le paradigme de l’expert où, dans une démarche linéaire, l’objectivité scientifique du diagnostic garantit l’adoption de choix adhérant à la réalité de l’environnement. La finalité de ce type de planification est, ainsi, d’élaborer un plan d’actions rigoureux.

Par ailleurs, et en vue d’appréhender cette réalité qui se révèle être assez complexe et évolutive, ainsi que pour minimiser la subjectivité des experts liée leur condition humaine (capacité de traitement cognitif limitée). Pour s’adapter continuellement aux différentes contraintes, le processus séquentiel de la planification classique évolue vers un système itératif où le recours aux enquêtes sociologiques est intégré dans chacune des étapes : Audit et diagnostic, programmation, définition de secteurs homogènes, et aménagement.

163 La répétitivité des différentes phases de planification, conjugué avec la complexité de l’environnement requiert la standardisation d’outils permettant une compréhension rapide du réel pour une prise de décision prompte et efficace, ainsi qu’une veille active et continue. Ainsi, indicateurs et tableaux de bord qui constituent de véritables outils d’évaluation, d’aide à la décision et de monitoring urbain.

Toutefois, la complexité des études entreprises peut, simplement, constituer une preuve de sérieux vis-à-vis, d’un organisme jouissant d’une autorité, notamment financière, sur les auteurs de l’étude en question.

Pourtant, l’évolution de la planification urbaine vers un urbanisme participatif, impose l’adoption des principes de la bonne gouvernance, notamment, par l’implication des citoyens et l’intégration des stratégies de communication. Ceci apparait, justement, par l’introduction, au niveau des discours, des dimensions socio-symboliques. L’objectif, à ce moment-là, est simplement d’acquérir l’adhésion sociale en donnant, à une décision raisonnée prise au préalable, l’allure d’un choix négocié.

Dans un contexte co-construction décisionnel, analyser les représentations des différents acteurs constitue le premier pas d’une reconnaissance des divers points de vue. Le rapprochement des postions, parfois conflictuelle s’opère graduellement jusqu’à aboutir à un consensus.

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