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Instruments de gestion algériens

3. Le contexte de planification algérienne

3.1. Instruments de gestion algériens

Le régime général de planification algérien ignore complètement le concept de paysage. En effet, hormis quelques références au terme, aucune définition claire ne lui est consacrée. L’institution reconnaît dans le paysage ou plutôt dans certains de ses éléments, l’esthétisme, l’histoire et le végétal. La ressource visuelle, bien que commercialisée, n’est pas reconnue comme bien public, encore moins patrimoine. Ces critères conduisent à la prise en charge de certaines typologies de paysages ; les paysages exceptionnels au détriment des paysages quotidiens. Elle conduit aussi à la création d’un type de paysage naturel et d’un autre culturel, ces distinctions étant obsolètes si l’on considère le paysage comme fait perceptif (Khettab, 2006).

Au niveau institutionnel, seules les valeurs universelles31 et nationales sont décernées à certains éléments du paysage algérien : Valeurs forcément donc exceptionnelles, celles-ci sont associées, principalement, aux valeurs artistique, historique et naturelle. Le patrimoine immatériel ne semble pas recouvrir la dimension socio-symbolique. La valeur écologique, quant-à-elle, n’apparaît qu’en 1983 avec la loi relative à la protection de l’environnement. Étonnement, cette loi ne

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42 fait allusion ni au paysage ni même aux lois régissant les monuments et sites naturels, l’environnement y étant conçu comme support physique de la biodiversité, comme milieu récepteur appréhendé en termes de nuisances et pollutions. L’aspect sensoriel, quant-à-lui, n’est abordé qu’en termes de nuisances sonores alors que la pollution visuelle est complètement ignorée.

C’est la loi de 2003 relative à la protection de l’environnement dans le cadre du développement durable qui considère l’environnement, pour la première fois comme un cadre de vie. Au niveau de l’environnement urbain, c’est seulement la nature qui semble faire l’objet de préoccupations, avec une acception plutôt écologique, sans égard à l’agrément perceptif qu’ils apportent au paysage urbain. Le terme environnement, quant-à-lui, associe enfin valeurs paysagère et écologique dans la mesure où il désigne « les ressources naturelles abiotiques et biotiques … ainsi que les sites, les paysages et les monuments naturels32 ». Cette loi prévoit, par ailleurs, le classement de bosquets, jardins publics, espaces de loisirs et tout espace public participant à qualité du cadre de vie33.

Le paysage urbain quotidien, quant-à-lui, est régi principalement par la loi n°90-29 du 1er décembre 1990 relative à l'aménagement et à l'urbanisme qui a, entre autre objectif, la «préservation de l’environnement, des milieux naturels, des paysages et du patrimoine culturel et historique34» mais là encore la définition des « territoires à caractère naturel et culturel marqué » comme « territoires qui recèlent soit un ensemble de curiosités naturelles, pittoresques, historiques, culturelles, soit des avantages résultant de leur situation géographique, climatique, géologique ou hydro-minéralogique…35 » omet toute allusion à la notion de paysage.

Le patrimoine culturel algérien comprend les monuments historiques, les ensembles urbains et ruraux, et les sites archéologiques36. Curieusement, la conception conférée à ces derniers et celle qui se rapproche le plus de celle du paysage tel que

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Art. 4, loi n° 03-10 du 19 juillet 2003 relative à la protection de l’environnement dans le cadre du développement durable

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Art. 65 loi n° 03-10 du 19 juillet 2003 relative à la protection de l’environnement dans le cadre du développement durable

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Art. 1, loi n°90-29 du 1er décembre 1990 relative à l'aménagement et à l'urbanisme

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Art. 46, loi n°90-29 du 1er décembre 1990 relative à l'aménagement et à l'urbanisme

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43 le définit la Convention Européenne. En effet, les sites archéologiques sont considérés comme témoignage «des actions de l'homme ou des actions conjuguées de l'homme et de la nature37 ».

Les ensembles urbains historiques, quant-à-eux, sont dotés de Plan de Protection et de Mise en Valeur des Secteurs Sauvegardés (PPMVSS) alors que les sites archéologiques sont dotés de Plans de Protection et de Mise en Valeur des Sites Archéologiques (PPMVSA). Ces deux derniers instruments n’ont d’ailleurs été institutionnalisés qu’en 1998. Le PPMVSS supplantant le POS alors que le PPMVSA le complète, ces instruments sont établis sur l’initiative du wali et c’est la direction de la culture de la wilaya, en concertation avec les différents présidents d’APC, qui est chargée de leurs mises en œuvre. Bien que déconcentrés au niveau des services de la wilaya, les procédures d’élaboration de ces instruments de conservation suivent, encore, la logique descendante, et dont les mécanismes de concertation se limitent à un avis consultatif, réputé favorable s’il n’intervient pas dans les trente jours38

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Par ailleurs, ces services ne disposent pas de guides orientant l’élaboration et la mise en œuvre de ces documents et doivent se contenter des orientations sommaires issues de législation, et qui nécessitent des précisions, des points de vue, contenus, déroulements, et procédures à suivre.

Le paysage algérien est donc géré par fragments : Paysages exceptionnels et paysages quotidiens, paysage naturel et paysage culturel, sont réfléchis de manière indépendante les uns des autres. Ceci est symptomatique de la gestion sectorielle du paysage urbain algérien. Pour éviter conflits de compétences et conflits d’intérêts entre les différents acteurs publics, les mécanismes de concertation mis en place par la législation restent insuffisants.

En termes de gouvernance, la loi n°01-20 du 12 décembre 2001, relative à l'aménagement et au développement durable du territoire souligne l’importance de l’implication des acteurs économiques et sociaux en concertation avec les

37 Art. 28, loi n° 98-04 du 15 juin 1998 relative à la protection du patrimoine culturel

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44 collectivités territoriales39 alors que la loi n° 03-10 du 19 juillet 2003 relative à la protection de l’environnement dans le cadre du développement durable fait référence au « principe d’information et de participation, selon lequel toute personne a le droit d’être informée de l’état de l’environnement et de participer aux procédures préalables à la prise de décisions susceptibles d’avoir des effets préjudiciables à l’environnement40 » et se pose, entre autres objectifs « de renforcer l’information, la sensibilisation et la participation du public et des différents intervenants aux mesures de protection de l’environnement41 ».

Concrètement, l’enquête publique sous forme d’affichage constitue le principal mécanisme de participation citoyenne en Algérie. Celle-ci s’adresse à un citoyen considéré comme un acteur passif (il ne participe pas à la décision, il ne propose pas des actions) car ils n’interviennent qu’en aval du processus décisionnel pour valider des décisions prises par les élus et les experts. En plus, les collectivités locales ne sont pas tenues de prendre compte des avis de la population. Le modèle de gestion centralisé, associé à la bureaucratisation et la technocratisation des pratiques urbaines, ne laisse que peu de place à la participation citoyenne qui n’intervient qu’en aval et de manière accessoire.