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4.1. Identité du lieu

Proshansky et al. (1983, p.61) définissent l'identité du lieu comme un sous-concept de l'identité de soi référant à une variété infinie de cognitions concernant l’environnement physique. Ce concept englobe souvenirs, idées, sentiments, attitudes, valeurs, préférences, significations ainsi que des conceptions de comportement et expérience. Cette définition est celle communément admise dans la littérature, et est reprise, notamment, par Jorgensen et Stedman (2001, p.238), la concevant aussi dans la sphère cognitive, définissent l’identité du lieu comme les cognitions, les croyances, les perceptions et les pensées qu’attribue l’individu à un environnement particulier.

125 Pour Cuba et Hummon (1993, p.115), l’identité du lieu est conçue comme une interprétation de soi utilisant les significations environnementales. C’est-à-dire que les questions « où suis-je ? » et « où est ce j’appartiens ? » contribueraient à répondre à la question identitaire de « qui suis-je ? ». Les lieux pourraient constituer la base de la construction aussi bien des identités personnelles que des identités sociales dans la mesure où ceux-ci peuvent contribuer à constituer une configuration unique de son histoire personnelle ou communautaire. A titre d’exemple, grandir dans une région lacustre ou montagneuse favoriserait le développement d’une identité récréative liée à la pratique de la navigation ou des randonnées55.

Concernant les fonctions attribuées à ce concept, Proshansky et al. (1983, p.61) en identifient trois types :

 Fonction de reconnaissance : où un lieu passé devient un élément de comparaison pour reconnaitre des lieux issus de l’expérience plus récente.  Fonction de significations : Des significations fonctionnelles indiquant ce qui

doit s’y dérouler, sont associées au lieu.

 Fonction expressive et d’exigence (expressive-requirement fonction) : Les auteurs y réunissent deux groupes de fonctions. La première liée aux goûts et préférences environnementales alors que la seconde concerne les caractéristiques d’un environnement que doit remplir un environnement pour que l’homme l’utilise (lumière, oxygène et chaleur par exemple).

Autrement dit, ces fonctions attribuées à l’identité du lieu, qui elle, est définie dans la sphère cognitive, contiennent en germe l’allusion aux dimensions conatives (significations fonctionnelles) et affectives (goûts et préférences56), lesquelles se traduisent respectivement, par les concepts de dépendance et d’attachement au lieu. Cuba et Hummon (1993, p.115-116), pour leur part, identifient deux grandes fonctions à l’identité du lieu :

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L’exemple est pris de Amsden, (2007, p.6)

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En réalité beaucoup d’auteurs considèrent que les préférences relèvent à la fois des cognitions et de l’affect (Zajonc et Markus, 1982, Kaplan, 1987).

126  Présentation (display) : Concerne la manière dont le lieu est utilisé pour communiquer ses propres qualités (à soi ou aux autres). Le lieu de résidence, par exemple, aussi bien par la qualité de l’habitation, elle-même, que par celle du voisinage, permet la communication du statut social de ses habitants.

 Affiliation : Renvoie aux sentiments d’appartenir à un lieu, au fait de s’y sentir bien, de s’y sentir chez-soi. L’identification peut aussi se faire à travers le sens des valeurs partagées, le lieu se référant, dans cette optique, aussi bien au contexte physique qu’au contexte socioculturel.

Là aussi, l’on retrouve les deux dimensions cognitives (croyances à propos de soi ou de sa communauté) et affectives (se sentir bien comme chez-soi).

4.2. Dépendance au lieu

Stokols et Shumaker (1981, p.457) définissent la dépendance au lieu comme la force d'association entre occupant et lieu telle que perçue par lui-même. Se situant dans le domaine conatif, cette notion exprime dans quelle mesure, l’environnement favorise l’atteinte de ses objectifs, compte tenu des différentes possibilités d’actions (comment ce lieu se compare-t-il aux autres pour ce que j'aime faire?) (Jorgensen et Stedman, 2001, p.234). Il s’agit d’une évaluation du degré dont un lieu particulier satisfait les besoins et les objectifs d'un individu et d'une évaluation de la façon dont le lieu actuel se compare aux autres milieux actuellement disponibles qui peuvent satisfaire le même ensemble de besoins (Williams et Carr, 1993). Ce concept reflète les avantages perçus en matière de comportement d’un environnement particulier par rapport à d’autres environnements (Jorgensen et Stedman, 2001, p.238). La dépendance au lieu exprimerai tune sorte d’attachement fonctionnel à l’environnement (Williams et Vaske, 2003, p.831).

Contrairement aux notions d’identité et d’attachement, la dépendance au lieu n’est jamais étudiée seule.

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4.3. Attachement au lieu

Le travail d’Altman et Low (1992) sur l'attachement du lieu est incontournable dans le domaine. Ceux-ci la définissent comme une relation positive liant les gens aux lieux. Jorgensen et Stedman (2001), qui s’accordent avec Altman et Low (1992) pour lui donner un contenu explicitement affectif mais évitent d’en spécifier la valence. Ils définissent l’attachement au lieu comme un rapport émotionnel ou affectif qu’entretient l’individu avec son environnement. Cet attachement peut concerner les éléments physiques mais peut également se constituer en direction des personnes ou des groupes associés à ce lieu (Giuliani, et Feldman, 1993).

4.4. Rapport entre les différents concepts

Il n'existe pas de définition consensuelle de l'attachement au lieu, de l'identité du lieu et de la dépendance au lieu, ni même sur la manière dont ils sont articulés.

Pour Altman et Low (1992, p.5), l’attachement au lieu impliquerait l’interaction entre affect, émotions, connaissances, croyances, comportements, et actions. Ils reconnaissent l’interaction entre niveau affectif (affect et émotions), cognitif (connaissances, croyances) et comportementale. Cette idée rejoint celle de Proshansky et al. (1983, p.62), qui pensent que l’identité du lieu (niveau cognitif) accueillerait les attitudes, les valeurs, les pensées, et les significations (relevant de la sphère cognitive), ainsi que les tendances comportementales qui vont au-delà du simple attachement émotionnel à un lieu donné. Dans les deux cas, il y a reconnaissance d’une interaction entre niveau cognitif et affectif.

Hernández et al. (2007) ainsi que Lewicka (2001) ont essayé de dégager les différents types de relations qui existent entre attachement et identité. En combinant leurs travaux et analysant leur propres conceptualisations de cette relation, nous proposons les cas de figure suivants :

Les deux concepts sont considérés comme synonymes ou du moins l’attachement est opérationnalisé en termes d’identité (Stedman, 2002).

128 L’un des concepts inclus l’autre. Pour Lalli (1992) par exemple, l’identité urbaine est composée de l’évaluation, la familiarité, l’attachement, la continuité et l’engagement. Pour Williams et Vaske (2003) l’attachement au lieu englobe identité et dépendance.

Attachement et identité subordonnés au concept plus englobant de sens du lieu (Jorgensen et Stedman, 2001).

L’attachement au lieu est un concept multidimensionnel qui englobe identité, dépendance et rapports sociaux (Kyle et al., 2005).

L’attachement au lieu précède l’identité : Hidalgo et Hernandez (2001), Hernandez et al. (2007), ayant examiné le rapport entre attachement au lieu et identité expliquent que la première précède la seconde, c’est-à-dire que l’individu aime, ou n’aime pas un lieu, pour se créer ensuite ses propres idées à son propos et donc pour que celui-ci devienne le support d’une identification.

Attachement et identité sont indépendants : C’est le cas de Lewicka (2008) qui étudie l’attachement comme un construit unidimensionnel et ne cherche pas à le lier, sur le plan conceptuel, aux autres types de relations à l’environnement. Dans l’hypothèse de l’unidimensionnalité du sens du lieu, l’attachement, portant sur l’affect et exprimant ainsi une évaluation globale serait la composante d’évaluation la plus pertinente. C’est-à-dire que le sens du lieu défini comme une attitude envers un environnement spatial, serait plus corrélé avec l’attachement au lieu qu’avec l’identité ou la dépendance (Jorgensen et Stedman, 2001, p.238-239).

En effet, la relation de l’homme à son paysage urbain, sens du lieu, ou encore attachement au lieu est une évaluation qui englobe à la fois significations symboliques, fonctionnelles, et affectives. La composante symbolique inclut, entre autres, l’identité du lieu et concerne les croyances et les perceptions du lieu l’importance accordée au paysage urbain en raison de ce qu’il représente. Celle-ci se situerait donc au sein du domaine cognitif. Les significations fonctionnelles, encore appelées dépendance au lieu, concernent les opportunités d’activités offertes par l’environnement urbain en terme de besoins en activités spécifiques. Elles incluent les intentions de comportements ainsi que l’engagement envers le lieu. Ce niveau de

129 significations relèverait ainsi du domaine conatif. Enfin, la dimension affective concerne les émotions et les sentiments que l’homme attache à son environnement. Jorgensen et Stedman (2001) pensent que le sens du lieu est composé de l'attachement au lieu (engagement émotionnel avec le lieu), la dépendance au lieu (niveau conatif, dirigé donc vers l'action), et l'identité du lieu (niveau cognitif, c'est-à-dire de construction de significations).