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Observation et cartographie comportementale

Chapitre II : La dimension cognitive ou interaction individu/paysage

3. Les méthodes d’investigation

3.3. Observation et cartographie comportementale

L’interaction entre comportement et environnement bâti ou même social, est mieux approchée par l’observation directe in situ car les attitudes (ce que l'individu pense qu'il va faire) ne concordent pas toujours avec les comportements réels. En effet, pour l’analyser des affordances environnementales, c'est-à-dire, la manière dont les gens utilisent les lieux, il est plus pertinent d’observer directement les gens que de leur demander ce qu’ils font ou ce qu’ils ont l’intension de faire.

Ainsi, à partir d'un point fixe, l'observateur note les comportements des utilisateurs en marquant la progression des visiteurs: itinéraire, points d'arrêt, durée et activités pratiquées, nombre d’individus, seules ou accompagnées (Uzzell et Romice, 2003) Pour plus de commodité, l’observation s’effectue moyennant des enregistrements vidéo. L'on peut procéder aussi, à un échantillonnage temporel, pour relever la position et le nombre de visiteur à chaque intervalle.

Minimisant les biais dus à l’implication affective du chercheur avec les sujets, cette technique se veut plus objective mais elle pose des problèmes d'éthique relativement à la question de vie privée, en plus d'un investissement en temps et en moyens très important. Du fait de cette distance, justement, l’interprétation des comportements est plus délicate, c’est pour cela que celle-ci est généralement complétée par d’autres techniques (Uzzell et Romice, 2003).

Cependant, dans la pratique, il s’est révélé être impossible d’arriver à une neutralité complète du chercheur, pour certains il s’agit même d’un mythe, car personne ne peut complètement échapper à l’influence de sa culture. L’on peut simplement être conscient de l’existence de ces filtres et être attentif au risque de biais qu’ils

95 impliquent. L’on privilégie dés lors, au contraire, que celui-ci s’imprègne de l’objet de recherche. L’observation est ainsi dite participante (Laperrière, 2009, p.311-336). Issue de l’anthropologie culturelle et de la sociologie urbaine, la technique d’observation participative suppose que le travail de terrain ne se limite pas à la simple recherche mais implique le chercheur dans la vie quotidienne d’une population donnée ou des lieux à étudier pour comprendre les comportements et les processus sociaux qui y sont notés (Jones et Burnay, 1999, p.45 et suivantes).

Dans sa version minimaliste, l’observation participante met l’accent sur l’implication du chercheur : Pour mieux atteindre la subjectivité des sujets, il s’agit pour le chercheur de vivre la situation étudiée, en même temps qu’eux. De cette manière, les motivations des sujets (acteurs sociaux) sont appréhendées, de l’intérieur. « L’influence du contexte social et de déterminants objectifs sur l’action des observés n’est pas niée, mais le rôle de la subjectivité, qui donne sens aux actions à la suite d’un processus d’interprétation ne tenant pas toujours compte des déterminants objectifs en jeu, est perçu comme central » (Laperrière, 2009, p.314).

Dans sa version maximaliste, l’implication du chercheur dans l’observation participante peut aller jusqu’à contribuer aux changements de situations jugées inacceptables. Le chercheur doit développer une familiarité avec la situation étudiée. Il « doit pénétrer dans la subjectivité des observés en partageant leur vécu et en dialoguant avec eux de l’interprétation qu’ils en font. Ici, les significations que les acteurs sociaux attribuent à leurs actes deviennent un élément essentiel du compte rendu de la recherche axé sur le dévoilement des motivations des acteurs sociaux, mises en lien avec les actions observées… » (Laperrière, 2009, p.315).

Le tableau suivant, opère une comparaison entre observation directe et observation participante (Ferréol, 2004, p.74-75).

96 Tableau 6 Comparaison entre méthode d’observation directe et participative

Modes de

collecte Types d’informations Choix techniques

Obstacles (à minimiser) Avantages relatifs Observation directe Systématique (observateur extérieur) - Caractères ou propriétés d’un nombre d’évènements

ou d’unités (distributions, fréquences) - Plusieurs caractères ou

propriétés de la même situation ou du même objet

- Actions constatées, explications reçues, significations rapportées - Incidents ou histoires, faits

récurrents

- Définition des objets à observer et des unités

- Echantillonnage représentatif - Comptage

- Sélection des données - Monographie ou ethnographie

(petit échantillon, masse d’observations)

- Nécessité de systématiser la prise de notes (catégories,

échelles)

- Manifestations sensibles (signes à interpréter)

- Diversité d’objectifs et de niveaux d’observations

- Cadre de référence « surdéterminant »

- Sujets à observer se comportant autrement que seuls, conduites

ambigües

- Imprécision à accumulation inutile des données : observations intentionnelles, interprétation ex

post des notes

- Intervention minimale du chercheur Observation participante Observateur connu ou caché

- Faits tels qu’ils sont pour les sujets observés - Phénomènes latents (échappant aux sujets mais

non à l’observateur)

- Interview « sur le vif », pendant l’évènement, et observation, soit

directe, soit par personnes interposées (informateurs,

collègues)

- Relation face à face durable, ou non (voir, écouter, partager) : observateur à la fois détaché et

impliqué

- Rejet possible de l’observateur, ou intégration et socialisation

excessives

- L’évènement intéressant est souvent fortuit - Problèmes d’éthique - Participation maximale - Relations moins artificielles

97 Par ailleurs, il existe de nouvelles techniques d’observation où l’observation n’est pas réalisée par le chercheur, mais plutôt par les sujets eux-mêmes. Le rôle du chercheur se résume seulement à recueillir leur observations. C’est le cas de la technique de l’observation récurrente, mise au point par le laboratoire CRESSON (Amphoux, 2003) : Il s’agit d’une approche indirecte qui consiste à faire réaliser des séquences photographiques ou vidéographiques, par des professionnels de l’image, en sélectionnant les situations les plus expressives (identifiés dans via d’autres techniques d’investigation dans la phase exploratoire), et de les soumettre à l’interprétation d’experts issues de différentes disciplines et/ou des habitants. Ces derniers sont aussi incités à réagir aux commentaires de leurs prédécesseurs : C’est le principe de récurrence.

Un échantillon entre 5 et 10 sujets est sélectionné : Ce n’est pas la représentativité statistique qui est recherchée, mais plutôt « l’expressivité53 » (Amphoux, 2003, p.235). En effet, le principe même de la méthode repose sur la diversification des regards.