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Sens du lieu, gestion urbaine et thématiques associées

7. Sens du lieu et échelle d’investigation (khettab et Chabbi-Chemrouk, 2017)

8.1. Sens du lieu, gestion urbaine et thématiques associées

A l’ère du développement durable et de la gouvernance urbaine, la tendance n’est plus à la planification spatiale des villes mais plutôt à leur gestion de manière holistique. Ainsi, nous avons rassemblé dans ce qui suit des thématiques non spatiales liées au sens du lieu et intervenant plus globalement la gestion urbaine. Cela ne veut pas forcément dire que le lien avec la planification est inexistant. En effet, les politiques basées sur la notion d’équité (accessibilité et mobilité par exemple), de marketing urbain, ou d’analyse de la mixité spatio-temporelle peuvent se traduire au niveau des orientations stratégiques ou de la programmation urbaine.

8.1.1. Marketing urbain, patrimonial et touristique

L’attractivité urbaine est « la capacité d’un territoire à être choisi par un acteur comme zone de localisation (temporaire ou durable) pour tout ou partie de ses activités » (Gérardin et Poirot, 2010, p.27). Pour être compétitive et attirer investisseurs et ménages, la ville doit jouir d’une image positive.

De ce fait, connaitre les représentations urbaines actuelles et passées ainsi que les identités urbaines est un préalable à toute définition stratégique en matière marketing urbain (Bailly, 1993). Plus encore, une volonté de promouvoir l’image d’une ville

140 coïncide souvent avec la volonté de construire un projet de ville (Rosemberg-Lasorne, 1997).

8.1.2. Accessibilité sociocognitive aux ressources territoriales

Une ville durable est définie, entre autres, en termes d’équité d’accès aux ressources du territoire pour tous. La liberté de se déplacer, de bénéficier de loisirs ainsi que de participer à la vie sociale font partie des critères d’attractivité d’une ville, notamment, pour les ménages (Gérardin et Poirot, 2010).

A ce titre, la mobilité urbaine est généralement appréhendée à partir de l’offre de mobilité ou du coût de déplacement (Ramadier, 2011). Pourtant, du point de vue sociocognitif, le rapport entre lisibilité de l’espace et déplacement a été très tôt établi. Lynch (1960) rattache la lisibilité urbaine aux aspects physiques et soutient qu’une image claire permettrait de se déplacer facilement. Nous avons déjà expliqué que retrouver son chemin, c’est-à-dire s’orienter dans l’espace est l’une des fonctions des représentations.

Mais au-delà de leurs caractéristiques physiques, l'accès à certains lieux urbains peut être inhibé en raison de leur association avec certaines représentations négatives comme par exemple la criminalité perçue ou réelle ou encore des sentiments d'insécurité.

A ce titre, Ramadier (2011) parle, justement, d’accessibilité sociocognitive. Celle-ci semble plus pertinente que l’accessibilité géographique ou la proximité dans la prédication la fréquentation des parcs (Wang et al., 2015).

L’accessibilité sociocognitive est, non seulement, liée à la lisibilité physique de l’espace mais aussi à sa lisibilité comportementale et sociale. Dès lors, celle-ci peut-être aussi mesurée en rapport avec les pratiques de mobilité, ou encore, en rapport avec les significations attribuées aux lieux.

141 8.1.3. Les thématiques temporelles

Avec la transformation des conditions de travail dans les pays développés (réduction du temps de travail, horaires flexibles, formes d’emploi désynchronisées : temps partiel, de nuit…) ou, au contraire, à cause du taux de chômage élevé des pays en développement, le travail ne structure plus nos sociétés contemporaines, ce qui a permis l’émergence d’un besoin nouveau, celui d’occuper le temps libre, d’où l’importance accordées aux lieux touristiques et de loisirs ainsi qu’aux thèmes concomitants de mobilité touristique et d’accessibilité des espaces publics et récréatifs.

Ces thématiques relèvent de la géographie du temps qui s’intéresse aux rapports temps/espace et temps/ activités60. Son étude est indissociable de « l’analyse des rythmes et des usages, de l’analyse du temps vécu différencié des personnes et des groupes sociaux » (Bondue et Royoux, 2007).

Dans ce sens, relever les « enveloppes-temps » comme proposé par Lynch (1982) apparait, justement, comme bon moyen d’appréhender temporalités urbaines. L’auteur propose de schématiser les rythmes apparents d’utilisation (diurne, nocturne, 24/24, changements cycliques réguliers liées aux heures de pointes ou à la récréation par exemple).

La géographie du temps couvre, par ailleurs, des questions comme l’offre de services qui tente de suivre les dérégulations individuelles et collectives, des emplois du temps, ou encore, la distanciation des différents lieux de vie.

Dans son numéro double, paru en 2007, consacré aux temps et temporalités des populations, la revue Espace Populations Sociétés aborde, principalement, trois thématiques temporelles (Bondue et Royoux, 2007) :

60

La revue espace populations sociétés prépare un numéro thématique autours des « Synchronisations, désynchronisations : les nouvelles thématiques temporelles ». De plus, un numéro thématique est en préparation de la Revue teoros traitant des « coprésences, conflits, complémentarités dans les usages des lieux par les touristes et les habitants », parution attendue en début 2020 (voir site de la revue)

142  Temporalité et mobilité

Cette question aborde l’étude des temporalités populations caractérisée par une mobilité particulière. Celle-ci concerne, par exemple, les rythmes de mobilité des salariés et son influence sur les plans de déplacement. Les itinérants-nomades ainsi que les touristes constituent aussi des populations aux temporalités particulières.

 Temporalités et coprésences

L’accélération de la mobilité quotidienne, la distanciation lieu de travail/lieu de résidence, conjugué avec la désynchronisation des rythmes collectifs de travail permettent un usage plus continu des espaces publics, d’où la nécessité d’une analyse plus fine des temporalités et des rythmes de ces lieux. La coprésence d’utilisateurs différents pose le problème de l’articulation temps de vie et d’activités plurielles et discontinues et souvent en tension.

L’objectif de cette thématique peut être lié à l’évaluation de l’accessibilité, dans le temps, d’espaces urbains privilégiés ou à celle de l’appréciation de la mixité spatio-temporelle, tous deux constituant des indicateurs d’une ville durable.

 Politiques temporelles

Il s’agit d’articuler temps de prise de décision et fonctionnement des communautés sous tension temporelle afin de gérer les inégalités temporelles. « Le but est aussi de s’intéresser aux logiques récentes d’aménagement du territoire et leurs capacités à repenser le fonctionnement des espaces publics en fonction de l’articulation et des tensions entre les différents temps sociaux» (Bondue et Royoux, 2007). L’espace public devrait, en effet, favoriser un usage partagé et alterné, c’est-à-dire, permettre une mixité socio-spatiale. De plus, ses limites spatiales mais aussi temporelles devraient pouvoir être discutées et appropriées collectivement ce qui peut conduire à la définition de chartes de bonne conduite (Bondue et Royoux, 2007).

En rapport avec ces thématiques temporelles, nous considérons que la représentation sociocognitive pourrait constituer un outil intéressant d’identification et de mesure des temporalités longues, celles liées « à la force des ancrages territoriaux, aux poids des mentalités, à la transmission entre générations, aux héritages, aux transformations des morphologies urbaines, à la transcendance du

143 patrimoine » (Bondue et Royoux, 2007). Le sens du lieu pourrait constituer par exemple, un outil de mesure des conséquences spatio-temporelles pour les populations locales, de la mise en tourisme ou de la préservation de leurs cadres de vie.

L’exploration du sens du lieu au niveau des différentes entités spatiales ainsi que des lieux urbains les plus marquants pourrait, selon cette perspective, être rattachée à l’étude des temporalités perçues, vécues et ressenties.

8.2. Théories de la planification urbaine : Postulats, objectifs et