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Cadre normatif international : Chartes, Normes

2. Contexte international

2.2. Cadre normatif international : Chartes, Normes

historiques. Cette inversion qui s’explique par le « culte de l’art » né du développement de la branche de l’histoire de l’art ; c’est le processus d’« artialisation » des monuments historique (c’est-à-dire, leur transformation en objet d’art). Cette période est caractérisée par une conception muséographique du monument-objet.

Progressivement la notion de territoire s’intègre dans le champ patrimonial et met fin au monopole du monument historique. Les abords immédiats des monuments et des sites s’étendant, de plus en plus, jusqu’à englober des territoires de plus en plus larges, allant jusqu’à se confondre avec la notion d’environnement. Ainsi, l’évolution ultérieure de la notion de paysage et de paysage urbain historique repose sur ce concept de territoire.

Choay (1992) fait remonter l’intérêt suscité par les ensembles urbains au début des années 1860, en Angleterre, avec W. Morris et J. Ruskin, qui considéraient la ville ancienne comme monument historique. La dimension esthétique est associé à la ville par Sitte (1889), dans son ouvrage « l’art de construire la ville », qui consacre la ville préindustrielle comme objet d’étude esthétique. Cependant, Giovannoni, serait le premier à désigner le patrimoine urbain sous ce terme. Celui-ci aurait accordé aux villes une valeur d’usage, en plus des valeurs historique et esthétique qu’elles avaient déjà (Choay, 1992).

Quant-à l’élément naturel, G.H Bailly (1975) fait remonter son intégration dans le champ patrimonial à 1925. Celui-ci est d’abord considéré comme un écrin qui met en valeur les monuments historiques. Le patrimoine naturel a acquis aujourd’hui une reconnaissance qui se confond tantôt, avec les préoccupations historico-monumentales en références, notamment, aux jardins historiques, tantôt avec les préoccupations environnementales comme c’est le cas, par exemple, des réserves et parcs naturels.

2.2. Cadre normatif international : Chartes, Normes

Le développement ultérieur de ces notions peut être retracé à partir des documents normatifs internationaux : Tous ces programmes, conférences et déclarations sont

29 destinés à servir de base à la réflexion et à l’élaboration d’une nouvelle approche de conservation. Différents documents existent : ceux de l’UNESCO, de l’ICOMOS, ICCROM et de IUCN pour le patrimoine naturel, mais ne seront cités dans ce qui suit que les documents intéressants par rapport au développement de la notion de paysage urbain historique.

La charte d’Athènes pour la restauration des monuments historiques 1931 illustre la phase de consécration du monument historique (1820-1960) en ne prenant en charge que les seuls monuments, la protection de leur « voisinage » ne constitue qu’un début assez timide de prise en charge des abords.

Ceux-ci ne sont pensés en termes de contexte qu’en 1964 avec la charte de Venise pour la conservation et la restauration des monuments et sites. Celle-ci illustre la fin du monopole du monument historique caractérisée par l’ouverture du champ patrimonial aux sites urbains et ruraux, et par extension de l’architecture plus modeste.

Cependant, les villes anciennes ne sont considérées réellement pour elles-mêmes qu’avec les Normes de Quito 1967 qui marque le début de la phase de concrétisation des ensembles urbains. Ces normes sont novatrices à différents titres :

L’on y reconnaît, en effet, la valeur sociale mais surtout économique des monuments et sites urbains,

l’on y reconnaît la valeur environnementale et visuelle des sites naturels (scenic areas, centers of environmental value).

Enfin, ces normes contiennent déjà l’idée d’ouvrages nés de l’interaction entre l’homme et la nature. Idée qui est à la base même de la définition du concept de paysage.

La Convention du Patrimoine de 1972, crée une nette séparation entre sphère naturelle et culturelle. En effet, les villes anciennes sont inscrites comme ensembles, c’est-à-dire qu’elles sont considérées comme des « groupes de constructions isolées ou réunies, qui, en raison de leur architecture, de leur unité, ou de leur intégration dans le paysage, ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue de

30 l'histoire, de l'art ou de la science20 », alors que les « œuvres de l'homme ou œuvres conjuguées de l'homme et de la nature, ainsi que les zones y compris les sites archéologiques qui ont une valeur universelle exceptionnelle du point de vue historique, esthétique, ethnologique ou anthropologique » constituent la catégorie des sites.

En réaction à la mondialisation du patrimoine instituée par la convention de l’UNESCO 1972, l’Europe a choisi l’année 1975 comme année du patrimoine européen. A cette occasion, deux documents ont vu le jour ; la déclaration d’Amsterdam et la Charte Européenne du Patrimoine Architectural. Ces deux documents s’intéressent aux monuments et aux ensembles urbains ainsi qu’à leur contexte bâti ou naturel. De plus, les sites ruraux, les parcs et jardins historiques ainsi que leurs abords rejoignent le champ patrimonial. Dans ces deux documents, les valeurs attribuées au patrimoine sont toujours centrées sur l’intérêt historico-artistique, alors que la valeur exceptionnelle des biens culturels est remise en question par la prise en considération de biens plus humbles. L’accent y est mis sur la requalification et le traitement non muséologique des villes historiques. Le souci de conservation est intégré comme prérogative de la planification urbaine.

Avec ce concept de conservation intégrée des zones urbaines historiques, l’approche typomorphologique trouve son application dans la conservation urbaine et la gestion des centres historiques. Il s’agit d’une théorie organiciste (la ville comme un organisme vivant, un processus de stratification) qui cherche à inscrire les nouvelles interventions en continuité formelle et historique avec l’existant, et ce à travers l’étude des structures de permanence.

Par ailleurs, la Charte Européenne du Patrimoine Architectural (1975) introduit aussi des notions qui préfigurent certains concepts du développement durable, dont particulièrement, celui de gestion locale durable. En effet, la charte recommande la mise en place d’une gestion intégrée du patrimoine. Celle-ci repose sur une

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31 responsabilisation des autorités locales, ce qui implique une décentralisation de la gestion du patrimoine à l’échelon communal. En plus du principe de subsidiarité, la gestion intégrée invoque également le principe de concertation entre les acteurs, et traite, par ailleurs, des préoccupations comme la qualité de vie et la responsabilité envers les générations futures. L’on peut donc considérer que la notion de gestion intégrée dont les jalons ont été lancés en 1975, a probablement beaucoup inspiré les principes de gouvernances des biens culturels telles que définis par UN-HABITAT. Mais ce n’est qu’en 1976, qu’un document international est complètement dédié à la sauvegarde des ensembles historiques ou traditionnels et leur rôle dans la vie contemporaine. Il s’agit de la Recommandation de Nairobi. Celle-ci définit les ensembles historiques et architecturaux comme : « groupe de bâtiments, de structures et espaces non bâtis dans un environnement urbain ou rural dont la cohésion et la valeur sont reconnues du point de vue archéologique, architectural, préhistorique, historique, esthétique ou socioculturel. Le terme environnement, quant-à-lui, est défini comme un « cadre naturel ou créé par l’homme qui influence la perception statique ou dynamique de ces ensembles ou qui leur est directement rattaché dans l’espace ou par des liens sociaux, économiques ou culturels ».

Progressivement, les documents internationaux substituent au concept de patrimoine des termes comme lieu et site. Ces concepts traduisent l’élargissement des valeurs véhiculées par les biens culturels. Aux valeurs d’art et d’histoire, s’ajoutent des valeurs sociales et spirituelles tel que l’aspect visuel, les usages et les associations symboliques liés aux biens culturels en question.

Vingt ans après la convention mondiale du patrimoine, soit en 1992, apparaissent les limites des catégories naturelles et culturelles instaurées. En effet, cette distinction se heurte à deux obstacles. La première concerne la difficulté, qui apparait parfois, d’intégrer un élément dans l’une ou l’autre des catégories. La seconde provient du souci de préservation, qui se veut plus holistique dans son approche. Les paysages

culturels sont ainsi nés pour caractériser la coexistence, sur un même territoire, des

patrimoines naturels et culturels, concept que nous avons désigné sous le vocable paysage de confluence.

32 Parallèlement, l’intérêt pour les villes est renouvelé par la charte de Washington 1987, dédiée à la conservation des villes historiques et des zones urbaines en rapport avec leur cadre naturel et anthropique. Cette charte recommande la préservation, notamment de l’organisation urbaine, des rapports entre bâtiments et espaces non bâtis, de l’aspect extérieur des bâtiments ainsi que des rapports avec le cadre environnant et les fonctions. Cette charte propose d’associer les prérogatives de conservation et de gestion de la transformation, qui jusque là n’étaient pas prise en charge, afin de mieux répondre aux besoins fonctionnels et sociaux de la vie quotidienne. Les concepts de planification de la conservation (conservation planning), la participation citoyenne, les principes typologiques de la contextualisation des pratiques sont réitérés en prônant une approche culturelle respectant le caractère dynamique des villes. L’accent est ainsi mis sur l’importance de garantir une relation harmonieuse entre l’ensemble urbain historique et

l’ensemble de la ville dans les plans de conservation.

Cet élargissement continu que connaît le concept de patrimoine, donne naissance à la notion de paysage à laquelle sera consacrée la Convention de Florence 2000. Le paysage est enfin approché de manière anthropocentrique, remettant les relations de l’homme à son environnement au cœur des débats. Ainsi, le terme de «paysage désigne une partie de territoire telle que perçue par les populations dont le caractère résulte de l’action de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations 21». La notion de paysage urbain historique, quant à elle, est instaurée par le Mémorandum de Vienne 2005 sur le patrimoine mondial et l’architecture contemporaine – gestion du paysage urbain historique. Celui-ci se réfère aux monuments classés mais aussi aux ensembles et leurs éléments connexes significatifs, physiques, fonctionnels et visuels, matériels et associatifs, avec les typologies et les morphologies historiques. Au-delà des termes traditionnels de «centre historique», «ensemble» et leurs «environs», souvent employés dans les documents internationaux, le concept de paysage urbain historique inclut le cadre territorial et le paysage environnant. Ce mémorandum définit le caractère des

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33 paysages urbains historiques par des éléments tels que : les modes d’utilisation des terres, l’organisation spatiale, les relations visuelles, la topographie et les sols, et la végétation.

Le principal apport de ce document est l’acceptation du changement continuel comme inhérent à la condition urbaine : L’apport des interventions contemporaines est considéré comme pouvant être aussi important que celui des époques précédentes. Il s’agit de compléter les valeurs véhiculées par le paysage urbain historique, tout en respectant l’historicité de la ville. C’est exact, le changement n’est pas seulement naturel pour une ville, mais il est souvent nécessaire car l’amélioration de la qualité de la vie passe, aussi par l’amélioration du cadre de vie. De plus, la réhabilitation des centres historiques contribue à renforcer l’identité et la cohésion sociale garantissant ainsi la vigueur de l’organisme urbain, et par là même la conservation de ses parties historiques.

Mais une fois de plus, l’élargissement typologique est accompagné par l’élargissement des valeurs patrimoniales. En effet, la valeur exceptionnelle et universelle du point de vue de l’histoire, de l’art et de la science définie par la Convention Mondiale du Patrimoine est ici complétée par les valeurs préhistoriques, historiques, scientifiques, esthétiques, socioculturelles ou écologiques. La même année, en 2005 donc, la dimension culturelle du patrimoine est aussi mise en relief par la convention-cadre du Conseil de l'Europe sur la valeur du patrimoine culturel pour la société qui, considère le patrimoine culturel comme un capital culturel et une ressource facilitant l’édification d’une société pacifique et démocratique.

Depuis 2005, nous constatons une série de recommandations émises lors des réunions régionales de l’UNESCO telles les recommandations de Jérusalem, Saint-Pétersbourg et Olinda sont consacrées au paysage urbain historique. Aussi, en Lituanie 2006, le terme « historic townscape » apparaît pour désigner les paysages urbains historiques, qui jusque là étaient traduit par Historic Urban Landscape. A côté des analyses de la morphologie urbaine, l’on y recommande l’étude des points de vue et de la silhouette (skyline des paysages urbains historiques.

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