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Chapitre II : La dimension cognitive ou interaction individu/paysage

3. Les méthodes d’investigation

3.7. Questionnaire

L’objectif du questionnaire est d’étudier un concept ou une problématique. Celle-ci doit ,d’abord, être décomposée en différentes dimensions. Chaque dimension peut être, ensuite, déclinée en différentes composantes jusqu’à la formulation de questions précises qu’on appelle les items.

Schéma 10 Construction d’un questionnaire

Source : Bachelet (2014)

3.7.1. Modèles de questions (Uzzell et Romice, 2003)

La formulation des questions peut influencer la valeur et l'utilité pratique des informations recueillies. Concept Dimension 1 Composante 1 Composante 2 Dimension 2 Composante 1 Dimension 3 Composante 1 Question 1 Question 2 Question 3 Composante 2 Composante 3

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Exemple1

Cette vue est-elle visuellement attrayante?

Oui Non

Je ne sais pas

Exemple 2

Classez les vues suivantes selon leur attrait

vue n°1 vue n°2 vue n°3 vue n°4

Exemple 3:

Evaluez chaque vue

▪ vue n°1 plus attrayant 1 2 3 4 5 moins attrayant

▪ vue n°2 1 2 3 4 5

▪ vue n°3 1 2 3 4 5

▪ vue n°4 1 2 3 4 5

Ainsi, les questions à réponse oui/non (exemple 1) ne permettent pas d'appréhender les réponses mitigées, nuancées, alors que le classement de différents paysages, de différentes vues (exemple 2) ne permet pas de connaître la valeur absolue de chaque vue. L'évaluation de chaque vue (exemple 3) est la meilleure forme car elle permet à la fois de connaître la valeur intrinsèque de chaque vue et de comparer les vues les unes aux autres.

La technique du différenciateur sémantique est plus simple d'utilisation aussi bien pour le chercheur que pour les sujets enquêtés. Ces derniers évaluent le paysage physique à travers des descriptions verbales basées sur des adjectifs bipolaires, sur une échelle de 5,7 ou 10.

Cette méthode a aussi ses limites. En effet, les différences individuelles sont effacées: l'utilisation d'adjectifs bipolaires ne permet pas au sujet d'apporter une réponse qui lui soit personnelle. Le sujet est contraint de répondre à travers les adjectifs proposés.

103 3.7.2. Mesure de l’attitude

L’attitude est « soit une « prise de position » sur un problème donné ou sur une question débattue, donc une « matrice » de nombreuses opinions personnelles, soit une manière chronique de réagir, une prédisposition à certains types de réactions…» (Mucchielli, 1993, p.27). Les attitudes sont des opinions fortes et personnelles susceptibles de se traduire en actions.

3.7.2.1. Procédés d’auto-évaluation

On demande au sujet d’estimer lui-même la force de ses réactions. Il peut s’agir de lui demander s’il désapprouve, approuve modérément ou fortement ou s’il désapprouve absolument ou encore s’il est indifférent à une affirmation. Il peut s’agir aussi de demander à l’enquêté de se situer sur une échelle préétablie. L’utilisation d’une échelle graduée et d’adjectifs opposés constitue le principe du différentiateur sémantique d’Osgood crée en 1952.

Exemple 1

Je suis attaché à cet endroit -3 -2 -1 0 +1 +2 +3

Exemple 2

Cet endroit est :

laid -3 -2 -1 0 +1 +2 +3 beau

La difficulté c’est que le centre, c’est-à-dire le zéro, n’exprime pas forcément une indifférence du sujet, mais plutôt une évaluation qui peut avoir pour lui une valeur propre (ici moyennement beau).

L’échelle d’attitude vise justement à pallier ces inconvénients : les expressions d’attitude sont classées par un expert dans un ordre croissant ou décroissant.

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3.7.2.2. Echelle d’attitude de Bogardus

Des experts classent les formules dans un ordre croissant. Les points d’accords sont retenus pour construire une liste constituant ainsi l’échelle qui permet de mesurer les attitudes. L’on reproche à cette méthode que les intervalles entre les différents degrés soient empiriques, c’est-à-dire, non calculables.

3.7.2.3. Echelle d’attitude de Thurstone

Il s’agit justement d’une échelle à intervalle calculable. Après une récolte de vastes affirmations sur un sujet donné. Celles-ci sont classées par des experts par ordre d’intensité progressive en une dizaine de degrés. Les affirmations sur lesquelles il y’a divergences des experts sont éliminées. Les formules retenues sont affectées d’un indice de classement correspondant à la moyenne des cotations données par les experts. Ces formules sont ensuite présentées dans un ordre choisi au hasard.

3.7.2.4. Echelle de Lickert 1932

L’on demande aux sujets d’évaluer leur degré d’accord ou de désaccord avec les questions présentées. C’est l’échelle la plus communément utilisée, surtout dans les tests psychologiques.

3.7.2.5. Echelle de Guttman

Il s’agit d’une échelle cumulative, c’est-à-dire qu’elle est composée d’une liste d’affirmations progressives. L’adhésion à l’une de ces affirmations suppose et implique l’adhésion à toutes celles qui la précèdent et qui reflètent un degré moindre d’accord. D’un côté, cette méthode permet de repérer les attitudes pertinentes pour la progression de l’échelle. D’un autre côté, elle permet de découvrir la hiérarchie d’attitude existante.

Le tableau suivant constitue une comparaison entre la technique de l’entretien et celle du questionnaire (Ferréol, 2004, p.71).

105 Tableau 7 Comparaison entre techniques de l’entretien et celle du questionnaire

Mode de collecte Types d’information Choix technique Obstacles

(à minimiser) Avantages relatifs

Interview (orale) Structurée Libre, sur un thème général, Centrée, sur un thème particulier, Informelle et continue, Panel, interviews répétées, En profondeur Faits observés et/ou opinions exprimées sur des

évènements, les autres, soi-même, Changement d’attitude, d’influence, Evolution des phénomènes, Signification des réponses, Contenu latent Sélection des informateurs (aptes et disposés à répondre) : Echantillons, Répondant représentatifs, Personnes compétentes (key informants) Barrière à la communication, relation artificielle, Mécanismes de défenses (fuite, refus, rationalisation, conformisme, etc.) Etat d’information aléatoire des répondants, Subjectivité Disparité entre déclaration et comportements, Inadéquation des concepts au réel, difficultés de langage, incompréhension Incitations à répondre (accueil, désir de communiquer, etc.) Quantité et qualité accrues des informations, problèmes plus complexes, charge affective, Flexibilité. Questionnaire (écrit) Idem. Formulation des questions : Fermés (Choix de réponses réduit), Ouvertes (Contenu et forme des réponses laissées au choix) Idem. Biais dus à la rigidité, Dépouillement et classement plus difficile, Interprétation délicate, risques d’erreurs,

Coûts plus élevés.

Economie, Uniformité, Anonymat, Facilité de dépouillement, Filtrage des questions, Réponses plus complexes.

106 3.7.3. La validité et fiabilité

Le tableau suivant explique les types de biais qui pourraient compromettre la validité interne du questionnaire et la manière de les éviter (Bachelet, 2011).

Tableau 8 Biais compromettant la validité interne dans la technique du questionnaire

Type Origine Comment l’éviter

Effet d’histoire Des évènements extérieurs à l’étude faussent les résultats (Noël)

Examen critique de la période d’étude

Réduire la période d’étude

Effet de maturation

Les individus ont changé pendant l’étude (réussite/échec au bac, entre

ou sort du centre commercial)

Examen critique des individus

Réduire la période d’étude Effet de test (not.

pour une étude longitudinale/ par

panel)

Les réponses au deuxième questionnaire sont affectées par le fait d’avoir déjà répondu (mémoire)

Ne pas questionner deux fois les mêmes individus (?)

Éviter la mémorisation ?

Effet d’instrumentation

Les questions utilisées pour recueillir les données sont mal formulées

(mots compliqués….)

faire valider le questionnaire par un expert

Protocole normalisé

Méthode de la pensée à voix haute. Effet de régression

statistique

Présélection des individus sur la

base de caractère extrêmes Revoir la constitution de l’échantillon

Effet de sélection L’échantillon n’est pas représentatif de la population pertinente

Attention au plan de collecte !

Effet de mortalité expérimentale (pour

une étude longitudinale/ par

panel)

Des sujets disparaissent en cours d’étude (des participants

abandonnent l’étude)

Remplacer les sujets perdus

Optimiser les moyens de garder le contact.

Effet de contamination

Un individu interrogé apprend à l’avance par les autres l’objet de l’étude ou les réponses attendues

Cacher objectif/les moyens de l’étude

Mener l’étude rapidement

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Conclusion du chapitre II

Différentes théories pourraient expliquer la perception des paysages urbains historiques dont les plus importantes sont :

 Behaviourisme est une approche déterministe qui réduit l’interaction homme/environnement urbain aux binômes stimulus-réponse.

 Théorie de la Gestalt où l’homme a déjà un rôle plus actif dans l’organisation de son environnement. Le processus de perception est strictement réduit au niveau sensoriel.

 Théorie écologique : Celle-ci considère entre autre, le sujet comme agent actif, le processus de perception y reste direct. Les cinq sens y sont appréhendés comme source d’information, le concept d’affordance introduit un rapport de réciprocité entre l’individu et l’environnement

 Théorie inférentielle : Il s’agit d’un courant probabiliste qui, étant donné qu’une image pourrait donner lieu à différentes interprétations, considère que la perception résulte du choix de l’une des hypothèses au détriment des autres. Dans ce sens, le processus perceptif est transactionnel, dans la mesure où celui-ci s’opère par un échange entre l’individu et l’environnement.

Schéma 11 Enchainement des théories perceptives en rapport au rôle de l’homme

Source : Auteur Théorie behaviouriste Déterministe Théorie de la Gestalt Psychophysique Théorie écologique Théorie inférentielle Cognitive

Rôle de plus en plus actif de l’homme dans le processus de perception et interrelation homme, environnement de plus en

108 Si l’on considère ces différentes approches du point de vue du rôle du sujet dans le processus de perception (schéma ci-dessus), nous pouvons constater que les approches behaviouriste et psychophysique, par le caractère direct qu’elles attribuent à la perception, tendent à expliquer les phénomènes perceptifs par la structuration même de l’environnement.

Bien que partageant ce point de vue, l’approche écologique se démarque de ces deux autres approches par la reconnaissance de la représentation comme une activité cognitive, post-perceptive. Mais ce n’est qu’avec les théories inférentielles, dont l’approche cognitive fait partie, qu’il devient possible de considérer l’homme et son environnement dans un rapport interactionnel où les dimensions cognitives (conceptions de l’esprit) interviennent au même titre que les caractéristiques physiques de l’environnement dans le processus de perception. L’homme y joue un rôle plus actif dans le sens où il se construit sa propre vision de l’environnement en y intégrant ses propres motivations, attentes, valeurs…

C’est, justement, l’interaction de l’homme avec son environnement ainsi que les valeurs qu’il lui attribue qui nous a permis de relier, dans un premier temps, le concept de paysage à l’approche cognitive, et qui nous permettra dans le chapitre suivant d’y intégrer la notion de sens du lieu.

Le recours spécifique à cette approche peut être aussi justifié en termes de finalités, c’est-à-dire, en termes de caractéristiques des données à recueillir (quantitatives/ qualitatives, objectives/subjectives, techniques ou chiffrables/descriptives) mais aussi en termes d’implication des sujets dans le processus d’évaluation environnementale (voir tableau ci-après).

En effet, parmi toutes les approches d’évaluation définies par Taylor et al., (1983) que sont le paradigme de l’expert, le paradigme psychologique, le paradigme cognitif, et le paradigme expérientiel, c’est, justement, l’approche cognitive qui permet de considérer le paysage urbain comme cadre de vie et de s’adresser directement à la population concernée pour explorer les valeurs socio-symboliques qui lui sont associé en utilisant des les instruments d’évaluation normalisés, valides, et fiables. C’est donc l’approche la plus appropriée pour constituer un protocole

109 d’investigation appelé à être intégré dans les instruments de gestion du paysage urbain.

Schéma 12 Enchainement des différentes approches d’évaluation de l’environnement

Centré sur le lieu Centré sur la personne

Valeurs exceptionnelles de l’environnement urbain

L’environnement urbain comme cadre de vie (expérience vécue)

Accent sur les valeurs esthétiques, qualités scéniques

Accent sur les valeurs socio-symboliques associées

Rôle prépondérant de l’expert dans le processus d’évaluation

Rôle prépondérant de l’habitant dans le processus d’évaluation

Résultats quantitatifs, objectifs, techniques, valides et fiables.

Résultats qualitatif, subjectifs, plutôt descriptifs moins valides et fiables.

Source : Auteur

Dans l’approche cognitive, la perception est considérée comme un processus basé sur différents systèmes de filtres (sensoriel, psychologique, socioculturel) et comprenant perception sensorielle, cognition, attitude et comportement. Ce processus permet à l’homme de se créer sa propre représentation de l’environnement.

Notre intérêt se pose, justement sur ce concept de représentation, qui en plus d’être une construction mentale dynamique (Kitchin, 1994) structurant nos connaissances spatiales et environnementales, englobe les valeurs et les significations qui sont attribuées à l’environnement en question. Elle nous permet d’agir et de prendre des décisions environnementales. Elle est complexe, hautement sélective, l’information qu’elle contient est d’ordre global donc schématique, incomplète, déformée et disproportionnée (Downs et Stea, 1973, p.18).

110 Au lieu de parler de représentations collectives, sociales, spatiales ou encore environnementales, leur double valence individuelle et sociale conduit Moser et Weiss (2003) à les qualifier plutôt de « sociocognitives ».

Nous avons choisi de traiter, dans le cas de Tipaza, du contenu partagée des représentations sociocognitives, ce que Jodelet (2008) appelle la transsubjectivité. Pour cela, nous nous référons à l’approche structurale des représentations sociales (Abric, 2003b) qui définit ces significations partagées au niveau du noyau central des représentations.

Pour se faire, il existe deux grandes catégories de méthodes, celles centrées sur le lieu et celles centrées sur les personnes. Dans la première, le souci est d’identifier les caractéristiques physiques de l’environnement. Il s’agit de méthodes comme l’observation directe, la cartographie comportementale, les trajets accompagnés, les parcours commentés, l’exploration et la dérive paysagère. Alors que pour les secondes, l’étude est plutôt orientée vers l’exploration des dimensions perceptives, évaluatives, conative et comportementales utilisant, généralement, entretien et questionnaire, et incluant entre autres : mesure des attitudes, adjective check lists, survey questions ainsi que les différentiateurs sémantiques. Il est intéressant de savoir que certaines méthodes comme les cartes mentales par exemple, peuvent être axées sur les lieux autant que sur les personnes. Pour les méthodes discursives comme l’entretien et le questionnaire, c’est la formulation des questions qui permet l’orientation plutôt vers le lieu, ou plutôt sur les sujets.

Le choix méthodologique dépend notamment des objectifs de l’étude, de son caractère exploratoire ou confirmatoire ainsi que des moyens à disposition pour la mener. La connaissance, entre autres, des avantages et des limites de chaque méthode, des méthodes de l’échantillonnage, de la manière de construire un questionnaire, de la formulation des questions, des bais qui pourraient aller à l’encontre de la validité de l’enquête mais aussi des modes d’administration, est un préalable incontournable.

Pour notre part, nous considérons que « la particularité de ces approches ne réside pas tant dans l’utilisation et l’application de ces méthodes différentes, même si

111 celles-ci témoignent pour certaines d’une réelle inventivité, mais bien plutôt dans leur combinaison. En effet ce n’est que par la mise en commun des résultats issus des différentes approches, leur combinaison et leur comparaison, que peut s’appréhender… l’interaction de l’individu dans un environnement particulier. En d’autres termes, on ne peut en aucun cas, en psychologie environnementale, faire l’impasse de la confrontation de données issues de différentes sources, aussi cette intégration méthodologique est couramment préconisée et utilisée dans la discipline» (Moser, 2010, p.165-166).

Utiliser différentes techniques d’investigation nous permettra d’élargir le spectre des représentations dont fait l’objet Tipaza alors que le croisement des résultats issus de différentes méthodes permettra d’en identifier les éléments récurrents. L’objectif rappelons-le, est d’explorer le lien entre une communauté locale et son paysage urbain. Ce lien se traduit justement par la notion de sens du lieu qui fait l’objet du prochain chapitre.

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