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Scolarisation des enfants en situation de handicap : des effets de la loi de 2005

2. Le handicap et sa place à l’école : vers de nouveaux jours

2.1. De l’intégration à l’inclusion scolaire : il a bien fallu du chemin

2.1.2. Scolarisation des enfants en situation de handicap : des effets de la loi de 2005

La scolarisation des enfants en situation de handicap est, selon Mme D. (Mme D., Ent4_TP07) ce qui a le plus connu de bénéfices depuis le vote de la loi du 11 février 2005. Il y a eu en effet d’énormes et de francs progrès (Mme D., Ent4_TP29_L2-3). Avant cette loi, explique notre enquêtée, ce n’était pas la « norme » que les enfants en situation de handicap soient inclus dans l’école ordinaire de leur quartier tandis que depuis son vote, cela l’est devenu (Mme D., Ent4_TP07_L3-5). L’école est appelée à être inclusive, endroit où les enfants sont de droit tant qu’ils peuvent y être et tant que ça leur profite (Mme C., Ent3_TP16_L8-9). Cette « normalisation » de la scolarisation en milieu ordinaire a fait augmenter l’effectif des élèves en situation de handicap dans les différentes écoles d’accueil. Dans une Académie comme celle de Localité A par exemple, depuis 2006, on était un peu moins de 6000 élèves en situation de handicap à l’école ordinaire, pour en être à 1478087 en

84 Plaisance (2007) parle d’ « idéologie méritocratique et de l'élitisme républicain traditionnel » (Plaisance, E.,

2007, p. 120).

85 Loi n° 2005-102 du 11 février 2005, (Art. 19, L. 112-2.)

86 Le terme « inclusion » ne figure nulle part dans la loi de 2005, au contraire, cette loi parle d’ « intégration

scolaire ».

2015 (Mr B., Ent2_TP09_L12-13) : une augmentation de 150% en moyenne générale sur tous les niveaux de scolarité (Mr B., Ent2_TP10_L2-3) et un taux d’accroissement moyen annuel, sur la période 2006-2015, de 8% par an à l’école primaire et de 22% au collège (Mr B., Ent2_TP10_L10-11). Une augmentation d’autant plus importante dans le secondaire à hauteur de 250% en dix ans (Mr B., Ent2_TP10_L3-5)88. Mais au-delà de ces données statistiques positives, il convient de ne pas perdre de vue les effectifs réels : en 10 ans (2005- 2015), ce sont en effet 7660 élèves89 en situation de handicap supplémentaires qui ont été scolarisés.

Ce sont, au-delà du droit de scolarité à proximité délivrée par la loi, entre autres des nouvelles mesures d’aides (financières, humaines et techniques), d’informations et d’orientation qui facilitent l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap et qui sont à l’origine de cette croissance des effectifs. Ainsi, au regard de cette affluence vers l’école ordinaire, on pourrait croire qu’il ait été fait du vide dans les établissements spécialisés afin de renflouer le milieu ordinaire (Mme C., Ent3_TP16_L10-12). Ce qui n’est pas nécessairement le cas : « on s’est rendu compte que certains enfants qui étaient dans l’enseignement spécialisé ont basculé dans l’enseignement ordinaire avec des aides, et que par contre le nombre de places en établissements spécialisé est resté le même. Donc ça veut dire qu’aujourd’hui effectivement notre enseignement spécialisé ils sont face à des enfants qui sont souvent avec des troubles plus profonds qu’avant la loi de 2005 » (Mme C., Ent3_TP16_L12-16). L’école ordinaire s’étant montrée plus ouverte, accueille un public qui avant 2005, se serait retrouvé dans l’enseignement spécialisé, ces établissements restant avec des effectifs relativement stables qu’avant 2005 (Mr B., Ent2_TP13_L6-8 / L_10-13) mais recevant des cas de handicap plus complexes qu’auparavant.

L’augmentation des effectifs se fait aussi remarquer dans le supérieur : « nous voyons augmenter de façon importante le nombre d’étudiants en situation de handicap d’année en année. Donc on a augmenté de 50 ou 60% les 5 dernières années donc c’est énorme » (Mme C., Ent3_TP09_L5-7). Les dispositifs mis en place et connus par tous (parents et étudiants, etc.) semblent être, selon Mme C., la cause de cette croissance numérique des étudiants en situation de handicap

88 Toujours sur le site de l’Académie : de 2011 à 2015, 30% d’augmentation du nombre d’élèves en situation

« Les étudiants en situation de handicap on les a pas fabriqués hein. La plupart était déjà là, c’est-à-dire que le fait de mettre en œuvre des structures, des lieux dans lesquels ils aient une écoute, ils trouvent un endroit, des personnes dédiées pour les écouter, analyser leurs besoins, leur donner les compensations nécessaires, ç’a permis à pas mal d’étudiants de se faire connaitre parce qu’ils savaient que c’est par ce dispositif-là qu’ils obtiendraient les aides. Donc ç’a fait sortir en quelques sortes du bois tout un ensemble de gens qui s’était pas forcément fait connaitre avant. Donc on a vu augmenter beaucoup le nombre d’étudiants » (Mme C., Ent3_TP09_L8- 16).

« On n’a jamais vu autant d’enfants en situation de handicap scolarisés en milieu classique » (Mme D., Ent4_TP08_L8-9), argumente Mme D. Cette croissance inédite, d’après Mme C., arrive justement et ira croissant tant que l’école continuera à développer ses valeurs inclusives ; pour elle, l’école a en effet montré depuis 2005 « ses capacités à accueillir des enfants qui, jusque-là étaient plus souvent orientés en dehors du système scolaire que maintenant […]. Et l’institution à ce point de vue-là, elle a quand même sacrément bien réagi » (Mme C., Ent3_TP16_L16-21).

« Il y a une réussite quantitative ça c’est incontestable » (Mr B., Ent2_TP13_L3-8), une quantité chiffrée. Toutefois, comme le soutient Mugnier (2006) « lorsque l’on est en présence de données sur le handicap, il est nécessaire de les prendre avec précaution et de nuancer leur interprétation » (Mugnier, S., 2006, p. 95). Outre les éventuelles lacunes dans les chiffres (les problèmes de définition, d’identification, de reconnaissance des handicaps, etc.), il convient de relever que la « vertu » de l’inclusion scolaire lui fait mériter « plus qu’un simple accroissement en nombre des élèves handicapés scolarisés. La qualité doit être visée autant que la quantité » (Gillig, J.-M., 2007). Heureusement, à certains égards, on peut relever que les avancées observables ne sont pas seulement d’ordre quantitatif mais aussi qualitatif : par exemple, il y a de la réussite scolaire chez les élèves en situation de handicap. « On n’a pas encore pris l’habitude que ces élèves, ils puissent réussir. Les gens n’ont pas l’habitude qu’ils soient là (en milieu ordinaire) » (Mme C., Ent3_TP17_L6-8). Ces représentations qui, longtemps, ont contribué à influencer les élèves concernés à se dévaluer eux-mêmes, à s’autocensurer et à croire que rien n’était possible (Mme C., Ent3_TP17_L8-

9), sont de plus en plus contredites. Les élèves en situation de handicap réussissent aussi bien que leurs camarades, sinon mieux souvent :

« Vous voyez90 BEP, vous avez les CAP, les BTS, le Bac général, le Bac Techno,

le Bac Pro, d’accord. Et donc nous avons mesuré le taux de réussite de tous nos élèves, ça nous connaissons, et nous avons isolé le taux de réussite aux examens des élèves en situation de handicap puisqu’ils avaient fait une demande d’aménagement donc nous les connaissions, donc on a pu faire ce travail. Ben vous voyez que les élèves en situation de handicap, ont un taux de réussite supérieur aux autres, d’accord, au CAP, au BEP, au Bac Pro, au Bac techno c’est la même chose et il y a encore un écart au Bac général qui est de trois points » (Mr B., Ent2_TP13_L24-31).

Contrairement aux difficultés et à l’échec qui pouvaient être attendus suites aux craintes et plaintes91, les élèves en situation de handicap enregistrent un taux de réussite aux examens satisfaisant, chose inimaginable il y a dix ans (Mr B., Ent2_TP13_L43-51). En effet avant le vote de la loi de 2005, témoigne Mr B., « les élèves en situation de handicap au lycée, y en avait sans doute moins d’une centaine dans l’Académie. Y en avait hein, notamment des jeunes adolescents ou de jeunes lycéens avec un handicap moteur mais qui avaient toutes leurs fonctions cognitives, qui étaient des jeunes gens des jeunes filles très intelligents et cetera, qui faisaient leur parcours malgré ce handicap-là, il y avait des jeunes aussi déficients visuels qui réussissaient, mais enfin, ils étaient extrêmement peu nombreux » (Mr B., Ent2_TP13_L44-51). Mais il faut soulever ici l’importance des effectifs. Mr B. lui-même le souligne : « nous avons très peu d’élèves en situation de handicap au lycée, je vous ai dit que sur 100 élèves handicapés, il y en 7 au lycée. Ce qui est très peu » (Ent2_TP13_L32-34). Peu nombreux, ces lycéens en situation de handicap sont plus faciles à accompagner vers la réussite. L’Académie pourrait-elle justifier d’un tel taux de réussite quand le nombre de lycées en situation de handicap augmentera ?

90 L’enquêté montrait les données sur un diagramme dans une diapositive, données que nous avons vérifié

ensuite sur le site de l’Académie

91 - « Ah vous avez un petit handicapé là cette année !

- Oui bah oui !

- Ah oui c’est bien hein mais il va pas ralentir le rythme de la classe ? » (Mr B., Ent2_TP14_L38-

44)

(Une conversation le jour de la rentrée entre une enseignante et un parent qui s’inquiète pour la performance de son enfant, performance qui, pour lui, pourrait être réduite à cause de l’ « incompétence » estimée des élèves

Ainsi, autant en quantité qu’en qualité, des progrès peuvent être notés quant à l’accueil en milieu ordinaire des élèves en situation de handicap. Néanmoins, quelques bémols restent à être relevés. S’il y a croissance des effectifs des élèves en situation de handicap, il demeure une mauvaise répartition de ces effectifs dans les différentes formations. Par exemple en proportion, comme le témoigne Mme C., il y a moins d’élèves en situation de handicap dans les classes préparatoires aux grandes écoles et les BTS (Mme C., Ent3_TP17_L21-24). Pourtant, poursuit-elle, « c’est très demandé par les élèves en situation de handicap parce que c‘est une formation qui est encore scolaire bien encadrée, dans un lycée, c’est parfois un peu rassurant, mais ils y sont quasiment absents, parce que y a très peu de places, donc leur place est pas préservée d’une certaine manière » (Mme C., Ent3_TP17_L24-28). D’autre part, la couverture de la scolarisation est à étendre davantage puisqu’il y a encore des milliers, peut-être des dizaines de milliers d’autres enfants en situation de handicap qu’on n’arrive pas à scolariser en particulier les enfants autistes pour lesquels le retard de scolarisation reste important (Mme C., Ent3_TP16_L3-7 / Mme D., Ent4_TP08_L3-4). Somme toute, les efforts inclusifs se poursuivent et la « cohabitation » dans un même milieu des élèves avec et sans handicaps ne cesse de s’améliorer (Mme C., Ent3_TP23_L25-26) ; c’est à force de fréquentation à l'école de ces enfants en situation de handicap que les autres enfants se formeront et apprendront à connaitre et à respecter le handicap (Rabischong, P., 2008).

2.1.3. L’inclusion scolaire comme la coopération de plusieurs acteurs