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1. Vers une société inclusive

1.1. De l’intégration à l’inclusion sociale

1.1.1. Définitions et portées des concepts intégration et inclusion

La loi sur le handicap du 11 février 2005 a sacré une visée essentielle qui est la construction d’une « société inclusive » (Mme C., Ent3_TP04_L4). Cette nouvelle conception, prônée sur le plan international une dizaine d’années auparavant, se présente comme « une nouvelle catégorie d’action publique » (Chauvière, M. & Plaisance, E., 2008) qui vient en relai à un ancien modèle dit de l’intégration qui a montré ses limites dans ses principes et sa mise en pratique. En effet, les hommes de tous temps ont toujours eu, avec des moyens et des manières différentes mais valables, des approches sociales envers les personnes qui dans la société, sont distinguées par leurs handicaps. Les efforts à « l’intégration » ne sont pas nouveaux, au contraire, ils existent depuis toujours. Gardou (2012) ne distingue-t-il pas plusieurs types de sociétés et leurs comportements face aux handicaps ?

- Il identifie en effet les sociétés à bannissement, comme dans l'Antiquité grecque, qui chassent et exilent les « non-conformes » ;

- Les sociétés massacrantes ou purifiantes, comme en Occident à la fin des siècles médiévaux, qui punissent, torturent, tuent ou pratiquent des rituels purificatoires ;

- Les sociétés enfermantes, à l'instar de celles des XVIe et XVIIe siècles, en une période où l'on arrêtait les vagabonds, où l'on enfermait les pauvres et empêchait la mendicité, qui créent des institutions de séquestrations et incarcèrent ;

- Et les sociétés à rachat ou à réparation qui compensent, convertissent en une dette le dommage subi par la personne exclue (Gardou, C., 2012).

Ce dernier cas de sociétés correspond aux sociétés contemporaines depuis le XXe siècle qui nourrissent le désir de construire de nouvelles relations avec le handicap dans lesquelles celui-ci peut, à force de progrès, enfin intégrer le milieu social ordinaire. Ce vœu

d’intégration, bien que d’une étendue spatio-temporelle très vaste55, garde des repères dont

l’un des plus incontournables reste la loi du 30 juin 1975 dite loi d’orientation en faveur des

personnes handicapées. « C’est une loi, une grande loi qui prône la démarche d’intégration

des personnes handicapées. L’intégration, d’accord ? » (Mr B., Ent2_TP06_L26-27), avait précisé Mr B. Dans les années 70-80, le concept d’intégration est en effet le maitre-mot des politiques sociales (Lavau, B., 2016), pendant des dizaines d’années, elle va animer la danse sociale, scolaire et institutionnelle quant à la conception du handicap. Il se développe et emballe vite les esprits par le progrès évident qu’il représentait à l’époque. Mais les personnes en situation de handicap comme leurs représentants familiaux et associatifs vont constater que le principe intégratif ne va pas de soi (ibid.).

En réalité, le système d’intégration va ouvrir aux personnes en situation de handicap des possibilités de participation, mais une participation minimale puisque qu’elles ne pourront accéder qu’à seulement quelques activités. Aussi dans ce système, explique Mr B., « on rééduque la personne […] on la normalise, il faut la remettre à la norme, et quand elle est à la norme, alors, elle peut être intégrée complètement ou partiellement » (Mr B., Ent2_TP06_L27-30). Les systèmes d’emploi et d’éducation vont donc être vus comme des pôles de discrimination parce que martelant sur « l’anormalité » des personnes en situation de handicap et donc sur leurs incapacités. Ainsi, ce concept sera quelques années plus tard remis en cause au plan international par l’ONU, l’UNESCO (Mr A., Ent1-TP06-L13), l’intégration étant désormais décriée d’être comme une « grâce sociale » accordée aux personnes en situation de handicap, leur accueil étant comme la réception d’un corps étranger (Mme D., Ent4_TP32_L3-4).

Depuis une vingtaine d’années, c’est à une société dite inclusive qu’aspirent nombre de gouvernements, d’associations et d’institutions. « Initialement liée aux modalités d’accès au droit commun des personnes reconnues handicapées, la notion d’inclusion renvoie désormais à l’injonction d’affiliation faite aux organisations par une conception systémique du monde social leur demandant d’être accessibles et de permettre à tout un chacun de contribuer activement au bien-être économique et social » (Ébersold, S., 2015). En effet, pour ce qui est de ce nouveau concept social, il s’agit d’une mise en participation active des personnes en situation de handicap ; « il s'agit de penser une société où les personnes

55 Il s’agit d’un désir social qui date de longtemps dans le passé, aussi Mugnier (2006) soutient-elle que « la

problématique de l’intégration est loin d’être une approche spécifique à la France,elle s’inscrit dans un contexte plus large » (Mugnier, S., 2006, p. 83).

vulnérables de corps et d'esprit ont une place, non celle qu'on leur attribue dans les marges mais celle qu'elles se font, étant sujets de leur propre vie et membres de plein droit de la communauté politique » (Sanchez, P., 2014, p. 29).

L’inclusion dénote une volonté de construire un environnement social où le handicap et les personnes en situation de handicap trouvent pleinement leurs places. Elle est absence de discrimination du fait d’une stigmatisation quelconque. Elle est reconnaissance entière enfin d’un droit inhérent à chaque homme au partage du patrimoine humain, social et culturel existants et à la participation de plein gré avec tous ses semblables humains à la vie que l’humanité, la société et l’Histoire donnent de construire et de partager : le bonheur, l’éducation, les loisirs, le travail, etc. Ainsi, cette conception réitère le souhait de notre monde à faire plus que jamais, bon accueil aux personnes en situation de handicap. Comme l’intégration (Mr B., Ent2_TP06_L33-34), l’inclusion ne concerne pas seulement le handicap. Il s’agit plus vastement d’une « inclusion tout court. Une société inclusive, aux hommes, aux femmes, aux jeunes, aux vieux, aux personnes handicapées, aux personnes pas handicapées, […] c’est une société ouverte à tous » (Mme C., Ent3_TP23_L3-6), en somme, une société « normale ».

1.1.2. Intégration ou inclusion ? Un débat qui n’aurait jamais dû exister si…