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1. Vers une société inclusive

1.1. De l’intégration à l’inclusion sociale

1.1.3. A quand enfin l’ « inclusion » ?

« La dynamique de l’inclusion est directement héritée des droits de l’Homme et bénéficie d’une légitimité incontournable dans son principe » (Weislo, E., 2012, p. 51). Le modèle nouveau dit de l’inclusion, succédant à celui de l’intégration, est en effet un mode, un principe, un idéal de vie sociale. Mme C. à propos de son effectivité de nos jours, dira que l’inclusion, « c’est un chemin » (Mme C., Ent3_TP23_L3). Le principe inclusif n’est

56 Cf. la handi-addiction de la société : chap. 4, 2.1

57 Sans pour autant nier qu’il y a du progrès dans le domaine du handicap 58 Cf. le point sur l’accès à l’emploi : chap. 5, 1.2.4

effectivement pas un habit prêt-à-porter dont il faut tout de suite revêtir la société et lui redonner nouvelle coloration. C’est au contraire à la fois un chemin avec ses péripéties, et une destination visée avec tous les rêves associés. L’essentiel c’est de vouloir « rêver » et de se mettre en route tout en ménageant bien sa monture. Et la monture de la société et de chacun, ce sont l’ensemble des lois, des actions collectives et individuelles qui promeuvent l’égalité des droits et des chances, le « vivre ensemble ». Nous pouvons déplorer les imperfections et la lenteur59 des choses en ce qui concerne l’inclusion ; de nombreuses questions restent effectivement irrésolues quant à sa mise en œuvre pratique (Weislo, E., 2012). Mais il convient de garder un peu de réalisme. « On ne peut pas reprocher à une politique en construction de connaitre quelques tâtonnements » (ibid., p. 66). « Comme tout progrès qui s’installe, argue Mme D., y a forcément des déceptions parce que on voudrait toujours aller plus loin. C’est plus facile quand on est en régression de progresser que quand on est en progression de progresser euh de progresser encore » (Mme D., Ent4_TP09_L4- 6). Ainsi, même si cela parait toujours trop long, il faut admettre que les changements sociaux nécessitent du temps (Mr B., Ent2_TP24_L28-29), il faut donc laisser le temps à la société d’évoluer (Mme D., Ent4_TP29_L3-4). L’inclusion qui ne prend pas le temps est suspecte. D’ailleurs, « la rapide et ample diffusion de ce concept, avec son cortège de dérivés, le fait suspecter de n'être qu'un écran de fumée rhétorique, une jonglerie abstraite qui cache une réalité plus trompeuse que vertueuse » (Gardou, C., 2012, p. 10).

Si l’inclusion en vient à convaincre davantage et à s’approprier les « sympathies » de plus d’un pour faire d’elle l’approche sociale du handicap la mieux seyante de nos jours, c’est essentiellement parce qu’elle considère les personnes en situation de handicap comme injustement évincées d’une société qui, comme à tous, leur revient de droit, et de s’intéresser au « comment » rétablir les torts. Elle doit donc marquer un décalage, une rupture avec les pratiques anciennes. Le piège de « l’inclusion » trop rapide, qui comprendrait à peine les réalités des personnes en situation de handicap, serait justement d’être au mieux, comme de « l’intégration » : la société, sur la base de principes et stratégies prédéfinis et donc normés, « aiderait » les personnes en situation de handicap à devenir comme « les autres » (elle les normaliserait) et non à se sentir bien comme elles sont, à s’habituer et à les accepter comme différentes. Le danger serait en effet d’instrumentaliser les personnes concernées, de vouloir « décider de ce qui est bien pour elles, au nom du principe de bienveillance » (Mazen, N.-J.,

2011, p. 71). Dans pareils cas, la société développerait une théorie inclusive, tout en restant dans ses pratiques à l’âge de l’intégration ou de l’adaptation. Weislo (2012) note à cet effet un réel décalage entre le modèle de l’inclusion qui bénéficie par ailleurs d’un consensus sur le plan des valeurs, et les pratiques sociales réelles (Weislo, E., 2012). Ceci représente un réel enjeu de l'inclusion : qu’elle ne soit pas seulement de façade, donc une simple « tolérance » ou juste une « approche charitable, assurantielle ou philanthropique » qui apporte une réponse à un problème ponctuel et endogène (Weislo, E., 2012, p. 49), mais un fait réel accepté et envisagé dans la durée. Faute de quoi, la société se retrouvera vite à « destination » au sommet d’une « montagne inclusive » faite pourtant de pierres factices.

Pour ce faire, les principes inclusifs devraient se distinguer fondamentalement de ceux intégratifs : non une simple logique d’amélioration d’un ancien pour un nouveau système, mais une rupture radicale. L’inclusion n’est pas à penser comme « un simple

développement de l’intégration, un plus ou un mieux d’intégration » (Le Capitaine, J.-Y., 2013) mais plutôt comme une inversion de paradigme, c’est-à-dire une véritable révolution conceptuelle (ibid.). Cependant, il ne peut être nié les confusions qui règnent encore aussi bien en théorie (confusions terminologiques)60 qu’en pratique. Le Capitaine fait remarquer par exemple que « les quelques changements terminologiques que l’on peut observer dans des textes réglementaires n’ont pour autant modifié fondamentalement ni les organisations, ni les pratiques, ni les représentations » (Le Capitaine, J.-Y., 2013). Mme D. en vient même à remettre en cause la « loyauté » de ces changements ; pour elle, il ne s’agit ni plus ni moins qu’un effet de mode. « Vous savez, confie-t-elle, vous le savez aussi bien que moi, même mieux que moi, en sociologie comme en tout d’ailleurs, il y a des modes. Il y a des mots qui sont utilisés à un moment et puis on change de vocabulaire, bon est-ce que c’est vraiment important, je sais pas » (Mme D., Ent4_TP32_L5-8). Si de tels jugements peuvent paraitre « sévères » vis-à-vis des efforts inclusifs entamés, ils sont aussi un appel à dépasser les litiges définitionnels et conceptuels. A ce propos, le philosophe Comte-Sponville prévient qu’« on n'en sortira pas par de simples précautions de langage » (Comte-Sponville, A., 2007, p. 17). L’inclusion requiert une transformation totale de la société, son objectif étant la modification

60 Les différences ne sont pas souvent faites entre « intégration » et « inclusion » même quand les précautions

sont activées. Mr A. concernant les objectifs de la loi de 2005 dira qu’elle a un objectif collectif qui est

l’intégration (Mr A., Ent1_TP06_L2-3), et plus tard à propos des sourds, au même enquêté de soutenir qu’il

profonde des structures de base de la société (Weislo, E., 2012), alors, place non plus à la guerre terminologique, mais à l’action.

1.2. Les notions de compensation et d’accessibilité : pour plus d’autonomie